Nouvelles questions d’Isabelle Attard sur l’application de la circulaire Ayrault sur le bon usage des logiciels libres dans les administrations

Fin mai 2013, la députée Isabelle Attard avait adressé à l’ensemble des 37 ministres du gouvernement de l’époque une question écrite concernant la mise en œuvre de la circulaire Ayrault sur le bon usage des logiciels libres dans les administrations et sur les dépenses en logiciel au sein du ministère et des administrations. La plupart des ministères ont répondu à la question de la députée.

Pour faire le suivi de l’application de la circulaire, la députée vient d’écrire aux 16 ministres de plein exercice du gouvernement de Manuel Valls, ainsi que le Premier ministre et Axelle Lemaire, la Secrétaire d’État au numérique.

À l’occasion du salon Intertice 2014 organisé par Canopé Versailles, l’Enuma Logiciels Libres a organisé en février 2014 une table ronde intitulée : « Comment appliquer la circulaire de Jean-Marc Ayrault sur le logiciel libre, en EPLE (Établissement public local d’enseignement) ». Les vidéos des différentes interventions sont accessibles dont celle d’Isabelle Attard, et celle de Rémi Boulle (enseignant et vice-président de l’April chargé des questions d’éducation).

L’April remercie chaleureusement la députée Isabelle Attard pour sa persévérance.

Transcription de l’intervention au salon Intertice

Isabelle Attard

Usage du logiciel libre dans l’administration
On a posé la question à tous les ministères pour savoir où ils en étaient sur l’application de la circulaire de Marc Ayrault est sortie. D’abord, parce que, très clairement était dit, de façon claire, au moins par l’État en tout cas, un axe, un chemin à suivre, des recommandations. Cette politique, qui est écrite dans cette circulaire de Marc Ayrault, très clairement elle était déjà menée par la région Île-de-France depuis de nombreuses années. Très clairement, cette convergence de vues sur les moyens et sur le chemin à entreprendre, en tout cas, était claire, et nous convenait parfaitement.
Bien sûr, je vais partir sur Lilie, mais je vais rappeler quand même deux ou trois petites choses et Louis-Maurice tu les as déjà rappelées tout à l’heure. C’est la politique, de toutes façons la politique de la région Île-de-France, elle suit aussi la politique du développement du web, de ce que c’est, de l’histoire de l’informatique, comment ça c’est passé. Il y a eu les matériels, il y a eu les réseaux, il y a eu le web, il y a eu finalement les services web, ce qui serait quelque part s’inscrire dans l’histoire, Lilie qu’est-ce que c’est ? C’est un service web. On a offert les matériels, on a offert les réseaux, on a offert certains services sur ces réseaux, certains services sur ces matériels, certains logiciels sur ces matériels et Lilie ça n’est que la prolongation de ce qu’on a déjà fait et toujours en gardant à l’esprit la même idée, c’est que quelque part, si on veut faire du logiciel libre, eh bien on en fait, si on veut faire de l’open source on en fait, dans un but simple, d’abord pour que la continuité, on la retrouve, tout le temps, et puis aussi parce que très clairement ça nous permet, à nous, de mutualiser, de mutualiser de façon forte.
Le projet Lilie qu’est-ce que c’était ? C’était effectivement en 2009 la région dit « Oui, je vais me lancer comme les autres, à la suite de l’appel du ministère, sur les ENT ». Très bien, j’y réponds. J’y réponds avec un marché à dialogue compétitif, j’y réponds pour six ans parce que j’ai de nombreux établissements, je sais que ça ne va pas être facile, que ça va prendre un temps de déploiement, ça va prendre un temps considérable avec trois académies différentes. Bien ! Je choisis en plus de m’inscrire dans un politique libre, parce que j’inscris dans mon marché qu’il faut que ce produit soit redistribuable et redistribuable de façon claire pour que les autres collectivités, au moins franciliennes, et à l’époque la région pensait très clairement à ses conseils généraux, puissent s’emparer de ce produit, pour elles aussi s’en servir dans dans d’autres marchés ENT, qu’elles allaient avoir à mener. C’est très clairement ce qui s’est passé. En fait, ça a été repris, d’abord par nombre de collectivités, qu’on va retrouver, dont je vais parler encore tout-à-l’heure. La Picardie, qui est une autre région, qui n’est pas francilienne. L’Essonne, très clairement, qui est elle est un des conseils généraux qu’on voulait atteindre. Le 77 qui est aussi un autre Conseil général qu’on voulait atteindre, qui est dans notre sphère. Et puis surtout très récemment Paris, Paris, avec tous ses collèges, qui très clairement montre que, finalement, on arrive à une cohérence des territoires, en tout cas sur ce terrain-là, qui peut s’affirmer clairement.

