Accessibilité, un marché en expansion : acteurs du Libre, préparez-vous ! Conférence d’Armony Altinier

Titre
 : Accessibilité, un marché en expansion : acteurs du Libre, préparez-vous !
Intervenant
 : Armony Altinier
Lieu
 : RMLL - Montpellier
Date
 : Juillet 2014
Durée
 : 31 min 30

Lien vers la vidéo

Transcription

Bonjour. Merci d’être là. Je vais vous parler d’accessibilité dans le cadre d’une entreprise, pourquoi il faudrait en faire et comment on peut prendre en compte ; donc non seulement en quoi c’est important mais en quoi ça peut être une source de revenus supplémentaires.
D’abord en contexte qu’est-ce que l’accessibilité ? Quand on parle d’accessibilité numérique ça signifie que les personnes qui ont un handicap peuvent utiliser l’outil informatique. J’ai dérivé cette définition de celle du W3C qui concerne le Web, mais ce n’est pas uniquement pour le Web, c’est aussi les logiciels, les applications, le système d’exploitation, donc c’est un ensemble. Tout doit pouvoir être accessible à toutes et tous.
Là on va avoir trois grands volets : d’abord l’accessibilité en tant qu’obligation légale, en quoi il s’agit aussi d’une opportunité d’affaires, et à titre individuel en quoi c’est un gage de professionnalisme.
Une obligation légale.
Il y a, pour toute entreprise, un risque juridique lié à la discrimination. Parce que la discrimination ce n’est pas seulement refuser à quelqu’un de faire quelque chose, si on se base sur la définition internationale qui a été mise dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU qui date du 13 décembre 2006, que la France a ratifiée notamment, « la discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable. » Donc il ne s’agit pas seulement de ne pas refuser quelqu’un ou d’avoir une volonté, mais il y a aussi le refus d’aménagement raisonnable qui est suffisant pour définir et pour qualifier une discrimination. Et quand on voit les pénalités prévues en France sur la discrimination, c’est un article du Code pénal, l’article 225-2 qui n’est pas nouveau et qui était du temps où il n’y avait pas de numérique, mais qui du coup est applicable. « La discrimination définie à l’article 225-1, commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ». Donc évidemment les législateurs n’avaient pas en tête le numérique à cette époque, mais on pourrait totalement transposer. Et « lorsque le refus discriminatoire est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès », alors est-ce qu’un site web par exemple est un lieu accueillant du public d’un point de vue numérique ? C’est une question qui n’a pas de réponse officielle, on pourrait le penser, « les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ».
Pour l’instant comme je l’ai dit, il n’y a pas de jurisprudence en France ; il y en a dans d’autres pays qui sont plus procéduriers, dans les pays anglo-saxons notamment, où il y a eu des pénalités pour des entreprises privées, alors que le cadre légal, quand on parlait d’accessibilité numérique, ne parlait également que du secteur public. Donc on voit que c’est quelque chose qui est transposable, c’est l’esprit en fait de la réglementation internationale. Donc il y a de bonnes chances, s’il y avait une plainte en France, et il y en aura peut-être l’année prochaine, que ce soit applicable. Donc ce n’est pas neutre.
L’accessibilité c’est aussi une opportunité d’affaires.
Parce que justement, dans la loi, il y a eu une grande loi sur le handicap en 2005, donc 11 février 2005, un article est spécifiquement prévu sur l’accessibilité numérique, c’est l’article 47 qui dit que « la communication publique en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des services qui en dépendent doit être accessible aux personnes handicapées, selon les règles internationales ». Donc ça c’est une obligation. En quoi c’est une opportunité d’affaires ? Comme je le dis, en réalité si on se base seulement sur la définition de discrimination, ça devrait suffire à qualifier, mais il y a quand même une volonté supplémentaire qui vient, en fait, des recommandations européennes de mettre un point particulier sur tout ce qui est service public en ligne, en fait, mais en réalité ça touche énormément d’établissements, puisque ça touche aussi les hôpitaux, les écoles, les communes, on a 36 000 communes, il y en a qui ont même plusieurs sites, les conseils généraux, les régions, donc ça touche les hôpitaux, tout ce qui est public ou parapublic ou qui a une mission de service public est concerné. Donc c’est potentiellement énorme, et du coup même si vous, vous travaillez dans une entreprise privée, il y a de bonnes chances que vous ayez des clients qui soient dans le secteur public, de manière large, et du coup qui soient eux-mêmes touchés par cette obligation très spécifique. Et c’est donc une opportunité puisque c’est un argument commercial.
