Renouveler la démocratie avec Internet et l’Open Data - Alexandre Quintard Kaigre

Titre :
Renouveler la démocratie avec Internet et l’Open Data
Orateur :
Alexandre Quintard Kaigre
Lieu :
Paris, Open World Forum
Date :
Octobre 2013
Durée :
34 min 52
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Transcription

La conviction que je voulais partager avec vous ce matin, ce que j’appelle, mais très modestement « renouveler la démocratie », c’est quelque chose que je vois et j’ai vu dans mes différentes fonctions puisque je dirige depuis 3 ans bientôt les affaires publiques et juridiques d’Etalab [1]

, la petite mission chargée de l’open dataOpen Data au niveau du gouvernement. Mais j’ai eu l’occasion d’exercer avant et, concrètement, on voit que notre démocratie, parfois, s’essouffle un peu et a des pratiques qui sont certes traditionnelles, mais qui ne correspondent pas aux attentes et à ce qu’on peut espérer de notre démocratie au XXIe siècle. Je l’avais exprimé il y a 3 ans, à peu près, dans une conférence aussi, quand on parlait de l’interdiction du cumul des mandats dans le temps. Je suis absolument convaincu que c’est une nécessité.
L’open data et comprendre les usages de l’internet, de la même manière pour la gouvernance des institutions, c’est aussi un de ces moyens, au même titre que l’interdiction du cumul des mandats dans le temps, par exemple, pour renouveler, pour essayer d’insuffler un nouvel air et un peu plus de démocratie dans nos institutions. Pourquoi ? Simplement parce que nous voulons savoir. On veut savoir ce qui se passe derrière les portes de l’Assemblée, derrière les portes des ministères. Ce qui se passe dans les réunions interministérielles ou ce qui se passe dans les collectivités territoriales. Nous sommes intéressés par la politique. C’est souvent quelque chose qui revient. Les Français, même s’il n’ont pas forcément confiance dans leurs élus, sont quasiment aux trois quarts, en tout cas plus des deux tiers, intéressés par ce qui se passe, par la chose publique, par la politique. Nous ne le faisons pas par curiosité malsaine, puisqu’on veut comprendre. Nous voulons comprendre. Nous voulons écouter, lire, qu’on nous donne de l’information sur les politiques publiques, sur l’état de la société, mais pour mieux comprendre et pour mieux évoluer. Nous recherchons l’intégrité. Je suis absolument convaincu que la plupart d’entre nous sommes des gens intègres, honnêtes, et nous recherchons, nous attendons de nos dirigeants et de nos institutions, la même intégrité, et cette intégrité doit être démontrée au quotidien. Et enfin, je pense que nous voulons tous participer. On a la vocation, cette envie de s’impliquer dans la société et c’est aussi grâce à Internet qu’on retrouve des outils à l’heure actuelle qui permettent de participer, qui permettent de prendre part au débat public, qui permettent de proposer des pétitions et de changer des lois, de faire évoluer les institutions.
Je dis nous depuis tout à l’heure, mais soyons clairs c’est vous, moi, c’est tout le monde. C’est, au fond, toute cette foule d’anonymes qui ne sont forcément représentants, représentés parfois, qui ne sont pas mandatés pour être représentants de la nation mais qui ont envie de prendre part et de participer à l’évolution des institutions. Ce sont des citoyens, comme je disais, c’est l’ensemble de la salle a priori, mais c’est plein de gens à l’extérieur. Il y a des gens que vous croisez dans la rue, au supermarché. Nous sommes, encore une fois, aux trois quarts intéressés par ce qui se passe, par l’évolution et on avait l’exemple même, qu’évidemment ça ne concerne pas que la France. Tout à l’heure Yassir et Abderahman [2] nous expliquaient comment ça se passait au Maroc et, au fond, on a les mêmes caractéristiques, les mêmes intérêts, les mêmes volontés de faire bouger les lignes.