Très clairement, tout cela prend corps autour d’un produit, d’une idée, qui s’appelle Open ENT, qui a été décrit depuis le départ. Lilie, c’est le projet d’Île-de-France actuel, sa concrétisation au travers du marché qui a été signé en 2009. Open ENT qu’est-ce que c’est ? C’est la démarche, cette démarche de protéger un sanctuaire, de protéger, de mutualiser ensemble les difficultés, les plans de route, les nouvelles fonctionnalités qu’il y a à mettre dans un ENT. Mutualiser aussi, eh bien quelque part, les ennuis, les inconvénients et mutualiser de temps en temps de grandes victoires. Par exemple, quand la Picardie a passé son même marché, avec une demande inscrite dans son marché d’un logiciel libre, elle s’est faite attaquer très clairement par deux intégrateurs, privateurs, et la réponse a été finalement donnée par le Conseil d’État à l’époque qui l’a autorisée de continuer son marché dans ces conditions-là. Très clairement cette mutualisation d’idées, d’ennuis, mais aussi d’envie, très clairement a pu montrer, à la longue, d’excellents résultats.

Oui, bien sûr, Lilie, on a aujourd’hui de grandes difficultés. La région Île-de-France l’a reconnu. Elle a connu des difficultés, mais ce n’est pas le côté libre, le côté open source qui a été sa difficulté. Ça a été plutôt, en fait, un produit qu’il a fallu développer, c’est long, ça n’existait pas, il a fallu le développer. Un ENT qui marche, même privateur, il faut quand même trois ans pour être accepté correctement dans un établissement. On est dans une région qui n’est pas simple, avec trois académies différentes, l’accompagnement, lui aussi a ses charges dans ce déploiement de Lilie. Très clairement oui, en attendant, la démarche en Île-de-France reste intacte, puisque Lilie on continue, ce marché s’arrête en 2015 et ce qui en sortira derrière, on restera sur quelque chose d’open source. On s’orientera naturellement et ça a déjà été évoqué, vers quelque chose qui sera plus de services. Puisque on va très clairement distinguer cette fois-ci trois marchés : celui de l’hébergement, celui de l’exploitation, celui de développement. Tout ça dans une logique de services, puisque très clairement pour effectivement arriver à ce qui ça revienne moins cher, parce qu’on ne peut pas oublier à un aucun moment les contraintes budgétaires auxquelles nous sommes tous soumis. Eh bien très clairement, cette solution pourra donner ses fruits. Ce marché, cette solution Open ENT, cette association qui va sortir effectivement dans le mois qui suit, la région Île-de-France signe aujourd’hui, fait signer par ses élus le fait d’adhérer à cette association Open ENT, permettra d’avoir une gouvernance claire et nette de notre projet.


