Logiciels libres, Internet Libre : perspectives et enjeux - Frédéric Couchet

Titre :
Logiciels libres, Internet Libre : perspectives et enjeux
Intervenant :
Frédéric Couchet
Lieu :
JM2L - Journées Méditerranéennes du Logiciel Libre
Date :
Novembre 2011
Durée :
1 h 12 min 50
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Diaporama de la conférence :
format Open Document et format PDF
Licence de la transcription :
Verbatim

Description

Le Logiciel Libre est enfin reconnu par les pouvoirs publics et les décideurs politiques comme un enjeu stratégique. Pourtant le combat est loin d’être gagné et il reste un immense travail de sensibilisation à accomplir. A quelques mois d’échéances électorales essentielles pour le pays, Frédéric Couchet fera un point sur les dossiers en cours et présentera différents modes d’action pour agir auprès des responsables politiques.

Transcription

Christophe Desclaux : Donc, c’est une conférence de Monsieur Frédéric Couchet. Alors Frédéric Couchet, c’est vraiment quelqu’un d’important dans le logiciel libre en France. Il est délégué général de l’April. L’April [1], c’est une association qui fait la promotion du logiciel libre. Ils ont 5000 membres en France, et c’est vraiment hyper représentatif ; et si vous êtes là demain, ils vous offriront aussi l’apéritif, demain midi, donc vous pouvez venir boire un petit coup avec eux et discuter logiciel libre. Donc Frédéric Couchet est délégué général de l’April, il s’y connaît beaucoup sur les aspects juridiques du logiciel libre, et vous n’allez pas tarder à avoir des cours sur le droit ; je ne sais pas si vous avez commencé. Non ! Alors, c’est l’an prochain. Donc l’an prochain, on va vraiment vous parler copyright, comment protéger vos logiciels, et lui va vous apprendre l’inverse, comment libérer votre logiciel. Et on l’a vraiment fait venir pour ça, pour qu’il vous avance un peu dans le sujet du Libre et que l’an prochain, vous ayez un bon service aussi sur le sujet.
Donc, il va vous présenter le logiciel libre, l’attractive en jeu, il va vous parler de droit ; ça ne va pas être chiant, ne vous inquiétez pas ! Il va surtout vous dire qu’est-ce que c’est qu’un logiciel libre, comment protéger son logiciel même s’il est libre, et il va aussi dire ce que c’est un logiciel libre.
Frédéric Couchet : Le but c’est de vous parler des grandes batailles autour du logiciel libre, donc je vais faire un présupposé, c’est que vous savez ce que c’est le logiciel libre. Si vous ne savez pas, tant pis pour vous, il fallait arriver avant, c’est le principe ! Comme je suis quelqu’un de très sympa, vous avez le diaporama qui est déjà en ligne, parce qu’il y a quand même beaucoup de choses sur le diaporama. Et notamment, il y a beaucoup d’adresses, soit de sites, soit de documents qui vont vous permettre, sur les sujets qui vous intéressent, d’aller plus loin. Mon but n’est pas de passer en détail tous les points, mais plutôt de passer en revue l’ensemble des points. Et sur les sujets qui vous intéressent, à chaque fois, il y a un document, une vidéo ou autre chose, pour aller plus loin. C’est pour ça que je vous ai mis l’URL [2], comme ça vous n’avez pas à noter, à chaque fois, les URL de l’ensemble des documents : vous ne tapez que celui-là et, si besoin, je vous le remettrai à la fin.
Donc, moi, je suis délégué général de l’April ; on existe depuis maintenant quinze ans. Et on a deux activités : promouvoir et défendre le logiciel libre.
Donc promouvoir, c’est se faire connaître ; ça c’est facile, entre guillemets, auprès de tout public : des étudiants, des journalistes, des collectivités, des entreprises.
Et puis on a une deuxième activité qui est de défendre le logiciel libre et ses acteurs. Et c’est plutôt de ça dont je vais vous parler maintenant, celle des activités qui nous occupe quand même une bonne partie de notre temps, malheureusement : c’est défendre le libre.
C’est là où je demande justement qui utilise des ordinateurs ? Donc, je vois qu’il y a à peu près tout le monde qui utilise des ordinateurs. Bon, qui sait ce qu’est le logiciel libre, levez la main… Il y en a qui ne savent pas, sérieusement, ou pas ? Très bien, il n’y a pas de problème.
Public : Bouh !
Frédéric Couchet : Qui a fait bouh ?
[Rires]

Le logiciel libre

Frédéric Couchet : Alors, quelles sont les quatre libertés du logiciel libre ? Donc je vais résumer pour les personnes qui ne savent pas ce qu’est un logiciel libre, très rapidement. Le Libre, c’est quatre libertés essentielles.

  • La première, c’est la liberté d’utiliser le programme, quels que soient les besoins. Donc, que vous ayez téléchargé le logiciel libre, que vous l’ayez acheté dans le commerce quelque part, que vous en ayez fait une copie, la liberté d’utilisation est totale. Sur un poste, par exemple sur mon portable ; sur tous les postes, par exemple de la Fac, de l’entreprise, de la collectivité. Donc liberté d’utilisation totale. Dans le cas du logiciel propriétaire, qui s’oppose au logiciel libre, cette liberté vous l’avez, mais elle est très encadrée car, généralement, c’est sur un poste, et pas plus. Là, liberté totale d’utilisation.
  • Deuxième liberté, c’est la liberté d’étudier le fonctionnement du programme. Parce que le logiciel libre vient avec son code source, c’est-à-dire sa recette de cuisine, la façon selon laquelle l’informaticien a travaillé. Ça permet, évidemment, de voir comment le logiciel fonctionne, ce qu’il fait, en termes pédagogiques c’est intéressant, sécurité, etc. Ça, c’est la deuxième liberté : étudier son fonctionnement.
  • La troisième liberté c’est, eh bien une fois qu’on a étudié, on aimerait bien savoir le modifier. Et on veut pouvoir modifier le logiciel pour, en gros, deux raisons. La première, c’est rajouter des fonctionnalités. C’est-à-dire un logiciel, ça répond à des besoins à l’instant t, mais deux jours plus tard, il y a des nouvelles fonctionnalités qui apparaissent, des nouveaux besoins, et on veut pouvoir les rajouter. Et puis il y a des bugs dans les logiciels. Même dans les logiciels libres, il y a des bugs. Eh bien, il faut pouvoir corriger ces bugs. Ça, ça veut dire modifier le logiciel, soit pour rajouter des fonctionnalités, soit pour corriger des bugs.
  • Donc, ces trois premières libertés — utilisation, étude, modification — ça concerne les gens qui ont récupéré le logiciel. Et plus généralement, il n’y a pas la communauté, il n’y a pas le monde entier, on va dire. C’est la quatrième liberté qui crée, finalement, la communauté, la ligne de partage, c’est la liberté de faire des redistributions, des copies, à la fois de la version originale du logiciel, la version que l’on a récupérée, donc la version exécutable, mais également des versions modifiées, la version sur laquelle on a rajouté des fonctionnalités, où l’on a corrigé un bug. Ce n’est pas une obligation de redistribuer, mais c’est une liberté.

