Conférence de Véronique Bonnet : « Vers un espace numérique libre ? Une lecture philosophique »

  • Titre : Vers un espace numérique libre ? Une lecture philosophique
  • Intervenants : Véronique Bonnet
  • Lieu : Médiathèque Jean Jeukens - Bar-Le-Duc - Sud Meuse
  • Date : avril 2014
  • Durée : 1h 26 min
  • Lien vers le média en format ouvert (version originale)
  • Licence : CC-BY-SA

Transcription

Je commence par remercier beaucoup la médiathèque Jean-Jeukens et la Communauté de Communes pour son invitation. Et donc aujourd’hui je vais évoquer une approche philosophique et je vais intituler ma conférence « Vers un espace numérique libre ». Alors le « vers » peut paraître un peu déconcertant puisque quand on voit à quel point on peut accéder rapidement à des ressources collaboratives, aussi bien culturelles, aussi bien pratiques, de tous ordres, aussi bien esthétiques, des tableaux, des textes qui sont dans le domaine public, on peut se demander si l’espace numérique libre n’est pas déjà réalisé. S’il ne va pas déjà de soi, et si donc l’humanité que nous constituons, par cette présence du numérique de plus en plus importante dans nos vies, aussi bien privées, aussi bien publiques, n’est pas le signe que les idées des Lumières sont en train de se réaliser. Puisque cette humanité, cette totalité, créative et imaginative, se trouve rassemblée autour d’elle-même et va peut-être pouvoir, en liberté, constituer, ce qu’on pourrait appeler avec Kant, la société des sujets, la communauté des sujets. C’est-à-dire la communauté d’êtres autonomes tissant ensemble une manière d’exister.
Simplement, pourquoi donc une lecture philosophique ? Il me semble, et l’outil philosophique est pratiqué par moi depuis un certain temps, il me semble que la philosophie a surtout pour enjeu de discerner des faux-semblants, de mettre en évidence des paradoxes, de repérer, assez justement, quelles sont les ambiguïtés qui peuvent se trouver dans certaines situations. Alors justement je prends ce titre "Vers un espace numérique libre". « Vers », est-ce qu’on y est poussé ? Est-ce qu’il y a un contexte tel, aussi bien social, aussi bien économique, qui fait qu’on ne peut pas ne pas aller vers une certaine direction qui du coup est imposée, qui du coup est hétéronome ? Est-ce qu’il faut prendre « vers » au sens d’un choix ? Est-ce que cette société, est-ce que cet espace numérique libre, on va déterminer quel il sera, quelles seront ses caractéristiques ? Avec quelles clauses faire intervenir l’informatique au-dedans pour préserver certaines dimensions humaines ? Donc ça, c’est la deuxième possibilité, « vers » au sens d’un choix. Troisième possibilité, et il me semble que je vais surtout aujourd’hui étayer cette dernière, est-ce que ce « vers » n’est pas une direction qu’on s’imagine choisir, en étant en réalité contraint, qui serait d’autant plus préjudiciable qu’elle apparaîtrait comme anodine, comme allant de soi, avec une apparence d’ouverture, une apparence d’accueil. Alors que peut-être elle serait fermée, sans même qu’on ne puisse en avoir l’idée.
Ce titre est un double hommage « Vers un espace numérique libre ». D’une part, un hommage à un philosophe des Lumières qui s’appelle Emmanuel Kant qui, à la fin du 18ème, écrit un texte qui s’appelle « Vers la paix perpétuelle ». Où, avec l’outil philosophique, il essaye de montrer comment certains accords, comment certaines décisions d’arrêter les hostilités sont faites de faux-semblants ; il y a des clauses secrètes qui doivent surtout être ignorées des peuples. Peuples, qui, s’il les connaissaient, pourraient éventuellement se révolter. Donc déjà un hommage à ce texte très fondamental de Kant « Vers la paix perpétuelle ». Hommage aussi, et là je tente une première analogie, avec un certain Richard Stallman, dont je parlerai surtout dans le troisième moment de ma conférence qui a, en septembre dernier, au moment des festivités autour des trente ans de son projet GNU, qui a donc proposé une conférence qui s’appelait « Vers une société numérique libre » à laquelle j’ai assisté. C’était la première fois que je l’entendais parler, hors de toutes les conférences que j’avais entendues en ligne. Et, lui aussi, il a dénoncé des faux-semblants. Faux-semblants d’une technologie qui était apparemment docile, apparemment à notre service, ne proposant que des solutions et peut-être jamais des problèmes, mais une technologie dont les portes dérobées, dont les menottes numériques, dont le recueil de méta-données, donnent en réalité, de cet espace numérique, non pas du tout une image d’autonomie innocente mais peut-être de quelque chose, comme une violence symbolique, dont j’aurai l’occasion de parler.
Que veut dire faire cette analogie ? Ça ne veut sûrement pas dire que les ambiguïtés auxquelles les philosophes des Lumières se sont mesurés sont de même ordre, pas du tout, que les faux-semblants auxquels quelqu’un comme Richard Stallman, d’autres, se sont confrontés. Mais peut-être que les dispositifs qui peuvent être opaques, qui peuvent être obscurs aussi bien au 18ème comme en notre temps sont, peut-être, à repérer, pour qu’un droit à l’éducation permettant des formes réfléchies, des formes autonomes comme s’affirmer, se mouvoir en liberté, avoir l’audace de faire usage de son propre entendement. Ca c’est la devise des Lumières selon Kant. Prendre en main non seulement son informatique mais ce à quoi l’informatique touche, c’est-à-dire prendre aussi en main sa vie, sont donc des combats à propos desquels je rapprocherais très volontiers les philosophes des Lumières et certains combats qui sont contemporains. Donc comment discerner, comment définir un espace numérique tel qu’il se présente factuellement à nos yeux pour examiner de quoi il est fait et comment y entrer, éventuellement avec des précautions.
Mon propos se donnera pour s’asseoir trois axes.
Premier axe, je parlerai de l’émancipation telle qu’elle est définie par les philosophes des Lumières et telle qu’elle requiert un certain espace, politique et culturel, que les philosophes des Lumières ont appelé patrimoine, que Hannah Arendt, prolongeant la lecture des Lumières, a appelé « le Commun » et il se trouve qu’actuellement la notion de communs, de biens communs est très attestée dans la question de l’espace numérique libre.
Deuxième axe, j’essaierai d’établir que l’espace numérique qui s’édifie est à la fois troublant et troublé. Troublant, au sens où il peut désorienter. Troublé, au sens où se jouent en lui des oppositions extrêmement fortes, extrêmement cruciales ; par exemple on parle maintenant de l’informatique après Snowden, on a parlé de l’avant Snowden, on va parler de l’après Snowden, puisque ce lanceur d’alerte a fait basculer la perspective.
Et enfin dernier axe, je montrerai comment les propositions, dont on doit bien voir qu’elles sont à la fois éthiques et pratiques, du mouvement du Free Software, essaient de déterminer une forme, disons, d’émancipation avec des outils juridiques, avec des outils qui sont informatiques. J’évoquerai la figure de Richard Stallman et ensuite je me permettrai de suggérer quelques repères.