Ce sont évidemment des associations, des ONG, je n’en ai pris qu’une mais on pourrait en prendre plein d’autres, Transparency International [3]

qui travaillent sur les sujets de corruption et de transparence. Mais une association comme Regards CitoyensRegards Citoyens, en France, fait un travail absolument fabuleux sur l’activité parlementaire et sur la circulation de l’information et des données. Ce sont évidemment des entrepreneurs connus, mais il y en a plein d’autres qui ne sont pas connus, j’y reviendrai sur l’impact économique que l’open data peut avoir. Là c’est évidemment Zuckerberg, mais il y a plein d’autres entrepreneurs qui ne sont pas du tout dans cette lumière et qui ont besoin d’informations, qui ont besoin de données, pour arriver à créer des services, créer des applications, échanger, partager de l’information, co-construire de nouveaux services.
Évidemment des journalistes. Dans une démocratie moderne, dans une démocratie dynamique, les journalistes et notamment les journalistes de données, ont de plus en plus d’importance, de plus en plus de place. C’est un exemple, encore une fois, pas très français, pardonnez-moi, mais on aurait pu aussi en trouver en France, le Guardian qui refait une data visualisation des résultats électoraux aux États-Unis lors de la dernière élection présidentielle il y a maintenant quelques mois.
J’aime bien cette tribune de Michel Serres, vous l’avez peut-être lue pour certains d’entre vous, il nous appelle, nous, notamment moins de trente ans, puisque c’était un peu le point commun de tous les speakers de ce matin, il nous appelle « les mutants », dans son essai qui s’appelle La Petite Poucette [4]. Vous l’avez peut-être vu passer il y a deux ans. Je trouvais ça intéressant de nous comparer à des mutants, une génération que finalement nos aînés ne comprennent plus. Nous sommes un peu les mutants des institutions, les mutants de la transparence parce que parfois, effectivement, nous avons des aînés qui ne nous comprennent pas, y compris, je pense au grand Lyon, y compris au sein de l’État, y compris dans d’autres collectivités territoriales où on nous dit : « Mais pourquoi vous voulez faire de l’open data, pourquoi vous voulez partager de l’information » et c’est sans doute cela que je vais vous expliquer.
Voilà ! On est une société colorée. On est divergents, on est différents. On habite à Paris, on habite à Strasbourg, on habite à Lyon, on habite à Brest, mais ce n’est pas grave on est tous différents. On vient du Maroc, on échange, on discute, on n’a plus de barrières, on n’a plus de frontières. C’est un des traits caractéristiques, sans doute, de notre génération c’est qu’on ne se limite pas aux frontières territoriales et aux barrières artificielles. On ne les comprend pas ces barrières artificielles. Quand on nous dit : « Vous ne pouvez pas accéder à telle information parce que vous n’avez pas tel ou tel statut ou que vous n’appartenez pas à telle ou telle catégorie socio-professionnelle », c’est très certainement quelque chose que notre génération ne comprend pas, ne comprend plus.
Il y a une autre revendication, elle est extrêmement claire, c’est de déverrouiller un certain nombre d’obstacles dans la société, de déverrouiller un peu cette démocratie, de l’oxygéner, de la renouveler, pour arriver à insuffler plus de transparence, plus d’information, plus d’intelligence.

