Émission Libre à vous ! diffusée mardi 24 janvier 2023 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes, bonjour à tous.
Scenari, une chaîne éditoriale libre pour approcher autrement la production de contenus et la collaboration, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « Le Libre et la sobriété énergétique » de Vincent Calame sur les low-tech, et aussi la chronique « Le libre fait ça comm’ » sur l’initiative Libre en Fête. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous ! , l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles, et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toutes questions.

Nous sommes mardi 24 janvier 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission, mon collègue Frédéric Couchet. Bonjour Fred.

Frédéric Couchet : Bonjour Isa. Belle émission à vous.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Le libre et la sobriété énergétique » de Vincent Calame, bénévole à l’April, sur les low-tech

Isabella Vanni : Vincent Calame, bénévole à l’April, est présent aujourd’hui au studio pour sa chronique « Le Libre et la sobriété énergétique », exploration de la contribution du Libre à un enjeu politique, social et environnemental.
Bonjour Vincent

Vincent Calame : Bonjour Isabella.

Isabella Vanni : J’ai noté que le thème que tu aborderas aujourd’hui est la low-tech. On est tout oreille.

Vincent Calame : Tout à fait. Je vous propose aujourd’hui de parler du concept de « low-tech » et je vais le faire à partir d’un ouvrage : le numéro 21 de la revue Passerelle, une revue éditée par Ritimo, paru en avril 2020, dont le titre est justement : « Low tech : face au tout-numérique, se réapproprier les technologies ». Précisons que cette revue est disponible en format papier au prix de dix euros ou librement téléchargeable aux formats PDF et EPub sur le site coredem.info, vous trouverez l’adresse exacte dans les références de cette émission.

Cette revue se présente sous la forme d’une sélection d’articles, parfois publiés par ailleurs, écrits par des personnes universitaires, militantes ou praticiennes ou les trois à la fois. Certains des noms sont sans doute déjà connus de nos auditrices et auditeurs, comme Philippe Borrel, le réalisateur du documentaire La bataille du Libre. Bref, avec cette sélection d’articles, ce numéro essaie de faire un panorama des réflexions et expérimentations sociales et politique autour de la question des low-tech.

Isabella Vanni : Mais alors de quoi parle-t-on, exactement, quand on parle de low-tech ? », pour reprendre une des phrases de l’introduction de la revue.

Vincent Calame : Même avec un faible niveau d’anglais, on voit le jeu de mot fait en opposition à « high-tech » qui fait partie du jargon promotionnel des nouvelles technologies depuis plusieurs décennies. La « basse technologie » est une réponse à la critique de la « haute technologie ». La revue ne cache pas que le terme « low-tech », introduit par l’ingénieur Philippe Bihouix dans son ouvrage L’Âge des low tech en 2014, fait débat. Elle retient comme définition « qu’est low-tech la technique qui est utile, durable et accessible, ou appropriable. » Les low-tech répondent à trois types d’enjeux qui constituent les trois parties du numéro : des enjeux sociaux, des enjeux environnementaux et des enjeux politiques.

Premier point de débat intéressant : la revue fait le choix assumé de s’intéresser aux low-tech dans le numérique. Cela peut sembler contradictoire d’accoler low-tech et numérique, car on pourrait justement réduire les low-tech à ce qui n’est pas numérique : par exemple le tourne-disque avec des 33 tours vinyle serait low-tech et le lecteur MP3 high-tech. Mais, comme le rappelle la revue, le numérique a un tel impact dans notre vie actuelle qu’ignorer le numérique serait réduire les low-tech à une seule niche. En outre, comme l’aborde un des articles à propos de la région de Cusco au Pérou, il faut se garder de tout romantisme « low-tech » : lorsque la « low-tech » est subie par manque de moyens de se doter d’outils plus efficaces, elle n’a rien de séduisant. Et n’oublions pas que la force des gadgets high-tech, au-delà de leur utilité intrinsèque, contestable mais souvent réelle, c’est que leur possession sert de marqueur social ; Apple l’a bien compris en croisant high-tech et codes de l’industrie du luxe.

Enfin, pour conclure ce premier point de débat, je reprendrai ici une phrase issue de l’introduction : « Penser la low-tech numérique permet de davantage problématiser notre rapport aux technologies dans un contexte où Internet joue d’ores et déjà un rôle absolument crucial. »

Isabella Vanni : Et qu’en est-il du Libre dans la revue ?

Vincent Calame : Il est présent, bien sûr, comme exemple dans plusieurs articles. Il y a la présentation du documentaire La bataille du Libre comme je l’ai indiqué en introduction, et, surtout, un article de Lionel Maurel intitulé « Low Tech, logiciels libres et Open Source : quelles synergies à développer ? ». Dans cet article, l’auteur nous titille un peu, nous autres militantes et militants du logiciel libre, en rappelant que des grandes entreprises, fleurons de l’high-tech, utilisent du logiciel libre et y contribuent, et que, suivant certains chiffres, 80 % de l’architecture d’Internet est constituée par des logiciels libres. Autrement dit, je cite l’auteur : « Le logiciel libre, qui mettait à l’origine en avant les enjeux d’émancipation liés à l’informatique, s’est peu à peu fondu dans la technostructure qui fait aujourd’hui peser un poids insoutenable au système Terre. »
L’auteur appelle ainsi le monde du logiciel libre à un sursaut et suggère que l’approche « low-tech » permettrait au logiciel libre – je cite encore – « de renouer avec sa philosophie originelle, diminuer sa dépendance aux grandes entreprises et mieux prendre en compte les enjeux écologiques. »
Comme piste, l’auteur cite CHATONS, le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, que nous connaissons bien à cette antenne. La décentralisation induite par ce collectif est typiquement une approche « low-tech ».
Enfin, il termine son article sur la question du modèle économique adapté et là c’est du côté de l’ESS, de l’Économie sociale et solidaire, qu’il se tourne.

Voilà pour aujourd’hui. Vous noterez que je n’ai pas une seule fois utilisé le terme « sobriété énergétique » qui est le thème principal de ma chronique, mais je pense qu’on comprendra que se réapproprier une technologie, ce qui est le sens profond du mouvement low-tech, c’est le meilleur moyen d’éviter l’emballement et un usage effréné de ressources qui se raréfient.
Qu’on se rassure, la sobriété reviendra en force dans ma prochaine chronique.

Isabella Vanni : Je suis rassurée. Merci Vincent, et je te donne rendez-vous au mois prochain.

Vincent Calame : Tout à fait.

Isabella Vanni : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale, comme annoncé, nous parlerons de la chaîne éditoriale libre Scenari. Nous allons maintenant écouter C’est du propre par Patatras. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : C’est du propre par Patatras.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter C’est du propre par Patatras, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Scenari, chaîne éditoriale libre, avec Jean-Sébastien Barboteu et Katia Quelennec, sujet animé par Laurent Costy

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte aujourd’hui sur Scenari, une chaîne éditoriale libre, pour approcher autrement la production de contenus et la collaboration. Ce sujet a été préparé par Laurent Costy, chargé de mission Éducation et Communs numériques aux CEMÉA, qui animera également l’échange avec nos deux personnes invitées : Jean-Sébastien Barboteu, chargé de mission et formateur académique à la Délégation académique au numérique éducatif du rectorat de Versailles, et Katia Quelennec, ingénieure pédagogique à la Direction d’appui à la Pédagogie et l’Innovation de l’Université de Lille, également vice-présidente de l’association Scenari.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
Je passe donc la parole à Laurent Costy qui animera ce sujet.

Laurent Costy : Merci beaucoup Isabella.
Je vais peut-être faire une petite introduction par rapport aux débuts de l’informatique, avec l’avènement de l’informatique personnelle dans les années 90 et l’arrivée dans les foyers et même dans le milieu professionnel du traitement de texte : l’utilisateur et l’utilisatrice ont été conditionnés à traiter en même temps du fond et de la forme lorsqu’il s’agissait de produire des contenus. Dans l’émission, il va s’agir de regarder comment penser autrement la production de contenus. Scenari et les chaînes éditoriales vont nous aider à appréhender une autre approche pour laquelle on va essayer de vous donner quelques avantages.
C’est pour cette raison qu’on a invité Katia Quelennec, elle va se présenter, elle va préciser ce qu’a dit Isabella, et Jean-Sébastien Barboteu qui va aussi affiner sa présentation. On rentrera évidemment dans ce que sont les chaînes éditoriales, ce qu’elles peuvent apporter et, finalement, un peu l’histoire de Scenari, une chaîne éditoriale qui commence à avoir un peu de recul.
Je vais passer la parole à Katia pour qu’elle puisse se présenter et après à Jean-Sébastien, pour qu’ils nous donnent rapidement leurs parcours par rapport à la question libriste en général, mais, évidemment, par rapport à la question des chaînes éditoriales.
Katia, est-ce que tu m’entends ?