Je vais essayer, dans la mesure du possible, de me référer à des textes fondamentaux de ce siècle des Lumières qui s’appelle ainsi puisque, certains intellectuels, vraiment de tous horizons, se sont levés pour essayer de se demander à quelle possibilité un peuple pouvait se doter d’un espace politique. Pouvait se doter, entre eux, d’un mode de rapport qui permette de s’éclairer, qui permette donc de s’éduquer et de faire intervenir une autonomie. Alors, le premier de ces philosophes que j’évoquerai est donc le texte qui est celui de « L’esprit des lois » de Montesquieu. Dans cet Esprit des lois, en quoi l’émancipation est-elle rencontrée ? Parce que, pour Montesquieu, il y a division des pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire, et une garantie qui est celle d’éviter la partialité, l’arbitraire, le caprice. Donc on a ici, tôt dans le 18ème siècle, des propositions qui essaient de concevoir, par la séparation, alors c’est une notion qu’on rencontrera beaucoup dans ce propos d’aujourd’hui, comment par la séparation faire tenir ensemble des pouvoirs qui, pour autant, ne tombent pas les uns sur les autres, mais étant séparés, évitent d’être à la fois juge et partie.
Un autre texte fondamental, lui, qui est le texte, donc, de Rousseau qui s’appelle « Du contrat social ou les principes du droit politique ». Ce texte va, lui, se spécialiser, si j’avais à retenir en lui l’idée clef, sur la dissociation entre le droit et la force. Dans le contrat social, pourquoi contrat ? Parce qu’on voit bien que si le droit repose simplement sur la force, sur un rapport de force, alors le droit est instable : l’effet change avec la cause. C’est donc la dissociation. Voyez, chez Montesquieu : séparation. Chez Rousseau : la dissociation entre la force et le droit qui va permettre aux principes du droit politique, cette fois-ci contractuelle, proposée et non pas imposée, de pouvoir accueillir des rapports humains qui soient effectivement humanisants et épanouissants.
Alors, j’en viens à ce texte qui s’appelle « L’Encyclopédie » que nous devons à Diderot, D’Alembert et de nombreux collaborateurs. Je ferai tout à l’heure le rapport avec une autre encyclopédie en ligne qui s’appelle Wikipédia. Alors encyclopédie, non pas, même si c’est le sous-titre, un dictionnaire pur et simple, mais un système de renvois dans lequel chacun des articles, à la manière d’un tour (kuklos/κύκλος le cercle) va référer à d’autres entrées, entrées qui elles-mêmes vont être éclairantes pour un autre élément. Parce qu’il s’agit de faire le tour de la question. Il s’agit non pas d’être face à une somme, mais face à une totalité.
Alors, on voit bien dans son titre : Sciences, Art et Métiers, par une société de gens de Lettres. Même les métiers vont être représentés, pour que les artisans qui les pratiquent aient idée de la manière dont ça marche. Ca c’est une perspective qu’on trouve très souvent dans le vocabulaire des libristes, que les lignes de code soient transparentes, qu’on puisse les implémenter, qu’on puisse voir "ce que ça fait" et non pas simplement les subir. Donc, on est ici dans un texte qui va (et il mettra vingt ans à le faire, il y aura donc des livraisons successives), qui va proposer aux esprits de se faire une idée de comment fonctionne tel outil. Comment ce terme est différent de celui-là. Ou quelle façon d’agencer des moyens et des formes. Donc ce texte est très fondamental.
J’en viens à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui était le visuel de cette conférence. Article 11 qui est assez souvent invoqué dans un contexte de l’informatique libre. Je pense par exemple au très précis, Benjamin Bayart, qui, très souvent, dit que lorsqu’on prend acte de ce que manifeste l’article 11, « La libre communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »...
Et vous avez donc la version à plume, vous avez la version imprimée, vous avez la version qui est gravée. Tout se passe comme si la facilitation de notre actuel espace numérique, lorsqu’il s’agit de croiser des correspondances, lorsqu’il s’agit d’imprimer (nous avons maintenant tous notre imprimante), lorsqu’il s’agit de diffuser : on peut de façon extrêmement commode, où qu’on soit, faire parvenir à quelques-uns ou à beaucoup, une thèse. Donc tout se passe comme si cet article 11 se trouvait, dans l’espace numérique contemporain, réalisé. De même que les Lumières réalisent d’une certaine façon les promesses de l’imprimerie, l’informatique réaliserait même au-delà. Ce qui est ainsi rendu possible.
Je vais, et ceci, donc, est une référence à Kant, me référer aussi bien à un autre texte de Kant qui s’appelle « Qu’est-ce que les Lumières ? » (Aufklarung en allemand). Dans ce texte, Kant se positionne avec une grande suspicion. Pourquoi ? Parce que si la devise des Lumières c’est : "ose savoir" - sapere aude - "aie le courage de te servir de ton propre entendement", il s’aperçoit que les prétendus despotes éclairés, donc ceux qui disent préparer leurs peuples à la liberté, ont en réalité des attitudes qui sont confiscatoires. Essaient de les dissuader de prendre en main leur propre destin et essaient de les tenir sous tutelle. Vous avez, à la fin même, ce texte écrit à la fin du siècle des Lumières, c’est un bien du siècle des Lumières. Vous avez comme un aveu très désabusé de la part de Kant : que peut-être tout est fait pour freiner à quatre fers les idéaux qui sont ceux du 18ème siècle.
Je vais, pour montrer à quel point Hannah Arendt reprend le relais de Lumières, je vais me référer à l’Abbé Grégoire qui, au moment de la Révolution, invente un néologisme qui est le vandalisme. Il appelle vandale tout aussi bien les aristocrates qui emportent avec eux des biens qui sont la sueur du peuple, aussi bien des livres et des statues, que ceux qui, alors, peut-être, certains sans-culotte, détruisent, parce que estiment liées à des valeurs aristocratiques, les formes façonnées par l’ingéniosité des artisans et des peintres et des sculpteurs.
Cette notion de vandalisme permet à l’Abbé Grégoire, (nous sommes au moment de la Révolution), de faire du patrimoine ce qui permet de lier un peuple. Pourquoi ? Parce que le patrimoine c’est aussi bien ce qui nous accueille à notre naissance. C’est aussi bien ce que nous laissons à notre mort. Et donc, c’est l’espace, commun que Hannah Arendt, dans « The Human Condition », (donc, c’est une philosophe qui a été formée au 20ème siècle à l’école de la Phénoménologie qui, dans sa période américaine a revisité beaucoup de notions des Lumières)... Et donc ce que l’Abbé Grégoire appelle le patrimoine, Hannah Arendt l’appelle le commun : dans le domaine public, qu’elle dissocie du domaine privé, qu’elle dissocie de la dimension intime. Elle appelle le commun ce qui permet aux humains de tisser entre eux des rapports par lesquels à la fois ils sont reliés et séparés, pour ne pas tomber les uns sur les autres.