Un des éléments de réponse, je vous l’ai dit, je suis convaincu que pour oxygéner la démocratie on a besoin, à la fois, d’un certain nombre d’autres actions sur le cumul des mandats par exemple, mais aussi sur le partage et la liberté d’information, le partage de ces données publiques. On l’a entrepris au sein de l’État. Je vous le disais, ça fait à peu près 3 ans qu’Etalab a été créée au sein du Secrétariat général du gouvernement, puis au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, donc à Matignon, avec un rôle interministériel pour partager, pour mettre l’ensemble des citoyens, l’ensemble des ré-utilisateurs, au cœur aussi de la machine gouvernementale. Comprendre comment fonctionnent les administrations et puis, évidemment, inciter et inviter voire parfois contraindre, il est vrai, certains ministères ou certaines administrations à ouvrir, à partager les informations.
J’entendais tout à l’heure, il me semble que c’était Yassir qui parlait de silos, je ne suis pas sûr, peut-être tu me corrigeras, mais on a trop souffert d’un fonctionnement en silos, hermétique, totalement vertical où finalement même les administrations entre elles ne partageaient plus l’information. Nous avions eu le cas, je le cite souvent, mais c’est tellement symptomatique, du ministère de l’Écologie, du ministère de l’Agriculture, chacun conservant l’information sur des mesures de qualité de l’air, de pollution de rivières et de pollution des champs, chacun ayant fait ses mesures mais ne partageant pas avec l’autre.
Il y a quelques règles, quelques standards, quelques fondamentaux quand on s’engage dans l’open data. Je l’ai dit, nous on a essayé, effectivement, de favoriser le plus possible la liberté de réutilisation. De faire en sorte que cette liberté soit la plus large possible, que la simplicité de réutilisation soit le plus favorisé, le plus engagé possible.
Évidemment la gratuité de la réutilisation est, pour nous, un des points clés, une des pierres angulaires de la politique d’open data conduite par l’État pour une raison excessivement simple. Puisqu’on parle de l’open data appliquée aux données publiques, des données produites dans le cadre d’une mission de service public, par le service public, pour une finalité d’intérêt général. Ces données appartiennent à tout le monde, elles appartiennent à tous les gens qu’on pouvait citer tout à l’heure, elles vous appartiennent, elles m’appartiennent. Au fond, il n’y a peut-être même pas d’appartenance. La réalité c’est que ces informations sont produites dans le cadre d’une mission de service publique et donc elles ont vocation à être partagées avec le plus grand nombre. Parce que le service public ne peut pas être opaque, doit être transparent, ne peut être opaque et il doit être dans une ouverture la plus totale. C’est effectivement au soutien d’une stratégie d’Open Goverment qu’on essaye aussi d’engager la politique d’Open Data.
Donc, effectivement, pour nous c’est très clair, il n’y a pas de droits de propriété sur les données publiques. Si on reconnaît des droits de propriété intellectuelle sur les données publiques, soyons totalement transparents entre nous-mêmes, ça voudrait dire, par exemple, que la direction du budget aurait la propriété intellectuelle des dépenses ou des comptes détaillés de l’État. Ça voudrait dire que la direction générale de la Police nationale aurait la propriété intellectuelle des faits de délinquance ou de criminalité sur le territoire. Donc ça n’aurait aucun sens, et ce sont ces données publiques qui sont engagées dans la stratégie d’open data et que l’on va chercher avec les communautés de ré-utilisateurs, aussi diverses et variées qu’elles soient, parce que parfois, nous-mêmes, à Matignon, nous ne connaissons pas tout ce qui existe dans les silos informatiques des ministères.
Alors concrètement aussi, ça impose une autre règle, c’est pas de données personnelles. Nous ne sommes pas dans la volonté de faire la transparence sur vos données fiscales, par exemple, ou sur vos déclarations de revenus, bien entendu. C’est la complémentarité, puisque nous sommes sur des sujets de liberté publique, liberté d’information de votre côté, respect de la vie privée de l’autre. Nous sommes extrêmement vigilants à ne pas publier de données à caractère personnel, ce qui est parfois, sans doute avec quelques zones grises, où les données personnelles sont mélangées à des données publiques et il y a des débats, il y a des discussions qui auront encore lieu et je pense qu’elles ne s’arrêteront pas si facilement. Parfois il faut, effectivement, avoir des discussions les plus ouvertes possibles pour essayer de trancher les sujets.
L’objectif c’est clairement permettre à tout le monde d’accéder et de réutiliser l’information publique, c’est-à-dire celle qui est produite dans le cadre d’une mission de service public. Des exemples, j’en ai donné quelques-uns sur le résumé, mais ils ne sont peut-être pas tous en open data. La réserve parlementaire, récemment, la réserve parlementaire c’est la possibilité pour des parlementaires d’avoir des budgets, des subventions, alloués soit à des collectivités territoriales, soit à des associations. Le problème c’est que ça se faisait jusque-là en totale opacité. Donc on a lutté et, en l’occurrence, c’est un citoyen qui a obtenu, et c’est regrettable d’ailleurs qu’il ait dû attendre trois ans pour l’avoir puisqu’il a demandé d’abord à la CADA [5], et la CADA lui avait rendu un avis favorable en disant : « Eh bien oui, le ministère de l’Intérieur devrait vous ouvrir les données de la réserve parlementaire et vous les partager. » Mais le ministère de l’Intérieur s’est braqué et on s’est retrouvés devant le tribunal administratif et ce citoyen a obtenu gain de cause devant la justice où le tribunal administratif de Paris a fini par lui dire : « Oui, effectivement, ce sont bien des données publiques. Les subventions qui sont allouées par les parlementaires aux collectivités doivent être ouvertes et surtout ouvertes à la réutilisation de tout le monde. »
Voila. C’était quelques exemples. On parle souvent des cabinets ministériels ou des notes de frais des ministres. Ça existe, ce n’est pas forcément des notes de frais, mais en tout état de cause, les budgets, les dépenses qui sont alloués pour chaque cabinet ministériel et pour chaque ministre, c’est ce qu’on appelle un jaune budgétaire. C’est un document annexé à la loi de finances chaque année. Ce sont des documents qui sont aussi mis en open data sur data.gouv.fr [6] qui est la plate-forme qu’on a créée au sein d’Etalab.
Je reviens juste sur les raisons profondes qui nous ont motivés à engager cette démarche et qui nous motivent surtout, au quotidien, à la poursuivre et à essayer de convaincre le plus grand nombre encore de personnes, au sein de l’État ou ailleurs, pour s’engager dans ces démarches d’open data. C’est évidemment une logique de transparence pour garantir, pour maximiser la liberté d’information. La liberté d’information c’est la liberté d’expression des uns et des autres, ce sont les libertés publiques, donc on est sur des sujets de droit fondamentaux et on est convaincus, qu’effectivement, plus on garantit les libertés fondamentales des individus, plus la démocratie se renouvelle, s’oxygène et donc mieux on se porte.
