Conférence de Roberto Di Cosmo sur l’administration et le logiciel libre

Présentation

  • Titre :Conférence sur l’administration et le logiciel libre
  • Intervenant : Roberto Di Cosmo
  • Licence : CC-by-SA
  • Durée :1h30
  • Lien vers la vidéo

Transcription

C’est la guest-star de la manifestation : Roberto
Roberto Di Cosmo : Merci pour l’introduction, merci de m’avoir invité. J’espère de ne pas vous endormir après ce magnifique festin de midi. Ça me fait un très grand plaisir d’être ici pour les 10 ans de l’Adullact. On a été quelques uns à la voir naître... toute petite. Et on est absolument ravis de la voir arriver à 10 ans avec plein de succès... Mais je pense qu’on est pas arrivé à la fin de l’histoire. Je ne sais pas combien de temps j’ai pour vous parler, j’ai vu qu’on a mis 2 heures. Je suis capable de vous parler pendant deux heures, mais on pourra faire plus court, c’est possible. Je vais essayer de passer un certain nombre de transparents. Si vous me lancez sur la question de qu’est-ce que c’est le logiciel libre, sur les notions des technologies au service des citoyens de l’humanité là c’est dangereux, je peux passer avec vous autant de temps que vous voulez, il n’y a pas de limite. Je vais essayer de me concentrer sur quelques aspects très précis parce qu’on est dans un cadre privilégié, celui des administrations et des collectivités territoriales qui utilisent, qui ont besoin d’utiliser, des logiciels au service du citoyen et donc c’est un cadre très précis, très particulier, avec des contraintes spéciales, et donc c’est sur ça que j’aimerais me concentrer, en apportant quelques exemples, quelques bonnes nouvelles, quelques idées sur ce qu’il reste à faire. Donc là c’est mon plan. Je vais juste vous rappeler pourquoi l’État, donc vous, pourquoi vous vous êtes spéciaux. Pourquoi vous êtes différents d’une entreprise quelconque. L’État n’est pas une entreprise au sens propre. Il a des exigences, des obligations et donc des fois des plaisirs de faire les choses autrement qu’une entreprise quelconque et on va essayer de se rappeler de ça. Mais j’aimerais bien aussi vous parler du fait, après on va le voir, il ne suffit pas d’avoir conscience d’être un acteur spécial parce qu’on doit faire des choses spéciales. Des fois il est important de se le rappeler et c’est pour ça qu’on utilise des instruments qu’on appelle des lois. Donc on peut essayer de réfléchir à 10 ans de distance des premières propositions sur qu’est-ce que c’était des lois sur l’utilisation des formats ouverts et logiciels libres dans les administrations, sur qu’est-ce qu’on peut faire.
Et là vous ne pouvez pas imaginer la satisfaction que j’ai parce que je vais essayer de vous parler pendant quelques minutes de quelque chose qui s’est passé en Italie pendant les vacances du mois d’août. En général chez moi, je connais bien mon pays, c’est le moment où on vous augmente l’essence, on augmente les impôts pendant que vous êtes à la mer, et vous rentrez avec les mauvaises nouvelles. Pour une fois on a trouvé une bonne nouvelle devant la porte. Je vais vous en parler. On va essayer de s’en inspirer. Et évidemment je ne peux pas éviter de vous parler du rôle des structures de mutualisation telles l’ADULLACT. Et je ne pourrai pas vous parler d’autres questions. On y va. L’État est un acteur différent des autres. Un acteur spécial. Les transparents que je vais vous montrer ici datent de 2001. J’ai un peu peur qu’ils n’aient pas pris une ride. Donc on va voir, vous allez me dire l’État n’est pas une entreprise comme les autres. Pourquoi ? Parce qu’il a des exigences spécifiques de l’administration que vous ne retrouvez pas dans une entreprise quelconque. Je vous donne quelques exemples mais vous pouvez me les apprendre. Vous êtes des acteurs directs de tout cela. L’archivage à très long terme, l’intégrité des données. Ça c’est quelque chose qu’on ne demande pas dans une entreprise quelconque. L’entreprise qui fait faillite, elle perd ses données, une entreprise qui ne fait pas faillite elle doit garder un certain nombre de documents pendant 5 ans, pour vérifier qu’elle a bien payé les impôts. mais après elle peut tout jeter !
L’État non. L’information qui concerne notre état civil, notre casier judiciaire, la situation de nos impôts, c’est quelque chose qui ne peut pas être détruit ou perdu ou corrompu, parce qu’on s’est trompé, ce n’est pas très grave. D’ailleurs si vous réfléchissez aussi, il y a énormément d’informations que l’État, que vous en tant que collectivité détenez sur moi, simple citoyen, sans que je ne vous donne l’information ; vous l’avez, disons malgré moi, par le pouvoir régalien de l’État. Vous savez quand est-ce que je suis né, quel est mon état de santé, vous avez énormément d’informations qui ne doivent pas tomber dans le domaine public parce qu’elles pourraient être mal utilisées par des compagnies assurances, par des futurs employeurs, par, je ne sais pas trop. Alors que l’État on lui fait confiance par ce qu’il est là pour nous défendre, c’est pas les mêmes rôles qu’une compagnie privée. Donc vous avez une obligation de sécurité, il faut respecter la vie privée, la confidentialité des données, et protéger ces informations sensibles. Sans parler de la défense, il y a des informations sensibles que l’État détient sur moi sans que je puisse m’y opposer. Bien évidemment, il faut avoir un coût modéré, ce sont les deniers publics, il faut essayer de ne pas gaspiller pour faire n’importe quoi. Il faut savoir identifier de façon sure les citoyens avec lesquels on travaille, ça c’est quand même lié au point de la sécurité. On a un devoir de transparence de qu’est-ce que l’État fait avec les données, disons les informations qu’il détient sur nous même. Est-ce qu’on a le droit de croiser des fichiers contenant des informations d’éthiques avec des fichiers qui contiennent des informations sur les casiers judiciaires etc. Donc vous voyez s’il y a des questions d’éthique essentielles qui se posent, d’un côté une décision du législateur qui décide ce qui est légal ou pas légal, d’un autre côté il y a des implémentations réelles du système d’information qui doivent respecter cette décision politique. Et là il y a un devoir de transparence pour savoir comment on fait.
En plus tout ça doit se faire dans le cadre de quelque chose qu’on appelait il y a longtemps l’œcuménisme technologique. Qu’est-ce que ça veut dire ce mot barbare ? Ça veut juste dire que les technologies qu’on utilise en tant qu’acteur public doit être ouvertes pour tous mais ne doivent pas exclure quelqu’un des citoyens pour telle ou telle autre raison. Évidemment, en le disant à vous c’est enfoncer des portes ouvertes, vous le savez très bien, mais il n’y a pas beaucoup d’années je me rappelle quand on essayait de déclarer son revenu en Italie, on était obligé d’aller dans un site web fait par l’État Italien, on remplissait plein de données, une fois qu’on finissait, à la fin on retrouvait un petit lien qui permettait de télécharger un fichier point .exe... Et qu’est-ce qu’on fait avec un fichier .exe ? Il faut avoir un ordinateur Windows, et de la bonne version, pour pouvoir terminer sa déclaration d’impôts. Ça c’est un exemple de non-œcuménisme technologique qui est parfaitement légitime pour une entreprise, c’est ce qu’avait fait mon entreprise favorite à l’époque de voitures qui était FIAT, je voulais changer ma FIAT, j’ai été sur le site de FIAT pour l’acheter (j’ai enlevé cette démo parce qu’elle n’est plus actuelle, vous pouvez acheter des FIAT maintenant.). Quand j’ai essayé de demander les prix de l’entreprise, j’ai récupéré un gigantesque macaron qui disait « votre système d’exploitation ne supporte pas l’extension toto-bidule nécessaire pour vous donner les prix ». J’ai dit « D’accord, et moi j’achète une Renault ! ». Donc j’ai acheté une Renault et voilà !
Mais par contre pour les impôts, je ne peux pas faire ça. Si vous m’obligez à acheter un Mac ou un PC avec Windows machin-truc pour déclarer les impôts - et je ne l’ai pas - je ne peux pas dire « Ah bon d’accord je vais déclarer Mes impôts en Belgique ! ». Je ne vais pas faire la blague sur la Belgique, vous avez compris... [rires]. D’accord. Je passe vite sur ça, c’était des anciens transparents à propos de la Belgique.
J’avais présenté au Sénat en Belgique qui réfléchissait à une loi sur l’utilisation des formats ouverts, logiciels libres là-bas. Ils voulaient prendre le goût d’un scientifique, j’ai essayé de prendre un point de vue objectif. Donc quand j’ai dit qu’effectivement, pour l’archivage à long terme, on ne peut pas utiliser de formats propriétaires ou des logiciels non libres, et objectivement j’ai essayé de réfléchir en tant qu’informaticien professionnel, en tant que chercheur informatique pourquoi je considère que c’est techniquement impossible d’assurer l’archivage à long terme si on n’a pas des formats de données clairement spécifiés, parce qu’après on ne sait pas les relire. Là il ne faut pas être informaticien pour le savoir.
Il y a une certain nombre d’anecdotes tristounettes en particulier, la je vais aller d’un autre côté, du côte de la Manche, en Angleterre à un moment donné le gouvernement anglais avait dépensé une fortune dans les années 90 pour faire un super laser disque avec toutes les informations des musées, etc. etc. Le laser disque est encore là et personne ne sait plus le relire, parce qu’on n’a plus de lecteur de laser disque parce que c’est périmé, c’est passé à la trappe, alors on ne sait pas ce qui est dessus. Si vous allez à l’INA à Paris ils ont encore dans leurs archives certains documents qu’ils ne savent plus relire, parce qu’ils n’ont plus les magnétos quelque chose qui a été utilisé pour les enregistrer. On ne sait pas comment relire ces données là. Donc c’est absolument essentiel d’avoir des formats clairement spécifiés pour garantir leur durée à long terme.
Mais si ça c’est impossible, donc d’avoir l’archivage à long terme sans des formats de données ouverts, il est après difficile en pratique de relire ces données si elles sont un peu compliquées, si on n’a pas les codes sources des applications qui ont été utilisées pour les engendrer. Parce que vous savez bien qu’il y a des formats qui peuvent respecter des normes, et après les logiciels qu’on vous a vendus avec les bons macarons, les tampons qui disent je respecte la norme machin truc, ben il peut y avoir quelques petites erreurs, il y a quelques petits bugs, ils respectent la norme à peu près, donc après les données sont dans la norme, à peu près, et donc pour essayer de les relire, si vous n’avez pas le logiciel originaire, vous avez quelques petits problèmes. Et les gens qui ont vécu l’histoire du bug de l’année 2000 en savent quelque chose.
Après, pour la sécurité c’est encore pire. Ce sont des choses qui sont, désolé pour les 3 secondes de technicité après le repas : la sécurité est un sujet difficile. S’il y a quelqu’un qui vient vous vendre une solution en disant ce logiciel est sûr, tampon, macaron etc, méfiez-vous, ce n’est pas facile du tout. Il y a un monsieur qui est bien connu, il s’appelle Ken Thompson, c’est l’inventeur du langage de programmation C, qui avait reçu un prix très important, donc le prix Turing. Et dans les années 70, avec sa leçon, quand on reçoit le prix Turing qui est l’équivalent disons, l’équivalent du prix Nobel en informatique, on est censé faire une leçon ; alors dans sa leçon, ça s’appelait « Reflections on trusting trust », qui est un jeu de mots que je ne vais pas vous traduire qui est une présentation sur la sécurité et il montrait comment lui il était capable de fournir chez vous un logiciel avec tous les codes sources qui était le logiciel qui prend le mot de passe et vérifie que vous êtes bien le bon utilisateur autorisé à entrer dans le système. Il vous donnait le logiciel, les codes sources, les compilateurs, les sources du compilateur. Donc vous pouvez lire dans les sources du logiciel, il n’y a pas de porte dérobée, dans le compilateur il n’y a pas de porte dérobée, vous vérifiez, vous recompilez, tout va bien et pourtant il y avait une porte dérobée qu’il avait cachée à l’intérieur parce qu’il avait fabriqué le binaire avec lequel vous allez compiler le compilateur, avec lequel vous allez compiler le logiciel qui fait la vérification de votre mot de passe. Il l’avait modifié de telle sorte que si le source avait un telle forme il le modifiait pendant la compilation. Donc ça c’est une chose qu’on connaît depuis longtemps. C’est une vieille blague d’informaticien, mais essentiellement, si vous voulez un système sûr, il ne suffit pas d’avoir les code sources du logiciel applicatif, il faut celui du compilateur, de l’assembleur, du système d’exploitation, des librairies, la description de la puce, etc, etc. Il faut tout refaire vous-même. Donc c’est quelque chose d’excessivement complexe. Donc commençons déjà par avoir les sources de l’applicatif. C’est le minimum. Après il faudra aussi tout le reste.
Et quand on parle d’accessibilité pour tous, donc si on veut vraiment faire en sorte, c’est un besoin technologique qu’on puisse donner accès à ces logiciels et à ces données à tout le monde, il est absolument nécessaire d’avoir les codes sources des logiciels qui manipulent les données, pour pouvoir les modifier. Donc on a besoin de corriger s’il y a des erreurs, donc il faut pouvoir redistribuer ces codes et le droit d’utiliser le format des données, les protocoles de communication, librement, pour les adapter quand il y a des besoins, des problèmes, des difficultés.
Ça nous amène, désolé, ces 3 slides ne sont pas dans le bon ordre.
C’est pour ça que les grandes administrations, mais aussi les petites, ont besoin de solutions qui soient interopérables, donc elles doivent les exiger conformes à des standards normalisées. Pas les standards du marché qu’on essaye de vous imposer tous les 2 ans, mais les standards normalisés, garantis en conformité à ces standards, ils doivent avoir leurs codes sources pour pouvoir répondre tout simplement à leur propre obligation de service public. Alors je suis d’accord qu’en pratique on ne le fait pas tout le temps, on ne le fait pas souvent, même si on est conscient de ses propres obligations, ça prend du temps, c’est difficile, on a besoin d’y réfléchir. Il faut déjà être conscient de l’obligation qu’on a. Alors je vous fait observer que le passage à l’usage du logiciel libre pour respecter ces contraintes qui viennent de leurs besoins, commence à se généraliser aussi dans le monde du logiciel critique, du logiciel embarqué, qui a des contraintes qui sont différentes de celles de l’administration publique, mais dans lequel par exemple la sécurité, la traçabilité du logiciel, est essentielle pour assurer que votre avion se comporte correctement de la bonne façon etc. Donc là il y a un peu d’alliés qu’on peut aller chercher ailleurs, même dans le monde méchant de l’industrie. Certaines industries qui font voler les avions, parfois sont super méchantes, donc qui ont des intérêts communs avec les nôtres dans le développement du logiciel libre.
Donc d’un côté le besoin d’avoir les standards ouverts du logiciel libre, de l’autre coté, ce qui est intéressant, une autre caractéristique de l’administration publique, c’est que souvent elle a des besoins qui sont pas tout à fait les mêmes que les besoins du marché, comme on dit. Par exemple le logiciel de gestion des cimetières, désolé pour l’erreur, ce n’est pas exactement quelque chose qu’on va acheter à la FNAC parce que tiens j’ai déjà ce métier derrière la maison, je vais faire à la maison, je vais faire ma gestion de ce métier directement. Là c’est un besoin spécifique de l’administration et donc on peut être intéressé à faire développer du logiciel qui répond à des besoins spécifiques de l’administration, qui sont différents des besoins de toutes les entreprises que vous retrouvez par ailleurs. Ça c’est intéressant, parce que ça crée une source d’activité économique, justement à travers ces logiciels libres non encore écrits. Et là je ne peux que signer des 2 mains sur la phrase de François Élie que j’ai mal écrit là le nom, effectivement un logiciel libre est gratuit lorsqu’il a été payé une fois. Là j’ai répété une fois 2 fois, donc je vais me faire mettre un mot en rouge par les profs de français dans la salle. Ce n’est pas grave, ça c’est vraiment important.
Cela dit vous dites très bien. Mais tout ceci on le sait depuis la nuit des temps. Il ne faut pas venir le raconter à des membres de l’ADULLACT. C’est pour ça qu’on est à l’ADULLACT, on veut mettre en place ce monde pratique. Je vous dis qu’en réalité, si vous voulez un peu généraliser les pratiques que vous essayez de mettre en œuvre tous les jours, il faut peut être réfléchir à nouveau, à se faire aider par un cadre législatif. Pourquoi ? Parce que, les obligations qu’il y a à l’État devraient quand même être respectées uniformément par toutes les administrations. Il serait sympa que je ne sois pas obligé de changer de commune si je veux accéder aux actes administratifs en utilisant n’importe quelle technologie qui est disponible sur mon ordinateur. Ça serait bien que le respect de ces normes soit le même partout. Donc il faut un cadre législatif, c’est pour ça qu’on invente des lois. C’est pour fixer clairement les conditions, minimes, que doivent respecter les systèmes d’information pour être utilisés dans l’administration publique.
Et alors comment on peut faire ? Il y a plusieurs solutions de faire des cadres législatifs. Il y a la solution pure et dure brutale qui est de dire, et bien voilà on va passer un texte de loi qui dit qu’à partir de demain matin tous les logiciels utilisés dans l’administration publique seront des logiciels libres. Très bien ! Mais moi je sais aussi faire voter une loi qui dit qu’à partir de demain le soleil se lève la nuit. Ce n’est pas facile, d’accord. Il ne suffit pas de passer une loi pour que ça devienne faisable. On peut aussi dire à partir de demain tout le monde utilisera seulement des formats, protocoles, standards ouverts. Mais si on s’arrête juste là, ce n’est pas réaliste. Il y a trop d’existant qu’il faut gérer, il y a trop de patrimoine logiciel existant qu’il faut migrer. On ne peut pas le faire en 2 minutes comme ça. Et d’ailleurs si vous regardez justement ce fameux rapport ???orsenna ??? qui a été mentionné ce matin, c’est bien l’importance de la migration, donc comment on gère la migration est quelque chose qui était déjà pris en compte. Alors quand je dis que ces idées là, de passer qui obligent de n’utiliser que des logiciels ça a été déjà fait. Il y a des états au Brésil qui ont fait ça. Il y a certains autres pays en Amérique latine qui l’ont fait, mais après entres les lois et la pratique, il y a une différence. Donc plutôt qu’obliger les gens à violer la loi, écrivons des textes de lois qui permettent aux gens de se mettre en conformité petit à petit dans le temps.
Voyons quelques exemples. Je disais la bonne nouvelle qui vient d’Italie la voici : depuis le 12 août 2012, en Italie, le code d’achat, le code des marchés publics pour ce qui concerne l’achat des logiciels, a été légèrement modifié. Donc je vous ai reporté les modifications. Ce qui a été effacé ce sont ces lignes là, ce qui a été ajouté. Non il n’y a rien d’ajouté. Donc je vous le traduis de l’italien, et nous allons voir comment ce texte de loi avec la possibilité d’y arriver doucement a été mise en ouvre par nos voisins. Là il dit :
« les administrations publiques se fournissent de logiciels informatiques en utilisant les solutions disponibles sur le marché qui sont listées ci-dessous donc :