Donc on voit, en fai,t que le logiciel libre, quelque part, c’est un pot commun dans lequel il y a des logiciels, des briques libres ; les gens se servent, les utilisent, éventuellement les font évoluer, rajoutent des fonctionnalités, et peuvent remettre au pot commun. Et en gros, la différence entre libre et propriétaire, elle n’est pas tellement sur ces aspects, enfin, elle est principalement sur le fait de qui contrôle l’évolution du logiciel. Dans un cas, c’est l’éditeur ou le propriétaire qui décide de la correction de bugs et des rajouts de fonctionnalités, et donc principalement par rapport à une démarche purement économique de marché. Dans le cas du logiciel libre, n’importe qui a cette liberté de faire évoluer le logiciel, donc ça répond à la fois à une dynamique potentielle de marché, mais surtout à une dynamique de besoins.
Donc le logiciel libre c’est utilisation, étude, modification, redistribution.
Et pour ceux qui veulent en savoir plus, sur le stand de l’April, il y a des petits flyers où on explique les va-et-vient entre développeurs et utilisateurs, des petits flyers en couleur, assez sympas, qui expliquent un petit peu la dynamique.
Je continue les questions. Maintenant qu’à peu près tout le monde sait ce qu’est un logiciel libre, qui utilise un ordinateur pour télécharger de la musique, regarder des films ? Ça c’est marrant, il n’y en a pas beaucoup. OK. Qui connaît le terme DRM ? Ou a entendu parler du terme DRM ? Ouais ! DADVSI ? Ah, vous êtes jeunes, c’est pour ça ! C’est là qu’on voit qu’on vieillit. Brevets logiciels ? ACTA ? Bon, il y en a un qui répond tout le temps, mais c’est… OK ! Eh bien c’est très bien parce que, au moins, je vais vous apprendre des termes, et vous allez apprendre à les détester ces termes. Malheureusement, ça vous concerne.
Ah tiens, je n’avais même mis mon diaporama sur le logiciel libre, quand même ! Bon, je ne vais pas vous le refaire, mais en gros, on voit le petit gnou qui donne au manchot le gâteau au chocolat ; il lui donne, en plus, la recette. Dans le logiciel libre, au lieu de donner un gâteau au chocolat et la recette, on donne le code exécutable et le code source, avec les libertés donc de l’utiliser, d’en faire des copies, de le modifier, donc, les quatre libertés. En fait, j’avais vraiment mis ces slides, utilisation, étude, modification et redistribution.
Un point essentiel que j’ai dit tout à l’heure, c’est que le Libre, pour beaucoup de gens et en tout cas pour moi, c’est avant tout une question d’éthique, de philosophie, de partage de la connaissance. Richard Stallman, qui est l’une des personnes qui est à l’origine du mouvement du Libre, est un américain, quand il vient en France, il utilise : Liberté, Égalité, Fraternité. Liberté parce qu’il y a les quatre libertés. Égalité parce que tout le monde a les mêmes droits dans le logiciel libre, quel que soit son statut, qu’on soit étudiant, informaticien, grande entreprise, politique, on a tous le même statut. Et Fraternité parce que le but, c’est de construire du partage, de la coopération. Il dit d’ailleurs que c’est l’incarnation informatique de la devise républicaine française.
Donc, création d’un fonds commun informationnel.
Alors, je vais passer vite fait ça, juste pour vous dire, en fait, je l’ai expliqué un peu tout à l’heure quand même, que 98 marque une rupture. Le logiciel libre, en gros, est formalisé dans les années 80, même s’il a existé avant dans les pratiques. Il est formalisé dans les années 80. Il commence à monter en puissance, principalement grâce aux administrateurs système, jusqu’en 98 où là il y a une rupture, c’est-à-dire que tout d’un coup, la presse s’empare du phénomène, pour parler souvent de logiciels gratuits, mais peu importe ; les entreprises commencent à s’y intéresser. Donc on a l’expansion qui commence vraiment à arriver à partir de 98. Ça, c’est le côté positif. C’est le côté, tout d’un coup le Libre est pris en compte et se développe. Mais en même temps, on va assister, en fait, à une explosion des dangers autour du logiciel libre.
Je passe certains slides parce qu’en fait ce n’est pas forcément le plus intéressant. Ça, c’est juste pour lire et expliquer qu’un certain nombre de logiciels libres qui sont aujourd’hui utilisés, la plupart n’existaient pas il y a quelques années. En 98, la plupart n’existaient pas. Donc il y a une vraie accélération, ces dernières années, sur les logiciels libres développés, et principalement sur les logiciels libres grand public. Au départ, ce sont les infrastructures qui ont commencé à être équipées en logiciels libres, de la même façon que, quand on fait une maison, on commence par les fondations et, à la fin, on rajoute les trucs inutiles comme la télé, le frigidaire, le micro-ondes, etc. Ça, je vous parle de ces logiciels qui n’existaient pas il y a quelques années.
Un point essentiel dans cette dynamique, c’est le rôle d’Internet. En fait, il joue deux rôles Internet. Il a joué un rôle de diffusion des logiciels libres et, à la fois, en fait, il est basé sur des logiciels libres. Dans un premier temps, simplement, sachez qu’à partir du moment où vous naviguez sur Internet, vous utilisez des logiciels libres. Il y a des serveurs qui utilisent des logiciels libres pour permettre de se promener sur les sites. Les serveurs eeb sont principalement des logiciels libres. Donc, même sans le savoir, vous utilisez des logiciels libres. L’architecture logicielle d’Internet, c’est en grande partie du logiciel libre et sans logiciel libre, Internet n’aurait jamais pu se développer comme il s’est développé.
Mais inversement, Internet a favorisé le développement de logiciels libres. Moi, quand j’ai commencé à m’intéresser au logiciel libre il y a très longtemps, au début des années 90, dans la fac où j’étais, en première année, il n’y avait pas accès à Internet. Je ne sais pas si vous pouvez imaginer qu’en première année de fac, il n’y avait pas d’accès à Internet ; bon, c’étaient les années 90, mais quand même. On a eu accès à Internet quelques années après. Simplement, il y avait quand même des gens qui nous disaient : « Eh bien, si vous voulez », comme on travaillait déjà sous Unix à l’époque, « vous pouvez récupérer des logiciels sur un serveur du MIT. Pour cela, vous allez vous rendre au laboratoire d’Intelligence Artificielle de la fac, et vous demandez gentiment aux gens qui sont en DEA [Bac +5, NdT] ». Donc, comme les gens en DEA étaient très sympa, ils allaient récupérer le logiciel, le transféraient sur le réseau local. Vous imaginez la difficulté d’aller récupérer du logiciel libre ! Imaginez, non seulement la difficulté, si on voulait renvoyer un patch, une correction, il fallait retourner au laboratoire d’IA, c’était un enfer quoi !
À partir des années 90, il y a eu la démocratisation d’Internet. De plus en plus de gens ont eu accès à Internet. Donc ça a favorisé, d’abord, la diffusion des logiciels libres. On peut directement aller sur un site, récupérer un logiciel libre, qu’on soit étudiant, qu’on soit à la maison, qu’on soit dans des entreprises. Et aujourd’hui, on récupère des distributions de logiciels libres, c’est-à-dire plusieurs mégaoctets voire des gigaoctets, via l’ADSL, très rapidement. Mais en même temps, cela met en relation de plus en plus de gens qui voulaient faire du logiciel libre. Beaucoup de gens pensent qu’Internet c’est un réseau de machines interconnectées ou un réseau de réseaux interconnectés. Techniquement c’est vrai, mais socialement c’est totalement faux. Socialement, Internet c’est un réseau de personnes qui ont envie de partager des choses. Et à partir du moment où une chose peut être dématérialisée, elle sera partagée. Et la première des choses qui est dématérialisée, par définition, évidemment c’est le logiciel.
Donc le fait qu’Internet se démocratise a facilité la mise en relation de gens qui voulaient tout simplement produire du logiciel, et donc du logiciel libre. Et ce n’est pas pour rien qu’en fait 98/99, ça marque une rupture. C’est à peu près à cette période, où, là aussi, Internet s’est démocratisé. Alors vous étiez peut-être jeunes à l’époque, vous ne vous en souvenez pas, mais vraiment, dans cette fin des années 90, plein de gens ont commencé, effectivement, à s’équiper d’Internet à la maison, à en parler, etc. Donc Internet joue un rôle à la fois de diffusion et de mise en relation des gens. Et ça rend aussi la diffusion du logiciel libre, et de toute, on va dire, information partageable, inéluctable. Parce que, tout simplement, il y aura toujours de plus en plus de gens qui seront connectés, qui auront envie de partager, et donc le modèle propriétaire qui est basé sur le fait que c’est une petite équipe qui travaille dans son coin, pour sortir des produits, quels qu’ils soient, ne peut pas perdurer.