Katia Quelennec : Bonjour. Est-ce que vous m’entendez ?

Laurent Costy : Très bien.

Katia Quelennec : Parfait. Je suis Katia Quelennec, ingénieure pédagogique dans l’enseignement supérieur depuis 2004 et utilisatrice de Scenari on va dire depuis qu’elle a été partagée, puisque, initialement, elle a été développée à l’UTC, l’Université de technologie de Compiègne. C’est bien de le préciser. Donc utilisatrice de Scenari on va dire depuis ses premiers jours, après sur des modèles concrets, des formations en ligne. Comme c’est un logiciel libre j’ai pu aussi intervenir et créer un nouveau modèle, donc m’approprier cet outil, on pourra y revenir plus tard s’il y a des questions là-dessus.
Au niveau de mes usages, j’accompagne les enseignants-chercheurs des universités, donc dans l’enseignement supérieur, à l’utilisation de ces outils-là, à leur prise en main. On développe aussi pas mal tout ce qui est jeux sérieux. On a créé un moteur de jeux sérieux pour simuler la professionnalisation de la formation ; on l’utilise en faculté de pharmacie à la fois à l’Université de Lille, de Nantes, de Bordeaux et aussi en médecine, en droit et à l’INSPÉ [Institut national supérieur du professorat et de l’éducation]. On utilise aussi Scenari pour tout ce qui est documentation logicielle, là on est plutôt sur des usages de formation et d’accompagnement des utilisateurs à l’usage du numérique.
En parallèle, je me suis aussi investie assez rapidement dans l’association Scenari qui regroupe les utilisateurs, une communauté d’utilisateurs de ce logiciel, pour pouvoir, justement, faire des retours d’expérience et faire évoluer cet outil. Donc un engagement depuis le début de sa création, en 2013, et après dans le bureau en tant que vice-présidente, puis présidente, vice-présidente... C’est quelque chose qui vit avec de nombreux acteurs.

Laurent Costy : Très bien. Merci pour cette première présentation, cette première approche. Je vais passer la parole à Jean-Sébastien Barboteu.

Jean-Sébastien Barboteu : Bonjour. Jean-Sébastien Barboteu, je suis chargé de mission ENT [Espace numérique de travail] à la Délégation académique au numérique éducatif.
Mon histoire avec le logiciel libre a commencé il y a très longtemps avec les débuts du Web et Spip, le système de publication pour l’Internet partagé, moteur de sites web. Avec le temps, les logiciels évoluent et nos centres d’intérêt évoluent. Dans le cadre de mes formations, j’ai été amené à essayer de concevoir des documents de formation, des supports de formation et des documents d’accompagnement pour des projets d’établissements scolaires. C’est comme cela que je suis arrivé au sujet de la chaîne éditoriale numérique pour essayer de trouver une façon simplifiée de produire des documents pour différents contextes. L’idée était de factoriser, d’éviter de devoir refaire x fois le même document dans différents formats.

Laurent Costy : C’est ce que détestent les informaticiens : refaire des choses qui ont déjà été faites ! Donc ça permet de répondre en partie à cette problématique-là.
On va essayer d’expliquer le plus clairement possible aux auditeurs et aux auditrices ce qu’est une chaîne éditoriale. Comment la définiriez-vous ? Je donne la parole à Katia dans un premier temps.

Katia Quelennec : Une chaîne éditoriale est un outil qui permet de se concentrer sur le document et non sur la forme. On va produire un document de formation, un document avec un objectif, un document pour faire une documentation, et après on peut en avoir plusieurs formes, par exemple une forme web, une forme dédiée à l’impression par exemple sous un format PDF ou ODT, un format dédié aux mobiles, etc., pour les liseuses par exemple. L’auteur va se concentrer sur le fond avec une intention, donc dire qu’un élément est important s’il est en gras, s’il est en rouge, on dit qu’il est important ; les éléments d’arborescence, on dit que c’est un lien. Après, par contre, la mise en forme est faite automatiquement et elle est cohérente de partout. Tous les éléments importants sont, par exemple, en gras et en bleu si c’est la charte graphique, et on écrit une seule fois pour avoir différents supports : j’écris une fois et j’ai mon diaporama, j’ai mon site web, j’ai mon PDF que je pourrai imprimer.

Laurent Costy : Merci. Jean-Sébastien est-ce que tu veux compléter un peu cette présentation ?

Jean-Sébastien Barboteu : Je pense que Katia a bien résumé l’enjeu : passer le moins de temps possible et pouvoir répondre à une diversité de situations.

Laurent Costy : Dans la préparation vous m’avez mis deux termes un peu barbares que sont WYSIWYG et WYSIWYM. Est-ce que vous pouvez expliquer un petit peu ces deux termes ? Jean-Sébastien.

Jean-Sébastien Barboteu : Dans notre culture du traitement de texte et de l’écrit, on a l’habitude de produire des documents dans des interfaces qui gèrent la forme et le fond. La signification de WYSIWYG est What You See Is What You Get. La différence que l’on peut avoir avec une chaîne éditoriale, c’est que la forme est séparée.

Laurent Costy : What You See Is What You Get, en français ça donne ?

Katia Quelennec : « Ce que vous voyez est ce que vous obtenez », en fait un aperçu en direct du rendu final, mais c’est possible quand il n’y a qu’un seul document final.

Laurent Costy : Tout à fait. Très bien. Merci. Donc le WYSIWYM du coup ?

Katia Quelennec : What You See Is What You Mean, « vous voyez ce que vous pensez ». Vous pensez que cet élément est important, mais vous ne savez pas exactement comment il sera mis en valeur.

Laurent Costy : Très bien, merci. Ça donne effectivement une bonne image de l’approche d’une chaîne éditoriale. C’est vrai que ça peut être un petit peu déroutant pour les gens qui ne connaissent que l’outil traitement de texte grand public on va dire, où, en fait, ils ont le résultat, la production finale constamment sous leurs yeux, avec des avantages et des inconvénients. Je me rappelle m’être battu avec les puces. Je ne comprenais pas, après avoir appuyé sur la touche « entrée », que la puce se décale à la ligne du dessus. Il y a évidemment, dans ces approches-là, aussi des inconvénients.
Je ne sais pas si on peut parler d’avantages sur la chaîne éditoriale. Quels sont les avantages, on en a déjà un petit peu parlé, par rapport à un traitement de texte classique ?

Katia Quelennec : J’apporte un premier élément de réponse, c’est clairement ce gain de temps. L’exemple de la puce ou de « où est-ce que je place l’image ? ; quand je prépare un diaporama, est-ce qu’il sera vraiment lisible selon la taille de police ? etc. » Tout ce temps est passé sur le fond. Si on ne maîtrise pas vraiment les styles avec les outils de bureautique : je vais vouloir mettre à jour tous mes titres et, si je n’ai pas utilisé les styles, je vais y passer beaucoup de temps. Là, dans les avantages, on a un gain de temps énorme. Veux-tu compléter sur les avantages avant qu’on aborde les inconvénients ?

Jean-Sébastien Barboteu : Sur ce point-là, si on se réfère à des pratiques de bureautique traditionnelles, en fait Scenari permet de s’affranchir du moteur de style de Word qui permet de gérer les contenus. Le style est géré par l’outil et il est produit de façon uniforme pour tous les contenus.

Laurent Costy : Encore faudrait-il qu’avec un traitement de texte on utilise les moteurs de style. Finalement, quand on regarde les usages de tout le monde au quotidien, très peu de personnes, je ne sais pas, au doigt mouillé je dirais 5 % des personnes utilisent les moteurs de style, donc savent effectivement mettre à jour directement l’ensemble de leurs titres. Dans la majeure partie des cas, on voit des gens qui font des copier-coller avec le pinceau, font un copier-coller du titre 1 sur le titre 2 pour le mettre en valeur. Du coup, quand ils doivent changer le style, ils font tout ça à la main. Là aussi, évidemment, quand on veut s’affranchir de ces problématiques de forme, la chaîne éditoriale peut être une bonne réponse.
On reviendra peut-être tout à l’heure un peu sur les limites, mais c’est vraiment une autre approche.
Vous m’aviez aussi spécifié dans la préparation de l’émission, que je trouve intéressant, c’est cette question du guidage de la structuration. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus par rapport à ça ? Katia.

Katia Quelennec : Comme on est sur un document qui a une structure, l’auteur est obligé de se plier à la structure. Je vais donner un exemple simple : vous prenez un outil de bureautique, vous n’êtes pas obligé de mettre un titre, si c’est un document sans titre, on s’en fiche. Alors que là, si c’est un document qui est formalisé avec un titre, des chapitres, donc des titres de chapitres, etc., vous serez obligé de remplir le titre, donc ça structure le document, ce qui est un avantage énorme tout simplement pour respecter les règles de l’accessibilité numérique. Il sera nécessaire d’avoir un document structuré pour qu’il soit accessible à tout type de personne, alors qu’un document de type bureautique ne contraint pas l’auteur à toutes ces règles-là.