  • soit du logiciel développé pour l’administration publique, dont l’administration publique a payé pour faire développer le logiciel chez elle à la maison
  • soit en réutilisant du logiciel ou des parties de logiciels qui ont été développées pour l’administration publique peut-être ailleurs. Une autre communauté qui a fait développer ça, on va le reprendre, on va le réutiliser.
  • ou alors du logiciel libre, ou open source, comme ça Richard est il n’est pas content, ou il est content puisqu’il y a les 2, ou alors une combinaison des solutions précédentes »
    Notez ce qui s’est passé la nuit du 11 au 12 août, c’est que l’option qui était là, l’achat des logiciels propriétaires qui ont des licences d’utilisation, a été rayée d’un trait de stylo, d’un trait de plume, ça disparaît. Donc vous ne pouvez plus acheter du logiciel propriétaire. Cela dit si je fais ça, c’est exactement la chose dont je disais que c’était infaisable. Donc évidemment les italiens un peu subtils ils vous disent : « je sais bien qu’il y a des situations existantes dans lesquelles vous n’allez pas vous en sortir. Alors qu’est-ce qu’on fait. On va quand même vous permettre de le faire, mais on vous complique la vie. Si vous voulez avoir du logiciel propriétaire, on dit : seulement quand la validation comparative de type technique, économique démontre l’impossibilité d’obtenir des solutions ouvertes ou déjà développées pas l’administration publique à un prix inférieur, seulement dans ce cas, il est possible d’acquérir des logiciels propriétaires. » Ça inverse un petit peu la charge de la preuve, n’est-ce pas. Avant, si vous voulez garder votre habitude ici, il fallait monter au créneau pour montrer que la solution libre finalement ça faisait la bonne chose et que ça coûtait moins cher. Ici c’est vraiment inversé, seulement à partir du 12 août, avant ce n’était pas le cas. Là c’est à qui veut utiliser un logiciel propriétaire de monter un gros dossier technico-économique, qui montre qu’il est obligatoire d’utiliser du logiciel propriétaire.
    Le problème c’est que comme c’est quand même l’Italie, il y a toujours un petit hic. Comment on fait ? Qui fait cette évaluation là ? L’évaluation est faite selon les modalités définies par l’agence de l’Italie digitale, qui peut aussi, sur demande, donner des avis, argumentés. Le problème c’est que l’agence pour l’Italie digitale est prévue dans la même loi et pour l’instant elle n’existe pas. Il faudra quand même la faire. Pour les gens qui lisent un peu d’italien, là il y a des liens, vous les retrouvez sur les transparents que vous aurez. Pourquoi je vous dis qu’il y a un petit hic, plutôt que juste faire cocorico en italien, parce que ça vous laisse le temps, ça nous laisse du temps ici : de dire on va peut être y arriver avant les autres. Le temps qu’ils fassent l’agence digitale nous, on va aller plus loin.
    Si vous regardez en France, il y avait 3 paragraphes dans des RGI de la DGME, c’est un gros pavé, le règlement général d’interopérabilité de la DGRE, énorme, et dans cet énorme pavé il y avait 3 petits paragraphes qui étaient inspirés par une logique relativement similaire. Je ne sais pas si vous vous rappelez ça, c’était vraiment très bien écrit. Quand on parlait des formats pour les documents qu’on échange avec l’administration, il énonçait ces 3 règles là :
  • il est obligatoire d’accepter des documents en format ouvert. Donc si je suis un citoyen, je vous envoie un document en format ouvert vous êtes obligé de l’accepter. Donc, comme citoyen je suis tranquille.
  • il est possible d’utiliser en interne des formats propriétaires. Même si on conseille de préférer des formats ouverts. Si tout le monde veut rester avec Microsoft Word et reçoit du open office ou du libre office, bon d’accord vous mettez une moulinette qui convertit en Word tant pis, ce n’est pas grave, mais moi comme citoyen je ne vais rien voir. Mais alors pourquoi vous ne voulez pas mettre un logiciel libre ? Parce que vous allez expliquer à tout le monde que vous n’avez pas l’argent nécessaire pour former les personnels au logiciel libre. Ça coûte quand même de l’argent. Bon d’accord.
  • mais la troisième règle était très importante : il était interdit de financer des migrations vers de nouvelles versions de logiciels, utilisant des formats propriétaires. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Si vous n’avez pas d’argent, vous mettez une moulinette qui convertit le propriétaire en libre en sortie, et vous continuez à garder votre petit truc, votre tambouille interne, c’est vos affaires, vous n’avez pas à former de personnel. Mais les moments où vous avez de l’argent pour faire une migration ou pour former le personnel, on vous interdit de l’utiliser pour continuer à rester dans le monde propriétaire. Donc c’est une façon d’aller petit à petit vers une solution format ouvert.
    Ça c’était un texte vraiment magnifique malheureusement à différence de ce qui a été fait en Italie, donc ces idées là sont finies dans un texte de loi, qui a été promulgué la nuit du 11 août et entré en vigueur le 12 août, d’ailleurs ça faisait partie, ces 2 changements là tout petits, faisaient partie d’un énorme texte de loi qui portait d’énormes mesures pour le redressement du pays. Ça fait partie des choses importantes pour le redressement de l’Italie qui est en crise, donc il fallait faire ça. Là on était en avance il y longtemps dans les années, le problème c’est que ces 3 lignes là n’ont jamais vu la lumière, donc elles ont disparues dans la version définitive de ce règlement d’interopérabilité. Pourquoi ? Parce que, là je veux y passer quelques instants. Il semblerait qu’un certain nombre de nos responsables politiques ont peur de voir attaquer des règlements comme ça par des grands groupes qui disent qu’il s’agit de mesures anti concurrentielles. Ça c’est un discours qu’on entend souvent. J’aimerais bien y passer un instant. Ça c’est à peu près ce que va vous dire un lobbyiste si vous le croisez dans les couloirs à Bruxelles. Si vous faites un appel d’offre qui mentionne du logiciel libre, seulement du logiciel libre, si vous faites une loi c’est encore pire, mais un appel d’offre, vous voulez du logiciel libre, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça nous empêche nous, grand groupe, pas seulement Microsoft, il y en a plein, même européens, ça nous empêche de participer à l’appel d’offre. Donc, vous violez le droit à la libre concurrence, parce que vous excluez une partie de l’industrie du marché. Donc, comme vous faites ça, on va vous attaquer en justice vous allez voir ce que vous allez voir ! Donc c’est l’argument général qui est vendu à tout le monde.
    Je passe sur la bonne idée de vous faire faire l’exercice de trouver l’erreur logique dans la suite de l’argumentaire, parce qu’il y a un DONC qui n’est pas une conséquence logique. Ce DONC là. Finalement laissez moi vous donner la réponse. Si vous faites un appel d’offre où vous exprimez une préférence sur un logiciel libre, ceci n’est pas une entrave à la libre concurrence. Ce n’est vraiment pas une entrave. Il faut bien s’en convaincre, on respire, on regarde et on dit tous ensemble : faire un appel d’offre qui demande du logiciel libre ce n’est pas une entrave à la libre concurrence sur les marchés. Pourquoi ? Parce que c’est le pendant dans les nouvelles technologies des normes qui existent. Vous avez l’habitude de les voir partout dans tous les autres domaines d’activités. Par exemple ben voilà, quand vous faites des constructions publiques vous demandez que les gens qui participent à l’appel d’offre respectent des normes anti-incendie. Évidemment les entreprises qui ne respectent pas les normes anti-incendie ne peuvent pas participer à l’appel mais ce n’est pas en violation des règles à la concurrence. Vous n’avez pas dit il faut mettre telle entreprise et pas telle autre. On a dit on a besoin d’une solution qui respecte la norme anti-incendie. Ou vous dites : je veux une solution dans laquelle le taux de plomb ne dépasse pas tant. Ou alors les téléphones portables admis ne doivent pas émettre plus de tant de, je ne sais pas. Ce n’est pas violer la libre concurrence des entreprises qui veulent faire des téléphones qui émettent trop fort. C’est juste dire moi je veux un téléphone qui émette moins. Après si le téléphone est fait par Samsung, par Sagem, par mon cousin dans un garage, etc., ça ne m’intéresse pas. L’important c’est de mettre les normes de l’entreprise dedans.