Les gens qui sont capables de faire réellement des choses accessibles, il n’y en a pas beaucoup et du coup, dans un appel d’offres souvent il y une ligne, si vous savez de quoi vous parlez et que vous le faites correctement, vous pouvez gagner des points et gagner des marchés potentiellement. Au-delà de cette obligation légale, il y a un financement sur fonds publics pour des marchés de mise aux normes. Moi-même je suis expert en accessibilité numérique, j’ai ma propre société et j’ai gagné un appel d’offres tout récemment, avec mon groupement, d’un million et demi d’euros sur trois ans. Et ce sont des montants de ce type-là. On en a qui sont de cinq millions d’euros. Il y a des gros budgets, des gros financements européens pour de la mise en accessibilité. Donc je ne parle pas de peccadilles, il y a un vrai marché dessus. Sauf qu’en face, on a beaucoup de mal après, ça peut être des marchés pour recruter pour faire des mises aux normes de choses qui peuvent être des logiciels particuliers, des sites web, des applications, de la vidéo, et en face on peut manquer. Quand j’accompagne des clients pour sélectionner des entreprises, on manque de compétences en face. Ce qu’on trouve aussi parfois, ce sont des entreprises, mais qui ne font pas. Il y a aussi une volonté de faire plus libre, au niveau de l’administration, mais il n’y a pas forcément de solutions en face.
Et puis avec ce nouveau marché, justement, il y a tout un volet sur la communication. L’objectif aussi du marché porté par le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique, dans un des domaines, c’est de la communication. C’est donc faire de la sensibilisation et donner les outils au secteur public pour leur rappeler leurs obligations légales, puisque c’est très peu respecté. Donc il va y avoir une grosse action de sensibilisation auprès des acteurs publics pour leur imposer de vérifier que leurs prestataires font bien de l’accessibilité, bien choisir leurs prestataires en mettant un critère accessibilité donc, pour savoir si ce critère est pris en compte ou pas.
Ça c’est prévu en fin d’année, en début d’année prochaine, ça va réactiver une demande et donc encore faut-il être prêt en face. Donc c’est une vraie opportunité et c’est pour ça qu’on avait insisté, on a fait un gros point, on a insisté auprès des organisateurs des Rencontres Mondiales cette année en disant c’est le moment ou jamais. 2015 c’est un moment où il va y voir beaucoup d’accessibilité, il faut qu’on informe le plus possible dans tous les thèmes. Donc il y a un thème accessibilité d’habitude. Là, on a fait des conférences partout, sauf dans notre thème, pour qu’on informe au niveau du graphisme, au niveau des entreprises, au niveau de sociétés, enfin dans tous les thèmes, pour que les gens soient sensibilisés et puissent prendre ça en compte, puisqu’il y a un problème encore d’information sur ce que c’est. Les gens n’y pensent même pas.

Et c’est donc une opportunité à saisir particulièrement pour les entreprises du Logiciel Libre, puisqu’il y a donc cette volonté de la part de l’administration de choisir des solutions libres. C’est quelque chose qu’on remarque quand même. Alors ça dépend, c’est variable. Mais dans certains marchés publics, parfois, on commence à le demander. Il y a une circulaire du Premier ministre pour dire qu’il vaut mieux utiliser des solutions libres et puis même si Libre n’est pas gratuit, dans un contexte économique compliqué, les administrations cherchent à faire des économies et à se dire il vaut mieux investir une fois dans un projet plutôt que plusieurs fois. Donc c’est un discours qui peut porter.
Or, ça c’est un discours en plus, donc c’est un atout. En revanche l’accessibilité ce n’est pas un atout, c’est une obligation légale. Et comme tout le monde a un niveau très bas, à tous les niveaux, l’accessibilité en France on est quand même très en retard, et que les rares dispositifs ou logiciels d’accessibilité sont presque tous sous licence non libre, il y en a qui sont sous licence libre mais qui ne sont pas forcément au niveau, ça peut valoir le coup pour une entreprise d’investir pour améliorer l’existant, proposer des solutions innovantes. Avec le double atout, on est accessible et on est libre, vous avez de fortes chances, si ça répond évidemment à l’objet du cahier des charges, d’avoir des points supplémentaires. Donc ça serait dommage de ne pas le faire.