Laurent Costy : D’accord. J’imagine que quand on prépare, par exemple, la documentation d’un logiciel et quand on prépare un cours en université, la structuration du logiciel au départ n’est pas la même. Comment fait-on ?

Katia Quelennec : Il y a des modèles différents. Selon le type de document qu’on veut faire, on va avoir un modèle qui est, quelque part, dédié par rapport à ce type de document.
Opale est le modèle de document dédié à la formation en ligne. On retrouve des grains continus, des activités d’apprentissage, des activités d’évaluation, qui sont tout à fait attendues pour concevoir une formation en ligne, à distance ou en présentiel enrichi.
Pour une documentation logicielle, on va voir des procédures, on va avoir des écrans descriptifs et Dokiel est le modèle tout à fait adapté pour produire de la documentation.

Laurent Costy : Si je comprends bien vous parlez de grains, c’est-à-dire qu’il y a des briques qui sont déjà préparées pour la structuration du document. Est-ce qu’on a une forme de souplesse par rapport à ces briques-là, pour construire son document, ou est-ce que c’est rigide et finalement on n’a pas d’autre choix que de suivre la structuration du squelette du document, on va dire ?

Katia Quelennec : Il y a une certaine liberté. Il y a des choses obligatoires, le titre, par exemple, est obligatoire. Après, sur la structure, le nombre de chapitres, la profondeur d’arborescence, tout cela est libre. On peut même le découper comme des briques de Lego. Par exemple, je peux aller réutiliser mon grain de contenu dans trois contenus différents. C’est un petit peu comme si j’avais un chapitre d’un document polycopié qui est commun sur trois années de formation différentes. Je le mets à jour une fois et, après, il le sera dans mes trois polycopiés parce qu’il est commun aux trois documents.

Laurent Costy : Quand on entend ça, j’imagine que ça peut effectivement tenter certains enseignants par rapport à la mise à jour de documents. On a là une pertinence de la chaîne éditoriale qui me semble intéressante pour l’enseignement, entre autres, mais aussi pour d’autres formes.

Merci déjà pour cet éclairage. Je pense qu’on y voit un petit peu plus clair sur ce qu’est la chaîne éditoriale. Je ne vous cache pas que j’ai expérimenté ça en milieu associatif il y a une dizaine d’années, je suis un petit peu en retard sur l’usage. À l’époque, c’était un petit peu rude en approche, mais je trouvais cette logique de pouvoir ne s’attacher qu’au fond extrêmement pertinente et générer très rapidement des formes différentes — un site web ou un document papier —, c’est une force que j’avais beaucoup appréciée dans Scenari. Encore une fois ça a évolué, on reviendra un peu sur les évolutions de Scenari tout à l’heure, en particulier une forme web, MyScenari, qui va être un peu explicitée. Je trouvais déjà qu’il y avait une approche extrêmement intéressante. Mon métier ce n’était pas de faire de la mise en forme, même si j’appréciais aussi de choisir mes couleurs, de choisir la couleur de mes titres, mais, à un moment donné, il faut que je dépasse ça pour aller vers ce qui est plutôt mon métier.
C’est ça qui peut, peut-être, bloquer parfois certaines personnes. Des gens sont attachés à voir la mise en forme en même temps, ils avancent sur le fond et la forme en même temps, mais, si on n’a pas de qualités sur ces questions-là, on perd potentiellement beaucoup de temps.

On va peut-être remonter un peu le temps, revenir sur l’histoire de Scenari, comment c’est né, comment ça a été créé. Si on peut parler de licence libre dans cette émission, j’en serais évidemment heureux, et parler de l’association, comment ça s’est structuré au fil du temps. Qui veut aborder l’histoire ? Katia.

Katia Quelennec : Scenari est issu d’un projet de recherche autour de la recherche documentaire. En 1999, projet à l’Université de technologie de Compiègne avec AXA Assurances qui devait créer des modules de formation e-learning. Il y a donc eu un travail d’ingénierie documentaire sur cette question des supports pédagogiques. Ils ont fait un prototype avec une chaîne XML, je rentrerai un peu plus dans les détails au niveau technique. D’autres acteurs ont été intéressés pour utiliser cet outil. À force qu’il y ait de plus en plus d’acteurs et de collaboration, l’Université de technologie de Compiègne n’est pas un prestataire de services, donc on a créé une entreprise pour pouvoir développer cet outil. Il me semble que le choix du Libre a été fait dès le début.
En 2004, il y a eu la création de la coopérative Kelis qui était la société éditrice des principaux modèles et du cœur de Scenari, qui est toujours la société qui développe le cœur de Scenari.
En 2005, libération du code.
À partir de là, une communauté d’utilisateurs a commencé à se créer, à faire des retours d’usage, à s’approprier l’outil. Je citais tout à l’heure mon exemple : en 2008, on a créé Topaze, une autre chaîne éditoriale qui permet de faire « des livres dont vous êtes les héros », quelque part, donc des parcours non-linéaires. On a repris les briques d’Opale, mais on les a organisées autrement. Par contre, l’entreprise Kelis a principalement des clients, elle n’est pas animateur de communauté, et on s’est dit qu’il manquait un élément autour de cette chaîne éditoriale libre, c’est-à-dire avoir un acteur qui puisse animer cette communauté, faire du lien, et c’est là qu’il y a eu les premières réflexions pour la création d’une association.
Il y a eu un grand évènement pour les dix ans de la chaîne éditoriale, pour réunir un peu tous les acteurs. L’idée a continué à avancer. En 2013, on a créé l’association Scenari lors des Rencontres 2013. On a créé un évènement, une fois par an, pour réunir toute la communauté, discuter des évolutions, faire des retours d’expérience, discuter de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas. Ce qui fait toute la richesse d’un logiciel libre c’est justement que tout le monde puisse prendre part à son évolution et imaginer les solutions de demain.
Cette association a aujourd’hui un bureau composé de gens vraiment originaires de différents types d’institutions ; il y a du privé, il y a du public. On a des adhérents qui viennent aussi de partout. J’ai regardé les chiffres : l’année dernière on avait 151 personnes physiques donc des gens uniques, 59 personnes morales, donc là des universités, des entreprises, 11 prestataires et 2 concepteurs ; les concepteurs sont ceux qui créent des modèles.
Cette association est là pour créer du lien, remonter aussi des besoins. C’est là où, par exemple, il y avait un besoin d’accompagnement sur l’utilisation, ce que tu disais tout à l’heure, « il y a dix ans, quand je l’ai utilisée, c’était quand même un peu dur à prendre en main ». C’est comme ça qu’est née l’idée de proposer MyScenari, c’est-à-dire qu’on adhère à l’association et on peut bénéficier d’un service avec Scenari en ligne, un serveur web qui permet de publier le site web associé. Pour les associations, c’est vraiment très agréable, aussi pour les lycées qui n’ont pas toujours des services informatiques dédiés pour accompagner sur les outils numériques.
On propose aussi cet évènement annuel, les Rencontres Scenari, pour pouvoir réunir la communauté, des forums d’échange et, surtout, on a deux salariés ce qui permet d’animer cette communauté, Loïc Alejandro qui est notre directeur, qui met vraiment beaucoup de dynamisme dans notre association, et Quentin Duchemin, notre administrateur-système.

Laurent Costy : D’ailleurs Loïc nous a beaucoup aidés à préparer l’émission et je le remercie au passage.
Très bien. Merci pour ces éclairages par rapport à l’association. C’est effectivement une communauté qui est née en 2013 et qui vit : j’ai entendu 150 adhérents personnes physiques et 59 adhérents personnes morales. Du coup ça s’étoffe et ça permet d’améliorer le logiciel.
On a évoqué la libération du code en 2005. Quelles sont la ou les licences qui sont utilisées, attachées à Scenari ? Et aussi, comment s’articulent les licences vis-à-vis des modèles qui sont proposés ? On disait tout à l’heure que les modèles sont finalement différents squelettes qui permettent de produire des choses déjà un peu ciblées, soit des productions de cours, soit des livres dont vous êtes le héros pour Topaze, qu’on évoquait tout à l’heure, Dokiel plutôt pour la production de documentation logicielle. Comment s’articule la question des licences avec tout ça ? Jean-Sébastien semble moins à l’aise sur ces questions-là, je t’en prie Katia.