    Par contre l’exemple de vraies violations de libre concurrence les voilà : si vous faites un appel d’offre dans lequel vous dites vous voulez 300 licences Microsoft Outlook. Ça oui c’est une violation de la libre concurrence parce que pas tout le monde ne peut pas participer. Plein de revendeurs peuvent participer mais ils ne peuvent que vendre que la même chose.
    Comme par hasard les lobbyistes qui sont à Bruxelles contre ce type de violation de libre-concurrence n’ont jamais eu rien à redire. Mais par contre nous on pourrait les attaquer et dire non, il ne faut pas dire ça, il faut dire solution intégrée de messagerie permettant, pas office Outlook, permettant d’échanger du courrier selon ce standard suivant, etc, etc. Ça c’est ce qu’il faudrait rédiger. C’est ce que vous voulez : compatibilité avec un standard, vous ne voulez pas un produit particulier.
    Alors, est-ce que ce que je vous raconte est vrai ? Mais je ne sais pas ! Justement c’est pour ça que je suis un scientifique dur, comme on dit, parce que je préfère être dans un monde dans lequel si je veux savoir si 2 + 2 fait 4 je fais un calcul et à la fin je regarde. Si c’est 4 j’ai raison sinon non. Dans des textes de lois c’est beaucoup plus compliqué, parce que je peux avoir un raisonnement intellectuel fantastique, qui dit que j’ai raison et après je vais devant un juge qui me dit non. Plutôt que vous dire : faites confiance à ce que je vous raconte, encore une fois j’ai pris un autre petit exemple qui nous vient d’Italie. Voila. C’est encore plus ancien. Ça sera difficile de le rattraper.
    En 2009, qu’est-ce qui se passe ? Vous avez des collègues transalpins, dans le Piémont qui font un appel d’offre dans lequel effectivement la région choisit et favorise des logiciels libres. En réalité c’est une loi cadre sur tous les appels d’offre. Ce n’est même pas très méchant, elle dit « favorise ». Ce n’est pas impose, c’est « favorise ». Mais même ça ça fait tiquer. Il y a des lobbyistes qui sont descendus à Rome : du coup le Président du Conseil des ministres à cette époque là a demandé à la Cour constitutionnelle d’Italie de casser cette loi régionale en disant que ça viole la concurrence. Mais l’Italie reste quand même un pays raisonnable, donc là la Cour constitutionnelle, le 23 mars 2010, émet son jugement. Et là il y a un extrait qui a mérité que je fasse l’effort de le traduire en français vraiment. En dessous l’écrit comme ça vous pouvez lire. Il dit « le concept de logiciel libre, et le logiciel de code ouvert ne sont pas des notions relatives à une technologie déterminée, marque ou produit, mais exprime une caractéristique juridique. Et le choix de cette caractéristique appartient à l’utilisateur du logiciel. Il s’ensuit que, il n’y a pas de violation de la concurrence si on privilégie le logiciel libre dans une directive régionale ».
    Alors, c’est bien d’accord. Ce n’est que la Cour constitutionnelle italienne. Elle ne vaut peut-être pas grand chose dans les autres pays. Mais c’est un jugement qu’il faut garder à l’esprit et qu’il faut faire passer un petit peu.
    Alors, là, quand j’avais mentionné cet exemple là, il y a Philippe ALLART qui est passé sur mon blog et qui me dit : "Voilà, voilà, t’as tout à fait raison, les italiens ne sont pas stupides, c’est pour ça que, moi, quand je fais des appels d’offre, ces demandes-là pour avoir des logiciels libres, il ne faut pas dans les cahiers des charges techniques particulières mais il faut les mettre dans les cahiers des charges administratives particulières, tu te rappelles de ça, il y a trois ans. Parce que c’est une caractéristique juridique, pas technique. N’importe qui peut participer, il faut juste qu’il accepte de jouer le jeu avec ce dont j’ai besoin.
    Après, il y a tout un tas d’autres choses sur lesquelles je vous passe parce que vous les retrouvez sur les slides si vous voulez voir comment rédiger correctement vos cahier d’offre.
    Si on veut retenir la chose, est-ce qu’on est bien tous convaincus ici aujourd’hui que ce que vous êtes en train de faire n’est absolument pas une violation du droit de la libre concurrence. N’importe quel fournisseur de logiciel peut travailler avec une communauté territoriale ou avec l’administration publique à condition de respecter les règles des appels d’offre qu’on émet et si on décide, que pour une série de raisons, par exemple une obligation de l’État, on a besoin d’utiliser des formats ouverts et des logiciels libres, on n’est pas en train d’exclure des entreprises de la libre concurrence, ce sont des entreprises qui se sont exclues toutes seules.
    Une petite parenthèse, on a parlé beaucoup de ce qui s’est passé en France, qui a ouvert la porte aux logiciels libres, j’aimerais bien quand même vous rappeler un élément essentiel qui s’est passé en 2003. Je ne sais pas si vous vous rappelez le projet Copernic au Ministère des finances, c’était la refonte du système d’information, un milliard d’euros sur dix ans. Alors, là, il y avait un exemple de cahier des charges qui était bien rédigé dans l’intérêt de l’État et dans lequel on ne mentionnait même pas le logiciel libre. Parce que, comme disait François tout à l’heure, il a tout à fait raison, des fois on a même pas besoin de dire qu’on a l’obligation d’avoir des logiciels libres, il suffit juste de faire un cahier des charges bien fait. Un cahier des charges bien fait dans l’intérêt de l’État ou de l’utilisateur.
    Alors, qu’est-ce qu’il disait celui du Ministère des finances à l’époque. Lui, il voulait une architecture modulaire dans lequel on puisse remplacer les éléments de façon relativement facile. Pour pouvoir faire ces remplacements, il faut que chaque composant respecte des standards, mais des standards à nouveau normalisés, pas les standards du marché. Il disait, moi je suis le Ministère des finances, je dois garantir la pérennité de ma solution pendant quarante ans donc je veux les codes sources, je peux payer, je vous les paye mais vous me donnez les codes sources. Ce n’est pas forcément du logiciel libre, hein, je veux juste le transfert de code source chez moi.
    Il y avait une obligation de support très stricte, c’est à dire, si on découvre qu’après, ça ne marche pas votre solution qui ne respecte pas les normes, bah, faut corriger et si vous ne corrigez pas, vous avez des pénalités.
    Alors, je suis d’accord, vous allez me dire le Ministère des finances est dans une position particulière, parce que si une entreprise ne respecte pas les règles et vous dites il faut aller payer les pénalités, le ministère des finances peut dire à l’entreprise je suis le Ministère des finances, je sais où est votre argent, je vais le prendre. Ce n’est peut-être pas votre cas à vous, maintenant, c’est plus facile pour ces gens là.