Pourquoi ce texte ? Actuellement on parle beaucoup de The Commons. Comment faire pour traduire The Commons ? Est-ce qu’on va dire « biens communs » ? Mais si on dit on dit biens, on va parler de propriété, peut-être que le lexique ne sera pas adéquat. Dans le chapitre 2, (oui pourquoi ce titre ? Parce que le titre américain c’est « La condition humaine » qu’on n’a pas pu garder en français puisque le titre était déjà pris par Malraux, qu’on a traduit par « La condition de l’homme moderne »), dans ce chapitre 2 de « The Human Condition », vous avez trois opérations dont on va voir qu’elles sont très fondamentales pour approcher les débats contemporains sur l’informatique libre.

Première opération : Hannah Arendt dit de la culture humaine qu’elle est comme un bivouac. Il y a bien la Terre, qui est un espace accueillant, et sur la Terre, les humains vont essayer de construire leur tente. Vont essayer de construire, fragile, un espace politique culturel et moral entre eux, qui à tout moment [peut être balayée] par les tempêtes de sable du totalitarisme. Hannah Arendt, lorsqu’elle arrive aux États-Unis, est la philosophe qui a écrit sur les totalitarismes qu’elle a connus. Et c’est en ce sens qu’elles peut enrichir et repenser les propositions des Lumières. Donc, elle va dire que le Monde, une sorte de tente de toile fragile, sur la Terre, où l’humanité s’est installée, peut, à tout moment, être balayée par la tempête de sable des totalitarismes, qui fait intervenir la désolation. La désolation, c’est lorsqu’il n’y a plus rien sur le sol. Il n’y a plus que la Terre. Et non plus ce que, culturellement, l’être humain y avait installé.
Alors quelle tentation ? Que faire lorsque des démarches qui relèvent de la violence symbolique, qui consistent à faire passer pour universel ce qui est particulier, se déchaînent ? Il y a, et peut-être que cette tentation existe dans l’espace numérique contemporain, il y a une tentation, dit Hannah Arendt, qui est le repli de soi dans un espace privé : replier la vie dans un domaine privé, croire que le domaine privé qui est le plus humain des espaces. C’est ce qu’elle appelle le charme contagieux des quatre murs. Je pense à une manière de faire de l’informatique qui est de s’installer, seul devant son écran pour ne rencontrer le Monde, l’espace public, que par dimension intime interposée. Et que dit-elle ? Donc à l’époque, elle dit que ce monde là, que l’on croit humain, il est fait de quatre murs, d’un lit, d’une armoire, d’un fauteuil d’une table, d’un chien, d’un chat et d’un pot de fleurs. Ça n’est pas un espace humanisant. Ça n’est pas l’espace qui, à la fois, relie et sépare aux hommes. Ça n’est pas le domaine public. Et c’est vrai que cette tentation peut exister. Et là, elle l’appelle oasis, lorsque la tempête de sable des totalitarismes se déchaîne.
Par opposition, quelle est la véritable définition du domaine public, donc, autant qu’il rassemble autour du commun ? Alors ce commun : il est fait d’objets fabriqués. Il est fait de productions humaines. La main de l’homme et la pensée de l’homme, travaillant de pair, ont été inventives. Et elle dit donc de ce domaine public (là c’est très présent dans les propositions de Free Software), elle dit de ce domaine public qu’il consiste à s’asseoir autour d’une table qui, à la fois, fait le lien, mais tout en évitant aux humains de tomber les uns sur les autres. Donc, définition du mot « communs » : c’est ce qui nous accueille à notre naissance. Ce que nous laissons derrière nous en mourant. C’est ce de quoi la publicité est nécessaire. Pourquoi ? Parce que ce domaine public il éclaire d’âge en âge. Et vous avez un lien fort, chez Hannah Arendt, entre ce qu’elle appelle les totalitarismes et la crise de la culture. Puisque les totalitarismes ont tendance à balayer le domaine public, le fragile camp de toile du domaine public et des réalisations culturelles et morales de l’être humain.
Je termine par une dernière référence à un enjeu contemporain que l’on peut l’on trouver sous la plume très acérée de Hannah Arendt. Elle renvoie dos-à-dos deux manières de se conduire dans l’espace. La tyrannie : la tyrannie génère l’isolement. Mais aussi l’hystérie collective : une certaine forme de la société de masse qu’elle appelle l’hystérie collective, lorsque les humains tombent les uns sur les autres. Je parlerai tout à l’heure peut-être de Facebook. C’est-à-dire des manières de fréquenter l’espace public, où il y a confusion entre le mien et le tien, et où les hommes tombent les uns sur les autres, n’étant plus séparés. Ce que Hannah Arendt estime tout aussi redoutable que la tyrannie elle-même. Dans les deux cas, les hommes sont privés de voir et d’entendre autrui, comme d’être vus et entendus par autrui.
Donc, en quoi cet espace numérique qui s’édifie permet-il aussi bien de préserver une dimension intime qui ne doit pas être simplement faite de quatre murs ? De préserver une dimension publique, porteuse de biens communs, de biens patrimoniaux qui sont éclairants et qui d’âge en d’âge transmettent une manière de s’émanciper et de créer ?
J’aborde ici mon second axe. Volontairement nous sommes face à un écran d’ordinateur. Et donc je vais ici vous montrer que cet espace public qui s’édifie, dont on ne sait pas s’il est véritablement un choix ou une contrainte, ou une apparence de choix qui est une contrainte, je vais donc essayer de montrer que cet espace numérique est actuellement troublant et également troublé.
Alors pourquoi troublant ? Parce que cet espace numérique désoriente, s’il y a un terme peut-être à utiliser. Lorsque l’on lit les articles, lorsqu’on lit une littérature assez commune sur le numérique, on s’aperçoit qu’ abondent des métaphores comme surfer, héberger, poster. Vous avez beaucoup d’images qui se référent à une manière de se déplacer. Souvent des métaphores qui sont assez fantasmatiques, qui sont assez magiques, puisqu’on n’a guère idée de comment ce déplacement se fait, comment cette presque ubiquité peut avoir lieu. Lorsqu’on est, donc, devant un écran... (et là je vais commencer par me référer à trois essais qui sont assez fondamentaux pour concevoir cette désorientation).
Le premier travail c’est un philosophe qui s’appelle Paul Mathias, qui a écrit « Qu’est-ce que l’Internet ? », donc chez Vrin, Chemins philosophiques. Il n’y a pas d’éditeur plus rigoureux et plus exigeant que celui-là. Ce texte est remarquable. L’image qu’utilise Paul Mathias est la suivante : « Presque totalement immergés dans un océan de sens et de non-sens, nous naviguons, munis de compas imprécis et d’une carte du monde perpétuellement changeante qui se compose et se décompose au fur et à mesure. » En effet l’espace numérique ne cesse, beaucoup plus rapidement que celui rigide des espaces classiques, (il est beaucoup plus plastique), il ne cesse de se reconfigurer à vue. Et celui qui s’y déplace est davantage dans ce qu’on pourrait appeler une sérendipité. Sérendipité, c’est une notion numérique qui dit que, finalement, on trouve par hasard ce qu’on cherche. Et pas véritablement parce qu’on s’est donné les moyens théoriques, certains, d’y aboutir. On est tout à fait loin du Discours de la Méthode . On a l’impression que, lorsqu’on se déplace sur internet, du fait de ce que Paul Mathias appelle les lalophèmes,( parce que ce qu’on poste sur internet se duplique d’une façon indéfinie et non maîtrisable), on a l’impression que, donc, on se meut comme sur du sable mouvant, presque totalement immergé dans un océan de sens et de non-sens.