L’exemple parfait n’est pas dans le domaine du logiciel. L’exemple parfait est dans le domaine des encyclopédies, de projets d’encyclopédies. S’il y a dix ans, parce qu’une encyclopédie célèbre en ligne fête ses dix ans aujourd’hui, s’il y a dix ans, au lancement de Wikipédia, on avait demandé à des sociologues, à des économistes, des experts en tous genres, qui allait gagner entre ce projet d’encyclopédie libre Wikipédia et les projets propriétaires, type Encarta et autres, les gens auraient dit : « Eh bien, c’est normal, il n’y a que le modèle classique de top-down d’une entreprise, avec de gros moyens qui va gagner ». Dix ans plus tard, c’est Wikipédia qui a gagné. Et c’est normal parce qu’il y a de plus en plus de gens qui ont commencé à l’utiliser et c’est exponentiel. C’est inarrêtable. Sauf si, évidemment, on demandait à des gens de nous arrêter, juridiquement par exemple, ou techniquement d’ailleurs. C’est de ça qu’on va parler tout à l’heure. Parce que, évidemment, cette mise en relation de gens qui se partagent des ressources numériques, pose à d’autres un certain nombre de problèmes, évidemment par rapport à leurs modèles économiques.
Alors, depuis 98, il y a un très fort développement du logiciel libre, mais depuis la même période, il y a de plus en plus de menaces sur le logiciel libre. Alors c’est là qu’on va les passer en revue. Je sais que je vais passer relativement rapidement parce que, sur chaque sujet, on pourrait passer deux heures. Il y en a certains dont je ne vais pas parler parce que demain il y a une conférence sur le sujet, notamment sur tout ce qui concerne Internet. Mais là, vous verrez à chaque fois des liens vers des documents de 4/5 pages ou des vidéos de quelques minutes, qui vous permettront d’aller plus dans le détail.
Alors, on attaque. Je sors ça pour voir l’heure quand même. Je suppose que vous reconnaissez cette espèce d’objet et le logo qui se trouve dessus. Alors pourquoi cet objet ? Parce que, évidemment, la première menace fantôme, elle vient de Microsoft et elle date de Halloween 98, d’où la citrouille. En 98, un hacker américain révèle qu’on a des mémos internes, de Microsoft. Donc Microsoft, en interne évidemment, analyse le développement du logiciel libre, le prend en compte déjà, constate que le logiciel libre ce n’est pas un acteur comme un autre. Ce n’est pas un acteur que, économiquement, on peut combattre de la même façon que les autres, parce que ce n’est pas une entreprise, une entreprise qu’on peut racheter, donc c’est un acteur différent.
Il n’y a pas un monsieur ou madame Logiciel Libre. Donc ils pensaient que c’est un acteur différent. Par contre, ils constatent que, visiblement, ça commence à monter en puissance ; qu’il faudrait peut-être s’y intéresser parce que, à terme, c’est un modèle de développement qui est à l’opposé du modèle de Microsoft, qui est un modèle typiquement propriétaire, classique, en tout cas chez Microsoft. Et donc, dans ce document, après l’analyse de leur problème, ils passent, évidemment, aux solutions potentielles. Donc, comme ils constatent qu’économiquement, il n’y a pas les armes habituelles de rachat ou autre, eh bien ils vont utiliser deux types d’armes. Ils décident d’utiliser les armes de propagande qu’on appelle le FUD pour « peur, incertitude et doute ». En gros, c’est de faire courir des bruits, complètement fous, absurdes, sur le logiciel libre, sur l’adversaire entre guillemets. Un exemple : à l’époque, Microsoft associait très fortement logiciel libre à communisme aux États-Unis, ce qui marchait très bien. En France, ça ne marche pas du tout, parce que bon, il n’y a pas ce genre de problèmes. Mais aux États-Unis, ça marchait très bien. Steve Ballmer, par exemple, a comparé les licences de logiciels libres, notamment la première d’entre elles, la GPL [General Public License], à un cancer qui ronge le droit d’auteur des entreprises. Ça, ce sont des termes de propagande : essayer de diffuser de la fausse information pour faire peur et, quelque part, lever des craintes chez les utilisateurs potentiels. Ça, ça n’a pas mal marché pendant quelques années ; aujourd’hui, on n’entend plus trop ça. Il y avait aussi un autre terme, par exemple, qui est beaucoup moins violent que ceux que j’ai employés, le terme de « logiciel professionnel ». Eux, ils ne veulent pas employer le terme de « logiciel propriétaire », ils disent : « Nous, on fait du logiciel professionnel ». Sous-entendu, c’est le logiciel libre qui n’est pas professionnel. Vous voyez, tous ces termes de propagande. Mais aujourd’hui, ça c’est à peu près calmé.
Par contre, il y a la deuxième partie, qui est l’idée d’utiliser des mécanismes juridiques, ou politiques, pour limiter le logiciel libre. Si économiquement on ne peut pas y arriver par les méthodes classiques, essayons par les méthodes juridiques. Et donc ils vont essayer, notamment, les brevets logiciels dont je parlerai tout à l’heure et les formats de documents fermés. En tout cas, ces mémos marquent une rupture importante dans les communautés du Libre. C’est le moment où on se rend compte que, finalement, on n’est pas que là pour faire du Libre ou le promouvoir, mais on va devoir le défendre. Et les gens ne sont pas forcément prêts à ça à l’époque, mais en tout cas ils vont s’y mettre.
Et là, en même temps, il y a une autre convergence. Tout à l’heure, je vous ai parlé d’Internet, ce réseau d’êtres humains qui partagent des choses, pour le bien de tous. Mais évidemment, ça remet en cause des modèles économiques du passé, basés sur la rente, sur le fait qu’on vend du support physique et donc pas autre chose. Et donc, le camp d’en face, les gens se disent : « On va avoir un vrai problème avec Internet », mais en même temps, ça peut être pour eux une opportunité. Ils se disent : « Est-ce qu’Internet, est-ce que le numérique, ne permettrait pas de mettre en œuvre des dispositifs de contrôle qu’on ne pouvait pas avant dans le monde numérique ? ». Je vais détailler, bien entendu !
Et ils édictent une règle, qui est dans un des rapports, je crois que ça date de 2000, ou quelque chose comme ça, qui est que celui qui a développé ou rassemblé l’information devrait avoir le contrôle total sur la façon dont vous l’utilisez. Il y a donc deux choses qui sont intéressantes dans cette phrase. C’est que, d’abord, on ne parle pas des auteurs, des artistes, etc. On parle plutôt des producteurs, ceux qui, en fait, rassemblent l’information et essaient de vous la transmettre. Et le deuxième point, c’est qu’ils estiment qu’ils peuvent avoir un contrôle total sur la façon dont on utilise ces contenus, culturels ou autres. Ce qui est un renversement complet, vous allez le voir, en fait, du mode de fonctionnement passé, et encore aujourd’hui pour beaucoup de personnes, qui considèrent que les usages privés, c’est quelque chose qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas contrôler. Et donc, quand je vous parlais tout à l’heure de DRM, de DADVSI, d’ACTA et compagnie, eh bien ça rentre là-dedans. Et je vais un petit peu les détailler.
Vous voyez, l’idée c’est d’avoir en tête qu’il y a un adversaire, entre guillemets, « naturel », quelque part, qui veut limiter le développement du logiciel libre, c’est Microsoft et toute entreprise de logiciel propriétaire, ça, à la limite, ce n’est pas très surprenant. Et à côté de ça, il y a des gens qui ont d’autres problématiques. Le Libre, à la limite, ils s’en foutent un peu, mais pour autant il va y avoir un impact sur nos activités, soit directement, soit indirectement. Alors je vais les détailler un peu.
Là, c’est quatre dangers qui sont sur certains t-shirts de l’April, pas celui que j’ai, mais d’autres. DRM, Trusted Computing, c’est-à-dire informatique de confiance, brevets logiciels et vente liée, et je parlerai aussi de l’ACTA, un petit peu. Alors on va essayer de détailler.