Enfin l’accessibilité c’est un gage de professionnalisme.
C’est-à-dire, quand on regarde ce que c’est que la qualité au sens d’ISO 9001, il faut répondre aux exigences des clients, satisfaire l’exigence des clients, donc clients au sens large, un service de sa propre entreprise peut être un client, mais ce sont à la fois les exigences explicites, voilà je voudrais un site qui fait telle chose, qui présente ma société, qui présente ma collectivité, mais il y a aussi des exigences implicites auxquelles il faut répondre. Par exemple si vous commandez des yaourts, il n’y a pas besoin de dire « il ne faut pas que ça rende mes enfants malades », ça fait partie des exigences implicites de sécurité.
L’accessibilité, c’est la même chose : vous n’avez pas à ce qu’on vous demande, il faut que ce soit accessible, c’est quelque chose d’implicite. Le client ne le sait pas, il n’a pas à le savoir. C’est à vous de faire en sorte que ça marche. En revanche, s’il y a une plainte parce que ce n’est pas accessible et que c’est vous qui avez fait, c’est vous qui êtes responsable. Vous avez fait un produit qui n’a pas été conforme à la réglementation en vigueur.
Donc faire accessible, concrètement, c’est aussi connaître les normes, les bonnes pratiques de son langage, quelque soit le langage. Donc dans le Web HTML, CSS, JavaScript, mais quelque soit votre langage, c’est toujours prévu. Il y a des manières de le rendre accessible. Si déjà vous respectez les règles de votre langage vous gagnez du temps et vous faites un pas vers l’accessibilité. Pourquoi ? Parce que le principe de l’accessibilité, il faut que ce soit compatible avec différentes technologies, différentes façons d’accéder à l’ordinateur et si vous ne faites vos tests que sur votre propre ordinateur, il y a de bonnes chances que, même demain, ça ne marche plus ; si vous changez de version ou que d’autres personnes qui accèdent autrement ça ne marchera plus. Donc respecter les bonnes pratiques et les normes de son langage.
Le principe c’est aussi que, du coup, en faisant ça, vous faites un code plus robuste, standard et du coup plus maintenable. Même si ce n’est pas réellement quantifiable, on sait que forcément ça fait gagner de l’argent, puisqu’en distinguant la forme du fond, si vous faites une refonte, vous n’êtes plus obligé de tout refaire forcément. Donc en documentant, en ayant cette rigueur-là, c’est une habitude à prendre au fil de l’eau, donc ce n’est pas un temps qui est facturable puisque c’est quelque chose qui est à entrer dans les bonnes pratiques quotidiennes de développement, au final vous gagnez du temps, lorsqu’il y a besoin de faire une refonte ou d’ajouter des fonctionnalités, votre code est plus clair, mieux structuré et du coup vous pouvez aller plus vite et donc être moins cher et plus concurrentiel.
Ensuite c’est une compétence qui est encore aujourd’hui rare et recherchée, de plus en plus recherchée je dirais, même par des sociétés. J’ai un client qui est une grosse société informatique du CAC 40, et qui me demandait « tu ne connais pas des gens, je veux recruter, qui sont bons en accessibilité ? » En fait, oui, je les connais mais ils sont déjà en poste. En général ils ne manquent pas de travail. Donc c’est quelque chose qui est recherché, mais qui va, sans doute aussi, avec cette communication qui va être faite au public, qui est prévue dans ce marché, je ne sais pas quand précisément mais probablement en 2015 je dirais, ça va être recherché, mais de plus en plus. Donc il va y avoir une espèce d’engouement. Pour l’instant vous avez un avantage, mais forcément tout le monde va s’y mettre ! Donc c’est plutôt, pour les rares personnes qui sont là, un atout ! Vous avez peu de concurrents encore sur le marché et comme c’est un marché trusté par des entreprises faisant du logiciel non libre, là encore c’est un atout supplémentaire comme je l’ai déjà dit.
Ensuite il y a un lien naturel entre accessibilité et Logiciel Libre.
