Présentatrice : Bienvenue à tous ceux qui nous rejoignent, pour cet après-midi du Festival Grand Océan [1], avec un programme riche et varié, avec des intervenants passionnants, vous allez le voir. Je vous rappelle toujours que vous pouvez vous poser vos questions avec le QR code qui est dispoible soit sur votre programme, soit sur les slides sur vos écrans. Que vous soyez ici en présentiel ou à distance, on prend toujours un moment, à la fin, pour répondre à vos questions.
Nous allons tout de suite rentrer dans le vif du sujet, celui des câbles sous-marins et de leurs enjeux planétaires, et je vais demander à Ophélie Coelho de me retrouver sur scène.
Bonjour Ophélie, vous avez le pupitre pour vous, pour votre présentation. Je rappelle que vous êtes chercheuse, auteure, conférencière dans le secteur de la géopolitique du numérique. Vous avez 20 minutes, Ophélie, questions comprises. Vous avez un petit décompte devant vous, on est obligé de maintenir un petit peu notre timing. Merci.
Ophélie Coelho : Je vais faire au mieux. Bonjour à tous. Merci pour l’invitation.
J’aime toujours beaucoup parler de ce sujet-là, sur les sujets des enjeux géopolitiques du numérique, disons sur toute la chaîne du numérique, mais les câbles sous-marins, c’est un peu mon péché mignon, on va dire les choses comme ça.
Les câbles sous-marins en 4 dimensions
Première chose, je me suis dit que je pouvais présenter une brève introduction. Je ne vais pas vous expliquer absolument tout du câble, ça prendrait beaucoup de temps, on peut faire un cours là-dessus, il n’y a pas de problème, mais, en 20 minutes, je vais essayer de prendre quatre dimensions pour une brève introduction.
Approche technique
D’abord, les câbles sous-marins, c’est technique, ce sont des routes, au fond des mers, qui permettent d’acheminer des données, depuis déjà la fin du d19e siècle, avec l’Empire britannique, la All Red Line [2]. C’est d’ailleurs ce que vous voyez dans le fond de cette carte, qui date de 1903, qui représente le réseau. Vous pouvez voir les petites lignes qui passent, c’est le réseau télégraphique de l’époque, qui était plutôt associé à l’Empire britannique, même si, à ce moment-là, ça commençait déjà à devenir une infrastructure mondiale.
Les câbles ont été en cuivre d’abord, puis, petit à petit, on a eu des changements techniques et technologiques pour arriver à la fibre. À la fin des années 80, puis 90, 2000, on a eu un déploiement des câbles de fibre optique. Aujourd’hui, avec une place du logiciel de plus en plus prégnante.
Approche historique : du câble télégraphique aux réseaux de l’Internet
Néanmoins, on garde toujours cette idée d’un outil de l’empire, c’est-à-dire que les réseaux de télécommunications, ce sont des réseaux d’information et, en fait, ce sont aussi des réseaux qui sont instrumentalisés. Ce n’est pas seulement pour communiquer d’un continent à l’autre, c’est aussi pour acheminer de l’information et pour la récolter. C’est pour ça que qu’on peut parler, parfois, d’interceptions de données qui servent à l’intelligence, et aussi à couper éventuellement ces infrastructures. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait l’Empire britannique lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, même avant cela, si on regarde les guerres impériales entre la Russie et le Japon, comme lors de la bataille de Tsushima [3] où il y a eu aussi un rôle de l’Empire britannique dans l’interception de communications sur ces câbles télégraphiques.
Si on aborde le câble sous-marin d’un point de vue historique, on se rend compte que c’est vraiment un outil de l’Empire.
Aujourd’hui, on va dire, que c’est un outil au service de l’empire économique des États-Unis, de la Chine aussi, qui est de plus en plus présente dans ce domaine-là, et des grands acteurs de la tech qui se développent énormément sur l’infrastructure de câbles depuis une dizaine d’années.
Approche géographique
Approche géographie que que réseau est inégalement réparti. Initialement, c’était beaucoup dans l’hémisphère nord, et puis, progressivement, on a commencé à avoir des câbles dans l’hémisphère sud. C’est déjà en cela que c’est inégal.
Ensuite, concernant les cœurs technologiques : les câbles permettent de relier, mais aussi de concentrer, de ramener la donnée généralement dans des cœurs technologiques, qui sont souvent concentrés aux États-Unis, en Europe, et en Chine – beaucoup aux États-Unis, il faut quand même l’admettre).