Les DRM

Alors, DRM. Comme je vous ai dit tout à l’heure, vous avez là une synthèse sur les DRM [3] qui est disponible. Pas la peine de noter l’URL qui est très longue, il suffit de noter l’URL du diaporama.
Alors, le DRM c’est quoi ? Qui a déjà entendu parler de DRM ici ? Ouais ! Qui, sans lire ce qui est marqué là, peut me dire ce que c’est qu’un DRM ? Dire à peu près, quand même ? Ce n’est pas une question piège, si c’est faux, ce n’est pas grave. Toi, tu as levé la main tout le temps, c’est quoi un DRM ?
Public : C’est un verrou numérique dans le but d’empêcher l’utilisation d’un fichier…
Frédéric Couchet : OK. On va voir le terme « verrou numérique » qui empêche l’utilisation. À la base, DRM ça veut dire Digital Rights Management, « gestion des droits numériques ». Et c’est vrai que dans les DRM, dans la gestion des droits numériques, il y a deux aspects : l’information sur les droits, pour dire aux gens ce qu’ils ont le droit de faire. Dans le monde du logiciel libre, il y a cette information, les 4 libertés, etc. Et la deuxième partie, c’est le contrôle, c’est-à-dire comment contrôler que l’utilisateur reste dans les limites permises par les droits. Et de facto, c’est vrai, le DRM est devenu un dispositif qui n’a qu’un seul objectif, c’est de contrôler l’usage du numérique.
Alors là, j’ai pris des exemples. Quand j’ai dit tout à l’heure que le numérique pouvait permettre, éventuellement, de mettre en place des contrôles impossibles dans le domaine matériel tel qu’on le connaît, eh bien prenez l’exemple d’un livre. Si vous achetez un livre, OK, vous avez un livre. Si vous avez un livre, vous pouvez le lire comme bon vous semble. C’est-à-dire que vous pouvez commencer par la première page, aller jusqu’à la dernière ; mais vous pouvez commencer au milieu ; vous pouvez même commencer par la fin. Il y a des livres, par exemple, les gens vont commencer par la fin pour savoir qui était mort. Je ne vous donnerai pas lequel, parce que la dernière fois que j’ai posé la question, personne n’avait fait ça. C’était sur Harry Potter, le dernier Harry Potter. J’étais désespéré parce qu’en fait… Qui a lu le dernier Harry Potter, il y a longtemps ? Qui a commencé par la fin ? C’est désespérant. Parce que moi, je connais des gens qui ont lu Harry Potter et qui m’ont dit : « Moi, j’ai commencé par la fin ! » C’est normal, ils voulaient savoir qui mourait, parce que tout le monde savait qu’il y avait un mort. Bon. Mais l’essentiel, c’est qu’ils peuvent le faire, ils ont le droit de le faire. Personne ne va leur dire qu’ils sont obligés de commencer par le premier paragraphe et d’aller jusqu’au bout. De même, pour les gens, il y en a quelques-uns ici qui portent des lunettes, on ne vous impose pas, quand vous achetez un livre, une paire de lunettes avec, avec un prix en plus. On ne vous dit pas : « Vos lunettes que vous avez là, c’est une marque qu’on ne connaît pas, vous ne pouvez pas les utiliser pour lire ce livre, vous devez utiliser mes marques de lunettes à moi ».
On peut se dire deux choses. Soit ce sont des choses qu’on ne peut pas contrôler, ce sont des pratiques qu’on ne peut pas contrôler. Parce que sinon, pour contrôler ces pratiques, ce serait effectivement Big Brother, c’est-à-dire que vous auriez un ayant-droit ou un agent assermenté de l’éditeur qui serait là et qui vous dirait : « Non là, tu ne commences pas par le dernier chapitre, tu commences par le début, tu te tapes les 700/800 pages avant de savoir qui est mort ». Et puis, de la même façon, si tu veux relire une deuxième fois le livre, tu repasses à la caisse. Et pareil, si vous avez des lunettes, eh bien là, vous ne prenez pas vos lunettes habituelles, vous prenez les lunettes qu’on vous a vendues avec. C’est Big Brother.
Ça, c’est la première façon de voir les choses, c’est de se dire on ne peut pas contrôler ça, donc on ne le fait pas. Effectivement, c’est attentatoire aux libertés individuelles.
La deuxième chose, c’est que c’est de l’usage privé, on fait ce qu’on veut chez soi. Le deuxième point de vue, c’est justement de dire on fait ce qu’on veut chez soi, donc personne n’a à contrôler ces usages. À partir du moment où je me suis procuré ces objets, que ce soit un livre ou autre, j’en fais ce que je veux. Si je veux le prêter à quelqu’un, je le prête à quelqu’un. Si je veux le lire vingt-cinq fois, je le lis vingt-cinq fois.
Ce sont deux façons de voir les choses. C’est-à-dire, d’un côté c’est le respect des usages privés et de l’autre ce sont des usages qu’on ne peut pas contrôler. Il est essentiel de se positionner. Nous, je pense comme beaucoup de gens ici, voire la quasi-totalité, on estime que ce sont des usages privés qu’il ne faut pas contrôler. Eh bien, ceux qui produisent ces livres, ceux qui assemblent cette information, considèrent qu’à partir du moment où, techniquement, on peut contrôler ces usages, eh bien, on va le faire. Sauf qu’effectivement, dans la partie matérielle, dans l’ancien monde, on ne pouvait pas avoir un agent assermenté, chez soi, à demeure, qui vous contrôle vos usages. Mais est-ce que le numérique ne le permet pas ?
Prenez un DVD. Sur un DVD, vous avez des plages que vous êtes obligé de lire. Ça peut être des plages de publicité, ça peut être une plage où on vous dit que si vous faites une copie illégale de ce DVD, l’artiste ou le créateur va mourir dans d’atroces souffrances, etc. Enfin, ce sont des plages que vous ne pouvez pas zapper. Vous ne pouvez pas le faire techniquement, et même si vous pouviez le faire techniquement, juridiquement, ça vous est interdit.
De la même façon, on parlait des lunettes. Imaginez des gens qui téléchargent, qui achètent de la musique sur le site d’un célèbre opérateur américain qui commence par un « I ». Techniquement et légalement, vous ne pouvez pas convertir cette musique dans un lecteur de musique normal, de base. Vous êtes obligé de le lire avec l’outil fourni par ce même opérateur, qui commence également par un « I ». Vous ne pouvez pas techniquement convertir et légalement, c’est interdit.