    Mais quand même, ce qui s’est passé en 2003, a été une véritable révolution, ça a ouvert le marché des services à l’administration, et a ouvert la voie à l’industrie du logiciel libre en France. Donc, je ne sais pas si vous avez déjà entendu parlé de ce monsieur là, Jean-Marie LAPEYRE (http://jml.lapeyre-s.net/), à un moment donné, c’est l’une des personnes qui ont contribué à faire en sorte qu’il soit plus facile aujourd’hui du logiciel libre un peu partout. Il est parti à l’étranger, il est à Londres aujourd’hui mais il était à Détroit à un moment donné.
    Après cette petite balade, revenons quand même à vous. Donc, l’ADULLACT a le rôle de structure de mutualisation. Donc, demander du logiciel libre ou des standards ouverts, c’est important, mais ne suffit pas. Parceque si on regarde juste l’étiquette sur la boîte, on ne sait vraiment ce qu’il y a dedans, donc il faut bien éviter un certain nombre de pièges, il y en a plusieurs.
    Il y du logiciel mieux que libre. Donc, il y a des gens qui surfent sur le libre en disant pourquoi prendre du logiciel libre, il y a mieux, moi j’ai un logiciel qui s’appelle shared source, c’est du logiciel libre professionnel ! Alors, si c’est du logiciel libre professionnel, ce n’est peut-être pas du logiciel libre, ce n’est pas exactement la même chose, vous pouvez peut-être l’utiliser, mais attention, ce n’est pas ce que vous voulez vous.
    D’autres choses qu’on trouve, malheureusement, un peu trop souvent, ce sont des logiciels vraiment propriétaires mais on vous fait croire que ce sont des logiciels libres. Ce sont des logiciels libres dont vous n’avez jamais vu les sources mais on vous explique que les sources seront disponibles demain matin. Il y aura une forge demain matin, sur laquelle, ou alors ce n’est pas demain matin, demain soir, parce qu’on est occupé, il faut aller chercher les enfants, mais bon bref, ne vous inquiétez pas, vous allez voir les sources un jour. Donc, ça, pas super intéressant !
    Après, il y a des logiciels qu’on peut dire abandonné comme libres, si vous avez un logiciel que personne ne développe, que personne n’utilise, mais qui vient avec une très belle licence, GPL en plus, comme ça Richard est content, et on vous le donne, alors qu’est-ce que vous allez en faire ? Vous avez récupéré du code, vous avez droit d’en faire quelque chose, mais personne ne l’utilise, personne ne le développe, vous êtes tout seul, là, avec des dizaines de millions de lignes de codes écrits par quelqu’un d’autre, peut-être mal documenté. Qu’on vous a vendu très cher parce que le propriétaire a dû abandonner ses droits de propriété intellectuelle pour vous les donner sous forme de logiciel libre.
    Alors, pourquoi je vous dis ça, parce-que des fois c’est difficile pour les responsables politiques d’être experts en tout. On ne peut pas être expert en bâtiment public, expert en système d’information, expert en cyber-sécurité, expert en ceci, expert en cela. Alors qu’ils sont obligés tous les jours de prendre des décisions dans tous ces domaines. Donc, je ne les envie pas car c’est un travail difficile parce que vous prenez des décisions après qu’il faut tenir, sans savoir exactement tout ce qu’il y a à l’intérieur. Donc, il faut quand même faire attention à ne pas se fier juste à des petites étiquettes qui sont faciles à voir mais qui ne garantissent pas forcément que dans la boîte il y a ce que vous voulez.
    Donc, techniquement, un logiciel libre, c’est quelque chose qui est diffusé sous une des licences libres. Cela ne garantit rien du tout sur la qualité de ce qu’il y a dans la boîte. Il y a un travail en plus à faire. Et c’est là que des structures comme l’ADULLACT, des structures de mutualisation, sont importantes. Parce qu’on ne peut pas demander à chaque élu local de devenir un méga-expert en système d’information et de regarder ce qu’il y a dans la boiîe partout.

    Il y a aussi une autre approche, plus gentille celle-là, qui est l’approche parasite. C’est à dire que vous êtes tous très contents de faire des économies en utilisant Libre Office, et vous êtes convaincus que vous contribuez au développement de Libre Office tout simplement parce que vous l’utilisez. Parce qu’effectivement, vous l’utilisez donc vous lui faites de la pub et comme vous lui faites de la pub, c’est bien. Je ne dis pas non. Mais je pense que c’est un peu court, que ça ne suffit pas vraiment. Si vous voulez vraiment être sûr que le Libre Office que vous utilisez tout le temps soit encore là demain matin et après demain et le jour après, il faut s’inquiéter de dire : est-ce que la communauté qui développe a les ressources nécessaires pour continuer à le maintenir, est-ce que ça serait pas intéressant de voir si on ne pas monter au créneau avec quelqu’un d’entre nous pour voir si les aider un peu dans l’évolution, s’assurer que notre investissement, parce que vous investissez en formation de votre personnel quand même, est pérenne, etc. Donc, là, c’est un autre piège à éviter. Il y en a un certain nombre alors si vous voulez regarder, il y a un blog post chez moi où je parle de tout ça.
    C’est pour ça que ce n’est pas bête d’avoir l’idée d’une agence d’État qui vous aide là-dedans. Qu’est-ce qu’elle devrait faire une agence comme ça ? Elle doit recenser des ressources. Qu’est-ce qu’il existe ? De toute façon, il y a des centaines de milliers de logiciels libres sur la planète. Ce n’est pas compliqué, vous prenez n’importe quel logiciel (ndt. à vous) que vous estampillez avec une licence libre dessus et pouf, ça fait un logiciel libre. Mais y en a des centaines de milliers. Lesquels sont intéressants pour vous ? Comment on les valide ? Est-ce que c’est vraiment vraiment du logiciel libre ou abandonné comme libre ? Est-ce qu’il y a vraiment une communauté derrière qui y travaille. Voilà, donc, est-ce qu’on peut développer, ré-utiliser des ressources. Cette agence devrait consolider de meilleurs pratiques, faire en sorte de faire trouver plusieurs façons de contribuer les logiciels les plus utilisés. Jouer le rôle de médiateur avec les éditeurs de solutions libres. C’est vrai que le termes « éditeur de logiciels libres », jusqu’à il y a dix ans, était considéré comme un oxymoron, enfin ça ça va faire plaisir, donc quelque chose d’impossible, mais non, mais non, il y a des éditeurs de logiciels libres, ce n’est pas forcément nos ennemis, c’est des gens avec qui on peut travailler, mais on a besoin de travailler avec eux de façon solidaire, donc la médiation là est importante.