Approche géopolitique
Cette approche coule de source, en quelque sorte.
L’approche historique, géographique et l’approche technique, nous font penser, nous rendre compte, au fur et à mesure du temps, que ce sont des outils de puissance.
D’ailleurs, parfois, des projets dérangent. On peut penser à des câbles qui, par exemple, devaient relier les États-Unis à Hong-Kong directement, qui, ont été complètement arrêtés ou modifiés, parce que les États-Unis craignaient qu’en passant par Hong-Kong, il y ait une interception de données de la part de la Chine. De la même manière, l’Arctic Cable, un projet qui devait relier l’Europe à la Russie par l’Arctique, a été annulé, en tout cas mis en pause pour le moment. Cela ne veut pas dire qu’il ne va pas être redémarré dans quelques années, mais pour l’instant, il a été mis en pause.
Carte 1 : Réseaux de câbles sous-marins de télécommunication, vue centrée sur le Pacifique
Sur cette carte, on voit le réseau de câbles tel qu’il existe, et dans une vue qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir, qui est celle centrée sur le Pacifique. On oublie assez souvent que toute la zone Pacifique est quand même une zone de tension particulièrement prononcée. Il y a beaucoup de chantiers de câbles qui émergent et se développent dans cette zone-là.
Schéma – Scénarios de transfert d’une requête en fonction de la localisation des services et infrastructures
Je me permets de revenir sur cette partie de façon un petit peu transversale.
Le câble sous-marin, en tant que tel, c’est ce que vous voyez sur le schéma, au niveau de l’océan Atlantique, où il est marqué « la donnée traverse l’océan en empruntant un câble sous-marin transatlantique ». Le câble sous-marin fait partie d’une chaîne de transmission de données. Cette chaîne part en général des terres, bien sûr, qui ensuite, va prendre les réseaux terrestres et, si on a besoin de se connecter à l’extérieur, au niveau transcontinental, va passer par les câbles sous-marins.
La chaîne peut aussi passer par les satellites, mais, contrairement à ce qu’on entend, les satellites ne remplaceront pas les câbles sous-marins de télécommunication, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de centre de données dans l’espace, en tout cas pour l’instant. Donc, aujourd’hui, il n’est pas possible de remplacer complètement l’infrastructure au sol et ça n’aurait pas de sens.
Le satellite est là pour les derniers kilomètres de transmission, quand l’information est déjà traitée. À ce moment-là, on va utiliser le câble satellitaire pour transmettre l’information finale. Éventuellement, dans certains cas où il y a des coupures de câble, ou s’il y a une zone dans laquelle on a coupé les câbles, pour des situations de guerre, par exemple, on va passer par les câbles satellites. En aucun cas, ça ne remplace l’infrastructure au sol, loin de là.
Cartes présentant les corridors Asie-Pacifique, les corridors Suez et Levant
On peut voir que certaines zones sont particulièrement denses en câbles. Je vous ai parlé de la zone Pacifique, on peut également, évidemment, citer le canal de Suez. On voit d’ailleurs que de nouvelles routes passent aujourd’hui plus à l’est, notamment Raman et Blue, qui sont des câbles de Google. L’idée c’est de pouvoir acheminer les données ailleurs que par l’Égypte, en passant par la côte Levantine et par Gaza, en l’occurrence.
C’est intéressant de voir comment les routes se font.
Vous voyez également sur cette carte la ville futuriste Neom, qui est censée devenir un pôle technologique, où ils ont déjà prévu le projet de connexion du câble.
Carte 2 : Réseaux de câbles sous-marins de télécommunication, vue centrée sur l’Atlantique
Petit à petit, on peut se demander : aujourd’hui, qui possède ces câbles ?
Historiquement, ce sont plutôt des grands consortiums d’entreprises des télécommunications. Ils géraient les réseaux terrestres, également les réseaux sous-marins de télégraphie, puis Internet, puis de fibre. Ce domaine, dans lequel il faut investir énormément, où il faut beaucoup de moyens pour pouvoir poser et maintenir ces câbles, a été progressivement pris, engagé de plus en plus, occupé par des géants du numérique. De cette manière-là, ils vont faire de l’intégration verticale. Petit à petit, ils vont assembler à la fois la brique logicielle, la brique infrastructurelle, aux centres de données, au traitement. Et aujourd’hui également, en tant que fabless [4] de leurs puces de traitement d’intelligence artificielle, on voit qu’ils occupent progressivement toutes les couches technologiques de leur activité.