Et c’est ça, le principe d’un DRM. Le principe d’un DRM, c’est un outil technique qui contrôle un usage privé. Pourquoi, quand vous achetez un DVD, que vous avez un DVD, vous seriez obligé, absolument, de vous taper une page de pub, une page de propagande des industries culturelles ? Non !
Ce contrôle d’usage s’appelle DRM. Mais comme c’est de la technique, comme c’est du logiciel, etc., c’est potentiellement contournable. Eh bien, ces gens-là ont eu la grande idée de faire la protection juridique contre le contournement de ce qu’on appelle des « menottes numériques », de ces DRM. L’idée étant voilà, les DRM sont là pour empêcher un certain nombre d’usages. Eux vous disent, en face, que c’est pour absolument respecter le droit d’auteur, etc., mais en fait c’est pour contrôler les usages. Mais comme techniquement on peut les contourner, on va, juridiquement, interdire leur contournement.
Et dans les combats qu’on a menés, qu’on mène, ce combat-là ça fait très longtemps, et on l’a pris très en retard. Quand je vous parlerai d’ACTA tout à l’heure, vous verrez que ACTA on l’a pris très en amont, et ça change radicalement les choses. Je vais vous faire l’historique très rapide du truc, pour dire que ça ne date pas que de quelques années.
Première chose, un DRM, si quelqu’un vous parle de DRM une prochaine fois, vous pouvez lui dire que c’est un dispositif de contrôle de l’usage. Le but d’un DRM, c’est de contrôler des usages privés, de manière à ce que demain, n’importe quelle action d’un utilisateur soit contrôlée et passe éventuellement à la caisse. Ce n’est en rien quelque chose pour sauver le droit d’auteur et les artistes. Non ! C’est pour créer une nouvelle rente. Donc, DRM égal « contrôle d’usage » pour le « numérique » de « verrou numérique ». Ça vient de 1996, OMPI.
Est-ce que quelqu’un sait ce que veut dire OMPI ? En France, on en a parlé tout à l’heure, il y a l’INPI [Institut national de la propriété industrielle]. Eh bien, c’est quasiment la même chose, l’OMPI c’est l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Et en 96, ces gens-là ont leur traité, le traité de l’OMPI dans lequel, dans l’article 6, de mémoire, un petit article dit, texto, que les États membres signataires de ce traité doivent prendre des mesures juridiques pour interdire le contournement des DRM. C’est un petit article, c’est en 96. En 96, moi j’étais encore étudiant, je n’avais même pas encore créé l’April, donc OMPI ! Jamais entendu parlé ! En 98, les Américains transposent ce traité, c’est le DMCA, Digital Millenium Copyright Act. Et déjà à l’époque, il y a des gens qui disent : « Attention, si on interdit le contournement des DRM quel que soit l’usage, on va au-devant de gros problèmes. » Par exemple, il peut y avoir des bibliothèques qui ont besoin de contourner des DRM. Une fois qu’un contenu est dans le domaine public, il n’y a plus de raison qu’on ne puisse pas y avoir accès. Il peut y avoir, par exemple, des personnes aveugles qui peuvent avoir besoin d’outils spécifiques qui contournent les DRM. Il y a un certain nombre de soucis mais pourtant, le truc est voté en 98 aux États-Unis via le DMCA [Digital Millennium Copyright Act].
Les Européens font la directive un petit peu après les Américains pour avoir, en 2001, la version européenne, qui s’appelle European Union Copyright Directive, l’EUCD, qui est votée en 2001. Et nous, à l’époque, pareil, toujours pas entendu parler de ce truc-là parce qu’on est sur un autre sujet, parce qu’on a d’autres choses à suivre. Et en fait, ce sujet va revenir vraiment dans le rétroviseur des gens, en tout cas dans l’actualité, fin 2002, avec la publication de l’avant-projet de loi de ce qui deviendra DADVSI, Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information. Enfin le projet de loi qui sera voté finalement en 2006, qui sera le premier projet de loi de la longue série des lois en I en France, DADVSI, HADOPI, LOPPSI, machin… Et ça c’est de 2002 à 2006. Et cette loi qui est au départ un objectif, entre guillemets, « DRM » se révèle, par justement, notamment, cette interdiction du contournement des DRM, hautement technologique et hautement nocive pour la technologie.
Je vais prendre juste un exemple pour vous montrer l’absurdité du truc. Un des DRM qui existe c’est celui qui est sur les DVD. Sur un DVD, il y a un DRM qui s’appelle CSS, Content Scrambling System. En gros, les informations sont pas vraiment… Bon, ce n’est pas un DRM très subtil. Et donc, vous avez des éditeurs qui fournissent des solutions propriétaires pour lire leurs DVD, et qui donc intègrent un mécanisme pour lire les DVD et donc décoder, en fait, ce DRM. Et dans le cadre du logiciel libre, il n’y en avait pas. Et il y a plusieurs personnes qui ont écrit un petit logiciel qui s’appelle DeCSS [4], qui fait quelques lignes, qui vise à contourner le DRM CSS [Content Scramble System] pour permettre aux gens du logiciel libre de pouvoir lire légalement, enfin, bon allez, tranquillement, un DVD qu’ils se sont procuré. Avant la loi DADVSI, pas de souci, le contournement des DRM n’était pas interdit. Avec DADVSI, tout d’un coup, on pose la question au ministère de la Culture, à d’autres ministères, aux députés : « Est-ce qu’un utilisateur d’un logiciel libre comme VLC, comme Videolan, pourra lire un film sans être éventuellement poursuivi ? Est-ce qu’un éditeur d’une distribution de logiciels libres comme, par exemple, Mandriva en France peut, à partir de DADVSI, diffuser VLC sur son CD-ROM ? ». Eh bien, on n’a jamais eu de réponse. Jamais de certitude, plutôt « à priori ça serait illégal ».