C’est évidemment rendre des comptes aux citoyens. On est dans les textes fondateurs, là, de notre démocratie. L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [7], ça paraît très désuet et, en même temps, quand on se plonge dans ce document, c’est extrêmement d’actualité. L’article 6 vous parle de démocratie directe. L’article 15 vous parle de rendre des comptes sur l’action publique : « La société a le droit de demander compte a tout agent public de son administration », donc c’est exactement au cœur du projet et de la motivation de l’open data. C’est une façon d’interpeller les élus, évidemment totalement différente. Plus besoin d’être vous-même élu ou mandaté pour pouvoir discuter avec vos élus. C’est une façon d’avoir accès aux informations qu’eux-mêmes parfois n’ont pas. C’est plus compliqué que ça, mais en tout cas de pouvoir leur dire : « Je ne comprends pas. Ces données sont en ligne, que veut dire dette donnée ? Pourquoi vous avez dépensé ou alloué cette subvention à telle ou telle association, etc. », c’est un exemple. Au fond c’est accepter le débat contradictoire.
C’est aussi permettre à la démocratie de se grandir et aux institutions, aux administrations, aux agents publics de, aussi, eux-mêmes, rentrer dans un dialogue et un débat avec la société civile qui, en accédant et en réutilisant ces informations peut avoir une approche et un point de vue différent du ministère, différent de l’administration ou différent de la collectivité territoriale. C’est permettre, aussi, d’avoir des débats qui sont contradictoires et, au fond, rechercher la vérité, mais avec les prismes et les approches des uns et des autres, plutôt que d’avoir une vérité unique, incontestable et incontestée.
Bien entendu, c’est permettre l’innovation avec la donnée. C’est aussi comme ça que la démocratie peut se grandir, avec des nouveaux services, innovants, des nouvelles applications mobiles, on en a parlé déjà tout à l’heure. Je vais en dire un mot, mais on a lancé, en février 2012, une initiative, une série de concours invitant les ré-utilisateurs à prendre des données publiques qui sont mises en ligne sur la plate-forme de l’État, mais aussi celles des collectivités territoriales ou, au fond, toute donnée pour créer des services, créer des applications mobiles intéressantes. Et on a, pour vous donner un ordre d’idées, en trois concours, on vient de lancer le quatrième qui se termine en décembre et on espère qu’on aura d’aussi beaux projets, mais sur les trois premiers concours on a déjà eu cent projets candidats, une vingtaine de lauréats, avec des applications, des services qui fonctionnent très bien, qui apportent une vraie valeur ajoutée, évidemment soit économique, soit sociale, soit citoyenne, soit associative. Donc on est extrêmement contents, nous, d’apporter une petite pierre à l’édifice pour essayer, effectivement, de favoriser, d’engager, de faciliter la réutilisation de ces données et de ces projets innovants.
Enfin pour terminer, c’est un enjeu de souveraineté extrêmement fort, sur le plan économique comme sur le plan politique. C’est un enjeu de souveraineté économique, bien évidemment, parce que si les collectivités, si les acteurs publics quels qu’ils soient, n’ouvrent pas leurs données, ne les partagent pas avec les citoyens, peu importe, encore une fois, leur statut ou leur catégorie socio-professionnelle, eh bien vous aurez des monopoles de fait qui se construiront avec un risque très fort que des entreprises, des startups ne naissent pas, que ce soit, au niveau local ou au niveau national ou au niveau européen bien entendu. On a, nous, cette responsabilité face à la construction d’entreprises et de startups et d’un tissu d’économie de TPE/PME innovantes au niveau européen.
Et puis si je ne vous ai pas trop perdus, je veux en dire juste un dernier mot, quasiment un point d’information. Ça c’est l’ancien data.gouv.fr, il est encore en vigueur, je devrais dire l’actuel, excusez-moi. On a lancé cette première version de la plate-forme en décembre 2011, donc elle va bientôt avoir deux ans et, au printemps dernier, on s’est dit il faut effectivement, à la fois reprendre le design, reprendre le front office’’ et puis, sans doute, essayer d’améliorer encore la machine, parce que il y avait un certain nombre de problèmes notamment sur le ’’search’’. Donc on a lancé toute une opération qu’on a appelée le co-design, mais qui était une invitation large à ce que toutes les personnes intéressées, les acteurs concernés, les citoyens, les associations et, évidemment aussi, les administrations, nous envoient leurs commentaires sur la plate-forme. On accepte la critique, on l’a prise, on l’a analysée et puis on a commencé à développer une deuxième version de data.gouv.fr. Deuxième version qui va suivre, au fond, ces quatre axes, à la fois on va faciliter le dépôt des données. On va permettre le dépôt parce que pour ceux qui, peut-être je ne sais pas s’il y en a, qui ont accédé au ’’back-office de l’ancienne version, c’était parfois un peu lourd, un peu compliqué, notamment pour les collectivités territoriales. Donc là on va essayer de faciliter le plus possible et surtout d’ouvrir la possibilité à n’importe quel citoyen d’avoir un compte sur la nouvelle version data.gouv.fr et de partager eux-mêmes des données publiques. Si je devais prendre un exemple, ce serait Regards Citoyens, cette association qui est ce collectif de citoyens qui, en plein mois d’août, ont republié des données sur la réserve parlementaire dans un fichier CSV. Et c’est extrêmement intéressant de voir qu’effectivement ce sont des données publiques, en l’occurrence publiées par une association, et donc ils ont toute leur place, et c’est le message qu’on essaie de faire passer à l’ensemble d’acteurs. C’est « venez aussi sur la plate-forme data.gouv.fr, dans cette nouvelle version parce que vous pourrez partager vos données ».
On va évidemment améliorer la recherche de données, permettre à tout citoyen de contribuer, c’est ce que je disais, d’enrichir les données, ça peut être d’enrichir en partageant aussi des data-visualisation par exemple et au fond on développe sur la méthode lean et on utilise CKAN [8] pour la nouvelle version de data.gouv.fr, qui sera ouverte officiellement en fin d’année, novembre ou décembre, on n’a pas encore totalement arrêté les modalités.
Voilà. Je vous remercie pour votre attention et je me tiens à votre disposition pour des questions si vous en avez.
Applaudissements
Animatrice : Merci à vous. Je descends parce que sinon je ne vois rien. Est-ce qu’on a des questions ?