Sur cette carte, c’est dommage parce qu’on ne voit pas très bien les lignes bleues qui apparaissent, en gros il y a trois couleurs.
Les lignes grises, ce sont les réseaux encore détenus aujourd’hui par des acteurs traditionnels comme les télécoms. Ce sont des câbles de plus en plus anciens.
Un câble a une longévité d’à peu près 25 ans, et tous les nouveaux câbles sont plutôt des investissements de la part de géants du numérique ou des Émiratis qui jouent aussi un rôle assez important dans l’investissement, et des télécoms chinois. En gros, on a trois gros pôles d’investissement aujourd’hui.
Les câbles en bleu représentent la dominance, propriété Big Tech américaine, qui sont présents à la fois au niveau de l’Atlantique et au niveau du Pacifique.
Les rouges, excusez-moi pour la couleur rouge, c’était trop facile, sont les télécoms chinois. On voit qu’ils sont un petit peu autour de l’Afrique, très peu, voire quasiment pas présents au niveau de l’Atlantique, et très présents au niveau du Pacifique.
Cartes 3 : Réseau global – Carte 4 : Télécoms chinois
C’est assez intéressant, d’ailleurs, de faire ce travail de visualisation, de positionnement géographique, en variant un peu les cartographies. Vous m’excuserez, je fais de cette présentation une présentation cartographique, ce qui est aussi un de mes péchés mignons.
Cartes 5 : Copropriété majoritaire de Meta – Carte 6 : Copropriété ou propriété unique de Google
On peut montrer qu’on a effectivement les télécoms chinois, puis les Big Tech américaines, comme Meta ou Google, qui sont les deux grands géants du câble. Google est en premier, car il a quand même 32 câbles aujourd’hui, dont la moitié où il est propriétaire unique, ce qui est inédit dans l’histoire du câble sous-marin. Quand il y avait la Western Telegraph Company au service de l’Empire britannique, c’était à peu près ça, on avait quasiment une propriété unique. On n’avait pas connu cela depuis le début du 20e siècle.
Meta est également acteur assez intéressant.
Ce qui est assez intéressant avec ces acteurs, c’est que ce n’est pas seulement la construction du câble pour leur propre service, c’est aussi en tant que fourniture, en tant que location de bande passante, en gros un remplacement, en quelque sorte, de la mission traditionnelle des télécoms.
Carte 7 : Agrégats régionaux de centres de données en 2025
Pour en revenir à la chaîne technologique, parce qu’on ne peut pas parler du câble sous-marin seulement en évoquant ces infrastructures sous-marines, on doit en parler en connexion avec les infrastructures terrestres. Là, on peut voir assez rapidement les agrégats régionaux de centres de données, avec des concentrations de centres de données, qui révèlent un petit peu le partage des données sur les différents territoires. On peut voir les cœurs technologiques, vis-à-vis du coût des dépendances technologiques qui, elles, sont alimentées par les câbles.
Cartes 9 : Territorialisation infrastructurelle – Carte 10 : Circulation intracontinentale des données en provenance de l’extérieur de l’Afrique
En cela, j’aime beaucoup montrer l’exemple de l’Afrique, parce que c’est très démonstratif de toute cette évolution du câble sous-marin aujourd’hui.
Déjà, on a des câbles extrêmement longs, ce sont des milliers de kilomètres sur le pourtour du continent africain, avec des câbles dont la capacité n’avait jamais été égalée.
Ces dernières années on a, bien sûr les câbles qui atterrissent en Europe, qui font quasiment de 300 à 400 térabits. C’est un énorme volume de données qu’on n’utilise pas encore, c’est de l’investissement pour après, c’est un pari sur les dix prochaines années.
Autour du continent africain, on passe d’une capacité de câbles de 1 à 50 térabits, sachant que, pour la plupart, ils étaient à moins de 20 térabits, donc assez faible – j’ai mis de 1 à 50 comme tranche – à une capacité de câbles de 125 à 200 térabits par seconde, donc une capacité de câble assez énorme. D’autant plus que ça peut évoluer parce que des ajouts de paires de fibre optique permettent potentiellement d’augmenter la capacité de ces câbles.
Dans le même temps, il y a une territorialisation des infrastructures via des centres de données périphériques, c’est-à-dire qu’on a toujours des cœurs technologiques plutôt au nord.