    Garder un lien avec des experts scientifiques indépendants, des fois, on a besoin. Alors en Italie, la loi italienne mentionne qu’on a, qu’on aura un jour l’agence pour l’Italie digitale qui en théorie devrait faire tout ça. Alors, si vous regardez, bah je pense que l’ADULLACT se sera reconnue dans un certain nombre de missions qui sont listées là-dedans et qu’elle a essayé d’assurer pendant ces dix dernières années. Et donc, d’un côté, je pense qu’il faut leur dire un grand merci parce que ce n’est pas évident, c’est une structure un peu mutualiste, ce n’est pas une agence d’État avec les moyens de l’État, c’est une structure qui a été créée de façon très volontariste pour assurer ce type de rôle. Il faut assurer le reste de ces tâches là aussi.
    C’est pour cela que je pense que l’ADULLACT a énormément de chemin devant soit. Donc il y a beaucoup qui a été fait mais il y a beaucoup qui reste à faire. Et je pense que l’anniversaire des dix ans, ce n’est pas la fin de l’histoire, c’est juste le début.
    Vous avez beaucoup beaucoup de choses à faire. J’aimerais bien voir si elle ne peut pas évoluer vers une structure plus large, plus vaste, qui assure l’ensemble de ses missions.
    Évidemment ce que j’ai raconté jusqu’ici c’est une tout petite partie des questions qui m’inquiètent. Il y en a d’autres qui sont existentielles, sur lesquelles je n’ai pas vraiment le temps d’approfondir maintenant. Qu’est-ce que c’est le Cloud Computing ? Là il y avait un peu de Cloud Computing. La mutualisation. C’est vrai, c’est très bien pour mutualiser d’avoir du Cloud Computing, mais avec des nouveaux risques qu’il faut savoir connaître et maîtriser, correctement. Il y a tous les mouvements Open Data, on en parle beaucoup, c’est très à la mode aujourd’hui mais il y a quelques petits pièges, dans lesquels il ne faut pas tomber. Il y a l’administration électronique, mais il y a des gens qui pensent que faire du vote électronique c’est aussi aider les citoyens, alors que c’est un petit problème. Alors on pense que faire des systèmes de vote électronique en Logiciel Libre, c’est résoudre les problèmes, alors que je peux vous montrer par A + B que ce n’est pas le cas. Après il y a la question de la confidentialité surtout si vous mélangez ça avec le Cloud Computing, donc le fait que les données sont hébergées allez va savoir où.
    Donc, ce sont des questions importantes, des défis majeurs, je n’ai vraiment pas le temps d’en parler. Quoique, quoique, peut-être.
    Open data deux secondes. C’est très à la mode l’Open data aujourd’hui. Et on a un portail du gouvernement avec les données ouvertes, tous ces sites là. Alors d’abord il faut voir que tout ceci ce n’est pas un mouvement qui est né en Europe, malheureusement, c’est né plutôt aux États-Unis, ça date depuis la nuit des temps.
    Aux États-Unis, c’est paradoxal, donc le mouvement Open data aux États-Unis vient du fait que les américains n’ont pas de confiance dans l’État. Bizarre ! Donc on a créé un raisonnement. L’américain moyen dit « J’ai payé des impôts à ce monsieur méchant qui est l’État fédéral, j’ai déjà payé une fois, c’est hors de question que je le paye une 2ème fois. Donc toute donnée, toute chose produite par l’État fédéral doit être dans le domaine public. » Même pas sous une license, domaine public. Donc le premier qui passe récupère.
    Donc aux États-Unis vous pouvez demander, accéder à toutes les données dé-classifiées, obtenues à partir de fonds publics. C’est pour ça que si vous regardez il y avait les premières versions de Google Earth qui utilisaient des plans de la NASA. La NASA c’est l’agence spatiale américaine fédérale donc toutes ses photos non classifiées sont disponibles. Vous les pompez tranquillement sans payer rien du tout. Il ne faut même pas dire merci à la NASA, prenez directement ! Et ça vient de la méfiance des américains vis-à-vis de l’État. On ne veut pas payer plus, donc ils avaient lancé cet Open data. Et paradoxalement dans un pays comme la France dans lequel on dit l’intérêt commun, l’intérêt public, moi les données de l’IGN, j’ai quand même déjà... Est-ce que vous êtes d’accord qu’on a déjà payé ? Oui. Donc c’est une agence publique : on a payé. Moi je dis « Est-ce que je peux voir la photo de ma maison prise ? » Non. 4 000 euros la photo aérienne. Pourquoi ? J’ai déjà payé ! Parce qu’on doit rentabiliser l’agence. On doit la rentabiliser 2 fois ? C’est-à-dire une fois on la paye, une deuxième fois ! Il y a un truc pas clair. Voyez, donc les données publiques payantes c’est un truc qui n’est pas clair. D’ailleurs si vous voyez la directive qui est sortie cet été sur les données publiques qui sont disponibles, la directive dit qu’il y a un certain nombre de données qui seront quand même payantes. Si vous regardez dans la liste des données payantes, il y a même les documents de la CADA. Alors ça c’est le maximum. Je ne sais pas si c’est une blague, qui a été faite par un conseiller ministériel. C’est-à-dire la CADA qui est la commission administrative d’accès aux documents administratifs, donc les données de la commission d’accès aux documents administratifs sont payantes. Qu’est-ce que ça veut dire ? Au moins celles-là ! Mais bon bref !
    Il y a un autre truc qui est assez marrant. Je ne sais pas si vous avez vu, moi j’ai le malheur de vivre en région parisienne sur la ligne B. C’est un cauchemar tous les jours. Donc avoir accès aux données de la RATP en temps réel ce serait intéressant, juste pour savoir est-ce que la ligne B est à nouveau coincée entre Saint Michel, etc, etc. La RATP ne voulait pas donner ses données publiquement. Elle a même fait un procès à un petit monsieur qui a fait une appli pour Android Iphone, parce qu’il avait pompé les plans du métro. En disant non, la couleur des lignes telles qu’utilisées par la RATP, c’est la propriété intellectuelle de la RATP. Du coup cher monsieur, vous ne pouvez plus utiliser. Ça l’année passée.
    Alors il arrive que j’ai croisé une dame, une très gentille dame qui se trouve à Portland. C’est une petite ville en Orégon. Je ne sais pas si vous connaissez cette ville là. C’est un ville extrêmement avancée aux USA. Depuis 2006, cette dame là qui pilote une agence qui s’appelle TriMet, c’est l’équivalent de la RATP à Paris, elle avait tout compris la dame. Donc je vous donne l’argument parce qu’après il faut le passer aux autres. Elle, en 2006, elle a payé ses informaticiens pour rendre toutes les données de son réseau de transport accessibles en temps réel avec des web services standardisés normalisés, complètement en ligne, complètement gratuits, sous des formats ouverts et mis à jour régulièrement. Donc vous pouviez savoir : le tram n° 42 il est à 3 minutes de distance de l’arrêt numéro machin. Pourquoi elle fait ça gratuitement alors que la RATP veut vous faire payer une deuxième fois pour avoir ces informations là ? Elle dit mais c’est très simple, parce que mon métier ce n’est pas de vendre des données, mon métier c’est de garantir le meilleur transport public pour mes utilisateurs. Donc le fait que je rende disponibles les données immédiatement et mises à jour, ça permet à plein de monde de créer des applications super intéressantes, innovantes pour les utilisateurs gratuitement, pour moi, c’est-à-dire moi TriMet, RATP, je ne paye pas le développement de ces applications. Super intelligent. Et après avoir fait ça, elle est allée frapper à la porte des ingénieurs de Google pendant 2 ans, jusqu’au moment où elle a convaincu les gens de Google d’aller indexer les données en temps réel qui venaient de TriMet pour faire en sorte que sur la carte de Google on puisse trouver, non seulement la petite voiture, le petit bonhomme à pied pour faire les transports, mais aussi les bus et les métros légers de la ville avec les données absolument en temps réel. C’est elle qui a commencé tout ça. Elle viendra faire un petit exposé ici à Paris dans 2 semaines, à la WF. Je sais que la RATP a rattrapé le coup, maintenant les données sont à peu près disponibles, pas complètement, pas complètement un jour, etc, etc. C’est un peu dommage de ne pas l’avoir fait avant.
    L’autre chose qui m’inquiète un peu sous l’Open data, donc à part le fait qu’on essaie de dire on fait de l’Open data mais les données publiques on en garde quelques-unes payantes, parce qu’on n’a pas trop bien compris quel est notre rôle, il y a une autre chose qui m’énerve un peu, c’est le fait de mettre des licences avec attribution sur des données publiques. Donc il y a plein de monde, des collectivités, qui vous disent bon voilà je vous donne la liste des rues, le numéro des rues de ma ville, vous pouvez en faire ce que vous voulez, mais toutes les fois que vous l’utilisez il faut dire merci la ville de, je ne sais pas moi, de Lyon, d’Angoulême de Montpellier, de Paris, etc. Ce n’est pas méchant. Vous voulez juste qu’on vous dise merci. Vous avez donné, mis les données à disposition, mais pour les anciens du Logiciel Libre comme moi, qui avaient l’habitude de la licence BSD dite à 4 pattes, dans la licence BSD il y avait aussi une clause comme ça, qui disait il faut dire merci, et ce n’était pas pratique parce que vous commenciez à faire un logiciel dans lequel pour preniez 50 bouts de BSD à droite à gauche, finalement ça fait 50 lignes de code et 10 000 lignes de mercis à toutes les 50 sources à droite à gauche, etc. Donc si après je veux faire un index des rues de toute la France, j’ai ma page des listes des remerciements qui est aussi longue que la base de données. Donc il faut faire un peu attention à ne pas mettre des droits sur des faits qui n’ont pas de droit d’auteur et qui compliquent un peu la vie. Donc je pense que la volonté elle était bonne, mais il faut un peu faire attention.
    Je passe sur ça. Je ne sais pas s’il fallait que je vous parle de ça aussi. J’ai été long... Parce que je n’ai parlé des choses essentielles mais je vous ai donné quelques petits coups de projecteur par-ci par-là. Je pense que vous devez être fiers quand même d’être dans l’administration publique ; on fait des choses merveilleuses, on a le droit de faire des choses merveilleuses, que n’ont pas le droit de faire les entreprises.
    Alors mon rôle à moi c’est d’essayer de regarder un peu plus en avant en général, donc je suis ravi de voir tous les chemins que vous avez fait, et je suis un peu obligé de regarder un peu plus loin. Là le Logiciel Libre est quand même confronté, il se retrouve maintenant dans une position de croissance très forte, c’est-à-dire le futur nous pose vraiment beaucoup de défis. On est partis dans les années 80-90 avec quelques logiciels libres de grande qualité et très peu de monde qui travaillait. On arrive aujourd’hui, en 2012, avec énormément de logiciels libres disponibles et énormément d’individus qui contribuent, avec des règles, des cultures, des pratiques complètement différentes. Donc on est face à ce qu’on pourrait appeler une crise de croissance, c’est-à-dire comment garantir que tout ceci va passer à l’échelle. Donc tous ces logiciels d’hier, toutes les composantes dont on a besoin vont continuer à rester compatibles, vont être développées avec les bonnes pratiques, etc. Alors là, je vous garantis que ce n’est pas votre responsabilité, c’est plutôt la responsabilité des chercheurs qui doivent essayer de regarder un peu en avant. Nous on essaye avec des groupes de recherche avec des chercheurs un peu partout dans la planète qui partagent cette vision, on essaye, là on l’a... Et on se retrouve souvent dans une petite structure qui s’appelle l’IRILL qu’on a crée en 20101 entre l’INRIA, mon université qui est Paris-Diderot, et l’université Pierre et Marie Curie, une autre des 17 universités en région parisienne parce qu’il y en a beaucoup, avec le soutien de la Région Île de de France que je remercie, on réunit des chercheurs qui travaillent pour améliorer les pratiques du logiciel libre, on tisse un lien fort avec des développeurs. Donc on a pas mal d’événements chez nous qui touchent à ça. On est dans des locaux temporaires Place d’Italie, à Paris. Donc si vous voulez passer faire coucou, venez voir, il n’y a pas 450 personnes. Il y en a différentes. Un jour vous trouvez un développeur du noyau qui passe par là, un autre jour vous trouvez un chercheur qui s’intéresse à comment faire des métriques pour voir à qualité de logiciel, un autre jour vous trouvez quelqu’un qui dit tiens j’ai fait des analyses très sophistiquées sur la qualité de ceci de cela, même si on partage la même finalité et donc vous pouvez regarder un peu là dedans. Mais je vous garantis je ne vous vends rien. C’est-à-dire nous on travaille pour développer des outils qu’on espère vont aider le logiciel libre à passer à l’échelle dans les années à venir. C’est important d’y réfléchir maintenant sinon quand vous aurez le problème de croissance, vous n’aurez pas d’outils. Il faut bien qu’on les développe avant.
    Voila. Pour conclure. Le Logiciel libre était, il est et il reste, la solution préférée pour l’administration publique. Vous en êtes déjà convaincus sinon vous ne seriez pas là, mais j’espère vous avoir donné quelques autres arguments parmi ceux que vous avez peut être oubliés pour se rappeler pourquoi vous êtes là et ce que vous êtes entrain de faire de façon importante.
    Ça commence à avoir une reconnaissance réelle. Ça c’est bien, mais il faut faire attention à ne pas s’arrêter à la chose la plus simple. Imposer l’usage d’un logiciel libre, ce n’est pas tout. Ce n’est pas la fin, c’est le début. Après il y a toutes les pratiques qui vont derrière : la qualification, la mutualisation, tous les problèmes sociologiques humains pour mettre d’accord les différents développeurs qui sont dedans qu’on peut connaître. C’est un travail complexe et de longue haleine. La meilleure façon de relever ce type de défi, c’est évidemment de le faire de façon mutualisée et c’est pour ça que je dis : l’ADULLACT a bien encore du travail à faire. Elle a fait plein de choses et je dis bon 10ème anniversaire à l’ADULLACT et on se retrouve dans 10 ans pour voir jusqu’où vous êtes arrivés.
    Voila. Merci beaucoup.
    Applaudissements.
    Public : J’ai une question, Roberto. D’abord merci d’avoir accepté de venir nous parler. Une question qu’on se pose souvent : c’est d’essayer de rapprocher de manière la plus souple possible les développeurs, qui sont souvent des individus, des petites structures, des choses très agiles, et d’autre part les utilisateurs qui ont des besoins, qui sont des clients qui sont prêts à payer. Alors on a parlé des appels d’offre, qui permettent de faire se rencontrer souvent des gros donneurs d’ordre et puis des grosses structures, mais autour des forges qu’est-ce qu’il faudrait inventer pour transformer ces outils techniques en place de marché, pour que celui qui a des besoins, éventuellement mutualisés, puisse rencontrer les hommes de l’art qui savent faire, de manière à ce que les gens soient payés pour ce qu’ils font et le fait qu’on fasse exister les outils ? Alors voilà. On a parlé des lois, cadres, pour se dire on peut le faire, on s’oblige à le faire, mais concrètement de manière beaucoup plus souple, sur du micro paiement, quelque chose de plus souple, qu’est-ce qu’on peut inventer autour des forges pour réussir ?
    Roberto Di Cosmo : Je vois où tu veux en venir. Mais donc. Il n’y a pas une réponse simple là derrière. Effectivement, on a expérimenté un peu de tout ces dix dernières années. Ce que tu mentionnais tout à l’heure, les fameux « bag bounty or features bounty » sont des choses qu’on voit bien. On fait des jolis sites dans lesquels on indexe des logiciels, et après on met en contact les développeurs avec les clients. Vous payez tant. Il y a des sites intéressants : dans lesquels il y a le développeur qui dit si vous voulez telle caractéristique nouvelle dans le logiciel, ça me coûte 5000 dollars, donc allez-y. Et on attend. Donc chacun met 10, 100, 140, 116, 150, quand on arrive à 5000. Op ! Il le fait. C’est rigolo comme système. Cela dit si tu veux l’avis d’une personne un peu technique, moi je n’y crois pas trop à l’évolution d’un logiciel comme ça. C’est-à-dire tu peux faire ça une fois que le logiciel est déjà très bien établi, d’accord, très stable et qu’il y a une architecture modulaire qui permet de rajouter une petite contribution, par exemple je ne sais pas comment vous fonctionnez à Lutece, mais j’imagine que vous avez une architecture de base qui est très modulaire et la possibilité de rajouter des greffons. Je ne sais pas. J’espère. Il ne faut pas me dire oui ou non. D’accord ! Donc là par exemple si quelqu’un dit : il manque un greffon qui fait le lien avec les parapheurs électroniques, on trouve quelqu’un qui est disposé à le développer, ça a un certain coût et on essaye de fédérer des collectivités qui en ont besoin. On découvre que finalement ça fait 10 euros chacun. Si on est 10 000, si on est mille, on met dedans, allez, on y va et et c’est fini. Donc là c’est facile. Mais parce qu’il y a quelqu’un de très intelligent avant, qui a réfléchi à une structure qui permet de construire ces micro-fonctionnalités, sans casser, si tu veux, l’équilibre général du logiciel. Par contre développer à partir de zéro un logiciel qui n’existe pas avec ce mécanisme, moi je n’y crois pas du tout.
    C’est... Si je peux vous faire rigoler pour une fois, dans le monde du logiciel libre on voit de tout !
    Une fois j’étais à une merveilleuse conférence au Brésil, à Porto Alegre donc c’est l’office, le forum, Forum international du Software libre. C’est magnifique pour plusieurs raisons. D’abord c’est le Brésil. Ensuite vous rentrez dans un événement du logiciel libre dans lequel plutôt que voir une bande de geeks comme moi avec la barbe, à une époque j’étais plus joli, jeune avec une barbe, etc. comme ça. Vous voyez plein de filles geeks. Un truc comme ça, qui font du code, super jolies super sympas, qui sont partout. Donc ça change un peu du monde du logiciel libre francophone. Et il y avait des stars de la télé qui venaient faire des shows au moment de la réunion. 4000 personnes dans une salle, incroyable !
    Et donc là il y avait un philosophe espagnol qui est transplanté au Brésil qui disait voilà, il montrait un dessin du noyau Linux il disait voyez ça c’est la preuve de la capacité de création collective. Parce que là vous avec des millions de développeurs, chacun écrit une ligne de code, pouf on les a mis ensemble et ça fait le noyau Linux. Alors tout le monde qui criait « Ouais ! Oui super ! Etc. » Mais non. C’est comme les fameux singes qui chacun tapant sur les claviers produisent la Divine Comédie. Ça ne marche pas comme ça. Il faut un architecte, il faut travailler à partir de la base, et après on peut rajouter des contributions. Mais le faire à partir de zéro et le faire de façon complètement désorganisée, ce n’est pas comme ça que marche le logiciel libre. Ça c’est comme ça que vous pouvez éventuellement quand vous avez fini de tout préparer, le faire évoluer, le maintenir, mais pas le créer. Donc c’est ça où tu veux je n’ai pas de réponse à ta question. Si c’est rajouter une petite fonctionnalité. Le petit jeu de Back bound, etc, ça marche très bien vous pouvez rajouter sous la forge à mon avis. Ce n’est pas juste pour attirer des développeurs lambda. Vous pouvez juste voir, par exemple prendre la température du besoin : combien de collectivités ont vraiment besoin de ça et combien vous seriez prêts à mettre. Dix euros, cinq euros, un café, un centime, je ne sais pas. 10 000 euros, c’est très important. Ça peut donner une idée à ce moment là, on peut le faire, mais développer un logiciel à partir de zéro, c’est vraiment... Ça demande un gros effort d’intégration, comme dans le cas du Ministère des Finances. On ne peut pas le faire comme ça. Tu as besoin d’un chef de file qui encadre des gens qui travaillent derrière. Il n’y a pas une réponse unique à mon avis à ce besoin là. J’aimerais bien moi !