Imaginez la difficulté que ça met pour le grand public. Parce qu’on peut se dire, pour le geek, à la limite, ce n’est pas très grave, parce que, techniquement qu’est-ce qui se passe ? C’est que, une fois que vous installez VLC, et que vous voulez lire un DVD, en gros, vous avez un message vous disant : « Vous devez télécharger la libdvdcss machin à tel endroit, et après vous pouvez lire votre DVD. » C’est vrai que pour les geeks, ce n’est pas un problème, on installe. Mais imaginez pour quelqu’un du grand public qui, tout d’un coup, vient de se mettre au logiciel libre, il a installé sa belle distribution ou vous lui avez installé sa belle distribution, et l’une des premières choses que fait la personne généralement, elle va sur Internet ; ça se passe bien ! Elle veut faire un petit CV ; ça se passe bien ! Et puis à un moment, elle veut regarder un film. Elle met la galette. C’était il y a quelques années, parce que maintenant, ça a un peu changé. Mais ça existe encore les galettes. Elle met la galette, et il ne se passe rien. Impossible que ça démarre ! Dans le meilleur des cas, ça démarre, mais il y a le fameux message « veuillez installer le machin pour contourner le DRM ». Je peux vous assurer que 99 fois sur 100, à chaque fois les gens ne l’installeront pas. Parce qu’ils n’auront pas confiance. On aura beau leur dire ne t’inquiète pas, ils n’auront pas confiance. Ils ne comprennent pas pourquoi pour lire un putain de film, il faut installer un logiciel de plus. Je vous le dis, les plus grosses critiques que j’ai eues sur le logiciel libre viennent de ma femme : « Ton truc, c’est chiant, à chaque fois que je veux écouter de la musique ou un film, ça merde ». Bah, oui, mais là il faut faire ça parce que sinon…
Et là, pour le grand public, c’est un frein incroyable. Et mettez-vous à la place d’une entreprise qui, par exemple, fait des distributions de logiciels libres qu’elle vend dans le commerce, comme Mandriva en France et qui, tout d’un coup, se dit OK ! On ne va peut-être pas aller chercher individuellement chacun des utilisateurs de VLC et de DeCSS, mais moi qui suis une entreprise, qui ai une adresse, qui vends dans le commerce, est-ce que je peux distribuer ce logiciel ?, comme Mandriva a décidé de prendre le risque. Et donc on voit comme quoi, en fait, un simple petit bout d’article peut mettre dans en danger à la fois les développeurs de logiciel libre, des utilisateurs, des entreprises. À tel point que nous, sur DADVSI, on avait fait un recours au Conseil d’État contre le décret, précisément, qui concernait, en fait, ce contournement précis. Le Conseil d’État nous a donné raison, tout en rejetant le recours, mais en disant que nous avions raison sur les questions d’interopérabilité, que les gens de VLC, etc., avaient le droit d’intégrer cette librairie. Mais pendant plusieurs années, pendant très longtemps, il y a eu une incertitude juridique présente.
DADVSI, c’est 2006. À l’époque c’était censé régler « le problème », entre guillemets, encore faut-il démontrer qu’il y a un problème, des artistes qui étaient en train de mourir, quasiment sous terre. Quelques années plus tard, ils étaient toujours en train de mourir ! Bon, ils ont la peau dure tout de même, il faut qu’en même le dire ! Donc on a eu HADOPI. HADOPI 1 et 2. Alors qui a entendu parler d’HADOPI ici ? Haha, ça je le savais, eh ouais, ça évidemment, HADOPI… Alors, c’est marrant, c’est que DADVSI a été pour beaucoup de députés l’élément déclencheur sur le logiciel libre, c’est-à-dire quand on est député, et HADOPI c’est l’élément déclencheur du numérique sur les marchés. Beaucoup de députés m’ont dit : « C’est la première fois que les gens viennent nous parler du numérique sur les marchés, et on parle d’HADOPI ». Parce qu’évidemment, dans HADOPI il y a la fameuse coupure de connexion.
Alors on pourrait penser qu’HADOPI ne concerne pas le logiciel libre. C’est autre chose HADOPI. Donc je ne vais pas énumérer les points négatifs de l’HADOPI, parce qu’on est à peu près tous d’accord là-dessus évidemment, sur le fait que ça soit une police privée, des preuves bidons, etc. Mais, ce qui m’intéresse plus, là, par rapport au logiciel libre, c’est l’impact que ça a sur le logiciel libre. Au départ, nous, on dit : « Oui, bon, c’est encore une connerie qu’on va vous faire, mais il y a d’autres acteurs qui sont limités, etc ». Sauf que, comme vous le savez peut-être dans HADOPI, vous avez une présomption de culpabilité, ce qui est aussi une révolution. C’est-à-dire que jusqu’à maintenant il y avait une présomption d’innocence en France. Avec HADOPI, c’est une présomption de culpabilité, et l’un des moyens de prouver à priori sa bonne foi, c’est d’installer « un logiciel de sécurisation de votre connexion internet ». Alors, je mets des guillemets à tous les mots parce que « logiciel », déjà, « sécurisation », « Internet », avec des spécificités, des spécifications qui n’étaient, évidemment, pas définies par la loi.
Et nous, la première question qu’on s’est posée c’est « bon, à priori HADOPI ne nous concerne pas, mais en même temps, bon, ça va nous concerner parce que ça sera dans la loi. Là, ils vont mettre en place un logiciel de sécurisation de connexion internet. C’est quoi ce truc-là ? Comment ça fonctionne ? Et puis, est-ce que ça va tourner sous environnement libre ? Est-ce que quelqu’un pourra en faire un logiciel libre ? Parce que nous, nous utilisons — par exemple moi, je n’utilise que des logiciels libres — pourquoi serions-nous obligés d’installer un logiciel propriétaire pour, éventuellement, ne pas pouvoir être accusé, et prouver notre bonne foi ?
Alors, on a posé la question et, évidemment, on n’a pas vraiment eu la réponse et deux ans plus tard, on n’a toujours pas la réponse, parce qu’il n’y a toujours pas de logiciel qui est labellisé par l’HADOPI. Là encore, on a dû s’occuper de ça, en tout cas s’intéresser à ce sujet-là, alors qu’au départ, cela ne nous concerne pas. Pas directement, ça nous concerne comme citoyens, mais pas comme logiciel libre. Donc ça, c’était en 2009. Bon, ils ont voté HADOPI 2 après.
Quelques images. Ce sont des pauses en fait. Des fois, on fait des pauses officielles, donc on fait des pauses images, pour aérer la présentation. Ça c’est 2005. Le monsieur qui est là c’est Richard Stallman. C’est une tentative de remise d’une pétition à Matignon à l’époque, où il y avait eu 170 000 signataires qui avaient signé cette pétition contre DAVDSI. C’était la plus grosse pétition avec signatures vérifiées de l’époque. Et là, en fait, il est dans le caniveau parce que nous avions un petit cortège de policiers qui nous a empêchés d’avancer.