Public : Bonjour. Est-ce que je peux vous demander brièvement de définir plus précisément Etalab. De qui ça dépend ? Combien de personnes y travaillent à peu près ? Comment ça fonctionne grosso modo, rapidement ?
Alexandre Quintard Kaigre : Bien sûr. Etalab est une petite mission, nous sommes sept. On a été créé en février 2011 et on est rattaché au Secrétaire général du gouvernement qui, lui-même, est placé sous l’autorité du Premier ministre. On a une mission interministérielle, comme on dit, c’est-à-dire qu’on a autorité sur l’ensemble des ministères, mais que sur les ministères aussi, c’est-à-dire que c’est l’État, ça veut dire administration centrale, administrations déconcentrées comme les préfectures par exemple et les opérateurs type établissements publics et administratifs comme l’IGN, Météo-France, SHOM [9], pour ceux qui connaissent un petit peu.

Ça veut dire, qu’évidemment, on respecte la Constitution dans la mesure où les collectivités sont libres de s’administrer elles-mêmes. Elles ne dépendent pas de l’État et elles ne répondent pas à l’État. Elles sont libres d’engager, ou non, des politiques d’open data, de choisir les axes stratégiques qu’elles veulent, de choisir les licences qu’elles veulent. Je parle pour les collectivités locales c’est-à-dire les régions, les départements, les mairies, pour faire simple.
Donc nous on est une toute petite structure, mais on n’est pas tout seul, je vous rassure, on a essayé aussi de susciter un peu d’adhésion au sein de l’État. Donc on a créé un comité de pilotage, il y a un peu plus de deux ans et demi, avec les secrétaires généraux des ministères. Il y a treize ministères, en fait il y a treize silos administratifs ministériels, même s’il y a trente neuf ministres si je ne dis pas de bêtise. Donc on travaille, on a un correspondant placé sous l’autorité directe du Secrétaire général de chaque ministère qui nous permet d’avoir des interlocuteurs quotidiens et dédiés. Eux-mêmes, en fonction des cultures de chaque ministère, ont recréé des réseaux d’interlocuteurs, pour que chaque direction, au fond, participe, chaque direction de l’administration centrale ou déconcentrée, participe à cette dynamique d’ouverture des données publiques au sein de l’État.
Effectivement vous avez des correspondants aussi, au sein, je vais citer la direction du budget, on peut parler de la direction des collectivités locales au ministère de l’Intérieur ou de la direction de l’alimentation au ministère de l’Agriculture, etc.