    Public
     : Merci.
    Roberto Di Cosmo
     : Ah non, merci à vous.
    Public
     : Non, non, merci. Parce que c’est un élément parmi les conclusions qu’on a présentées ce matin. C’est l’un des 4 éléments qu’on a présentés. C’est vraiment notre credo. C’est là-dessus qu’on insiste. C’est-à-dire qu’on veut donner la possibilité à tout le monde de contribuer, mais autour d’un cadre qui est maîtrisé. C’est pour nous vraiment la plus-value de notre outil. Merci beaucoup.
    Roberto Di Cosmo
     : D’ailleurs si vous voulez, en suivant dans cette ligne là, je ne sais pas si vous regardez, il y a un phénomène ultra à la mode aujourd’hui, qui passionne tous mes amis et collègues qui s’appelle GitHub. Je ne sais pas si vous regardez. Git est un logiciel de contrôle des versions absolument magnifique, spectaculaire. C’est ce dont j’avais besoin depuis la nuit des temps. Enfin je l’ai. J’ai traîné les pieds avant de sauter le pas, parce que comme tous les logiciels libres pour geeks et compagnie, il y a 350 millions d’options. Vous ne faites pas attention, vous vous tirez une balle dans le pied tout de suite. Mais une fois qu’on apprend bien à l’utiliser, c’est exactement ce qu’on voulait comme développeur. Mais il y a quand même un effet un peu bizarre, donc il y a un site qui s’appelle GitHub, dans lequel vous voyez le moto est « social coding, be social for your project ». Il dit « Soyez sociaux, faites une copie de votre projet préféré ». Qu’est-ce que ça veut dire faire une copie de mon projet fait ? C’est que ça devient très facile de copier, faire plein plein plein plein de copies de mes logiciels qu’on fait évoluer partout, du coup la maîtrise de l’évolution du logiciel que vous dites là, elle devient très compliquée.

    Donc il y a des choses qui nous étaient imposées par la technologie avant. Quand vous aviez des serveurs, du style SVN ou CVS, c’était très difficile de faire vraiment un fork, très compliqué. Parce que aussi les merges étaient très compliqués, du coup la technologie elle-même faisait en sorte qu’on ne s’amusait pas à faire un fork d’un logiciel, si ce n’est pas vraiment une situation insupportable. Si c’est nécessaire on le fait. Avec des technologies comme celles des git ou github qui vous permettent de faire les copies qu’on voulait et après les merges qu’on voulait, c’est très très très facile de faire des copies, donc la technique ne vous empêche plus de le faire. Après c’est à nous d’imposer sur la technique un processus de développement qui nous garantisse une certaine cohérence dans les logiciels qu’on développe. Donc il faut faire attention là aussi, je ne veux pas jeter de l’eau froide sur les gens, l’outil est magnifique, mais il faut savoir le maîtriser. Si vous commencez à vous retrouver 150 copies différentes avec des features, des petites features différentes du même logiciel éparpillées dans 40 communautés territoriales différentes, après c’est laquelle la bonne ? Il faut faire un peu attention, là dedans, la maîtrise est importante. La maîtrise va de pair avec la confiance. Si les gens de Lutèce à un moment donné commencent à faire des bêtises énormes sur leurs logiciels on n’a plus confiance et on va partir ailleurs. Mais c’est important cette confiance dans la maîtrise du logiciel est importante et à nouveau ça n’a rien à voir avec juste une licence. C’est beaucoup plus. La licence est la base, mais après il faut aller plus loin.
    Public : Merci beaucoup. Je crois que vous venez de nous faire un merveilleux cadeau d’anniversaire.
    Public : Tout à l’heure, quand tu parlais au début de ton exposé, Roberto, d’une collectivité face à un choix : est-ce que je vais vers un logiciel libre ou pas, tu as mentionné quelque chose, je suppose que ce tu voulais dire c’est : souvent la collectivité te dit « Ah mais si je vais sur un logiciel libre, je vais avoir un coût de formation, en plus. » C’est quelque chose que j’ai souvent entendu ! Comme si par je ne sais quel miracle, quand il s’agit d’un logiciel propriétaire on n’a pas besoin de formation, on a la science infuse et on sait s’en servir naturellement.
    Mais ça nous renvoie à quelque chose de plus grave : qui est l’habitude qu’ont pris des gens quand ils arrivent à l’âge adulte d’avoir utilisé à l’école des logiciels, et par je ne sais quelle facilité, mais on peut en parler des facilités, par hasard, ils ont utilisé à l’école des logiciels propriétaires. Une fois devenus adultes, si on leur propose, quand ils sont dans une collectivité de passer sur un logiciel libre, ils disent « Hou là, mais il va falloir faire un apprentissage. » Ça ça renvoie vers l’État d’une façon générale, les collectivités, la puissance publique, une forme de responsabilité encore un peu plus importante, parce que bien entendu partant du principe que, faire l’apprentissage d’un logiciel propriétaire n’est pas plus facile que faire l’apprentissage d’un logiciel libre, ça nous renvoie vers les méthodes, les lois, les règlements, qui régissent l’introduction des logiciels dans le système éducatif, qui, bien compris par un certain nombre d’éditeurs, propriétaires précisément, surfent sur la finalité même de l’éducation qui consiste à fabriquer sur des pâtes molles des habitudes pour le restant des jours de ces personnes qui sont enfants à ce moment là. A ne pas pas confondre avec le nécessaire coût qu’il y a quand on fait une migration, quand on est face à un nouveau choix, qu’on est face à une bifurcation, quand moi je décide de déménager d’un appartement d’un point A à un point B, il me coûte de faire les cartons dans mon point A, et il me coûte de les défaire dans le point B. Dans chaque migration il y aura un coût de sortie et il y aura un coût d’entrée. Il ne faut pas confondre ça, avec cette idée accréditée trop souvent, que en tous les cas j’ai entendue mais sans doute toi aussi : « Ah si on va vers le logiciel libre il faudra en plus payer la formation ! »
    Roberto Di Cosmo : Là comme ça, c’est sa faute, vous récupérez une heure de discussion en plus.
    Rires
    Il y a plusieurs aspects. Je ne sais pas dans quel ordre les prendre.
    Je laisse la formation en dernier. Sur les coûts de formation des personnes qui utilisent le logiciel dans l’administration, après il faut voir quelle administration. C’est vrai que dans certaines collectivités territoriales c’est juste utiliser un traitement de texte, un tableur et c’est tout. Dans d’autres il y a quand même des logiciels, des progiciels, des logiciels métiers qui sont spécifiques pour lesquels la formation il faut la faire quoi qu’il arrive. Ce n’est pas quelque chose qu’on a appris à l’école : la gestion des cimetières normalement c’est un truc qu’on n’apprend pas à l’école. Là on un choix relativement libre. Et en même temps temps je veux juste vous rappeler libre, propriétaire, la formation qui ne coûterait rien dans le propriétaire. Je suis dans une université qui a été la bonne élève, on a été les premiers à tester une solution qui s’appelle SIFAC, c’est un système de comptabilité analytique basé sur une solution SAP, donc des leaders du marché des ERP, ERP ce sont ces horreurs qu’on appelle les « Enterprise Resource Planning », c’est un énorme plat de spaghetti qui permet de gérer les applis du terrain. Comme moi je suis plutôt maso pour les gens qui me connaissent, donc j’ai l’habitude de demander les mots de passe pour pouvoir jouer moi aussi avec les logiciels, tu vois les missions, les factures. Je veux voir comment il est fait, cette compta analytique, c’est génial. Je rencontre un copain. Je veux voir ce que j’ai dépensé, ce qui me reste, etc.