Pourquoi a-t-on tant de développements de centres de données en Europe, notamment des grands projets d’installation de centres de données en France ? Ce n’est pas pour rien, c’est parce qu’il y a une vive transformation numérique sur le continent africain et que l’Europe va servir de lieu de passage. Il faut quand même bien regarder les choses telles qu’elles sont : les technologies viennent des États-Unis en général pour le logiciel, même si la Chine essaie de s’implanter de plus en plus en Afrique.
En fait, on a un cœur de centre de données en Europe avant de redescendre vers l’Afrique, parce qu’il n’y a pas de liaison directe. Ou alors, ça vient de Chine et ça va passer par les clusters de centres de données déjà implantés sur la péninsule arabique ou en Europe.
Tout cela est lié. Je fais exprès de passer du câble sous-marin à l’infrastructure terrestre, parce que, aujourd’hui, on ne peut pas faire de séparation entre les deux, sur le développement de cette industrie-là.
Du coup, ça permet de voir en quoi le câble sous-marin n’est pas seulement une infrastructure technique, mais fait partie, en général, d’un plan global de développement, que ce soit un plan global de développement économique, un plan global de développement stratégique, en termes informationnel et en termes« d’outils d’Empire », si on doit le dire comme ça.
J’emploie ce terme « d’outils d’Empire », ce n’est pas pour rien, c’est un terme qui est utilisé en général pour dénommer les réseaux de télégraphie de l’Empire britannique à l’époque. Quand on fait le parallèle avec ce qui se passe aujourd’hui, on est dans les mêmes configurations, c’est-à-dire que les câbles sous-marins sont instrumentalisés, différemment aujourd’hui parce que la captation de données c’est plus compliqué que sur un câble télégraphique, il y a quand même du chiffrement, ce n’est pas simple. On ne va pas se brancher au fond des mers sur un câble pour en retirer de la donnée, ce n’est pas comme ça que ça se passe. En général, quand on retire de la donnée d’un câble sous-marin, c’est à terre. Ensuite, il faut un logiciel qui permet de déchiffrer les données et de les exploiter. Si quelqu’un un jour vous dit : « La Russie, ou la Chine, a intercepté des données au fond de l’eau… », éventuellement via un répéteur, peut-être…, mais ce n’est vraiment pas la solution de facilité ! En tout cas, c’est plutôt à terre que ça se passe.
Par contre, vous entendez parler de temps en temps de coupures de câbles. La plupart du temps, ce sont des accidents de travaux sous-marins, de bateaux de pêche. Parfois, on peut effectivement penser, se douter, qu’il s’agit d’une coupure intentionnelle. Mais de là à le prouver !Les enquêtes ne sont jamais tout à fait sûres, sauf quand il y a une vraie annonce dans ce sens.
Questions du public et réponses
Ophélie Coelho : Je suis allée très vite sur la première partie, donc j’en profite pour les questions, parce que, dans les 20 minutes, il y a aussi des questions.
Présentatrice : Effectivement. Des questions sont déjà arrivées via le chat. Une première : « En quoi la coupure d’un ou de plusieurs câbles peut affecter la vie d’un État ? »
Ophélie Coelho : Ça dépend un petit peu du nombre de câbles connectés à l’État.
Si on regarde par exemple en Europe, franchement, ça va, même si on coupe trois câbles. Il ne faut pas que ce soit les câbles les plus puissants, par exemple les bleus sur la Carte 2, ce sont les plus puissants, ceux des Big Tech. Si on coupe les trois câbles, certains services ne vont pas super bien fonctionner, notamment probablement ceux des Big Tech, GAFAM, c’est-à-dire Google, Microsoft, AWS, Cloudflare, etc. On risque d’avoir quelques petits soucis de latence, mais on va avoir beaucoup d’effets de redondance.
Et puis il faut savoir – et là je rentre un peu dans la technique – qu’on a des caches, c’est-à-dire que sur le territoire, en général, on a un certain nombre de données qui sont temporairement mémorisées, en quelque sorte. Donc, si on coupe un câble, les services continuent à fonctionner, jusqu’au moment où ça ne fonctionne plus. Entre-temps on les répare, on passe par d’autres routes, par d’autres câbles sous-marins, voire par d’autres voies continentales. Donc, pour l’Europe, il n’y a pas trop de risques.