Public :
Merci.
Alexandre Quintard Kaigre :
J’espère avoir répondu précisément.
Public :
Bonjour. Je me permets une question technique. Est-ce que le service dispose d’une API programmable pour exploiter les données de manière un peu automatisée ? Et juste une deuxième question un peu complémentaire, vu qu’on est à l’Open World Forum, est-ce que vous avez prévu un développement open source éventuel de la plate-forme, enfin du site d’accès aux données ?
Alexandre Quintard Kaigre :
Alors pour répondre d’abord à la question de l’API, pas à ce stade. La façon dont on a travaillé, pour vous expliquer un peu en termes de développement, base et stats sur la version actuelle de data.gouv.fr. la façon dont on a travaillé, on a été créé comme je le disais tout à l’heure en février 2011, avec une instruction politique très claire qui était « la France ne peut pas avoir une année de plus de retard en matière d’open data ». Donc l’idée c’était d’avoir une plate-forme, qui existe, et d’avoir surtout réussi à engager la dynamique d’open data et d’ouverture des données dans l’ensemble des ministères avant la fin de l’année 2011. Donc on a lancé cette première plate-forme, cette première version de la plate-forme en décembre, le 5 décembre 2011, avec l’idée, évidemment, de continuer à l’améliorer tout le long. Et c’est ce qu’on fait, en ce moment, effectivement, avec une nouvelle version qui va arriver d’ici la fin de l’année, qui sera, a priori, assez radicalement différente, notamment parce qu’elle repose sur SECAN qui est libre par rapport à votre deuxième question ce qui permet de répondre. Et pour l’API, pardonnez-moi, c’est effectivement un chantier sur lequel on est en train de travailler en ce moment. Je ne peux pas vous dire si ce sera en novembre ou en décembre le lancement de la prochaine version, mais en tout état de cause on est en train d’y réfléchir. Mais c’est, oui.
Public :
Bonjour. J’aurais un simple remarque. C’est que le site s’appelle data.gouv.fr et en fait data c’est un mot anglais quoi. Bon, je sais je suis informaticien, j’utilise des mots anglais sans arrêt, mais de le voir dans une URL tapée comme ça, ça m’a quand même fait quelque chose que ce ne soit pas données mais data. En fait, je voulais savoir ce que vous en pensiez parce que moi-même j’emploie beaucoup d’anglicismes et de le voir comme ça, je me suis tiens, finalement, on va peut-être tous parler anglais en France.
Alexandre Quintard Kaigre :
C’est aussi du latin, datum, data. Je ne ferai pas la déclinaison jusque-là, mais c’est aussi latin.

Rires

Présentatrice :
C’est ce dont on était en train de discuter aussi.
Alexandre Quintard Kaigre :
C’est une question qui s’est posée effectivement, il y a deux ans, de savoir comment on allait appeler le site français, le site de l’État français. Quand il y a des choses qui sont assez bien identifiées, assez bien codifiées et dont les références sont identifiées, pas besoin forcément de changer radicalement les appellations, les normes, pour avoir envie d’innover. La capacité d’innovation, je pense qu’on est beaucoup plus résolus effectivement à ouvrir la plate-forme data.gouv.fr à l’ensemble des citoyens, associations ou autres y compris des entreprises qui souhaiteraient mettre des données publiques et les partager avec les autres ré-utilisateurs. C’est beaucoup plus innovant, puisque je ne crois pas que ça se fasse dans d’autres États, je pense au Royaume-Uni et aux États-Unis, que de vouloir absolument innover en se disant peut-être qu’on va faire l’exception culturelle bis repetita. Vous savez le site anglais, je dis ça parce que le site anglais c’est data.gov.uk [10]