    Alors j’avais l’impression d’être un agent de voyages, voyez avec des post-it, vous savez, vous voulez aller de Bordeaux à Londres alors tu tapes 4FZDW. Alors Pourquoi ? Parce que c’est le copain qui m’a dit par téléphone que c’est comme ça qu’on arrive dans le 36ème sous-menu avec les boutons qu’il faut pour arriver à faire le budget de la boite. Comment, ils ne peuvent pas travailler comme ça ! Je suis allé voir les secrétaires qui s’échangent des trucs avec des post-it qui s’appellent par téléphone en disant « Je fais comment pour sortir les bilans du budget. » Ça c’est un logiciel propriétaire ! On a bien payé à la formation, etc. Il faudrait peut-être amener les décideurs qui sont peut-être un peu en haut, de temps à l’autre faire un petit stage plutôt qu’aller faire une croisière. On vous embarque, venez, ça fait Euro Disney à la moins un. On va faire un petit tour, on va voir comment ça se passe dans vos services en bas. Donc qu’est-ce qu’elle fait la dame qui est au guichet ou le monsieur qui est à l’autre guichet. Qu’est-ce qu’ils souffrent tous les jours pour payer les factures etc. Ça aiderait à s’aider à bien comprendre, ce n’est pas juste une question libre ou propriétaire, c’est la qualité du logiciel qu’on a récupéré derrière, sur le fait du libre ça nous permet peut être de dire : plutôt que me taper la configuration pourquoi c’est le désastre chez nous avec SAP. Parce que le fournisseur qui nous a installé ce truc il a pris une copie de SAP standard qui est fait pour l’entreprise, donc qui a des stocks, des arrivées, des machins des taux de change et tout le reste, et il l’a mis dans une université avec l’effort minimum. Du coup toutes les transactions de l’entreprise sont toutes là, et celles de l’université sont tout au fond avec Z, bidule truc, Z machin, d’accord, et du coup on n’y comprend rien. C’est pourquoi la dame est paumée dedans. D’accord, désolé, ça ça m’énerve. Donc je ferme la parenthèse. Je reviens sur la formation véritable.
    Oui, la formation informatique dans les écoles a été très mal traitée à un moment donné. Je ne jette pas la pierre aux personnes qui ont pris la décision politique de la faire telle qu’elle a été faite. C’est à un moment donné, c’est clair qu’on a avait vaguement l’idée qu’il y avait quelque chose qui se passait avec ces machins avec des écrans, des claviers, que c’était important pour éduquer nos enfants. Et donc déjà la première chose à faire, mettre des ordinateurs quelque part dans les écoles. Je suis arrivé dans la classe de mon fils qui a 9 ans il y a effectivement un ordinateur, qui doit dater de 1996, je ne sais pas. Un vieil écran comme ça, un, dans la classe de 30. Je ne sais pas ce qu’il vont faire avec. Donc ils l’ont mis là. Donc déjà ça coûtait pas cher. C’est rien à former. Tu mets un ordi là-dedans. Peut-être quelqu’un va trouver quoi en faire. Je ne jette pas la pierre, maintenant je comprends ces gens n’ont pas une vision claire. Mais on est en 2012. En 2012 on connaît ce qu’est qu’un ordinateur, tout le monde en a un ou plusieurs dans les poches, sous forme de téléphone, déguisé en téléphone. Donc il faudrait peut être réfléchir à une formation faite autrement, à former nos enfants à connaître un peu mieux les principes d’informatique, un peu moins les détails de l’utilisation d’un logiciel, d’un autre logiciel. Donc par exemple un tableur c’est un tableur ! Qu’il s’appelle Excel, qu’il s’appelle Libre office, Star Calc, ou peu importe, ce sont les principes de base qu’il faut apprendre et pas dans quel menu se trouve l’option qui nous intéresse. Sauf que ça, ça veut dire former les enseignants, former les formateurs et ça, ça coûte plus cher que juste caser 2 – 3 ordinateurs dedans. Mais comme vous savez il y a une petite réforme qui arrive cette année dans les lycées, il y a une petite option informatique qui rentre dans les lycées, ça rentre par la fenêtre, vraiment par derrière. Il y a quelques kamikazes volontaires d’autres disciplines, non informaticiens, qui ont subi un énorme bizutage pendant 60 heures d’affilée dans certaines universités, dont des profs de physique, de maths, de technologie, de lettres, passionnés par l’informatique. Ils se sont fait les programmes de 2 années de licence informatique en 60 heures dans des universités en courant et qui vont débarquer dans les classes, maintenant, en faisant ce qu’on appelle l’option ISN, Informatique et Sciences du Numérique. Donc on commence à le faire, mais on pourrait commencer beaucoup plus tôt, on pourrait commencer dans les écoles en utilisant par exemple un très beau livre qui s’appelle « Computer Science Applied » qui est disponible traduit en français pour tout le monde, vous cherchez et qu’on peut offrir à des gamins de 6 ans. On peut jouer avec, pour voir un peu les principes et comme ça quand ils seront devant l’ordinateur plutôt que dire tiens je vais utiliser Microsoft Windows etc., ils se disent tiens, ben voilà c’est la énième incarnation d’une interface graphique, on va bien voir ce qu’on fait avec, mais ce n’est pas que ça qui est essentiel, c’est ce qui se passe derrière.
    Ça c’était méchant comme question. Je parle beaucoup trop. Je vais m’arrêter là. Mais c’est une question vraiment importante.

    Public
     : J’ai beaucoup apprécié le passage sur les appels d’offre, parce que je pense qu’il ne faut pas être timoré là-dessus, et effectivement l’exemple de l’Italie, où il y a une validation du fait qu’on puisse dans la partie juridique demander à ce qu’il y ait des logiciels libres, en France, il y a un arrêt du Conseil d’État qui a débouté une société, enfin des sociétés propriétaires, qui défendent le propriétaire, contre le Conseil Général de Picardie, sur un appel d’offre, et donc le Conseil d’État a validé effectivement le fait que les logiciels libres pouvaient être mis dans les appels d’offre. Je pense qu’effectivement, c’est intéressant ce que tu dis sur l’Italie et la France, c’est qu’on montre effectivement qu’il y a un même mouvement et il y a une même compréhension, et je pense que c’est important maintenant, de compréhension de l’intérêt des logiciels libres pour les collectivités, même au plus haut niveau de l’État, d’utiliser le logiciel libre. Je pense que c’est important le fait que se fasse ce rapprochement entre l’Italie et la France.
    Roberto Di Cosmo
     : Cela dit n’oubliez pas le pendant de ce que je disais : c’est-à-dire avoir du logiciel libre ne suffit pas, il faut s’assurer que derrière il y a la communauté qui est nécessaire, les capacités etc.. Donc l’effort de mutualisation est essentiel.
    Public
     : Tout à l’heure, le monsieur de Paris tout à l’heure, a eu l’expression « il faut avoir un environnement stable ». Moi je suis un élu et j’essaie de faire la promotion du Logiciel Libre, donc depuis des années je travaille sur Open Office etc... Et maintenant ceux qui contredisent le projet me disent « Mais regarde on ne sait pas ce que c’est maintenant, il y a quelques années là, il y avait marqué Open office, aujourd’hui il y a marqué Libre Office. » Donc c’est instable, c’est insécurisant en fait pour l’administration. Donc c’est une question : comment on peut travailler cette notion d’insécurité, ressentie en tout cas par ceux qui ne sont pas pro libres ?
    Roberto Di Cosmo
     : Effectivement il y a un certain nombre de cas de forks récents, de séparation des bases de codes récentes, donc le cas de Libre Office et Open Office en est un. Ce qui s’est passé avec MySQL c’est un autre. Donc ce sont des choses qui sont liées à des événements économiques, à des rachats de grandes entreprises entre elles etc... Il y a 2 façons de répondre. Une façon de répondre, vous pouvez botter en touche et dire « Mais non c’est la même chose qu’Open Office. Ton Microsoft Office maintenant Windows s’appelle, c’était 7 maintenant c’est 8. Là ça s’appelait Open Office, maintenant ça s’appelle Libre Office, mais c’est juste la même chose comme avant. Regarde les menus c’est pareil, c’est juste évolué, voilà. » Alors ça c’est une boutade.

    Maintenant il y a une autre chose beaucoup plus profonde. Au contraire, ce qui s’est passé avec Open Office et Libre Office, ça montre que même quand une grande entreprise de la puissance d’Oracle rachète Sun et décide d’essayer de bloquer le développement de Open Office pour en faire autre chose etc, donc en théorie là c’est le grand danger, c’est-à-dire quelqu’un qui décide de supprimer un logiciel, ben là il y a une communauté qui utilise, qui développe ce logiciel là, qui a réussi à reprendre le code, à faire quelque chose d’encore beaucoup plus vivant qu’avant. Parce que si vous regardez le développement autour de Libre Office, il est excessivement plus varié et vivant que le développement qu’il y avait autour de Open Office. Pour s’en rendre compte il y a une petite start’up près de chez moi, qui s’appelle Intelink, qui fait de l’analyse des codes dans les bases de logiciels libres, qui a fait une cartographie de la base de code Open Office et de la base de code Libre Office, vous voyez en quelques mois énormément de parties de Open Office ont été modifiées, changées, améliorées avec des corrections qui attendaient depuis des années qui enfin sont rentrées dedans. Donc finalement ce qui s’est passé là c’est la meilleure preuve du fait que vous avez pris le choix gagnant. À condition bien évidemment de s’assurer que derrière votre logiciel il y a bien une communauté qui s’y intéresse. S’il n’y a personne qui développe tout ça, s’il y a une seule personne qui développe ce logiciel là, si lui il meurt, le logiciel meurt ! Dans le cas de Open Office, il y avait une communauté qui voulait rentrer, elle ne pouvait plus rentrer, elle a créé ses forks. Elle est devenue beaucoup plus vivante aujourd’hui de ce qu’elle était avant. Je ne sais s’il y a des gens de Libre Office, je pense qu’il y en avait là. Je ne sais pas si j’ai dit des bêtises. Est-ce que vous êtes d’accord avec ce que je raconte ? Voilà.
    Intervention inaudible

    Roberto Di Cosmo
     : Il faut un gros effort, ou alors il faut s’être trompé au début. Donc on a pris un truc qui était logiciel libre il y avait dedans ceux de personnes. Maintenant ça il faut faire gaffe !
    Public
     : Donc il faut faire une deuxième migration ?
    Roberto Di Cosmo
     : Une chose à la fois !

    Intervention inaudible

    Roberto Di Cosmo
     : Non, non, ce n’est pas une migration. Mais c’est vrai que là pour la personne qui regarde avant il y avait marqué Open Office, maintenant on dit Libre Office. Hou la la la ! Catastrophe ! Vous pouvez mettre un post-it dessus qui dit Open Office. Je ne sais pas moi, on peut lui faire un patch qui dit Open Office !
    Public
     : Oui je reviens sur l’histoire italienne juridique et je rebondis également sur ce qui a été dit par Pierre tout à l’heure sur l’aventure qui est arrivée récemment sur le logiciel « Lili » de la région parisienne, donc qui est passé au Conseil d’État. En Italie à quel genre de situation et de conflit juridique peut-on s’attendre suite à cette décision ? Parce qu’on imagine bien que les éditeurs ne vont pas en rester là.
    Roberto Di Cosmo
     : Attends je n’ai pas de boule de cristal. Je te dis tout simplement qu’en Italie, le fait qu’on soit arrivé là, ce n’est pas anodin du tout. C’est-à-dire c’est une longue histoire ; il y a eu pas mal de tentatives d’arriver à faire inscrire quelque chose de similaire qui ont toutes échoué. Les règles qui étaient antérieures étaient catastrophiques. Le logiciel libre est l’option, ce n’est même pas le plan B. C’était le C, le D, le E. En tout cas caché au fond. Là paradoxalement c’est une situation dans laquelle la crise grave dans laquelle on se retrouve aide. Parce qu’on peut jeter de l’argent public par la fenêtre quand il y en a ; quand il n’y en a plus on fait un peu plus attention. Je pense que c’est ça. Alors après la mise en pratique réelle, ça dépendra de la capacité d’accompagnement qu’auront toutes les Agences italiennes pour suivre tout ça. Il y a un élément peut-être que j’ai oublié de dire, je ne sais pas peut-être que vous le savez ici en France. En Italie il y avait un texte de loi qui précisait que si une administration publique payait pour le développement d’un logiciel maison, c’est-à-dire fait à façon, alors ce logiciel était automatiquement utilisable sans payer un seul centime de plus dans n’importe quelle autre administration publique italienne. Ça c’était la loi qui est restée lettre morte, bien évidemment parce que le même logiciel était revendu 36 000 fois aux mêmes personnes. Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de similaire qui existe déjà ? Parce que tu vois l’Italie, l’Italie, mais en Italie ça c’était le principe et ça n’a jamais été appliqué, mais le texte de loi était là, qui est raisonnable. Si on a déjà payé, l’État a déjà payé pour développer un logiciel !