Libre et accessibilité vont dans le même sens, dans le sens où il y a quatre libertés sur le Logiciel Libre, dont la liberté de modifier le logiciel pour l’adapter à ses besoins. Et ça c’est typiquement, quand on parle d’accessibilité en anglais on parle souvent de ’’specific needs’’, donc des besoins spécifiques et donc ça c’est un atout. Parce que si vous respectez les standards, les règles, etc, mais que dans une administration il y a un utilisateur qui a un besoin spécifique, il faut adapter votre logiciel, c’est quelque chose que vous pouvez faire avec du Logiciel Libre, que l’entreprise elle-même peut faire, ou que la collectivité peut faire. Donc du coup c’est vraiment un atout que vous pouvez vendre en disant : le Logiciel Libre, par nature, est adaptable, modifiable, au besoin, et donc ça va dans le sens de l’accessibilité.
Alors en pratique, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’on vous demande de faire ? Pas de faire cinquante logiciels, ou cinquante sites web, cinquante versions. De toutes façons vous en feriez cinquante ou deux cent cinquante que ça ne serait pas suffisant. Il y a une grande diversité des usages, des utilisateurs, des capacités, et donc il ne s’agit pas de faire des choses spécifiques pour les gens, il s’agit de donner la possibilité aux gens d’adapter l’environnement, d’y accéder avec leurs propres technologies et leurs propres paramétrages, configurations.
Il y a deux grands axes. Il y a l’axe des développeurs, c’est la compatibilité avec les technologies actuelles et futures. Ça c’est d’un point de vue vraiment technique ; et il y a l’axe des concepteurs et des producteurs de contenus où là il faut penser, par exemple, en termes de design, il faut penser à faire les choses de manière logique, à avoir des contrastes de couleurs suffisants, donc à donner des intitulés pertinents aux liens, aux boutons, etc. Donc ça, c’est l’axe des concepteurs et producteurs de contenus où c’est la compatibilité avec les capacités humaines, si je puis dire.
Développer accessible.
C’est donc, comme j’ai dit, ne pas faire plusieurs versions mais les programmes doivent être pensés pour s’adapter aux diverses façons auxquelles on peut y accéder. Il ne faut vraiment pas commencer à se dire je vais rajouter un bouton ou je vais rajouter quelque chose pour que ça lise le texte. Les personnes qui ont un lecteur d’écran ça peut même les gêner puisque ça risque d’être lu deux fois, de faire des confusions. Il faut au contraire faire attention. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire des options, si vous voulez, mais ce n’est pas ça l’accessibilité. L’accessibilité c’est permettre à tous d’y accéder, quel que soit le contenu.
Le W3C, donc qui est l’organisme de standardisation des langages du web, a un groupe de travail qui s’appelle WAI, donc ’’Web Accessibility Initiative’’, qui fait des standards, comme tous les groupes de travail du W3C, pour les contenus web. Donc c’est la version sans doute qui est la plus aboutie, où il y a une grosse réflexion depuis presque dix ans sur comment on fait concrètement, techniquement, pour rendre les choses accessibles. Donc ils définissent la notion de compatible avec l’accessibilité. Il faut savoir que ces grandes règles, globalement, sont applicables, c’est pour le web, mais en fait c’est souvent déclinable aussi pour d’autres technologies, donc ce n’est pas uniquement pour le web. Donc compatible avec l’accessibilité c’est « compatible avec les technologies d’assistance des utilisateurs ainsi qu’avec les fonctions d’accessibilité des navigateurs et des autres agents utilisateurs ».
Une technologie d’assistance est une technologie qui supplée une utilisation standard pour permettre l’accès d’une autre façon. Par exemple là, je vois qu’il y a quelqu’un qui a une technologie d’assistance puisque le monsieur a des lunettes devant, donc il a une déficience visuelle, mais il n’a pas de handicap puisqu’il a une technologie d’assistance qui permet de compenser.
Dans ces technologies d’assistance, de manière un peu large, les télécommandes ont été inventées pour les personnes tétraplégiques. On se rend compte que ça a bénéficié à beaucoup plus de monde. Pourtant c’était dans cet usage au départ. L’ascenseur, l’escalator, la souris ; au départ la souris c’est vraiment pour faciliter l’accès à l’ordinateur à des gens qui ne savent pas les raccourcis clavier ou la ligne de commande. En réalité, l’ordinateur au départ, l’usage standard c’est le clavier. Aujourd’hui ça a presque tendance à s’inverser, on a tendance à oublier de prévoir pour le clavier.