Ce texte est de 2009.
Je rapprocherais très volontiers,.. ; (là je parle des textes qui m’ont vraiment rendu service pour essayer de problématiser quelque chose) : c’est un sociologue, Manuel Castells. Son texte s’appelle « La société en réseaux ». C’est un tome de l’ère de l’information. C’est un texte de la fin du 20ème siècle. Il y a un travail qui est très précis, qui se fait à partir de notions informatiques comme le time-sharing. Au début, les ordinateurs étaient rares. Il fallait que plusieurs techniciens, à IBM, puissent travailler simultanément : le time-sharing.
Le multitasking : comment on peut, lorsqu’on travaille sur internet, réaliser plusieurs opérations simultanément. Et donc vous avez, de la part de Manuel Castells, une notion émergente qui est la notions d’espace des flux. Qui remplace la notion d’espace des lieux. Théoriquement, quand on lit par exemple « L’esthétique transcendantale » de Kant, théoriquement, l’espace, c’est la forme de la séparabilité : on ne peut pas occuper toutes les place à la fois. Alors que le temps, c’est la forme de la synthèse. Ici, l’informatique lance un défi à l’entendement au sens où, dans la société en réseaux, tout se passe comme si on était simultanément ici et là. Comme si, donc, la séparabilité spatiale était confondue avec la synthèse temporelle.
Je vais me référer à un autre livre qui est précieux, qui a fait beaucoup polémique. C’est le texte qui s’appelle :« Internet, l’inquiétante extase ». C’est le texte écrit par Finkielkraut et Soriano. Alors pourquoi l’inquiétante extase ? C’est vrai que cette problématique-là rejoint certains propos qu’on trouve sur les sites qui envisagent l’informatique libre. Finkielkraut et Soriano sont les premiers à remarquer que la véritable étrangeté dans le registre numérique, c’est l’absence d’étrangeté. C’est-à-dire que chaque fois que je clique, et c’est un peu comme zapper, ça veut dire que j’exclus ce que je ne connais pas. Et comme j’exclus ce que je ne connais pas, l’informatique propose comme un espace qui n’a pas de dehors. Le dehors m’est étranger. Et comme je n’ai pas l’idée qu’il y a un dehors, alors peut-être que je n’ai pas de recul. Que je ne peux pas faire de pas de côté. Peut-être que je ne peux pas me livrer à une pratique réflexive de l’informatique, mais simplement à une pratique bornée. A moins bien évidemment que la revendication d’une démarche qui soit à la fois pratique et éthique, ce qui est le cas de la démarche Free Software, intervienne.
J’ai parlé d’un espace numérique troublant qui désoriente. Je vais parler d’un espace numérique qui est troublé au sens : qui peut être trompeur. Qui peut être fait de chausse-trappes. Il se trouve que, lundi dernier, lundi 14 avril, le prix Pulitzer a été décerné au Guardian et au Washington Post. Donc, les deux journaux américains qui, les premiers, du fait de la décision de Edward Snowden, ont révélé au monde en quoi donc il y avait des démarches aussi bien de récoltes de métadonnées dans les communications aux États-Unis, mais aussi des programmes de surveillance, donc. Qu’il s’agisse de PRISM. Qu’il s’agisse d’autres programmes. De façon à récolter, aussi bien à des fins économiques qu’à des fins scientifiques, ou politiques, des éléments.
Il y a un avant Snowden et un après Snowden. Cette décision, et toujours, à chaque fois que Snowden a eu à s’exprimer, a eu, toujours, un seul objectif. Dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui. Ce qui est fait en son nom et contre lui. Et le mois donc de juillet, le mois qui a suivi cette décision qui a été prise le 6 juin 2013, a fait basculer, en effet, cette perspective.
Là, j’anticipe un peu, parce qu’il se trouve que cet après Snowden a coïncidé avec les trente ans. Trente ans d’un projet : projet qui a été lancé par Richard Stallman, le 27 septembre 1983, qu’on appelle le projet GNU. Le projet de se doter d’outils informatiques tels que la surveillance, que les portes dérobées, que les récoltes de métadonnées, soient difficiles, du fait d’une certaine transparence. Là je vais anticiper un peu mon troisième mouvement et je vais me référer à deux textes qui ont paru. Aussi bien pour se référer au cas, à l’ère de l’après Snowden, que pour faire le bilan du projet GNU. Donc du projet du Free Software.
Ce premier article : « Pourquoi le logiciel libre est plus important que jamais ? » Plus important que jamais se réfère aux révélations qui ont été faites. J’ai,( évidemment, je ne vais pas, ici, me référer à la totalité de l’article) deux références, ici, très importantes. Dans cet article Richard Stallman se réfère à une notion qui est la notion de SaaS. Qui est assez compliquée à exposer d’une façon informatique. Il s’agit de délégation. Il s’agit pour l’usager de déléguer telle opération à un fournisseur de service qui se substitue à lui-même. Il se trouve que, quand on regarde, pas seulement ce qui est dit ici, mais l’argumentaire de Richard Stallman, on retrouve très exactement l’argumentaire de Kant dans « Qu’est-ce que les Lumières ? ». Lorsqu’il explique qu’il est évidemment tentant de s’en remettre à des tuteurs qui décident pour nous. A ceux qui vont prescrire telle manière de faire. (Sans envisager, même, les coachs qui sont plus contemporains). Vous avez, de la part de Stallman, le souci de suggérer que, peut-être, s’en remettre à des fournisseurs de service, c’est se priver d’une maîtrise de l’informatique qui fait intervenir une autonomie qui est beaucoup plus grande.
J’attire votre attention sur la dernière ligne de cet extrait de texte : « Liberté signifie avoir le contrôle sur sa propre vie ». Ce qui parait assez intéressant, donc, dans cette démarche qui est celle du Free Software, qui peut venir d’autres initiatives, c’est qu’on fait toujours le lien entre la pratique de son informatique et le maîtrise de sa vie elle-même. Parce qu’on a bien idée que, comme l’informatique est un moyen, elle doit pouvoir à tout moment contrôler la fin qu’elle se donne. Contrôle qui peut être difficile, dans un contexte qui est troublé, et qui est troublant.
Texte qui, là, fait encore plus directement référence à l’ère de l’après Snowden. La question qui se pose est : « Peut-on pour autant renoncer à toute démarche de surveillance ? ». Parce que la démocratie doit pouvoir protéger elle-même des atteintes qui lui seraient faites. Et donc pouvoir avoir les moyens d’interroger le contexte sur ce qu’il en est.