Ça, ce sont d’autres personnes qui, contre les DRM, ont mené une autre action. C’est pour vous montrer les deux façons d’agir, parce qu’à la fin, je vais vous expliquer comment vous pouvez, éventuellement, agir. Enfin, comment on peut agir. Ça, c’est Stop DRM [5]. Eux, leur principe, il était double. C’était de faire des flash mobs. Ils faisaient des opérations ponctuelles, physiques, dans des lieux, notamment dans les FNAC, pour dire qu’en fait les DRM ça empêchait, en fait, les gens qui avaient une pratique normale et légale de la culture de pouvoir le faire tranquillement, sans avoir à y passer des heures. Moi, par exemple, je crois qu’il y a un moment où je vais dire aux gens de ne plus acheter de DVD à mes enfants, parce qu’à chaque fois, c’est l’enfer pour pouvoir faire tourner ce DVD, parce qu’à chaque fois il y a des trucs nouveaux qui apparaissent. Un jour, je vais leur dire de ne plus acheter de DVD, ne leur faites pas de cadeaux, ça ne sert à rien, et après ils galèrent comme un fou. Un fou !
Alors eux, ils faisaient des flash mobs, et puis, à un moment, ils ont été plus loin. Là, franchement, respect ! Eux, ils se sont dit « la loi interdit le contournement des DRM. Notamment, on ne peut pas utiliser un logiciel pour transférer une musique téléchargée, enfin achetée sur iTunes, vers autre chose qu’un iPod. On ne peut pas diffuser le logiciel qui fait ça ». Alors, il y en a un qui a été chez les flics, qui s’est dénoncé : « Moi, j’utilise ce logiciel ». Et un autre qui s’est dénoncé : « Moi, je fais encore plus, je l’utilise et, en plus, je le mets en ligne ». Et il y en a un troisième, alors je ne sais plus de quoi il s’est accusé, parce qu’en fait, comme il n’y avait pas de décision de justice, ils y ont été, eh bien cela a été rangé, enfin classé pour d’obscures raisons dont je ne me souviens plus, mais en tout cas, il n’y a pas eu de jugement sur ces pratiques-là, à savoir, est-ce que c’était légal d’utiliser ces logiciels et de les mettre en ligne. Voilà, ça c’était Stop DRM, ils sont un peu moins actifs maintenant, mais leur site existe toujours.
Et puis, cela, c’est l’avenir, c’est le passé, c’est ce qui vous attend, en fait. C’est, voilà, les berceuses, pour écouter pour la 45e fois la même berceuse. Vous savez, quand vous aurez des enfants. Qui a des enfants ici ?
[Rires]
Frédéric Couchet : Là, ce n’était pas pour une blague. Du coup, je ne vais plus vous poser de questions. Alors, ceux qui auront des enfants un jour, je vous assure, une grande caractéristique, c’est qu’ils ré-écoutent tout le temps la même chose, régulièrement. Alors, là, par exemple, il a trop écouté, donc il y a Mickey, donc Disney, on voit le petit Mickey qui est là. En fait, il dit : « Il faut passer à la caisse. » Alors pourquoi il y a une image de Mickey là ? C’est parce que Disney, aux États-Unis, est l’un des plus gros promoteurs de l’extinction des droits d’auteur, alors pour une raison très simple. Qui la devine ?
Public : Parce que ça ne va pas tarder à tomber dans le domaine public, non ?
Frédéric Couchet : En fait, non, parce qu’à chaque fois que ça ne va pas tarder à tomber dans le domaine public, ils augmentent la durée des droits d’auteur. Ce qui fait qu’en fait, aux États-Unis, on n’appelle pas ça la loi sur les droits d’auteur, on appelle ça la Mickey Mouse Copyright Act. Et c’est exactement ça, parce qu’effectivement, le jour où ça tombe dans le domaine public, eh bien tout d’un coup, Disney ou n’importe qui pourra faire de l’illimité.
Alors ça, c’était donc, les DRM. Alors, c’est toujours en cours, beaucoup moins sur la musique. Aujourd’hui, la musique, il n’y a plus de DRM sur les CD. Les DRM sur les CD, les gens de la musique ont compris que ça ne servait strictement à rien. Par contre les DRM existent toujours sur la vidéo, sur les DVD. Bien sûr, à chaque fois qu’il y a quelqu’un qui achète un DVD pour mes enfants, je souffre, mais ça existe aussi, évidemment, sur de la vidéo en ligne.
Évidement, aujourd’hui par exemple, à cause de DRM, il est très compliqué, voire quasiment impossible, d’accéder à des sites de VOD quand on est dans un environnement de logiciel libre. Il y a des sites auxquels on n’a tout simplement pas accès. Ça existe toujours, je pense qu’à un moment quand même, les gens vont peut-être comprendre qu’essayer de contrôler l’usage, ce n’est pas la meilleure façon de faire, mais ce n’est pas sûr !
Et puis, surtout, il y a une nouvelle menace qui arrive avec ACTA. Alors qui peut me dire ce que veut dire ACTA ? Sauf, non, tu baisses ta main [en s’adressant à quelqu’un dans le public, NdT]. De toute façon, quand je pose une question, tu ne lèves pas la main ! Est-ce que quelqu’un sait ce qu’est ACTA ? Alors ACTA, c’est un traité international qui est anti-contrefaçon, qui est en cours de signature. Et le point essentiel là-dedans, enfin il y a deux points essentiels. Le premier, c’est qu’évidemment, c’est pour aller encore plus loin dans la lutte, officiellement, contre la contrefaçon, mais surtout pour aller encore plus loin dans le contrôle, en fait, des usages. Par exemple pour ACTA, il y a de nouveaux les DRM. Les États sont encouragés, alors c’est dans une partie non contraignante d’ACTA, mais les États sont encouragés à mettre de plus en plus de règles juridiques pour empêcher le contournement des DRM. Je vais vous montrer une vidéo après, sur ACTA, qui, en deux minutes, vous explique les points essentiels de dangers. Et le deuxième point, c’est que c’est en cours de signature. L’OMPI, c’était quand ?
Public : Inaudible.
Frédéric Couchet : 96, voilà. C’est pour voir s’il y en a qui suivent ! Effectivement, 96 c’est l’OMPI qui a donné ensuite le DMCA aux États-Unis, l’EUCD en Europe, la DADVSI en France en 2006. Nous, on a pris ce sujet comme quasiment tout le monde, à l’époque, en 2002, quand le projet de loi DADVSI est arrivé, et on a passé quatre ans là-dessus. On l’aurait eu en 96, il y aurait eu des des gens qui se seraient mobilisés déjà en 96 — il y en a eu bien sûr — on aurait pu peut-être faire quelque chose.