Katia Quelennec : Je ne vais pas être hyper à l’aise non plus. Ce que je sais c’est qu’il y a quatre licences principales qui sont proposées : MPL 1.1, GPL 2.0, LGPL 2.1, CeCILL 2.0 pour les modèles qui sont diffusés librement. Après, effectivement, certains modèles ont été produits et dédiés de façon spécifique, par exemple dans le cadre de prestations proposées par Kelis. Nous aussi nous avons fait une déclinaison d’un des modèles qu’on n’utilise qu’en interne à l’Université de Lille, mais pour lequel on ne se sent pas d’assurer un support. Quand on est dans le Libre, ça veut dire aussi que, derrière, on documente tout, correctement, etc. On va dire qu’il y a les deux types d’usages autour de Scenari ; par contre le cœur, lui, est complètement libre.

Laurent Costy : D’accord. Donc il peut y avoir des modèles qui ne sont pas, pour l’instant, sous licence libre et tu expliques que c’est parce qu’il y a une conscience de vouloir accompagner et, si ce n’est pas structuré pour accompagner, on préfère ne pas mettre en licence libre pour cette raison, ce que j’entends.
Très bien. Merci beaucoup pour ces éclairages, encore une fois.
Est-ce qu’on a des exemples qui pourraient illustrer un peu Scenari et ses usages ? On a des noms d’entreprises. Je précise tout de suite que dans le pad de l’émission on a mis quelques liens de sites qui ont été produits avec des modèles Scenari, où vous pourrez les retrouver, ça vous donnera un aperçu de ce que ça peut donner. Est-ce qu’on a d’autres exemples d’usages à préciser ?

Jean-Sébastien Barboteu : Peut-être dans le prolongement de Kelis, prestataire de services, le réseau Canopé, une agence publique de l’Éducation nationale qui a pour vocation à former, à produire des documents d’accompagnement, a commandé à Kelis un modèle documentaire adapté au second degré. On peut l’utiliser également dans le premier degré mais plutôt avec les CM1/CM2. En fait, c’est une déclinaison d’un modèle documentaire adapté à l’enseignement du second degré, qui intègre beaucoup d’éléments didactiques utilisés au second degré. Cette offre de service est gratuite pour tous les enseignants de France. Et vous avez une offre de service d’hébergement des contenus sur un espace dans les nuages avec une version marque blanche de MyScenari et puis une version logicielle qui est maintenant proposée en deux versions : une version simplifiée qui permet de s’approprier la chaîne éditoriale de façon simple, avec peu de fonctionnalités, et une version experte sur laquelle on retrouve tous les éléments de conception qu’on utilise dans les autres modèles documentaires de Scenari, que ce soit Opale ou Dokiel. C’est un service qui est accompagné par le réseau Canopé et les ateliers du réseau Canopé. Il y a donc une offre de formation sur tout le territoire national, autour d’une version d’un modèle documentaire portée par une agence de l’État.
Je sais, de mémoire, qu’on a utilisé le modèle Dokiel pour faire de la documentation pour service-public.fr, Katia pourra le confirmer.
Quand je suis arrivé dans les années 2015/2016, j’ai vu que Scenari était surtout un outil utilisé dans l’enseignement supérieur et l’entrée de Scenari dans le secondaire a mis beaucoup de temps, parce qu’on a besoin d’un certain niveau d’abstraction. C’est quelque chose qui évolue beaucoup, maintenant, dans l’enseignement du second degré puisqu’on fait de la formation hybride et, par le biais de la formation hybride, on incite les enseignants, les formateurs, à expliciter un certain nombre de choses et, quand on a explicité ses contenus, ses scénarios, c’est beaucoup plus facile pour remplir les cases dans Scenari. En tout cas, c’est comme ça que je suis rentré dans cette solution-là.

Laurent Costy : D’accord. C’est donc en train de se développer un peu dans le secondaire, c’est plutôt intéressant.
J’ai fait une petite erreur tout à l’heure, je vous ai dit « dans le pad de l’émission » , je parle bien de la page de l’émission, vous aurez compris, je me permets de corriger.
Du coup, puisqu’on parle de formation à distance, quelle est la place de Scenari par rapport à d’autres objets que sont, par exemple, Moodle, SCORM ? Est-ce que vous pouvez situer un peu tous ces termes-là pour les gens qui ne connaissent pas trop, les gens qui ont déjà entendu ces termes et qui voudraient essayer de comprendre un peu comment s’articule tout ça : Scenari, SCORM, Moodle.

Katia Quelennec : Moodle est un LMS, un Learning Management System, c’est une plateforme de formation qui permet de donner accès à un contenu à des gens. Ça permet de dire « ma cohorte d’étudiants peut accéder à tel ou tel document ». Les documents qui sont déposés sur Moodle sont souvent des PDF, en tout cas sur une utilisation de base ; après, à l’intérieur, on peut créer des quiz, des choses comme ça, mais on va souvent utiliser des outils pour créer des contenus et Scenari est seulement un outil parmi tant d’autres pour créer du contenu.
SCORM est un format pour les documents de type e-learning, de formation en ligne, qui permet de pouvoir tracer le parcours de l’apprenant dans son module de formation, donc, comme on le disait tout à l’heure, Scenari permet de créer différents formats, donc permet de créer le bon format SCORM et d’avoir ainsi des remontées sur le parcours de l’apprenant dans son module de formation.

Laurent Costy : Tous ces outils-là sont donc complémentaires. C’est plutôt Moodle, quand on fait de la formation à distance, qui est un peu, je dirais, la plateforme de base ; Scenari permet de créer des contenus ; SCORM est un outil qui permet de suivre l’évolution des personnes formées.

Katia Quelennec : SCORM est une norme, c’est un format ; ça peut être un format PDF ou un format SCORM.

Laurent Costy : C’est un format. OK, ça m’éclaire.

Katia Quelennec : Tous ces outils sont effectivement complémentaires et s’interfacent les uns avec les autres. À chaque montée de version, il faut des fois recaler pour que la cohérence soit bonne entre les outils. À l’Université de Lille, nous sommes de gros utilisateurs de Moodle pour donner accès aux contenus, à certaines composantes de Scenari pour pouvoir produire les contenus et, pour la gestion de la vidéo par exemple, on utilise Pod qui est un outil de gestion de vidéo. Donc à chaque outil sa spécialité.

Laurent Costy : Très bien. Du coup je n’ai pas posé la question : combien y a-t-il actuellement de modèles de Scenari qui sont proposés ?, grosso modo, on n’a pas besoin du chiffre exact. Peut-être que ça peut être intéressant, juste avant la pause, de présenter les principaux et leurs fonctionnalités, les raisons pour lesquelles ils ont été développés. J’essaye de résumer : on a évoqué Topaze qui permet de faire des livres dont vous êtes le héros par exemple, pour être très concret, ça va parler aux gens ; on a dit que Dokiel c’est plutôt pour de la documentation.

Katia Quelennec : Topaze pour la formation en ligne. On a d’autres modèles dédiés à la formation, on a des outils qui permettent plutôt de faire des exercices, Rubis est dédié à cela ; il y a un modèle dédié pour les glossaires ; on avait un modèle dédié pour l’analyse des processus qui s’appelait Process, je dis s’appelait, je ne sais pas s’il est encore maintenu.

Jean-Sébastien Barboteu : Il a été mis à jour. Il fait partie de ceux qui sont encore maintenus. Je prends le relais parce que, en même temps, je regarde sur le site.
On a un modèle documentaire qui a été développé par un enseignant de technologie-collège qui s’appelle Technopale ; on a un nouveau modèle documentaire qui est utilisé dans la recherche, qui s’appelle Idkey, qui est sorti il n’y a pas longtemps, qui permet d’indexer, qui est utilisé en sciences et vie de la Terre pour construire des arbres de classement d’espèces, par exemple ; il y a le modèle Canoprof qui a été développé pour le second degré.

Katia Quelennec : Dans les plus connus, il y a aussi Optim. Comme il n’était pas dédié à un type, il sert plutôt pour faire des documents un peu génériques et c’est celui qui serait, par exemple, le plus utilisé pour créer le site web d’une association ; il n’est pas dédié à un contenu métier.

Laurent Costy : C’est sans doute celui par lequel il faut commencer si on veut appréhender un peu la puissance de Scenari ?

Katia Quelennec : Pour faire quelque chose d’assez général, un site web de présentation d’une petite entreprise ou d’une association, Optim est tout à fait adapté.

Laurent Costy : Une bonne entrée en matière.