Au niveau informatique, les technologies d’assistance il y en a de différents types. On peut ne pas pouvoir voir ce qu’il y a à l’écran, donc être aveugle et dans ce cas, il faut pouvoir y accéder d’une autre façon. La version texte c’est ce qu’il y a de plus accessible dans ces cas-là puisque c’est une chaîne de caractères qui peut être lue par le logiciel. Ça va être un logiciel de lecture d’écran qui va analyser, comme un cerveau le ferait, tout ce qu’il y a sur l’écran, donc non seulement ce qui est écrit, ce qu’on peut voir, mais aussi la nature des éléments : est-ce que c’est un bouton, est-ce que c’est un champ ? Qu’est-ce que je peux y faire, est-ce que je peux le valider, est-ce que c’est une case à cocher, est-ce qu’elle est cochée, non cochée ? Donc il va dire toutes ces informations-là, à condition qu’elles soient fournies. Il va dire par exemple est-ce que c’est un titre de niveau 1 mais si vous n’avez pas codé ça comme un titre mais juste fait de la mise en page en gras, etc, la technologie d’assistance ne va pas le savoir.
Donc ça va retranscrire ensuite, ça va donner ces informations à l’utilisateur, soit de manière vocale avec une synthèse vocale, soit de manière tactile avec une plage braille. Si vous voulez avoir des démonstrations, je vous invite à passer sur le stand de Liberté 0, on a plusieurs utilisateurs qui ont différentes plages braille ou bloc-notes braille. Ce sont des petits picots qui se lèvent et qui se baissent pour former des lettres braille et donc il y a différentes lignes de caractères. Ce sont des lignes de caractères de 40 caractères en général, 40 à 80 ça dépend des modèles, et qui permettent, donc pareil, de restituer ce qui est l’écran.
Il y a aussi des personnes qui ne peuvent pas utiliser du tout la souris. Donc quand on fait accessible, penser accessible, c’est penser à la fois l’accès au clavier et à la souris. Les deux. Il y en a qui ne peuvent pas du tout accéder au clavier, qui vont utiliser uniquement des dispositifs de type souris. Là on voit un exemple de quelqu’un qui a une licorne, c’est Redstick, c’est un bâton qui est fixé à la tête, c’est un dispositif qui est assez archaïque, il y a des choses plus évoluées, mais qui est encore utilisé. Je vous laisse imaginer à quel point ça peut être fastidieux et compliqué, sans compter que parfois c’est juste pas possible.
On voit parfois qu’on a des menus, par exemple, avec des menus déroulants, sauf qu’on n’y accède jamais au clavier parce que ça n’a pas été pensé. Donc un des fondements c’est vraiment de permettre l’accès au clavier et à la souris. Souvent ça permet aussi, ce n’est pas la seule chose, mais ça permet du coup d’interagir aussi avec les technologies d’assistance.
Puis on voit là un logiciel libre par exemple qui s’appelle Chewing Word qui permet d’avoir un clavier virtuel et de réorganiser le clavier de différentes façons.
A noter que le lecteur d’écran est utilisé pas uniquement par les personnes aveugles, c’est utilisé aussi par des personnes malvoyantes qui vont combiner des logiciels de zoom, de loupe, donc qui agrandissent fortement l’écran, qui changent les contrastes de couleurs éventuellement, avec du lecteur d’écran. Et puis il y a des personnes qui ont de fortes dyslexies qui vont l’utiliser aussi. Donc finalement ça ne touche quand même pas que la population aveugle.
On voit aussi que l’accessibilité c’est aussi au niveau des contenus. Si vous faites des vidéos ou de l’audio et que ce n’est pas sous-titré ou qu’il n’y a pas de transcription, les gens qui n’entendent pas ne pourront pas accéder aux contenus non plus. Donc on voit que c’est à tous les niveaux.
Alors quelques pistes. Je ne peux pas faire une formation en quelques minutes, mais quelques pistes sur le sujet. On a vu, une des bases c’est vraiment la robustesse du code, puisqu’il faut que votre code soit compatible avec les technologies d’assistance actuelles et futures qu’on n’a pas imaginées. Si vous respectez les standards, a priori, même si ces standards évoluent, ils prennent en compte l’antériorité et donc du coup vous avez une compatibilité possible.