Ici il s’agit d’interroger le seuil. C’est-à-dire le niveau de surveillance. Pourquoi, ici, une référence à Edward Snowden ? Parce que toute cette affaire se réfère à la notion de moyens disproportionnés. Qu’est-ce que qu’un moyen disproportionné ? S’il faut pouvoir avoir idée de ce que fait quiconque, où qu’il soit et à tout moment, la question est la suivante : « Est-ce que les lanceurs d’alerte, qui protègent la démocratie, peuvent éventuellement parler aux journalistes ? » La notion de lanceur d’alerte est une notion qui est investie d’une valeur démocratique très forte, puisque la notion de lanceur d’alerte définit la fonction de celui qui, se référant à une certaine tâche qu’on lui demande, doit pouvoir, dans le registre qui n’est pas celui de son travail immédiat alerter et faire part de contradictions.
Je signale que cette dissociation se trouve aussi, très exactement, dans le texte de Kant qui s’appelle « Qu’est-ce que les Lumières ? ». Où Kant dit bien qu’il ne faut surtout pas que quelqu’un qui remplit une fonction puisse critiquer ce qu’il fait dans l’exercice même de ses fonctions. Mais seulement en dehors. Donc vous avez, de la part de ce texte, une recherche d’un seuil. D’un degré qui soit tolérable pour que la démocratie puisse se protéger elle-même.
Pourquoi, dans l’ère de l’après Snowden, le resurgissement de citations qui se réfèrent à des œuvres passées ? Vous avez assez souvent des références à un texte de Ray Bradbury, qui est un roman d’anticipation : « Fahrenheit 451 ». Pourquoi ? Parce que l’une des méthodes pour essayer de se protéger de cette éventualité d’un espionnage, c’est de disperser ses données. Essayer de disperser ses données. Or, dans « Fahrenheit 451 », c’est précisément ce que font, donc, des personnes. Qui, parce que les livres sont brûlés, décident, chacun, d’apprendre par cœur un livre. Donc, vous avez assez souvent, dans des articles qui concernent Snowden, des indications d’éparpiller ses données. De ne pas confier, alors même qu’on n’a rien à cacher, à un blog ou à un site, ce qui concerne directement soi. Vous avez assez souvent cette référence qui ressurgit.
Il y a un deuxième ouvrage auquel, évidemment, on a pensé au moment des révélations d’Edward Snowden. C’est l’autre roman d’anticipation qui est « 1984 ». Assez souvent, dans ses conférences, aussi bien Richard Stallman, mais vous avez aussi beaucoup Benjamin Bayart qui le dit, Amazon a effacé de liseuses « 1984 ». Alors même que les utilisateurs avaient acheté le droit de lire ce texte. Donc vous avez souvent des références à ce texte, soit pour parler de surveillance généralisée, soit pour parler de la fragilité de certains usages numériques qui sont évidemment à la merci de ceux qui les distribuent.
Je viens au troisième moment de cette conférence. Et donc je vais me référer à ce qui s’est passé en septembre dernier, puisqu’il y a eu l’anniversaire des trente ans de GNU. GNU, c’est un acronyme. Voila, expliquons, c’est un acronyme récursif : Gnu is Not Unix. Unix est un dispositif informatique considéré comme privateur, dont le code source n’est pas disponible, n’est pas donné aux usagers. Donc on appelle projet GNU, le projet qui, il y a trente ans, Richard Stallman s’étant trouvé confronté à une imprimante récalcitrante,( dans laquelle il ne pouvait pas intervenir puisque le code n’était pas libre(, c’est donc la décision d’essayer d’écrire des lignes de code libres, dans lesquelles les usagers puissent savoir ce qui est programmé, qu’ils puissent le modifier, qu’ils puissent le perfectionner et le partager.
Je remercie beaucoup Gee qui m’a donné son autorisation, alors même que ses dessins sont sous licence Creative Commons, By (c’est une licence libre, By veut dire qu’on cite l’auteur), Share Alike, (c’est-à-dire qu’on partage dans les mêmes conditions). Le site de Gee, barisien émérite, s’appelle geektionnerd point net. Pourquoi geektionnerd ? Geek, on appelle Geek un informaticien qui ne fait que cela, qui pense très fort à GNU. Le nerd, est un informaticien qui a plutôt une approche, on va dire pragmatique, plutôt qu’idéaliste de l’informatique. Et donc geektionnerd.net est le site sur lequel Gee dépose d’une façon très régulière, c’est-à-dire chaque jour, ses dessins. Il fait lui-même, donc, des bandes dessinées.
Voici les trois dessins irrésistibles qui ont paru sur geektionnerd.net et sur le Framablog au moment des trente de GNU. Donc, vous avez un joyeux geek qui chante « Joyeux anniversaire GNU ». Ce à quoi le très vigilant père fondateur du projet GNU,( écrire de lignes de code toujours articulées à une éthique), donc, Richard Stallman répond :" la chanson « Joyeux anniversaire » est protégée par le copyright, tu ne devrais pas l’utiliser car elle ne respecte pas tes libertés". L’autre est un peu réticent puisqu’il estime que la licence qu’utilise Richard Stallman n’est pas totalement libre.
Le 27 septembre, donc. Projet GCC : c’est un projet de compilateur libre, (je n’entrerai pas dans les détails). GNU Imacs : Imacs est une manière de coder. Une manière d’écrire des lignes de code. Et là, une plaisanterie à propos du noyau Hurd (qui n’a jamais abouti, mais dont GNU a pu se passer puisque Linus Torvalds a libéré son noyau et le système complet est devenu GNU-Linux.)
J’ai fait exprès de laisser le troisième dessin, qui est totalement imperméable tant que la suite des présentations n’ont pas été faite. Bon anniversaire à Linux, alors là c’est épouvantable parce qu’on dit Linux tout seul et non pas GNU-Linux. Longue vie à l’Open Source, (Open Source, vous comprendrez après, parce que, Open source c’est l’utilisation de logiciel libres mais dans un sens essentiellement pragmatique et pas véritablement éthique) et au manchot, (puisque le manchot, Tux, c’est le symbole animal de Linux). Là vous voyez, ça fait un très grand déplaisir à Richard Stallman. Vous avez donc, exprès, pour plaisanter, un bon anniversaire à Linux alors qu’il faudrait dire GNU-Linux. A l’Open Source, alors qu’il faudrait dire Free Software. Et au manchot, alors qu’il faudrait, aussi, parler du gnou, le petit animal symbolique qui s’inspire de l’acronyme récursif.
Je vais essayer, et évidemment je ne serai pas exhaustive, évidemment il faudra protester, je vais essayer de dire quelle est l’idée clef de ce projet GNU. Là, vous reconnaissez une séquence d’un film de Chaplin qui s’appelle « Les temps modernes ». Où vous avez un malheureux qui est pris dans les rouages qu’il pensait manœuvrer. Qui devient chose de la chose. Qui devient comme possesseur dépossédé des moyens auxquels il doit avoir recours. Et donc, l’un des grands principes du mouvement du Free Software, (c’est vrai qu’on le dit plutôt en américain, puisque si on dit « Logiciel Libre », il se trouve que le Logiciel Libre peut aussi bien être utilisé dans un contexte qui n’est pas nécessairement un contexte éthique qui est un contexte, puisque ça fonctionne bien, parce que c’est moins cher. Alors que si on dit Free Software, on se réfère à un contexte qui préconise un usage réfléchi de l’informatique) on se demande où on met les pieds. Ce qu’on veut. Si ce qu’on fait respecte l’autre. Si on est dans une démarche d’appropriation qui est spoliatrice pour les autres, ou non. Il me semble que cette représentation, due à Chaplin, d’un engrenage dans lequel on a mis les pieds sans savoir ce qu’on faisait est assez représentative de ce à quoi le projet GNU s’oppose. S’opposer à ce que l’utilisateur soit contrôlé par le programme, donc faire en sorte qu’il contrôle lui-même le programme.