    Intervention inaudible

    Roberto Di Cosmo
     : Ça je connais. Dans le monde universitaire, j’en connais une, oui effectivement. C’est une autre petite idée, une chose à faire comme texte de loi, ça ne coûte pas grand-chose.
    Public
     : Je voulais savoir, à l’IRILL, qu’est-ce que vous faites, préparez, pour que le logiciel libre puisse grossir ? Quels manques vous avez identifiés qui empêcheraient le logiciel libre de grossir, parce qu’il y a quand même des logiciels, enfin je n’ai pas regardé le code source, mais comme je ne sais pas Open Office ou Apache, ou Linux même, ça ne doit pas être des petits codes. Déjà pourquoi est-ce que le Logiciel Libre ne peut pas grandir ? Et s’il lui manque quelque chose, qu’est-ce que vous avez trouvé qui lui manquait ?
    Roberto Di Cosmo
     : Là il faudrait sortir mon vrai ordinateur pour montrer des choses. Donc je vous donne un exemple simple. Je vais essayer de simplifier tout ça. Linux par exemple. Alors si vous regardez Linux, ça a commencé en 91, c’était un petit hack de rien du tout, c’était quelques milliers de lignes de code, pour faire un petit noyau de système d’exploitation. Aujourd’hui ça fait plus de 10 millions de lignes de code. Alors 10 millions de lignes de code il faut se faire une idée de ce que c’est. Donc ben Open Office c’est plus, Libre Office pardon, pardon, Libre Office c’est plus. Les difficultés que vous avez dans l’évolution d’un logiciel comme Linux, c’est que donc il est relativement bien architecturé, donc il est relativement modulaire. Vous avez une partie centrale qui s’occupe de la gestion, si je dis des gros mots techniques ne vous étonnez pas ça se termine dans 3 secondes. Il y a une petite partie centrale qui s’occupe de la gestion, la mémoire virtuelle, du scheduling de bas niveau, de bas système etc. Et après vous avez énormément, autour de cette partie centrale là, de l’USB, vous avez une énorme quantité de codes qui sert pour piloter les milliards de possibles cartes matérielles possibles inimaginables que vous trouvez sur un ordinateur. Vous avez des centaines de possibles façons d’avoir un interface USB, des milliers de devices USB que vous branchez dessus. C’est terrifiant ! Et pour chacun de ceux-là il faut un pilote. Tous ces pilotes là ils sont tous écrits et maintenus par des personnes différentes ce qui fait en sorte qu’un logiciel de la taille de 10 millions de ligne puisse évoluer de façon relativement distribuée, de façon cohérente. N’empêche ! Si à un moment donné, pour une raison quelconque, un des développeurs du cœur du noyau trouve qu’il faut changer la façon d’utiliser l’interface USB, c’est-à-dire tous les pilotes de l’interface USB qui avant faisait « USB_malloc (toto) ». Maintenant doivent utiliser une nouvelle interface avec qui il faut faire « USB_malloc (toto, suivi d’une constante qui peut-être entre 3 et 10 selon le fait que je l’ai appelée pendant que j’étais en mémoire protégée, pendant que j’étais dans une autre situation etc, etc, et que des appels comme ça il y en a des dizaines de milliers dans tous les pilotes, tous les devices et partout dans le noyau, toutes les fois que vous faites un changement de l’interface après il vous faut une grande quantité de martyrs qui vont passer leurs week-ends, avant de prendre une bière, à regarder dans chacun des fichiers s’il n’y a pas une ligne dans laquelle on a oublié de faire des changements et si on doit faire les changements est-ce qu’on met la constante 0 là, ou la 2, ou la 3 ou la 4 en fonction du contexte dans lequel je suis. Tout ceci est fait de façon manuelle. Vous pouvez le faire si votre code est relativement petit. C’est terriblement compliqué quand le code devient grand et en plus ce n’est pas marrant. Ce n’est pas intelligent. C’est quelque chose de relativement bête qu’il faut faire, on sait qu’il faut faire mais on n’a pas spécialement envie de le faire. Donc c’est typiquement la chose dans laquelle un développeur se trompe, oublie ou fait le mauvais choix etc... Je suis sur que dans la base de code de Libre Office vous avez des choses similaires. Quand vous changez l’interface des librairies de base, il y a tous les sites d’appel dans lesquels il faut aller changer de façon uniforme.

    Alors par exemple, une des personnes qui sont chez moi à l’IRILL, une geek , U N E, c’est Julia Lawall, c’est une dame qui fait de la recherche fondamentale en informatique très profonde mais qui s’est passionnée pour ce type de problématique dans le noyau Linux. Donc elle a découvert que c’était un vrai problème, parce que ça ralentissait le développement, parce que l’énergie intelligente des développeurs plutôt qu’être dans améliorer les pilotes, c’était d’aller faire à la main tout un tas de taches bêtes mais qu’on ne savait pas comment faire autrement. Elle a travaillé sur ça pendant 4 ans. Elle a transformé ce problème qui a l’air tout bête dans un problème de recherche. Elle a réussi a publier des papiers super avancés. Elle a construit un outil qui utilise des techniques très avancées. Je ne vais pas vous raconter maintenant. Ce ne sont pas des choses qu’on trouve dans l’industrie normalement. Cet outil-là, elle a réussi petit à petit à le faire accepter dans la communauté des développeurs du noyau Linux de sorte que maintenant quand il faut faire 10 000 changements, plutôt qu’écrire, aller modifier les 10 000 fichiers à la main, on utilise son outil. On écrit une petite recette un peu plus intelligente mais justement qui capture l’intelligence du programmeur et après c’est l’outil qui s’occupera d’adapter tous les changements dans les 10 000 endroits différents. Vous voyez ça, ce sont les types de contribution qu’on essaye de faire nous. Donc effectivement c’est un peu plutôt du long terme. On ne va pas faire un autre pilote pour le noyau Linux. Ce qu’on a intérêt, c’est on va voir qu’est-ce qui bloque, qu’est-ce qui devient trop compliqué de faire à la main dans le développement actuel, là où il y a besoin d’avoir de nouveaux outils, mais des outils qui font appel à de l’activité de recherche, pas juste une petite moulinette en plus. Et donc on a des chercheurs qui sont payés pour faire de la recherche qui travaillent là-dedans mais qu’on essaye de pousser à faire cette dernière étape, c’est-à-dire je ne m’arrête pas au moment où j’ai publié un papier, ce qui rend tout content mon ministère parce que maintenant il y a plus un dans la case papier publié machin, moi ça ne me fascine pas spécialement le plus un là-dedans, ce qui m’intéresse c’est est-ce qu’il arrive à faire en sorte que cet outil soit suffisamment robuste, suffisamment intéressant pour que les gens qui font des vrais développements tous les jours et qui d’habitude regardent mal les académiques parce qu’ils disent les académiques ne savent pas comment on fait le vrai code, ils arrivent à leur offrir une solution réelle. Et donc cette dame donc Julia Lawall a été la première femme et la première personne académique jamais invitée au Linux Kernel Summit, c’était l’année passée. Il y a même une interview d’elle si vous regardez sur le site de kernel.org, Linux weekly news, il y a une petite interview de la dame qui est sortie la semaine passée. Voyez le type de choses qu’on essaye de faire. Donc on ne va pas vous faire un nouveau greffon pour un portail, on ne va pas vous faire un parapheur électronique, ce qui nous intéresse c’est trouver les outils puissants qui vont faire en sorte que demain quand vous aurez un problème avec des grosses bases de codes ou d’autres problématiques de ce genre là on aura peut être une solution à fournir aux développeurs pour que leur travail soit meilleur de meilleure qualité, plus efficace, pour qu’ils puissent se concentrer sur les tâches nobles et moins sur les tâches répétitives. Il y a en beaucoup dans les grosses bases de code aujourd’hui. Voilà. Je ne sais pas si c’est suffisamment clair.
    Intervention inaudible

    Roberto Di Cosmo
     : Vérification des codes, ça c’est compliqué. Certification des codes pour s’assurer que le code est vraiment correct, ça sur des grosses bases de codes génériques, on ne sait pas faire. Il y a quelque chose qu’on sait faire sur du code style Airbus, mais sur les codes que vous trouvez dans un portail web, ça c’est excessivement compliqué. Évidemment c’est un sujet qui nous intéresse beaucoup. Mais on est loin d’avoir un outil que vous passez sur un million de lignes de codes et vous dit il y a un big... Trouver des bugs, ça c’est facile. C’est garantir qu’il n’y en a pas qui est difficile. Trouver des bugs, on vous en trouve tant que vous voulez, même avec l’outil de Julia, on trouve plein de bugs.
    Public
     : L’heure, OK
    Public
     : François-Renaud Méridal. J’ai une question à vous poser par rapport à l’avenir de l’ADULLACT. Donc vous avez parlé tout à l’heure de cette agence qui certifierait un peu les logiciels libres. Ce matin Franois-Élie a rappelé un peu l’aventure qui lui était arrivée à Clermont-Ferrand lors de la création de la coopérative, et la montée de boucliers qu’il y avait eu dès qu’ADULLACT a essayé un peu de mettre son nez un peu dans le monde économique et pour l’ADULLACT en tant que telle ça s’est traduit à l’époque avec le collège des entreprises qui est passé de 60 entreprises à 10 entreprises. Donc est-ce qu’il n’y a pas un danger pour ADULLACT d’aller de nouveau encore dans ce domaine là, aller certifier des logiciels ? Est-ce que ça ne va pas d’un autre coté refaire un peu la même chose ? Est-ce qu’on a les moyens de pouvoir, en fait, faire ce type de pratique ?
    Roberto Di Cosmo
     : Effectivement, avoir un catalogue avec des tampons « bon, méchant », ça c’est dangereux parce tous les méchants ne vont pas être contents vont venir vous attendre au pied de la porte. Par contre au moins sélectionner des bonnes pratiques, trouver qu’il y a des façons un peu plus douces d’obtenir les mêmes résultats qui est sélectionner les bonnes pratiques trouver les exemples de bons cas d’usages dans les cas d’usages, ça ce sont des choses que vous pouvez faire ; vous avez une expérience décennale là-dedans. Alors vous ne pouvez pas couvrir tous les besoins de l’administration évidemment. Et c’est là aussi que le défi de monter en puissance. Je ne sais quelle est la solution. En Italie c’est facile : ils ont dit qu’il y aura une agence de l’Italie digitale. Alors maintenant après il faut la faire. Donc qui on met dedans. On ne sait pas. Est-ce que c’est une personne seule dans un bureau, comme c’était avant le garant. C’était une blague. En Italie on avait le garant de la confidentialité des droits. C’est une personne à Rome dans un bureau. Donc lui il garantit que les données publiques sont gardées de façon confidentielle. Ça c’est rigolo. C’est une boutade, ce n’est pas sérieux ! Donc là il faut voir comment c’est mis en place. Ici en France c’est plus sérieux que l’Italie. Donc, je suis sur qu’on va trouver des solutions largement plus intelligentes et plus satisfaisantes. Mais je n’ai pas une réponse complète à tout ça. Je ne pense pas que l’ADULLACT toute seule ait l’énergie pour faire tout ce travail pour tous les besoins des collectivités, mais elle peut être la force motrice pour aller dans cette direction. En tout cas c’est à l’ADULLACT de décider. Moi je ne fais qu’observateur.
    Public
     : Merci beaucoup Roberto. On va te libérer pour que tu puisses prendre ton avion. Simplement j’espère que pour les dix années qui viennent tu pourras nous aider à essayer de ne pas prendre les mauvais chemins.
    Roberto Di Cosmo
     : Mais surtout merci à vous tous pour tout ce que vous faites. Si je peux vous dire quelque chose d’un ancien italien. Je suis arrivé ici par hasard. Pas comme mes collègues italiens qui s’échappent vraiment par choix aujourd’hui, parce qu’il y a un problème dans les universités italiennes. C’est que j’ai trouvé dans ce pays qui m’a fait énormément plaisir qui me changeait un peu de chez moi, c’est de trouver des personnes comme vous pour lesquelles le mot « État » s’écrit encore avec un grand É, dans lequel la fonction publique a une mission à accomplir, dans lequel elle essaye de le faire et vous êtes fiers de ce que vous faites même si bien sur vous savez la caricature des français toujours tristes, méchants. En Amérique on vous dit « How do you do ? » « Excellent ! ». En France on dit « Ça va comment ? » « Ça va, ça va ». Je vous connais d’accord ! Mais malgré ça je pense que vous devez être fiers de ce vous faites et je vous dit un grand merci au nom des citoyens qui ont besoin de vous donc continuez comme ça et je serai ravi de venir vous voir dans 10 ans si je ne passe pas sous un camion et voir tout ce que vous avez fait d’ici là. Allez bon travail et bon courage !

    Applaudissements.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.