Jean-Sébastien Barboteu : On a également utilisé un modèle documentaire qui s’appelle Webmedia, qui permet de faire de la vidéo enrichie, on peut augmenter des vidéos. Nous nous en sommes servis : plutôt que de faire le simple enregistrement d’un séminaire, on a augmenté le séminaire. Webmedia permet de faire de la post-production sans forcément utiliser un outil vidéo. On fait de la post-production multimédia : dans le flux vidéo qui est proposé dans Webmedia, on peut rajouter des captures d’écran, mettre des liens hypertextes, proposer des interactions, en fait augmenter le contenu qui est proposé. Dans sa forme, il se présente comme un logiciel de vidéo, comme OpenShot, un logiciel libre qui permet de faire du montage vidéo. En fait, vous avez un outil avec un système de timeline, on coupe un petit morceau et puis on introduit des contenus à l’intérieur. Ce sont des choses que l’on peut faire aussi dans Pod, on a parlé de Pod, ce sont des choses qu’on fait maintenant généralement en post-production. J’ai bien aimé cet outil-là parce qu’il permet de naviguer dans la vidéo. La vidéo qui est produite intègre un fil rouge, on peut aller picorer de façon dynamique dans le plan. On vous mettra quelques-unes de nos productions, vous verrez l’intérêt.

Laurent Costy : On essaiera d’ajouter le lien dans la page de l’émission.
Finalement une grande diversité de modèles pour répondre, justement, à des besoins et éviter de se prendre la tête sur la forme. Je pense que ça montre bien la diversité et, finalement, la maturité de Scenari, la base du départ.
On va en rester là pour l’instant, on va faire une petite pause musicale. Je repasse la parole à Isabella.

Isabella Vanni : Merci Laurent. Nous allons écouter un morceau de musique pour notre pause. Il s’agit de Pentru Bani par SolOrkestar. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Pentru Bani par SolOrkestar.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Pentru Bani par SolOrkestar, disponible sous licence libre Art Libre. Ce que nous venons d’écouter est un extrait d’une vidéo qui dure six minutes, c’est un vrai petit film. Vous avez la référence sur la page consacrée à l’émission, si vous êtes curieux, donc libreavous.org/166.

[Jingle]

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre notre discussion.
Je suis Isabella Vanni de l’April. Laurent Costy, chargé de mission Éducation et Communs numériques aux CEMÉA, anime un sujet consacré à la chaîne éditoriale libre Scenari avec ses deux personnes invitées : Jean-Sébastien Barboteu, chargé de mission et formateur académique à la Délégation académique au numérique éducatif au rectorat de Versailles, et Katia Quelennec, ingénieure pédagogique à la Direction d’appui à la Pédagogie et l’Innovation de l’Université de Lille, également vice-présidente de l’association Scenari.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ». Laurent.

Laurent Costy : Merci Isabella.
Dans la première partie de l’émission on a essayé d’expliquer ce qu’est une chaîne éditoriale. Je pense qu’on a éclairé un peu les gens qui ne connaîtraient pas ce concept. On a essayé de montrer un peu les avantages que pouvait avoir une chaîne éditoriale par rapport à des traitements de texte comme on les connaît en général au quotidien.
Dans la deuxième partie de l’émission, on va peut-être s’intéresser à la question de la technicité, les limites d’une chaîne éditoriale. On va aussi échanger sur des exemples un peu concrets pour illustrer, justement, l’usage qu’on peut avoir d’une chaîne éditoriale.
Par rapport à la question de la technicité, de la formation : si on devait se mettre à la place d’une association, quelles compétences faut-il pour pouvoir utiliser Scenari ? Qui veut répondre ? Jean-Sébastien.

Jean-Sébastien Barboteu : Des compétences pour utiliser Scenari, ça dépend d’où on part, c’est toujours le même sujet. On a souvent des habiletés à utiliser certains outils et on ignore souvent les compétences qui sont réellement associées. Je dirais que si on a déjà publié sur Internet, sur des sites web, écrit sur des forums, des choses comme ça, l’essentiel est déjà fait, le reste est dans la structure.

Laurent Costy : Très bien. À quels besoins, au pluriel j’imagine, Scenari peut-elle répondre pour une association ?

Jean-Sébastien Barboteu : J’ai au moins un exemple en tête pour un association, l’association SambaÉdu qui utilise le moteur Optim pour générer son site web. Toute la communication et toute la documentation associées au projet sont publiées dans un mini site web qui est généré par Scenari Optim ; toute la documentation du logiciel est faite avec le modèle documentaire Dokiel et les deux s’emboîtent tout naturellement. Quand on navigue à l’intérieur on ne voit rien, c’est totalement transparent.

Laurent Costy : Totalement transparent. Donc ils ont écrit une fois une documentation et ils peuvent la projeter sur un site internet puis imprimer un PDF.

Jean-Sébastien Barboteu : L’idée c’est d’avoir plusieurs formats de sortie. En fait ils ont un format de consultation qui est en ligne, qui est souvent la dernière version qui a été composée, mise à jour. Après, des versions PDF sont proposées, qui sont des instants t de la documentation ; les instants t c’est souvent la dernière version installée.

Laurent Costy : Merci. Je peux peut-être illustrer de manière complémentaire avec ce qu’on avait fait il y a dix ans à la Fédération régionale des MJC. On avait demandé une structuration pour pouvoir interpeller chaque MJC du réseau de Bourgogne-Franche-Comté à présenter le projet phare de leur année. On avait le titre du projet, on avait l’objectif, en quelques lignes, du projet, une description et une image liée au projet. On leur donnait ce canevas-là, dans Scenari, et elles n’avaient plus qu’à nourrir vraiment en termes de matière le canevas qui avait été préparé. Du coup on a pu produire, après, un site web avec la présentation de tous les projets et un document papier et effectivemnet faire imprimer un document papier qui correspondait à ce besoin-là.

Jean-Sébastien Barboteu : En déclinaison, pour rebondir un peu sur votre exemple, on a des enseignants qui utilisent le modèle Optim pour les rapports de stage de troisième. L’enseignant produit une structure de rapport, les élèves ont la structure du document, la complètent et tout le monde produit le même document. Ce sont des choses qui sont également possibles.

Laurent Costy : Du coup, qu’en pensent les étudiants quand ils doivent utiliser cet outil et comment se l’approprient-ils ? On va poser la question à Katia.

Katia Quelennec : Les étudiants utilisent peu Scenari, ils utilisent plutôt les ressources produites avec Scenari, Jean-Sébastien pourra mieux répondre. Je peux compléter après sur la partie collaboration.

Jean-Sébastien Barboteu : L’exemple de produit avec Optim est en fait un des rares exemples que j’ai dans ce qu’on fait. Nous aussi, dans l’éducation, consommons des contenus produits avec Scenari, que ce soit des contenus déposés sur la plateforme M@gistère, qui est le Moodle pour les enseignants, ou que ce soit la plateforme Éléa qui est le Moodle pour les élèves, on produit des contenus et, en fait, on met le résultat du travail de conception. C’est peut-être ce qui différencie beaucoup Scenari d’autres outils : on a un côté auteur et un côté utilisateur et c’est souvent ce qui déstabilise les collègues. Ils ont souvent l’habitude d’avoir le résultat en temps réel devant eux. Or, dans une chaîne éditoriale, quand on produit un contenu de formation, quand on fait une formation, on n’a pas de vue globale en fait. On a l’architecture et on n’a le résultat que quand on a appuyé sur le bouton.

Laurent Costy : Merci pour cet éclairage.
Je voulais poser la question pour savoir s’il y avait des formations à Scenari. Tu en as évoqué une pour Canoprof tout à l’heure. Mais, de manière générale, si quelques membres d’une association veulent se former à Scenari, à qui faut-il s’adresser ? Au début on a évoqué Kelis, la structure qui a porté au départ Scenari. Est-ce qu’il y a d’autres voies pour se former ? Je ne vous cache pas que je pose la question de manière intéressée. Je m’étais inscrit à une formation et, après, j’ai compris qu’il fallait beaucoup plus de personnes inscrites pour pouvoir maintenir la formation, du coup j’ai été un peu déçu, je n’ai pas pu tenir la formation dans un premier temps. Évidemment je vais continuer, je vais persévérer, mais, du coup, je suis intéressé par votre éclairage.

Katia Quelennec : Il y a plusieurs solutions pour se former à Scenari. Kelis est effectivement l’éditeur principal, mais il y a d’autres prestataires qui peuvent former à Scenari. Sur le site de l’association, scenari.org, on a une page avec tous les prestataires qui présentent ce qu’ils proposent.
Il y a aussi pas mal de ressources libres qui sont toutes listées dans une page dédiée, tous les tutoriels qui ont été produits par rapport à Scenari : selon les modèles, selon s’il y a beaucoup d’utilisation ou pas, il y a plus de formations qui sont proposées. Et, pendant les Rencontres Scenari, c’est un moment où il y a souvent des ateliers pour découvrir, prendre en main certains modèles et échanger avec d’autres utilisateurs ; c’est un très bon moyen de se former et de découvrir. On a beaucoup de gens qui débutent Scenari lors des Rencontres Scenari qui ont lieu chaque année.

Laurent Costy : Peut-être pouvez-vous nous parler un peu plus longuement de ce que sont les Rencontres Scenari ?