Dons le texte « Pourquoi le logiciel libre est plus important que jamais », auquel je me suis référée tout à l’heure, vous avez un rappel de ce que ce mouvement appelle les quatre libertés essentielles. Donc exécuter, autant faire que le code soit lisible pour qu’on puisse exécuter ce qu’on veut. Liberté d’étudier le fonctionnement des programmes. De redistribuer des copies. De distribuer des copies de versions modifiées. Ces quatre libertés, qui sont assez souvent représentées par des logos,( utiliser, étudier, distribuer, améliorer), sont considérées comme moyens, dans le contexte du Free Software, pour réduire les opacités, les portes dérobées. Le risque que tel programme exerce ce qu’on ne lui a surtout pas demandé d’exécuter, de façon à savoir exactement ce qu’il fait, quand il le fait et si on lui a bien demandé de le faire.
Assez souvent, vous avez une référence, (et là on retrouve la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et notamment son article 11), assez souvent Richard Stallman résume le Free Software à la devise de la République Française : liberté, égalité, fraternité. Liberté : les quatre libertés. Egalité, alors là je vais entrer très rapidement dans un détail de la manière dont l’informatique (erratum, l’Internet NDauteur) fonctionne. Il se trouve que la manière dont fonctionne l’informatique (erratum : l’Internet NDauteur) est maintenant une commutation de paquets. Commutation de paquets, c’est à-dire qu’il n’y a pas de centre, c’est a-centré, ce qui veut dire que chaque utilisateur est exactement à égalité avec tous les autres. Il n’est n’est pas privilégié. Il n’est pas disqualifié. C’est-à-dire : où qu’on soit, on a accès, par l’Internet, à tous les sites, à quelque point du globe qu’on se trouve. Donc l’un des buts du mouvement du Free Software est d’éviter que cette a-centralité, qui fait qu’il y a une égalité des utilisateurs, ne devienne pas de forme réseau du défunt Minitel, Minitel qui, lui, est un système qui est centré : un serveur qui va réaliser des opérations pour des usagers qui ont très peu le choix. Qui sont passifs. Qui, donc, ont délégué leurs opérations à quelqu’un qui réalise des services. Donc, l’un des grands enjeux est d’éviter que l’absence de centralité d’Internet, où tous les usagers sont égaux, tous les utilisateurs sont égaux, devienne, par des délégations,( je parlais tout à l’heure du SaaS), quelque chose comme ce qui rendrait l’utilisateur passif. Et non seulement passif, mais tributaire, du même coup, de rapidités, de distributions inégales, de dissymétries dans le service, qui serait préjudiciables.
L’autre thématique, fraternité. Il se trouve que, dans exactement un mois, (j’ai pris cet exemple), Framasoft organise à Gérardmer, (je crois qu’il [Gee] y va, absolument) donc, organise une opération Libre-Vosges. Le thème, qui est vraiment en gras, c’est partager. L’information est un bien commun. Dans "fraternité" est ressaisi et actualisé ce que les Lumières appellent patrimoine : ce que Hannah Arentd appelle le commun ; ce autour de quoi, parce qu’ils sont issus de la pensée et de la main de l’homme, les hommes qui naissent et qui meurent vont se nourrir et pouvoir s’éclairer. La notion de bien commun est tout à fait fondamentale.
C’est une opération qu’on appelle aussi Open Data. C’est-à-dire que les données, aussi bien municipales, aussi bien concernant les services, sont rendues à ceux qui sont les plus concernés par elles, c’est-à-dire les usagers eux-mêmes. Une opération qu’on appelle Open Data.
Je vais prolonger, et ensuite donner quelques repères, quelques indications. Déjà, à quelles conditions le code source, (donc le code qui fait tourner les programmes, qui réalise les opérations), à quelles conditions, donc, ce code, écrit pour être transmissible, perfectible, transparent, et rendre autonome, peut-il être estampillé et labellisé ? C’est ce qu’on appelle les licences libres. Là, l’une des premières licences libres, celle qui a été nécessaire pour le code qui a rendu possible GNU-Linux. C’est ce qu’on appelle la licence GPL : GNU Public Licence.
Ceci est un copyleft. Vous connaissez le copyright. Le c est dans l’autre sens. Ceci est un copyleft et aboutit à des licences qu’on appelle comme détentrices des gauches d’auteur. Vous connaissez le droit d’auteur. Avec le copyleft, c’est un gauche d’auteur. On peut demander à être publié sous gauche d’auteur, avec une licence Creative Commons. Creative Commons, là ça renvoie bien à la notion de patrimoine, à la notion du commun en tant qu’il ne peut pas, sans contradiction, être réservé à quelques-uns.
Pour continuer, ce que j’expliquais tout à l’heure, il y a plusieurs modalités. La licence Creative Commons peut être plus ou moins ouverte, plus ou moins restrictive.
La première, Creative Commons by : c’est-à-dire que, là, l’impératif c’est de citer. By : de dire quel est le nom d’auteur. Il faut qu’il y ait une attribution. On peut préciser Share Alike, c’est-à-dire qu’il faut que la manière dont on se réfère à ce qui est sous licence, sous gauche d’auteur, sous licence Creative Commons By, soit partagé de la même façon. Vous avez une version qui est plus restrictive, qui est Non Dérivée. C’est vrai que, lorsque Richard Stallman fait ses conférences, il demande la clause ND, parce que c’est une opinion et donc si on cite seulement la moitié, c’est vrai qu’on déforme. Vous avez la clause Non Commerciale. Il peut y avoir des manières de panacher, By - Non Commerciale- Share Alike, ou, c’est peut-être une des plus fermées, attribution, non commerciale et pas de dérivée. Pourquoi cette précision ? Parce qu’à partir du moment où une œuvre est sous gauche d’auteur, c’est-à-dire sous Licence Creative Commons, elle va pouvoir être utilisée, distribuée, modifiée.
Là, vous avez des logiciels libres. C’est pour ça qu’il est peut-être très imprécis de parler seulement de Logiciel Libre. Vous avez aussi bien des distributions. Ca commence par Tux, le pingouin de Linux, complété par le gnou, qu’on représente : c’est un animal d’Afrique. Vous avez différentes distributions de GNU-Linux. Vous avez Debian, par exemple. Vous avez Ubuntu.
Pourquoi vous présenter ce mur de logiciels libres ? Parce que lorsqu’il n’y pas la clause Non Commerciale, ça veut dire que, peut-être, le Logiciel Libre ne va pas être utilisé dans le sens où l’entendait initialement le projet GNU, c’est-à-dire le sens d’une réappropriation éthique et réfléchie de l’informatique. On peut décider d’utiliser un Logiciel Libre tout simplement parce qu’il fonctionne parfaitement, parce qu’il est portable, parce qu’il permet d’enregistrer sous différents formats. Il peut y avoir tout à fait d’autres motivations.