Olivier Pla

La première réflexion que j’aurais par rapport à ce problème-là, c’est la philosophie du logiciel libre en fait. Dans la mesure où il y a une idée de partage, et au niveau éducatif ça me paraît important qu’on puisse parler de partage, qu’on n’impose pas un certain nombre de choses et entre autres dans l’utilisation de logiciels en général, les logiciels libres offrent une très grande palette, en fait, de possibilités. Mais, cela étant, la difficulté pour moi, c’est au niveau de l’installation d’un logiciel privatif, quand il fonctionne, et la plupart du temps effectivement, un logiciel signé privatif, ils ont mis le nécessaire pour que ça puisse tourner, mais ça impose à tous les utilisateurs de pouvoir l’utiliser.
Si c’est un logiciel particulier, en l’occurrence des logiciels qui sont spécifiques éducation, sur les notes, sur les relevés de notes, les absences, etc, le cahier de textes, bon, pourquoi pas, encore qu’il y aurait d’autres possibilités qui pourraient s’offrir. La difficulté, c’est beaucoup plus sur des logiciels, de type des suites Office, par exemple, des suites de bureautique où on se rend compte qu’au fur et à mesure que les produits évoluent, on a offert aux enseignants la possibilité d’utiliser ces produits, on leur a offert même la possibilité de le faire gratuitement parce que pour un certain temps c’était gratuit pour les enseignants, on incite donc les établissements à installer aussi ces produits-là sur les machines et à un moment donné on se rend compte que ça ne va plus être possible gratuitement. Il va falloir les payer. Et quand on a 400 machines à mettre en place avec les produits afférents, ça fait une certaine somme.
On peut parler par exemple de l’arrêt de la maintenance de Windows XP qui va arriver en avril et qui va vraiment poser un énorme problème à l’ensemble des établissements scolaires qui tournent avec des machines qui sont sous ce format-là. Puisque, s’il n’y plus de maintenance, il n’y a plus de sécurité, s’il n’y a plus de sécurité, on est dans des difficultés de plus en plus graves et il va falloir trouver des solutions. Or financièrement, ça ne va pas être possible pour un établissement scolaire, en tout cas, de pouvoir supporter un passage sur une autre version payante en tout cas. Ça, ça va être une forme d’obligation par rapport à ça.
L’autre inquiétude, en fait, c’est que beaucoup d’enseignants ont l’habitude d’utiliser chez eux, parce que c’est fourni avec leur machine, un environnement Windows pour la plupart, mais aussi Apple pour d’autres, etc, avec des suites particulières de logiciels de bureautique pour la plupart et quand ils se retrouvent à parler avec des élèves ou à proposer des produits, forcément quand ils sont sur un autre environnement, ils sont complètement déroutés. Ils n’ont pas appris le fonctionnement. En fait, ils savent utiliser peut-être 10, 15, 20 % au maximum d’une suite, mais ils ont beaucoup de mal à lâcher la suite qu’ils connaissent, pour un produit qu’ils ne connaissent pas. Dont il ne maîtrisent pas encore les subtilités, peut-être, mais en tout cas dont ils ne voient pas l’intérêt de changer de l’un à l’autre. La grosse difficulté en fait elle est là.
En tant que chef d’établissement, je n’ai pas à imposer un système, tel ou tel type de logiciels, sauf à montrer en quoi il peut être plus performant et en tout cas permettre, disons, un meilleur partage avec les élèves, en tout cas, avec les élèves et les familles. Et ne pas obliger, du coup, les élèves et les familles à acheter quelque chose dont ils n’auront pas forcément besoin par la suite. Ça évite effectivement l’aspect piratage, qui existe malheureusement, mais ça évite aussi la perte de données. Parce que les formats fermés, je me souviens effectivement que pendant que, pendant un temps, il y avait beaucoup de journaux scolaires qui fonctionnaient sous Publisher, qui n’existe plus, et donc les données n’existent plus. On ne peut plus les retrouver. Ce qui veut dire que tout ce qui a été fait, si on n’a pas fait un tirage papier, on ne peut plus le retrouver en numérique. C’est un petit peu dommage de ne pas pouvoir s’en resservir. En même temps, c’est difficile de montrer en fait aux enseignants que, au bout d’un moment, l’intérêt est qu’ils puissent garder en mémoire ce qu’ils ont fait et pouvoir le partager. L’idée du partage, en fait, c’est encore quelque chose d’assez difficile. Sortir de sa classe en tant que telle, pour partager des choses, à la fois son cours, à la fois ses exercices, ses pratiques, avec d’autres collègues, ça nécessite en fait un changement de mentalité par rapport à un usage quotidien, je dirais, peut-être pour beaucoup, mais un passage à un niveau différent.