Katia Quelennec : Les Rencontres Scenari sont un évènement annuel qui réunit la communauté et ceux qui veulent découvrir, qui se passe en plusieurs temps. Généralement il y a une journée avec des ateliers à ces formations sur les principaux modèles, découverte des prochains Scenari, donc on voit en avant-première les prochaines interfaces, les prochaines fonctionnalités qui sont mises à disposition de la communauté. Et après des temps de retours d’expériences, d’échanges plus ou moins techniques, plus ou moins pédagogiques. On a aussi chaque année un temps de conférence sur différents sujets. L’année dernière, en 2022, on a eu une conférence sur les low-tech, très intéressante, qui rejoignait l’introduction de l’émission d’aujourd’hui.

Laurent Costy : De Vincent Calame, tout à fait.

Isabella Vanni : Je voulais rebondir, si possible, sur les Rencontres Scenari. Je m’intéresse à la vie associative et aux évènements déjà dans le cadre de l’April. Si j’ai bien compris c’est ouvert à tout le monde, pas qu’aux membres de l’association. Est-ce que vous savez déjà quand se tiendront les prochaines rencontres et où ?

Katia Quelennec : Oui. Ce sera à Paris, en juin, je vérifie pour la date.

Isabella Vanni : C’est intéressant. Ça peut intéresser nos auditeurs et auditrices franciliens et franciliennes.

Katia Quelennec : C’est aussi possible d’assister en ligne, sauf pour les ateliers de prise en main, c’est moins adapté, c’est aussi moins intéressant. Normalement les Rencontres Scenari auront lieu les 15 et 16 juin au CNAM, à Paris, cette année. Si vous allez sur le site web de l’association, vous pouvez retrouver les présentations des années précédentes. Vous retrouvez Jean-Sébastien et moi sur nos différentes activités et ça permet aussi de découvrir comment on utilise les autres Scenari.

Laurent Costy : Depuis quand ces rencontres ont-elles lieu ?

Katia Quelennec : Depuis 2013. On a eu une petite interruption sur la partie en présentiel. Mais, même pendant la pandémie, nous nous sommes retrouvés en ligne chaque année. Il y a, on va dire, un format petite rencontre sur une journée, une année sur deux, et un format sur trois jours, une année sur deux, où on prend plus de temps.

Laurent Costy : Ça intéressera sans doute quelques auditeurs et auditrices que ces rencontres. Merci pour ces précisions.
Je voulais revenir sur la question de la forme et du fond. Est-ce que, finalement, ça a une limite, de vouloir séparer le fond de la forme ? Est-ce que c’est difficile, parfois, et quelle est la difficulté avec cette limite, s’il y en a une ?

Katia Quelennec : Pour des auteurs qui ont l’habitude de vraiment pouvoir tout personnaliser, il faut faire un peu un deuil de « je maîtrise la forme », mais je trouve que ça a un gros avantage, par exemple quand on est dans une institution et qu’on veut avoir quelque chose de cohérent. Je prends l’exemple de l’Université de Lille : on a pu travailler avec notre service infographique qui a proposé une charte graphique très belle, qui est accessible avec un mode pour les dyslexiques, une intégration très poussée. Ça permet d’avoir un univers vraiment à nous.
Après, c’est vrai que dans certains cas, sur des projets spécifiques avec plusieurs partenaires, on veut donner une identité graphique et ça demande certaines compétences informatiques ou de faire appel à un prestataire ; on fait régulièrement appel à des prestataires pour un coût tout à fait raisonnable pour créer un univers graphique dédié. On ne voit plus que c’est un module Scenari, mais on voit une mise en forme dédiée pour un univers précis.

Laurent Costy : Et une fois que c’est fait, après, effectivement, on n’a plus du tout à se poser la question de la forme.
Il y a une dizaine d’années, je me souviens que j’avais été un peu limité par ça parce que j’avais ce travers, finalement quelque part, de vouloir en même temps avoir le fond et la forme. Je crois qu’il y a un module qui est né, qui s’appelle Scenaristyler, qui permet justement de faire un premier paramétrage, de sortir vraiment du modèle basique présenté, et qui permet déjà de faire des aménagements très satisfaisants pour pouvoir avancer après essentiellement sur le fond. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ça ?

Katia Quelennec : C’est vrai que sur la dernière version de Scenari, Scenaristyler permet d’aller faire quelques adaptations, alors minimes, mais ça permet un peu de dépasser de cette frustration de dire « je ne peux rien changer » ; maintenant on peut aller changer quelques éléments. J’avoue que j’ai peu testé, mais j’ai vu que cette nouvelle version, Scenaristyler, avait reçu un très bon accueil aux dernières Rencontres Scenari. Je suis sûre que ça sera un succès et, à mon avis, on discutera pas mal sur les retours d’usages de ceux qui se la sont appropriée.

Jean-Sébastien Barboteu : Pour compléter, dans mes chantiers je dois faire une maquette pour le rectorat, donc je me suis un peu penché sur ce nouvel outil. Contrairement à l’ancienne mouture, on a trois façons de rentrer dans la personnalisation de l’apparence des contenus produits, que ce soit les PDF ou les minis sites web. On a un mode ultra-simple sur lequel on peut, avec un assistant, jouer sur les couleurs. On a un mode un peu plus évolué dans lequel on va vous proposer des mécanismes un peu plus avancés. Après on a le mode expert qui correspond, en fait, à ce qu’on faisait avant.
Si on a déjà conçu des sites web, ce sont des compétences liées à la création de contenus sur Internet. Si on sait ce que veut dire une feuille de style, si on sait ce que veut dire JavaScript, on a quasiment toutes les compétences pour pouvoir arriver à ses fins. Il faut juste un peu de temps pour rentrer dans le modèle documentaire qu’on veut personnaliser. Comme chaque modèle documentaire a une structure XML, a fait une structure, une architecture différente, il faut s’approprier un peu tous les petits codes qui traînent, mais n’importe quel développeur de pages web est capable, à mon avis, de personnaliser.

Laurent Costy : D’accord. Je trouve que c’est intéressant justement pour éviter de frustrer les gens qui avaient déjà une petite sensibilité, ça va leur permettre de faire des petites modifications, tout en sachant que la finalité c’est quand même de finaliser vraiment le travail sur le fond. Je reste convaincu que c’est une approche extrêmement intéressante pour éviter de mélanger les compétences : mettre en forme ce n’est pas la même compétence que produire du fond, ce ne sont pas les mêmes métiers. C’est important de remettre sur le devant de la scène cette séparation des compétences. Dans certaines associations on a vite éludé la question du secrétariat ou la compétence de mettre en forme, mais, encore une fois, ce sont bien deux métiers différents. On a parlé des limites, des modèles.

Katia Quelennec : J’aurais voulu revenir sur la collaboration, si je peux compléter par rapport à ce qu’on avait commencé à dire tout à l’heure.
C’est une chaîne éditoriale, il en existe d’autres, mais je trouve que son point fort est vraiment sur la partie collaborative. J’ai un projet de rédaction de la documentation de Moodle qui a démarré, parce que, dans les universités, on accompagne les utilisateurs, certaines ont des tutoriels vraiment pour chaque activité, d’autres ont un énorme guide qui explique tout, sauf que pratiquement toutes les universités, en France, utilisent Moodle, donc chacune a rédigé sa documentation dans son coin. On a monté un projet de rédaction commune de cette documentation. On a utilisé Scenari avec un atelier Dokiel, le modèle qui permet de faire les documentations informatiques, sauf qu’on avait besoin d’adapter pour chacun : on a besoin de mettre des captures d’écran, on n’a pas les mêmes logos, pas les mêmes chartes graphiques. Donc ça permet de découper, chacun participe à l’édifice global, et de pouvoir dériver on va dire les ateliers, de pouvoir personnaliser certains éléments pour qu’on ait chacun sa documentation un peu spécifique quand elle a besoin d’être spécifique. On peut même aller préciser certains termes. Par exemple, certains ont des étudiants, d’autres ont des auditeurs, d’autres ont des élèves ; on peut mettre des variables et là, on met automatiquement le bon mot selon le contexte.
Ce point de vue collaboration est très fort. Il est aussi possible de mettre des workflows de validation pour savoir si une partie du document a été relue, validée ; il y a un système de commentaires. C’est vraiment un point fort qui est très riche et très intéressant, je pense, dans l’outil Scenari.

Laurent Costy : De mémoire, il y a une dizaine d’années, la mise en place d’un serveur, pour collaborer justement avec l’outil Scenari, me semblait un peu complexe. Ça veut dire que ça a beaucoup évolué. Est-ce que c’est une conséquence de MyScenari qu’on évoquait tout à l’heure ?