Tout à l’heure, il y avait une tension extrêmement grande au moment de la troisième image de Gee. Pourquoi cette plaisanterie à propos de Open Source et non pas Free Software. Vous avez, en 1999, un auteur, Eric Raymond, qui écrit « La Cathédrale et le Bazar ». Qui donne lieu à une scission entre Free Software et Open Source. Open Source, ce sont exactement les mêmes logiciels, sauf que si on dit Open Source on est plutôt dans une perspective, on va dire, d’efficacité. Pascal dirait « la raison des effets ». Ca marche, ça fonctionne. Alors que quand on se situe dans une perspective qui est Free Software, ce sont exactement les mêmes outils, les mêmes logiciels, là on est davantage attentif à ce qu’on fait. Pourquoi. La question du rapport à l’autre. La question du rapport à soi. Du rapport au monde. On n’est pas dans un pragmatisme pur et simple. D’ailleurs souvent Richard Stallman se réfère à un "idéalisme pragmatique", mais jamais un pragmatisme seulement. Et donc il me semble que Open Source est plutôt une démarche pragmatique, qui recherche des effets, alors que Free Software est davantage une démarche qui est liée à des perspectives éthiques, alors que ce sont exactement les mêmes logiciels.
Je donne deux exemples de travaux. Là nous sommes à Mozilla Paris. C’est une journée qui est consacrée à la contribution. Qu’est-ce que contribuer ? Qu’est-ce que c’est que devenir contributeur sur Wikipédia ? Pourquoi ? On est chez Mozilla, donc on est plutôt sous une tonalité Open Source, qui n’empêche pas que des personnes du Free Software, qui accentuent plutôt la dimension éthique, soient présentes. Inversement, là, nous sommes à L’école 42, c’est l’école de Xavier Niel, qu’on appelle l’école des geeks, pour faire vite. Et, là encore, c’est une journée de travail, donc. Aussi bien de traduction que d’écriture. Dans un contexte qui est flambant neuf. Qui est axé sur une recherche d’effets. Il faut que, dans cette école, beaucoup de lignes de code soient écrites. Il y a des hackathons. Il y a des moments où il faut que des synergies aboutissent à une solution. Ce qui n’empêche absolument pas que s’y retrouvent, éventuellement, des traducteurs, aussi bien, donc, du mouvement du Free Software, que des contributeurs, des personnes qui écrivent.
D’autres repères, sans abuser de votre patience, pour terminer. Tout à l’heure, nous avions projeté la page initiale de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Initialement, Wikipédia était un brouillon, un wiki. On appelle wiki,( ce n’est pas tout à fait un pad, mais c’est proche), on appelle wiki un document informatique, une page sur laquelle plusieurs personnes peuvent travailler simultanément. Initialement Wikipédia, qui sollicitait un travail collaboratif, était le brouillon d’une encyclopédie qui en aurait résulté. Sauf que Wikipédia est devenu l’encyclopédie elle-même. Le brouillon est devenu l’encyclopédie. Vous voyez que le logo est fait d’un puzzle qui manifeste, qui rappelle l’encyclopédie (kuklos, le cercle). Il s’agit de faire le tour de la connaissance humaine avec un système de renvois. Très exactement comme dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Très souvent, alors, (là c’est le logo de Wikisource), lorsque des classiques sont tombés dans le domaine public, Wikisource, les met en ligne. Donc, très commode. Je sais que j’utilise très souvent Wikisource pour envoyer à mes étudiants des pages entières de Kant. Des pages entières de philosophes. Ce qui est intéressant c’est que c’est l’iceberg qui est le logo de Wikisource, comme pour suggérer que sont disponibles à nos pieds des trésors dont nous ignorons même qu’ils sont en accès libre.

Pour en savoir plus :
là c’est le logo de FSF, Free Software Fondation, qui est la fondation qui, il y a trente ans, a été projetée et donc progressivement mise en œuvre par Richard Stallman.
Vous avez une association sœur qui est l’April, qui est très précieuse, si vous voulez lire des textes très pointus sur les problématiques du Libre. La revue de presse est remarquable. Il y a une revue de presse qui est faite toutes les semaines.
Framasoft. C’est la devise de Framasoft qui rappelle que ce n’est pas seulement une affaire de geeks, ce n’est pas simplement une affaire d’informaticiens, c’est aussi une affaire de tout citoyen qui essaie de s’émanciper, parce que « ce serait l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le Logiciel Libre ne libérait rien d’autre que du code ». Il faut libérer du code, pour dire que libérer du code permet de prendre en main son informatique, de pouvoir implémenter, modifier, distribuer des copies. Vous avez ce petit pingouin qui lit.
La Quadrature du Net est aussi une association sœur et elle est plus axée sur la question de la neutralité d’Internet. Que j’ai évoquée, tout à l’heure, en parlant de l’égalité des utilisateurs, non pas enfermés dans un système Minitel centré, mais un système acentré et ouvert, où quiconque a exactement la même possibilité d’accéder à la même chose que les autres. Vous avez de la part de la Quadrature du Net beaucoup de combats liés à des accords de commerce, comme TAFTA, ACTA, NAFTA, où la question du Logiciel Libre est évidemment en jeu.
A nouveau, hommage à Gee. Donc, ça, c’est l’ancienne bannière, avec différents personnages. Vous reconnaissez Richard Stallman, vous reconnaissez le pingouin, vous reconnaissez le gnou. Ce sont des personnages récurrents de ses dessins, qui, parfois, sont des histoires longues, vous avez des BD qui sont sur le site de geektionnerd.net, que je recommande beaucoup si vous voulez, en douceur, y comprendre progressivement quelque chose. Ce que j’ai commencé par faire.
Ceci, toujours un dessin de Gee. C’est la définition du geek, personnage central du Geektionnerd : « Son nom est inconnu. On l’appelle simplement le geek. C’est un jeune étudiant en école d’informatique. Il a vingt ans et passe le plus clair de son temps libre derrière son PC ou éventuellement derrière sa guitare à jouer du Radiohead, (je suppose que c’est une auto référence).Libriste convaincu, il ne jure par GNU-Linux".
Pourquoi à côté, le "Philosophe en méditation" de Rembrandt ? Parce qu’il me semble que dans cette ère de l’après Snowden, le contexte est suffisamment grave pour que les deux ne fassent pas espace à part. Il me semble que l’informatique n’est pas seulement une affaire d’informaticiens. Et Stallman, lui-même, informaticien, mathématicien émérite à Harvard, programmeur au MIT, a toujours dit qu’il ne pouvait pas être seulement informaticien. De même que les philosophes n’ont pas à rester dans un entre-soi. Parce qu’il me semble que les faux-semblants, que les analogies que j’ai pu évoquer ont éventuellement leur rôle à assumer.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
Applaudissements
Et de votre patience.