, le site américain c’est data.govSite américain : data.gov qui a été, quand même, un des marqueurs, quand il a été lancé par Obama en 2009, très fort des politiques d’Open Data sur les données publiques. Donc au fond ça permet aussi d’exister dans une communauté internationale. C’est sans doute un des volets qu’on a esquissés tout à l’heure, enfin plus qu’esquissés, qu’on a traités avec le Maroc. Mais vous savez il n’y a pas quatre pays qui dans le monde s’intéressent à l’Open Data. A l’heure actuelle c’est entre soixante-dix et quatre-vingts qui,de près ou de loin, y réfléchissent, y travaillent voire sont passés aux actions. On parlait du Maroc, la Tunisie et l’Algérie aussi. On discute aussi beaucoup avec le Maroc, on essaye de donner nos meilleurs conseils à nos homologues, au Secrétariat général du gouvernement marocain et, après libre à eux, de décider avec leurs parties prenantes. Si vous voulez, l’intérêt aussi, c’est d’exister sur cette scène internationale. Quand il y a des référents et des standards internationaux qui existent il vaut mieux les adopter nous-mêmes plutôt que de vouloir, comment dire, être Français.

Présentatrice :
Merci Alexandre.
Alexandre Quintard Kaigre :
Je ne sais pas si je réponds à votre question.
Public :
Ce n’était pas dans une optique franco-française, c’était dans une optique, l’anglais, l’ultralibéralisme, etc., et plutôt de se positionner par rapport à autre chose.
Alexandre Quintard Kaigre :
Je pense que l’approche française, je ne veux pas parler au nom des collectivités territoriales, mais pour l’État et très certainement aussi pour les collectivités territoriales ou les autres acteurs publics qui s’engagent, comme la SNCF, dans des ouvertures de données publiques, disons que, je suis peut-être passé un peu vite dessus, mais la culture française n’est pas forcément une culture de la transparence. Institutionnellement on n’est pas vraiment baignés dans cette… Alors ce sont des débats, en tout cas, c’est une approche qu’on ressent. C’est vrai qu’il y a plutôt un effort à faire au niveau français pour plus de transparence sur le fonctionnement des institutions puisque c’est ça le cœur du sujet aujourd’hui. Après, c’est vrai qu’il faut arriver aussi à exister sur une scène internationale. On n’a pas, pour autant, adopté l’ensemble, comment dire, des marqueurs qui pourraient rappeler une démarche ultra-libérale, même s’il y a aussi un projet au cœur de l’open data, qui est de renforcer les libertés individuelles, de renforcer la liberté d’information, de permettre plus de liberté d’expression également, etc., qui sont, au fond, des valeurs assez intrinsèques au fonctionnement d’Internet.
Présentatrice :
Merci. Une petite question.
Public :
Je voulais vous demander. Vous avez mentionné des collaborations directes avec le Maroc, la Tunisie et, en fait, je me demandais s’il y avait une volonté de donner une dimension européenne, travailler directement la ligne européenne pour faire de l’open data européenne. Par exemple en Islande, aussi, ils sont assez en avance là-dessus. Est-ce qu’il y a des projets précis là-dessus ?
Alexandre Quintard Kaigre :
Le seul curseur qu’il faut arriver à trouver pour ce qui concerne Etalab et l’État, c’est le curseur entre le principe de réalité et l’ambition démesurée. Je veux dire par là c’est que nous sommes sept, comme je disais, et donc on a tous très envie de passer beaucoup de temps d’ailleurs à échanger avec nos homologues étrangers. Je viens de passer deux ans à piloter la position française dans le cadre de la révision de la directive européenne qui fixe le cadre législatif sur la réutilisation des données publiques. Je pense qu’à la fois, un, c’est sûr, ce sujet européen, très européen, pour la France, est mal tombé en pleine année d’élections, présidentielles et législatives. Soyons très clairs, ce n’est jamais évident d’avoir une portée politique sur ce genre de sujet quand vous avez des élections. Deuxièmement, c’est vrai que la France, pour autant, a quand même défendu l’open data fortement et on a inspiré, il faut le savoir, même si on ne le crie pas sur tous les toits, mais on a inspiré le texte final de la directive sur un certain nombre de points. Faire en sorte qu’il y ait des décisions contraignantes, faire en sorte que les redevances soient beaucoup plus encadrées en termes de règles de tarification. Il y a un ensemble d’avancées que la France, évidemment, n’a pas été seule à défendre, c’est aussi le fonctionnement de l’Union européenne, c’est de rechercher le consensus, de rechercher, en tout état de cause, une majorité. On a, nous, notre place dans ces échanges, dans ces discussions, notamment sur les évolutions du cadre législatif et puis des nouveaux textes qui pourraient émaner de la Commission européenne. Ça c’est le premier point.