Katia Quelennec : Tout à fait. C’est vraiment là où l’association a rendu, je pense, un énorme service à la communauté. Avant il fallait pouvoir installer un serveur Scenari, il fallait des ingénieurs systèmes qui allaient mettre à disposition un serveur et tout le monde n’avait pas la possibilité de faire ça. Alors qu’aujourd’hui, avec Mycenari, on peut bénéficier de toutes les fonctionnalités d’un serveur Scenari sans avoir à l’installer, juste en adhérant à l’association. Je crois que pour les personnes physiques l’adhésion est de 15 euros, ce qui est tout à faire raisonnable, et après on peut bénéficier de toutes les options de collaboration, donner aussi des droits différents de lecteur, d’auteur et pouvoir, justement, travailler en collaboration beaucoup plus facilement.

Laurent Costy : On se retrouve typiquement dans un CMS comme WorkPress, un content management system, qui serait partagé avec l’ensemble ou avec quelques-uns des membres de l’association, qui pourraient, finalement, mettre à jour le site internet de l’association en direct. On a désormais cette capacité avec MyScenari d’être très réactifs et surtout de partager la rédaction des contenus. C’est extrêmement intéressant.

Katia Quelennec : C’est aussi une grande évolution par rapport à il y a dix ans, ce que tu disais. Avant on était obligé de passer par l’éditeur, un éditeur qui, je crois, a été conçu il y a 20 ans, qui nécessitait une certaine prise en main, alors que maintenant l’éditeur qui est web est beaucoup plus intuitif, beaucoup plus facile de prise en main. Je le vois, je forme sur Scenari depuis 15 ans et les formations que je donne aujourd’hui par rapport à celles d’il y a dix ans ne sont plus les mêmes. En plus, il y a un mode d’édition où on ne travaille pas du tout sur la structure, on est directement sur le rendu final, on appuie sur un petit crayon et hop !, on peut aller modifier une partie du texte. On peut même avoir deux modalités d’édition.

Laurent Costy : Extrêmement intéressant. Jean-Sébastien, as-tu des choses à ajouter par rapport à MyScenari ? Est-ce que tu le pratiques ?

Jean-Sébastien Barboteu : Je ne pratique que MyScenari, je fais tout dans mon navigateur internet. C’est ce qui a permis de lever beaucoup de freins. En fait, dans l’éducation, on n’est pas forcément administrateur de son ordinateur, on n’a pas forcément le droit d’installer des logiciels ; l’arrivée de MyScenari a permis de débloquer cette situation-là et a permis quelques collaborations. Après, il faut que les collègues aient un même centre d’intérêt que nous ; quand on travaille une documentation, généralement on vient me voir et on construit dans MyScenari.

Laurent Costy : On parlait de formation, Canoprof par exemple : comment les profs connaissent-ils Scenari et comment viennent-ils à la formation ? Y en a-t-il beaucoup ? Comment connaissent-ils Scenari ?

Jean-Sébastien Barboteu : C’est essentiellement de la communication qui est faite par le réseau Canopé ou par nos experts pédagogiques. Dans l’académie, nous avons des groupes d’experts pédagogiques, puisque chaque discipline a son groupe d’experts, on a donc quelques groupes d’experts qui ont investi ce sujet-là. Dans leur mission de production de contenus, ils partagent ce qu’ils ont fait. Je vous mettrai en lien, dans la page de l’émission, une ou deux productions faites par des collègues en sciences de la vie et de la Terre : une collègue a utilisé l’outil pendant le confinement et ça l’a bien sauvée pour les élèves déconnectés. En fait, elle avait produit un document qui pouvait être utilisé dans Éléa pour ceux qui avaient un accès internet et elle avait généré un document PDF pour les élèves qui étaient déconnectés. Ils avaient donc accès aux mêmes contenus dans deux modalités différentes, mais, pour l’enseignante, le contenu n’a été travaillé qu’une seule fois.

Laurent Costy : C’est précieux, c’est clair que ça peut convaincre.
Est-ce que vous avez un peu une idée du futur de Scenari ? Comment ça va évoluer ? Quelles sont un peu les pistes de travail ? Il faudrait aller aux rencontres, j’ai bien compris que c’est dans ces rencontres que sont un peu dévoilées les futures fonctionnalités. Est-ce que vous êtes en capacité de nous en dire un peu plus ? Quelles sont les voies qui sont privilégiées pour le développement de Scenari ?

Katia Quelennec : On a eu des présentations aux dernières rencontres et l’association permet de lancer des projets exploratoires, justement pour pousser sur ces questions.
Un des points qui est souvent remonté c’est quand on n’a pas de LMS, Learning Management System, pas de plateforme de formation type Moodle, ça peut être compliqué. Il y a donc une proposition qui serait Parcours, en cours d’expérimentation sur différents établissements, qui permet, à partir d’un serveur Scenari, de pouvoir aller directement créer cet espace où les étudiants, les apprenants peuvent se connecter et suivre la formation. Ça a déjà été expérimenté dans le cadre des cours Libre Cours de Stéphane Crozat, un grand acteur du Libre et c’est aussi dans les projets exploratoires de Kelis. On s’appuie sur les développements qui ont été faits dans ce cadre-là pour, encore une fois, les partager librement. Parcours est en train d’être testé justement pour pouvoir proposer cette évolution qui, à mon avis, pourrait quand même répondre à pas mal d’utilisateurs.

Laurent Costy : Très bien. On attend avec impatience la « mise en production », entre guillemets, de ces modules.
Il nous reste cinq minutes pour échanger sur les choses que vous auriez peut-être oublié de nous dire et que vous auriez envie de partager avec les auditeurs et les auditrices. Je passe d’abord la parole à Jean-Sébastien. Tu peux élargir au logiciel libre si tu as envie. C’est vrai qu’à l’académie de Versailles pas mal de projets extrêmement intéressants ont été initiés, tu peux nous en parler.

Jean-Sébastien Barboteu : Sur le logiciel libre, de façon générale, on peut élargir. Dans l’académie de Versailles on a une culture d’utilisation du logiciel libre et de contribution au logiciel libre. Ça s’est fait d’abord par les sites web d’établissements avec le déploiement de Spip, mais aussi la ferme de blogs qui fonctionne sur Dotclear, qui est toujours en fonction et qui a sauvé beaucoup d’enseignants pendant le confinement. Dans le premier degré, nos collègues n’ont pas forcément d’ENT, d’Espace numérique de travail, donc ils ont eu droit à un service de logiciels briques libres là-dessus.
Sur le sujet de Scenari, dans le second degré, côté enseignants, on avance plutôt sur le modèle Canoprof avec une volonté de proposer un outil un peu plus abordable en termes d’ingénierie pour les collègues du second degré qui n’ont pas la culture de la formation en ligne.
Nous, côté académique formation, peut-être utiliser Scenari pour une de ses vertus qui est d’être capable de proposer des contenus de micro-formation, de micro-learning assez rapidement et assez efficacement. Arriver à faire des modules de micro-learning est l’un de mes chantiers de l’année. On en a fait un ou deux pour les familles pendant le confinement : on avait conçu un module de formation pour accompagner les parents des collégiens des Yvelines auxquels le département avait prêté des tablettes tactiles. On a conçu un petit module qui permettait aux parents de prendre en main la tablette et de pouvoir l’utiliser.
Je pense qu’on va beaucoup continuer plutôt sur ces documents d’accompagnement. Je suis impatient de voir ce qu’on va pouvoir faire avec Parcours.

Laurent Costy : Très bien. Merci Jean-Sébastien.
Katia, pour conclure ce sujet long sur Scenari ou plus largement, tu peux élargir aussi si tu le souhaites.

Katia Quelennec : Merci beaucoup de nous avoir reçus. Je vais conclure plutôt côté Association Scenari. C’est une association qui est là pour accompagner, promouvoir. Si vous pouvez venir aux Rencontres Scenari, nous sommes toujours ravis de pouvoir rencontrer peut-être de futurs utilisateurs, ou venir questionner, questionner les usages que nous avons, les fonctionnalités qu’il y a, parce que c’est comme ça qu’on avance.
Je pense que Scenari apporte effectivement sa pierre à l’édifice et merci de nous avoir invités cette semaine pour le présenter.

Laurent Costy : Merci Katia. Merci Jean-Sébastien pour ces échanges autour de Scenari, chaîne éditoriale qui permet la collaboration et qui permet aussi de se focaliser sur la production de contenus et pas seulement sur la forme.
Je repasse la parole à Isabella.

Isabella Vanni : Merci Laurent. Merci à nos deux personnes invitées d’aujourd’hui pour ce sujet. Il y a énormément de références sur la page consacrée à l’émission, libreavous.org/166 ; si vous voulez approfondir, il y a beaucoup de matière.
On rappelle les Rencontres Scenari, les 15 et 16 juin 2023, si j’ai bien retenu, au CNAM de Paris.

Nous allons maintenant faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous parlerons de l’initiative « Libre en fête ». Nous allons écouter Devuelvanle la vida par El violinista del amor & los pibes que miraban. J’espère avoir bien prononcé. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Devuelvanle la vida par El violinista del amor & los pibes que miraban.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Devuelvanle la vida par El violinista del amor & los pibes que miraban, disponible sous licence libre Creative Commons CC BY 3.0.