Organisatrice
 : C’est passé trop vite. On vous remercie vraiment beaucoup d’être venue faire cette conférence. C’était vraiment un honneur. Je suis peinée aujourd’hui que peu de gens soient venus aujourd’hui par rapport à la qualité de votre prestation. Fort heureusement le numérique va nous permettre de partager au mieux justement cette conférence puisque nous l’avons enregistrée. On vous remercie de nous l’avoir proposée et nous essaierons, via notre site conférence.meusegrandsud, de la diffuser sur le net.
Véronique Bonnet
 : "Partager". Je vous remercie beaucoup.
Organisatrice
 : Je laisse l’auditoire éventuellement poser des questions, avant le verre de l’amitié.
Véronique Bonnet
 : (J’ai promis à Gee de lui envoyer le lien.) J’ai été très rapide sur certains moments, parce que, déjà, je ne suis pas informaticienne. C’est vrai que j’ai un fils qui a éveillé tout à fait mon intérêt parce que, vraiment, entendre un technicien de cette volée [rms NDauteur] parler éthique, à la manière de Kant, c’était une chose vraiment extraordinaire. J’ai découvert l’été dernier et c’est sûr que plus on entre dans des textes, dans des polémiques, et plus on voit alors, pas à l’identique bien sûr, que se reproduisent des enjeux qui existaient au moment du despotisme éclairé.
Public
 : Je vais peut-être là poser une question technique avec Wikipédia. On utilise tous Wikipédia. Mais, n’est-ce pas, on est comme prisonnier de Wikipédia ?
Véronique Bonnet
 : On peut choisir autre chose que Wikipédia.
Public
 : Oui, c’est certain Mais, ne serait-ce que, en ce qui me concerne, moi j’utilise à travers Google. Il y a d’autres formules, je n’en sais rien, mais est-ce qu’on peut utiliser autrement que par Google ?
Véronique Bonnet
 : Ah oui ! C’est la question de quelle page, de quel auteur.
Public
 : D’accord.
Véronique Bonnet
 : C’est sûr que la question du recueil des métadonnées n’est pas indifférente. C’est vrai que si on utilise Google, à chaque fois l’adresse IP est inscrite. Et d’autres, non.

Wikipédia, je trouve que ça a été très utile. Et là, c’est le professeur qui parle. Ca a été très utile parce que, non seulement, je trouve que ça donne une humilité, parce que maintenant je fais cours devant des forêts d’ordinateurs des étudiants. C’est impressionnant. On a l’impression de dire des bêtises à tout moment. Parce qu’il y a la possibilité,( et vraiment c’est tendu) et je trouve qu’à la fois cette disponibilité fait que les étudiants vérifient qu’on ne leur raconte pas trop de bêtises. Et en même temps je trouve que ça nous oblige, nous, à être beaucoup plus clairs. Parce que c’est vrai que les articles de Wikipédia sont souvent très longs. Ce qui impose presque d’être incisif pour qu’ils puissent repérer, dedans, ce qui est latéral et ce qui ne l’est pas.
Il est très facile de contribuer donc je suis contributrice.

A Wikipédia il y a des modérateurs. Lorsqu’il y a beaucoup de parti pris dans un article, le modérateur le signale. Il y a des discussions. Vous pouvez mettre quelque chose sur Wikipédia et, parce qu’il y a la page texte, il y a la page discussion. Entrer en débat avec un autre contributeur qui trouve que non. Je sais que ça m’est arrivé puisque j’ai voulu contribuer à l’article « Patch » qui est une notion informatique importante et, en l’articulant évidemment aux rhapsodes homériques. Et il se trouve que je n’ai pas fait attention et que j’ai complété l’article Patch au sens de l’informatique, qui est très particulier ( ça désigne une manière de procéder pour renforcer des lignes de code fragiles : patch). Comme ce qu’on utilise en médecine : patch. Et il se trouve que donc j’ai écrit, cette chose-là sur les rhapsodes homériques dans patch, mais au sens informatique. Aussitôt, évidemment, j’ai beaucoup remercié le contributeur de m’avoir fait remarquer que c’était dans un sens spécialisé et qu’il fallait que je le mette dans un autre...
C’est passionnant. En fait je trouve que, à la limite, la discussion est aussi passionnante. Par exemple sur Platon c’est passionnant de lire les discussions entre contributeurs. Parce qu’on voit bien quel est l’enjeu que tel veut escamoter, que l’autre veut mettre en avant. C’est passionnant.

Public
 : A la fin c’est c’est quand même l’avis du modérateur qui est écrit.
Véronique Bonnet
 : Ah non puisque que le modérateur signale simplement que tel article n’est pas assez documenté. Fait remarquer que ceci manque de précision ou que tel article est un auto-publicité. Il y a des règles vraiment très précises. Il est interdit, et vraiment c’est bien, dans les statuts de Wikipédia, de faire un article sur soi, par exemple. C’est vraiment très rassurant que ce soit impossible. Même chose, par exemple si on veut faire un article sur un concurrent commercial. Même chose, on ne peut pas. Parce qu’il y a là vraiment des rails qu’il serait évidemment très tentant d’oublier.
Organisatrice
 : C’est en ce sens-là que, dans la presse, il y a quelques mois, on avait parlé de Philip Roth, écrivain américain, qui s’était fait refuser des modifications sur un article de sa page personnelle et en fait c’était au titre de la personne qui s’en est plainte.
Véronique Bonnet
 : Voila. Tout à fait.
Organisatrice
 : Ça n’a pas été du tout rendu comme ça dans les médias. Parce que dans les médias c’était Wikipédia est conçu de telle sorte que même Philip Roth, quand il parle de lui-même, est refusé par Wikipédia.
Véronique Bonnet
 : C’est une règle de déontologie.
Organisatrice
 : C’est intéressant, ce n’est pas écrit.
Véronique Bonnet
 : On peut peut-être rectifier lorsqu’ une date est erronée,une chose de ce genre. C’est-à-dire suggérer aux contributeurs en indiquant que c’est telle date et pas celle-ci. Évidemment on peut le faire. Je trouve que c’est très rassurant pour les usagers.

Et Wikisource, aussi, est d’un maniement exceptionnel. Là j’ai eu le cas pour Kant et pour Bergson. Je sais que lorsque, non seulement donc un auteur est dans le domaine public, mais lorsque en plus, la traduction,( pour Platon il faut que la traduction,... pour Kant il faut que la traduction soit dans le domaine public,) alors il y a une disponibilité. Il faut faire très attention parce que les délais de domaine public sont plus brefs par exemple au Canada. Ça m’est arrivé avec Bergson. Je n’ai pas pu distribuer,( il y a vraiment des réglementations), à mes étudiants, des passages de Bergson, alors que j’ai pu le faire pour Platon et pour Kant. C’était possible au Canada, ça n’était pas possible en France.
Et, là, Apollinaire vient de tomber dans le domaine public. D’ailleurs il y a une instance de Framasoft, qui s’appelle, (dont le titre est amusant, ça joue sur domaine public), ça s’appelle Romaine Lubrique, qui donc fait connaître quels sont les derniers textes. Des chansons : « L’Internationale » n’est pas encore dans le domaine public, par exemple. C’est un des derniers exemples donnés par Romaine Lubrique. Alors que « Le temps des cerises »... Bientôt...

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.