On discute beaucoup avec des organisations internationales comme l’OCDE ou les Nations unies ou la Banque mondiale qui font beaucoup d’ailleurs, eux-mêmes dans leurs propres organisations, en matière d’open data Je pense à la Banque mondiale en particulier. Et l’OCDE a aussi un réseau, finalement, d’États privilégiés, ce qui nous permet, comme par ailleurs ils font à Paris, mais ça nous permet de discuter assez facilement avec des États qu’on ne rencontre pas forcément tout de suite. On a rencontré récemment la Jordanie, qui sont très intéressés par les politiques d’open data. Ça ne veut pas dire que ça va se faire demain, je ne sais pas où ils en sont aujourd’hui, c’était il y a trois mois. Ça nous permet de discuter, de continuer, nous, en tout cas, à prendre notre part, porter la bonne parole de l’open data sur la scène internationale.
Après c’est vrai qu’au niveau européen, il y a un autre acteur majeur qui est le Royaume-Uni, qui s’est lancé un an, un an et demi avant nous, enfin une année, c’était en 2010. Et le Royaume-Uni, par exemple, est très convaincu et très engagé sur l’open data, donc on a d’excellentes relations avec nos homologues britanniques au Number 10’’ et au ’’Cabinet Office, ce qui nous permet de travailler très régulièrement la main dans la main. On vient de le faire, par exemple, dans le cadre du G8, de juin dernier, puisqu’il y a eu une charte, je pense que vous l’avez tous vue, pour ceux qui suivent un peu les sujets d’open aata, il y a une Charte Open Data [11], signée par les huit chefs d’état du G8, qui a été rendue possible et par l’action volontariste du Royaume-Uni et de la France, parce que le Royaume-uni présidait aussi le G8 donc ça a facilité un certain nombre de choses, de mettre à l’agenda ce sujet de l’open data. Il faut voir que sur les trois priorités de cette année pour le G8, il y a un volet transparence et que, dans le volet transparence, le sujet open data est une des attentes extrêmement forte des principaux pays du G8.
On essaye, si vous voulez, stratégiquement, d’avancer sur l’ensemble des choses qui nous permettent de pousser l’open data, de le promouvoir le plus loin possible avec toujours à l’esprit un certain nombre de fondamentaux que j’ai expliqués tout à l’heure. C’est-à-dire liberté de réutilisation pour les ré-utilisateurs, confiance donnée dans les ré-utilisateurs par les acteurs publics, gratuité des données pour favoriser la réutilisation et l’innovation la plus large possible des ces données et puis, évidemment, favoriser la transparence sur des sujets très précis.

Ce sont aussi des discussions qu’on a dans le cadre du G8 en ce moment. C’est de savoir que les pays du G8 sont donc engagés, mutuellement, à ouvrir un certain nombre de données. Qu’est-ce qu’on veut, nous, ouvrir et qu’est-ce qu’on veut que les autres pays ouvrent, parce que ça peut servir aussi les intérêts de l’Union européenne ? Donc on a, comme ça, des sujets communs, des sujets assez lourds, assez structurels qui dépassent le cadre strict de l’Union européenne parce qu’effectivement, et j’en termine là, mais je l’ai vu sur la révision de la directive européenne où la situation dans les vingt-sept, vingt-huit maintenant, dans les vingt-sept/vingt-huit États membres, ce sont quand même des situations très différentes. Même si, en fait, pour des raisons aussi culturelles, vous avez des pays comme les pays scandinaves, comme la Suède, qui sont extrêmement avancés dans des logiques de transparence.
Maintenant se pose la question, et c’est un appel du pied que je fais à l’audience, mais se pose maintenant la question de la transposition de cette directive en droit français, c’est-à-dire de l’intégrer dans le droit français, dans la loi française. Pour l’instant on avance vers une période de réflexion ouverte à tous, de débats et de discussions qui va être assez large, qui va durer à peu près six à sept mois, qui devrait commencer bientôt. Suivez bien etatlab.gouv.fr, on vous communiquera là-dessus pour permettre justement que l’ensemble de gens qui s’intéressent à ces sujets puissent participer, puissent expliquer ce qu’ils veulent changer dans la loi. Vous avez un certain nombre de dispositions d’ordre légal qui sont assez surprenantes. Vous avez un article, vingt ou vingt et un, je ne sais plus exactement, dans la loi sur l’accès aux documents administratifs qui régit le droit de la réutilisation des données publiques, vous avez une disposition qui vous punit de 150 mille euros si vous faites une mauvaise réutilisation de vos données. Il faut le savoir. Mais ça a dix ans !
Présentatrice : Merci beaucoup. Vu que le temps nous presse un peu, on va s’arrêter ici avec Etalab.
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