Geoffrey Gékière

La question du pourquoi, en fait, pour moi elle a un lien avec l’adjectif qui a été utilisé qui était l’adjectif radical. Ce que j’ai fait, en fait, n’est pas radical du tout. Ce qui aurait été radical, pour moi, cela aurait été de continuer dans les conditions dans lesquelles on se trouvait avant de basculer comme ça. On était avec des postes vieillissants, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, le fonctionnement habituel des marchés de collectivités, qui permet de renouveler les postes tous les cinq ou six ans, ne fonctionnait plus dans notre établissement. On se retrouvait avec à peu près 70, 80% du parc qui n’était pas si vieux que ça, ça avait cinq, six, sept ans, mais des machines qui si matériellement étaient parfaitement fonctionnelles, la solution logicielle qui les faisait fonctionner, par contre, les rendait totalement inutilisables.
En fait, en supprimant Windows, donc pour le nommer, de ces ordinateurs et en le remplaçant par un système Debian, on a pu réutiliser, en fait, tous ces postes et on est aujourd’hui a à peu près 80 % du parc pédagogique qui se trouve fonctionner sous le système Debian ou Linux, plus le serveur d’authentification, le serveur web qui fonctionne également sous Gnu/Linux.
Maintenant, qu’est-ce que ça apporte tout ça ? Déjà moi, donc en tant que prof, mais également en tant qu’administrateur réseau, ça m’apporte une grande simplicité, en fait. La gestion de tous ces postes est extrêmement simple. Ça simplifie la vie. J’ai dix fois moins de travail depuis que j’ai installé ces postes, que j’avais de travail avant à gérer des parcs sous Windows, pour une raison très simple c’est que, à chaque fois qu’il y a un problème sur une machine Linux, on peut l’identifier ce problème. Sous Windows, c’est souvent un jeu de piste qui fait qu’on essaye de deviner, on ne comprend pas bien et une fois qu’on a une base de connaissances sur GNU/Linux on arrive à s’en sortir et à régler les problèmes relativement facilement, en demandant de l’aide évidemment, mais on s’en sort plus facilement. On gère ça beaucoup plus facilement. On a une gestion des machines, qui est parfaitement adaptée au système scolaire et à un établissement où on va gérer des profils, où on va donner des droits particuliers aux élèves. On a quelque chose qui est parfaitement adapté.
D’autre part, on va avoir des avantages dans l’utilisation avec les élèves. Quand on va utiliser des logiciels libres, on va pouvoir demander, légitimement, à ce que ces logiciels soient utilisés à la maison et on va, comme ça, pouvoir assurer une continuité entre l’école et la maison de manière beaucoup plus simple. Quand j’entends des enseignants, parce que ça existe, qui demandent à ce que des travaux leurs soient rendus dans des formats doc ou docx, ça pose de vraies questions de légitimité à demander ces choses-là. Donc, il y a cet avantage-là.
Il y avait une question sur la réaction des collègues. La réaction des collègues, en fait, déjà, ils n’ont pas eu le choix. Pour être très clair, j’ai pris une décision et je l’ai prise parce que de toutes façons on ne pouvait pas faire autrement sauf à ne plus utiliser les ordinateurs. Une fois que ces postes ont été basculés, en fait, j’ai eu des réactions hyper positives. Moi, j’ai commencé par basculer une salle, une salle info, qui n’était plus utilisée depuis plusieurs mois, parce qu’elle était inutilisable, en fait. Donc, je l’ai