Par contre, pour certains pays en Asie et en Afrique, qui ne sont connectés qu’à un ou deux câbles, c’est un réel problème. D’ailleurs, ça s’est passé l’année dernière au niveau des pays africains, quand, d’un coup, trois câbles ont été coupés. Ça a été très compliqué, parfois pendant deux ou trois jours selon certains pays. Par exemple, pour l’Afrique du Sud, ça a été trois/quatre jours, je crois. Pour d’autres pays, ça a duré un mois de latence, de problèmes, de coupure, etc. Et pour les pays enclavés, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas d’accès au littoral, c’est encore pire.
Présentatrice : Question : est-ce que les câbles vont passer par le pôle nord quand la voie du nord sera ouverte ? »
Ophélie Coelho : C’est une bonne question et je pense que oui, de toute façon. Sur les cartes 3 et 4, on ne voit pas beaucoup, j’ai choisi le blanc pour représenter les lignes, quand ça arrive au niveau du pôle, c’est compliqué de les discerner. Il y a déjà des câbles qui transitent au-dessus de la Russie, à ce niveau-là. Donc, clairement, oui. Si ce n’est pas encore fait, je ne doute pas qu’il y aura des voies de ce côté-là
Présentatrice : En parlant de voies, justement : le trajet des câbles semble suivre les routes maritimes, est-ce que c’est un hasard ?
Ophélie Coelho : Je ne pense pas. Historiquement, c’étaient des routes qu’on connaissait bien : là où passaient les bateaux, on connaissait mieux le terrain. Néanmoins, il y a aussi des routes qui n’étaient pas du tout exploitées et qui le sont aujourd’hui, parce qu’on a, justement, des métiers qui sont spécialisés dans l’exploration sous-marine, avant la pose des câbles.
Donc au départ, oui, parce qu’on connaît le terrain, parce qu’on connaît ces voies ; les réseaux télégraphiques, par exemple, c’est tout à fait ça. Et puis aujourd’hui, traditionnellement, on va rebâtir par-dessus les réseaux existants, et puis, petit à petit, on teste de nouvelles routes. D’ailleurs, c’est le cas dans l’hémisphère sud.
Présentatrice : Une autre question : vous avez parlé de 25 ans comme durée de vie d’un câble. Les vieux câbles sont-ils laissés au fond ou remontés ?
Ophélie Coelho : Normalement, ils sont remontés.
Présentatrice : Normalement ?
Ophélie Coelho : Je dis toujours « normalement », parce qu’on sait comment ça se passe. Enfin, on a entendu pas mal d’histoires, que ce soit de câbles ou d’installations d’entreprises à l’étranger qui sont parfois laissés complètement à l’abandon. Je ne serais donc pas surprise qu’il y ait des câbles, qu’il y ait du cuivre au fond des mers qui n’ait jamais été récupéré.
Présentatrice : Une dernière question, peut-être pour avoir un chiffre, je ne sais pas si vous l’avez : combien y a-t-il de câbles sous-marins dans le monde ?
Ophélie Coelho : Combien de câbles ? On va m’embêter avec cette question-là ! Je dirais autour de 500, je prends des précautions.
Pourquoi je ne donne pas de nombre exact ? Déjà, parce qu’il y a des câbles qui sont annoncés et on ne connaît jamais précisément la date à laquelle ils seront complètement posés. On a toujours un temps de retard ou un temps d’avance. Par exemple, il y a certains câbles, comme le Waterwoth de Meta, que j’ai mis quand même sur la Carte 5, en rouge, celui qui va jusqu’en Afrique du Sud, mais, en fait, il a été annoncé ; les investissements, la machine est en route, donc je l’ai mis, mais il n’est pas encore posé.
C’est toujours un peu sensible. Par ailleurs, je prends l’exemple de Raman et Blue qui, au départ, étaient comptés comme une seule entité. Sur la carte du canal de Suez, au niveau de la côte Levantine, Blue est en haut, à côté de Haifa, et Raman à côté de Neom. En fait, c’est la même infrastructure Google, mais qui est découpée en deux, donc forcément, il y a un compte de câbles qui est séparé aujourd’hui.
Présentatrice : Très bien. Merci beaucoup, Ophélie. Je suis désolée. Je pense que vous auriez eu beaucoup de choses encore à partager avec nous.
Ophélie Coelho : Vingt minutes, c’est très court. Donc, c’est compliqué ! Merci à vous.
Présentatrice : En tout cas merci d’avoir été avec nous.