Ensuite la sémantique, séparer le fond et la forme. Ça c’est une des règles de base, comme on fait avec HTML et CSS. Vous ne devez pas avoir une structure uniquement visuelle, ce qui va être lu et interprété par les technologies, ça va souvent être lu de manière linéaire. Si vous faites une mise en page visuelle, mais que les choses ne sont pas logiques dans l’ordre du code source, de manière à être interprétées de manière linéaire et que vous n’avez aucune liaison, ça va être incompréhensible.
Je pourrais donner cet exemple, si vous allez sur la page de documentation, la page du site web de documentation d’Ubuntu-fr, la page principale, il y a des cases, sauf qu’en fait ce n’est pas dans l’ordre logique, donc il y a les titres et, en dessous, il y a les contenus. Du coup au niveau de la linéarité ça va être lu titre, titre, titre, contenu, contenu, contenu, et ça ne va pas être relié les uns aux autres. Donc c’est ce genre de choses auxquelles il faut penser.
Donner les informations nécessaires à la compréhension, donc les informations non perceptibles comme les images. Comme je l’ai dit c’est le texte qui est interprété, les chaînes de caractères, donc si ce sont des images ça ne va pas être interprété. Donc il faut donner une alternative à l’image. Si on enlève l’image est-ce qu’on perd de l’information ? Si oui il faut renseigner, donc en HTML, c’est un attribut alt, mais c’est valable dans d’autres langages. Vous avez toujours la possibilité de le faire et donc il faut permettre de donner l’information.
Les deux points précédents sont des points qui sont uniquement des choses que vous pouvez appliquer dans votre quotidien, sans faire d’effort, puisque c’est uniquement un gage de professionnalisme, de connaissance de votre code, de structuration. Ce sont des efforts qui, de toutes façons, ne concernent pas directement l’accessibilité.
Le troisième point ce sont vraiment des choses un peu plus spécifiques pour l’accessibilité. Effectivement l’information ne doit pas être donnée que d’une manière et, notamment, que de manière sonore ou de manière visuelle. Il faut toujours une alternative texte. Et puis il faut penser à donner les éléments de liaison. Par exemple entre un texte qui sera une étiquette de formulaire et un champ texte, si les deux ne sont pas accolés et si les deux ne sont pas reliés dans le code, le lecteur d’écran ne va pas pouvoir faire la liaison entre les deux et il ne saura pas ce qu’il devra renseigner comme information.
Pour aller plus loin, il faut évidemment soit vous former, soit vous faire accompagner et, idéalement, faire auditer vos solutions. J’ai déjà vu plusieurs fois sur des appels d’offres, par exemple quand j’accompagne des entreprises qui gagnent parce qu’elles se font accompagner dans les CV par quelqu’un, et d’autres qui n’ont pas apporté la preuve, en fait, qu’elles se faisaient accompagner. Et puis vous pouvez aussi contribuer, donc ça c’est encore mieux. Là, pour le coup, on sort un peu du cadre entreprise et purement business. On a une association Liberté 0 qu’on a constituée. En tant que réseau, en fait, ça existe, on travaille ensemble depuis 2009, aux Rencontres Mondiales de Nantes, on a mis en place ce réseau-là. On s’est créé vraiment, en tant que nom Liberté 0, l’année dernière aux dernières Rencontres Mondiales, et on a créé l’association cette année. On s’était dit si dans un an il y a toujours du monde et des gens motivés, on crée l’association. Donc on l’a fait hier. C’est une histoire très forte de Liberté 0 avec les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre et donc on est évidemment tout à fait prêt à renseigner, à donner des ressources sur la liste de discussion. Si vous avez des questions, si vous voulez contribuer, c’est encore mieux.
Après vous pouvez toujours le mettre dans votre CV, en référence. Mais, au-delà de ça, vous aiderez surtout tous les utilisateurs. En général les gens qui font du Logiciel Libre et ceux qui viennent aux Rencontres Mondiales du Logiciel libre ne le font pas que dans une intention de gagner de l’argent. Si votre intention c’est vraiment de donner la liberté à tous les utilisateurs, si vous ne le faites pas en le faisant accessible, sachez que vous ne permettez pas cette liberté à tout le monde.
Donc voilà. Si vous avez des questions. Non ? Et bien merci à vous. Oui. Pardon, je n’ai rien entendu.
Public : inaudible.