[Jingle]

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l’April. Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « Le libre fait sa comm’ » d’Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April, sur l’initiative Libre en Fête

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec la chronique « Le libre fait sa comm’ », que normalement j’anime, consacrée aujourd’hui à l’initiative Libre en Fête. J’ai profité de la présence de Laurent Costy au studio pour lui demander gentiment de m’interviewer à ce sujet. Il a accepté, donc je passe la parole à Laurent pour les questions.

Laurent Costy : Isabella, je vais t’interviewer ! Est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est Libre en Fête, s’il te plaît ?

Isabella Vanni : Libre en Fête est une initiative qui a pour objectif, pour but, de sensibiliser le grand public aux logiciels libres, à l’informatique libre, à la culture libre en général, via de nombreux événements organisés partout en France autour du 20 mars, donc à l’arrivée du printemps, dans une dynamique si possible conviviale et festive. C’est une initiative qui est portée et coordonnée par l’April et qui a lieu chaque année depuis 2002. Cette année, en 2023, on arrive donc à sa 22e édition et plus précisément, cette année, en 2023, le Libre en Fête se déroulera sur environ quatre semaines, du samedi 4 mars au dimanche 2 avril.

Laurent Costy : Tu me parles du samedi 4 mars pour le début de Libre en Fête, mais on n’est que le 24 janvier ! Normalement, dans les associations, on s’y prend deux jours avant !

Isabella Vanni : C’est une très bonne question, c’est pour ça que je l’ai écrite ! J’ai décidé d’en parler aujourd’hui parce que les associations très sérieuses s’y prennent bien à l’avance. Nous en parlons aujourd’hui parce que nous nous avons lancé la campagne de mobilisation : on a publié un appel à participation sur le site de l’April en début d’année. Cette fois, c’est l’April qui s’y prend un peu en retard, normalement, on arrive à le publier un mois plus tôt, mais ce n’est pas très grave.

Laurent Costy : À qui s’adresse plus particulièrement l’appel à participation ?

Isabella Vanni : L’appel à participation s’adresse à toute organisation qui souhaite tout simplement agir en faveur du logiciel libre, de l’informatique libre, de la culture libre en général. Nous ciblons bien évidemment les groupes d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, appelés GULL pour faire plus vite ; on a la chance, en France, d’en avoir énormément, sur tout le territoire. Ce sont des associations locales, la plupart d’entre elles gérées par des bénévoles qui donnent de leur temps pour, justement, aider les personnes à installer des logiciels libres ou, tout simplement, à les connaître, à les découvrir. Elles font ça pendant toute l’année. Ce sont vraiment des associations qui sont expertes en logiciels libres.
L’appel que nous faisons pour la participation à Libre en Fête s’adresse aussi à d’autres organisations qui sont censées être intéressées à la sensibilisation au Libre par leur culture, par le fait qu’elles ont du matériel informatique à disposition, par le fait qu’elles s’intéressent à l’émancipation des utilisateurs et des utilisatrices de l’informatique. Cet appel s’adresse donc aussi, par exemple, aux espaces publics numériques, aux bibliothèques et médiathèques, aux clubs informatiques, aux fab labs et hackerspaces ; ça peut être aussi des centres sociaux et culturels, des cafés associatifs. Toute organisation peut participer.

Laurent Costy : On peut prendre un exemple très concret : en fait, tu scrutes le Web à la recherche d’actions de ce type qui peuvent être promues, on va dire, et, du coup, tu as repéré ce que font les CEMÉA Pays de la Loire, justement, sur la question autour du Libre et on les a encouragés. C’est vrai que ces associations ne se sentent pas forcément légitimes à être dans Libre en Fête, c’est donc une bonne occasion. On appelle toutes ces associations, qui font des actions autour du Libre, et qui ont toute légitimité à être promues dans le cadre de Libre en Fête.

Isabella Vanni : C’est aussi l’occasion de préparer, éventuellement, des événements avec les GULL. Vous pouvez aller sur le site consacré au Libre en Fête, libre-en-fete.net, vous trouverez une page « Organisation » où vous pouvez effectivement trouver des partenaires, notamment des GULL, des groupes d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, avec qui, éventuellement, monter un événement. Il y a des types d’activités qui peuvent être proposés pendant Libre en Fête qui ne nécessitent pas forcément une expertise, par exemple une exposition sur le logiciel libre. On parle de l’Expolibre parce que c’est une ressource produite par l’April, mais ça peut être aussi une autre exposition ; ça peut être la projection d’un film, on a évoqué tout à l’heure, je crois, La Bataille du libre de Philippe Borrel ; ça peut être LoL – Logiciel libre, une affaire sérieuse qui, en plus, est maintenant disponible gratuitement en ligne. il n’y a pas besoin d’être des experts ou des geeks pour organiser un événement, il faut juste un peu de bonne volonté.

Laurent Costy : Il faut une envie ! Et le rôle de l’April là-dedans ?

Isabella Vanni : Comme je l’ai dit, on lance cette initiative chaque année depuis 22 ans. On met à disposition un site internet qui permet à la fois de donner des informations pratiques sur la façon proposer un événement dans le cadre de cette initiative, mais c’est aussi un site où sont listés tous les événements.
À l’approche du début de Libre en Fête, on va vous aussi rappeler à l’antenne que le grand public peut trouver des évènements de découverte justement en consultant le site du Libre en Fête.
On met à disposition le site, on met des ressources de communication, d’ailleurs très chouettes. On a une nouvelle identité visuelle depuis l’année dernière, depuis l’édition de 2022, qui a été créée par notre graphiste bénévole, Antoine Bardelli. Vous pouvez aussi télécharger les logos, les bannières, une affiche personnalisable…

Laurent Costy : Je crois que je suis arrivé au bout des questions que tu m’avais préparées. Isabella, je te repasse la parole.

Isabella Vanni : Merci. La chose importante c’est le site, libre-en-fete.net, où vous trouvez la page « Organisation. » Si vous voulez participer, n’hésitez pas. Il y a aussi une liste de diffusion à disposition des personnes qui organisent l’événement, pour pouvoir échanger et aussi recevoir les actus.
Je pense que j’ai fait le tour, sauf s’il y a d’autres questions ; je vais regarder sur le webchat, je n’en vois pas. Je pense que c’est terminé, merci Laurent pour ta collaboration.

Nous approchons de la fin de l’émission, nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Isabella Vanni : Il ne reste plus que deux jours pour répondre à notre questionnaire pour connaître l’auditorat de Libre à vous !. Le questionnaire est ouvert jusqu’à demain, mercredi 25 janvier. Cinq minutes suffisent pour répondre aux différentes questions et même si c’est la toute première émission de Libre à vous ! que vous écoutez, vos réponses nous seront très précieuses pour nous améliorer, donc n’hésitez surtout pas !

Une soirée de contribution au Libre est organisée par l’association Parinux jeudi 26 janvier, à partir de 19 heures 30, à La Générale, Paris 14e.
Toujours à Paris 14e, l’April organise le prochain apéro April francilien. C’est le vendredi 27 janvier, à partir de 19 heures, dans nos locaux. Si vous ne pouvez pas participer à cet apéro, sachez que l’April organise un apéro, dans ses locaux, une fois par mois, vous pouvez tenter le mois suivant. C’est ouvert à tout le monde, que vous soyez membre de l’April ou pas. C’est l’occasion de se rencontrer entre membres et aussi l’occasion de venir découvrir l’April, l’association et ses actions.
Les Rencontres Hivernales du Libre auront lieu du 27 au 29 janvier à Saint-Cergue en Suisse, il sera possible de suivre l’événement à distance.
Deux rendez-vous pour se faire aider à libérer son ordinateur portable sont prévus le samedi 28 janvier après-midi, à Hellemmes, Lille, avec la Coopérative de services informatiques en logiciels libres Cliss21, et à Marseille, avec l’association CercLL.
Vous pouvez retrouver tous les détails de ces événements sur la page consacrée à la présente émission, libreavous.org/166 et je vous invite à consulter le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous.

Notre émission se termine.

Je remercie les personnes qui ont participé à l’émission : Vincent Calame, Laurent Costy, Jean-Sébastien Barboteu, Katia Quelennec.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, mon collègue Frédéric Couchet.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la postproduction des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco qui est le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.

N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toutes questions et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission.
Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact chez libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio pour réagir à l’un des sujets de l’émission, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.

Il n’y aura pas d’émission mardi 31 janvier. La prochaine émission aura lieu en direct mardi 7 février à 15 heures 30. Notre sujet principal portera normalement sur les solutions libres d’apprentissage et d’enseignement en ligne.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 7 février et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.