basculée parce que moi j’avais envie de travailler dessus. Donc, j’ai commencé à travailler dedans. Je me suis rendu compte que ça fonctionnait très bien. J’ai proposé à quelques collègues de venir essayer et ils ont retrouvé des logiciels qu’ils connaissaient auparavant : des profs de maths qui ont retrouvé GeoGebra, qui ont retrouvé des tableurs et ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient utiliser, ils ont recommencé à utiliser la salle multimédia en quelque sorte. La réaction suivante, évidemment, après moi, c’était d’attendre qu’on me demande à faire basculer les postes individuels qui étaient dans les différentes salles, que les profs utilisaient pour remplir le cahier de textes électronique, pour faire tout ce qu’ils ont à faire quotidien, en fait très rapidement, là c’est le bouche à oreille qui a joué. Le collègue qui auparavant, véridique, ce n’est pas une exagération là ce que je vais dire, mais une collègue qui auparavant allumait son poste le matin à huit heures et mettait quarante-cinq minutes avant de pouvoir lancer un navigateur Internet tellement son système était bancal, le fait qu’une fois que je sois passé derrière pour changer et que ça mettait trois minutes pour le même processus, le fait que l’icône ait changé de tête ne l’a pas gênée beaucoup.
Et c’est passé tout seul, en fait, c’est passé comme une lettre à la poste. C’est vrai que moi c’était ma crainte, je me disais les collègues vont lâcher les ordis, ils ne vont plus jamais revenir dessus et finalement on sera arrivé au même point d’usage, c’est-à-dire pas d’usage à cause d’une utilisation impossible techniquement ou pas d’usage à cause d’une réticence à s’adapter à un nouveau système. En fait, ça n’a pas du tout été le cas. Les collègues s’y sont mis et ils s’y mettent de plus en plus à tel point que maintenant, c’est moi qui suis gêné parce que la salle multimédia est prise un peu trop souvent à mon goût, elle est moins libre qu’avant !
Après, on pourrait parler des élèves aussi, la réaction des élèves. Eux, n’ont eu aucun problème. Ça a été assez marrant, j’entendais certains élèves discuter et je me suis rendu compte qu’ils connaissaient ce système pour certains. En tout cas qu’ils en avaient déjà entendu parler et ils s’expliquaient entre qu’est-ce qui avait changé et pourquoi ce n’était pas comme d’habitude avec le menu démarrer en bas. Il n’y a eu aucun problème non plus au niveau des élèves. Ils sont complètement souples à ce niveau-là et ils s’adaptent parfaitement à un nouveau système, surtout quand celui marche en fait. J’avais des échos auparavant de séances en salle informatique, où ben finalement où sur une heure, enfin 55 minutes de cours, il y en avait trente à trente-cinq qui étaient passées à attendre que le logiciel se lance ou à attendre que l’activité soit réalisable. Là, pareil, on n’a plus ce problème-là alors même que les machines n’ont pas changé.
Ça peut ouvrir des questions. Si je me tourne vers madame Attard, ce sont des vraies questions et vers le Conseil régional également, sur la gestion aussi, moi ça me pose des questions en tant que contribuable aussi sur la gestion des machines. Des machines qui sont renouvelées tous les cinq, six ans, eh bien là ça fait huit ans qu’on les a maintenant et on se rend compte qu’elles fonctionnent parfaitement bien et qu’il n’y a pour l’instant absolument pas besoin de les changer puisque tout tourne comme au premier jour.