Armony : Donc, la question c’est, je répète pour l’enregistrement, c’est apparemment diffusé en streaming, donc la question ce n’est pas au niveau de l’accessibilité mais au niveau des obligations légales. Si une administration met du contenu à disposition, est-ce qu’il doit être accessible à tous ?
Oui. En plus là, pour le coup, pour tout ce qui est acteurs publics, c’est vraiment clairement indiqué et c’est y compris la version en ligne qui est indiquée. Donc ce n’est pas la loi générale sur les discriminations, mais c’est vraiment l’article 47 de la loi 2005-102 du 11 février 2005, qui dit que toute communication publique en ligne doit être accessible aux personnes handicapées. Voilà, donc là c’est très clair.
Et oui, c’est malheureusement encore assez méconnu, alors que c’est une loi, donc la loi est de 2005, le décret d’application est de 2009, donc ce n’est pas récent et l’obligation, il y avait un délai pour la mise en conformité qui courait jusqu’en mai 2012. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, si vous n’êtes pas accessible, vous êtes susceptible d’être responsable juridiquement puisque vous n’avez pas respecté le délai. Le délai pour les bâtiments c’était 2015, donc là on voit que c’est revu. Au niveau numérique il n’y a rien de revu donc pour l’instant c’était mai 2012. Pas d’autre question ?
Public : inaudible.
Armony : Oui. La question c’est est-ce que ça concerne tous types d’informations ou uniquement les informations pour le grand public ? Et notamment une publication scientifique est-ce qu’elle doit aussi être accessible puisqu’elle ne concerne que ce public visé ?
Oui tout à fait. Il n’y a pas de distinction en fonction du type de communication. Tout simplement parce que même si vous êtes scientifique vous pouvez être aveugle. On a des gens sur le stand qui sont ingénieurs à l’Inria qui sont aveugles et qui ont sans doute besoin d’accéder aussi à cette information. Et aveugle mais ce n’est pas uniquement, on peut être sourd aussi. Il n’y a pas de distinction sur les contenus, tous les contenus. Au niveau du Web c’est beaucoup plus cadré parce que, comme on a une base internationale, les WCAG, qui sont les règles d’accessibilité pour les contenus web. Il y a un référentiel général d’accessibilité pour les administrations, donc qui est en ligne sur references.modernisation.gouv.fr, et qui est en cours de refonte, donc il y a une mise à jour, tout dans le cadre de ce projet, de ce marché, il y a une mise à jour de ce référentiel d’ici la fin de l’année ; donc c’est en cours là actuellement. Donc ça concerne tous les contenus sur le web, ce n’est pas uniquement les contenus web. C’est-à-dire que si vous mettez à disposition, votre site est tout parfait, et puis vous mettez le programme d’une conférence en PDF, mais que le PDF n’est pas accessible, il n’y a pas l’information ailleurs, le PDF est censé être accessible. Ou alors il faut que l’information soit y compris dans la page web et auquel cas le PDF n’est qu’une alternative qui n’est pas accessible ; on a quand même l’information. Donc tous contenus, y compris les vidéos qui pourtant ne sont pas du web, y compris des applications spécifiques, y compris les documents en téléchargement, donc tous contenus. Oui ?
Public : inaudible.
Armony : Des lecteurs d’écran sous GNU/Linux. Non ? Des bibliothèques ?
Alors il y avait une conférence ce matin sur le sujet. C’est fini normalement, il me reste dix minutes je crois. Au niveau développement logiciel, sous GNU/Linux, vous avez notamment sous Gnome une bibliothèque qui s’appelle ATK, qui dépend de GTK, et qui communique avec le bus d’accessibilité. Sous GNU/Linux c’est AT-SPI. Donc vous avez le choix. Idéalement en fait il y a déjà des bibliothèques de composants qui sont fournies par GTK, donc dans cette fameuse bibliothèque ATK. Mais vous pouvez aussi faire les vôtres ; dans ce cas il faut qu’ils soient accessibles et qu’ils communiquent avec le bus d’accessibilité donc sous Gnome enfin sous GNU/ Linux c’est AT-SPI.
Après n’hésitez pas si vous avez des questions techniques, je peux répondre aussi. Et si je ne peux pas répondre on a des gens, on a donc un stand dans le village associatif, Liberté 0, donc si vous avez d’autres questions que ce soit d’ordre juridique, technique, pratique, n’hésitez pas. Pas d’autres questions ? C’est clair ? Et bien merci de votre attention.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.