Là, je pense que j’ai répondu à peu près à tout, il me semble.


Rémi Boulle

La circulaire Ayrault nous a donné vraiment beaucoup de travail, c’est sûr, puisqu’il a fallu analyser le document et pour nous c’était un levier très important pour essayer de faire avancer la cause des logiciels et ressources libres. Pour faire simple, je vais parler du libre en général pour inclure logiciels et ressources. Mais malgré tout, sur le terrain, on n’a pas vraiment l’impression que ça ait eu un impact. Ça sert localement pour des actions d’enseignants qui sont impliqués, comme le disait mon collègue, c’est un argument supplémentaire, puisque c’est un texte officiel, mais ça ne se traduit pas vraiment en actes dans les établissements. On n’a pas vraiment de révolution, de transformation des usages.
Certes le libre acquiert, grâce à ça, une certaine légitimité, mais ce n’est pas encore au niveau auquel on aurait pu penser, lorsque nous avons reçu la circulaire. Tout à l’heure mon collègue parlait de changement radical, c’est toi qui en parlais, je pense que malheureusement c’est un petit peu le terme. Puisque, lorsqu’on veut faire migrer un établissement sur des solutions libres, il faut avoir une certaine radicalité, c’est ce que le terrain nous renvoie. Puisqu’on lutte quelque part contre les pratiques en place, les pratiques institutionnelles, et notamment les préconisations académiques qui sont très variables selon les académies, mais parfois elles ne préconisent pas ou elles font obstacle à l’utilisation de logiciels libres. Donc, il faut un certain courage pour faire ce que tu as fait, tu as été poussé par des valeurs fortes, mais néanmoins les incidences sur le terrain, voilà, la circulaire, ils peuvent se baser là-dessus pour essayer d’avancer, mais il faut aussi essayer de faire bouger l’existant, les préconisations du rectorat et des missions Tice. Ça, c’est un point qui pose problème.
Ensuite vous parliez, monsieur Pla ici, de l’aspect mutualisation, là encore comme levier, la circulaire Ayrault en parle un petit peu, c’est tout ce qui concerne les formats ouverts. Il me semblerait important qu’au niveau de l’Éducation Nationale il y ait, peut-être, une sorte de référentiel, alors je ne veux pas parler de RGI, mais au moins un guide de bonnes pratiques, à diffuser qui, n’ayons pas peur des mots, qui quelque part impose un certain format de fichiers pour les échanges entre enseignants, les enseignants vers les élèves. Tu as très bien résumé la situation, et vous aussi également, c’est un problème clef, ce qu’on appelle en terme technique l’interopérabilité, c’est un problème auquel les enseignants sont confrontés très régulièrement. L’actuelle circulaire Ayrault n’en a pas vraiment parlé en fait, cet aspect interopérabilité manque. Moi j’aimerais que, peut-être, tous ensemble à nos niveaux respectifs, si on pouvait, peut-être, je ne sais pas, lancer un appel, c’est peut-être grandiloquent pour aujourd’hui, en toute modestie, pour justement promouvoir un peu l’utilisation de formats ouverts interopérables, en plus c’est défini dans la loi. Ce serait déjà, a minima, un levier, je pense, pour aider les établissements et les enseignants et les individus, comme toi ici, qui sont confrontés au changement, par rapport au changement, c’est un bon levier pour essayer de faire évoluer les pratiques.
C’est pour ça que je parle de la radicalité, oui elle est nécessaire. Je prendrais l’exemple notamment de la ville d’Albi, car venant de Toulouse, vous avez dû l’entendre à mon accent, en fait je suis un faux toulousain, mais ce n’est pas grave, qui comme accompagnement au changement, puisqu’ils ont migré leurs écoles sous une solution libre, en fait l’accompagnement de la bouche du DSI, enfin le directeur des services informatiques de la mairie d’Albi, c’était pas d’accompagnement. Très clairement, il y avait une volonté des élus, de la DSI de la municipalité, d’imposer une solution. Ça peut sembler radical, anti-démocratique, certes, mais la solution qui a été finalement imposée a été bien validée pédagogiquement auparavant, avec des enseignants, avec des inspecteurs et le changement s’est opéré comme cela.
C’est peut-être à ce niveau-là, au niveau de ces préconisations, que je verrais bien ça comme point de départ s’il fallait retenir un, parce qu’il y en a bien sûr d’autres, c’est au niveau de cette interopérabilité des fichiers.
J’en discutais aussi sur le stand de Promethean, puisque je suis allé faire un petit tour. C’est ce qui pose problème aussi, le tableau blanc interactif. Si vous êtes dans un établissement qui utilise tel logiciel, vous changez d’établissement, c’est fini, vos ressources sont perdues ! Vous ne pouvez pas aussi les mutualiser avec des gens qui n’ont pas le même logiciel que vous. Donc ça, ce sont des choses qui freinent notre pratique d’enseignant, on est quand même au service du public et des élèves et c’est un obstacle à notre métier. C’est quand même un comble si les solutions techniques qui sont censées nous aider nous empêchent de travailler !

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.