ACTA

Sur ACTA, ce n’est pas encore signé. Donc ce n’est pas trop tard ! Parce qu’une fois que c’est signé, après, ça se passe dans chacun des États membres. Donc là, on a la possibilité d’agir avant même que le truc ne soit voté. Et c’est en ce moment parce que ça va être voté, enfin le Parlement européen va s’exprimer dans les semaines ou les mois qui viennent, donc soit d’ici la fin de l’année, soit début 2012. Et ACTA ne concerne pas que le numérique, il concerne aussi les plantes, il concerne aussi les médicaments.
Ce que je vais faire, plutôt que de vous expliquer tout ACTA, je vais vous montrer une vidéo qui fait deux minutes. Et ce que je vous demande, c’est qu’éventuellement, à la fin, la semaine prochaine, d’aller sur le site ACTA de La Quadrature [6] et de l’envoyer à une ou deux personnes de votre entourage, la même vidéo qui fait deux minutes. Il s’agit de la diffuser. Parce qu’elle explique vraiment, pas dans le détail, évidemment, les problématiques, mais les points essentiels, et il y a un dossier qui permet d’aller plus loin. Je vous mets la vidéo, pour l’instant je ne vais pas mettre le son, parce que ça ne marche jamais, mais je vous encourage à l’écouter avec le son original en anglais, parce que c’est de l’anglais très simple, et surtout la voix de la personne qui fait la vidéo est très bien, elle est à la fois anxiogène et motivante. En plus, c’est un Français qui l’a faite, mais il parle en anglais. Elle est vraiment extraordinaire, je vais vous montrer la vidéo… Ah ! Ça, c’est l’effet démo !
Public : Pourtant, il n’y a pas de DRM. Il faut l’ouvrir avec VLC, peut-être.

Projection de la vidéo [7]

Sous-titres

Imaginez que votre fournisseur d’accès à Internet surveille tout ce que vous faites en ligne.
Imaginez que des médicaments génériques, qui pourraient sauver des vies, soient interdits.
Imaginez que des graines, qui pourraient nourrir des milliers de personnes, soient contrôlées et bloquées au nom des brevets.
Cela deviendra une réalité avec l’ACTA.
L’ACTA est l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon. Déguisé en accord commercial, ACTA va beaucoup, beaucoup plus loin que cela.
Ces trois dernières années, ACTA a été négocié en secret par 39 pays. Pourtant, les négociateurs ne sont pas des représentants démocratiquement élus. Ils ne nous représentent pas, mais sont en train de créer des lois dans notre dos. Ils contournent nos processus démocratiques pour imposer de nouvelles sanctions pénales destinées à mettre fin au partage de fichiers sur Internet.
ACTA vise à rendre les services Internet en ligne et les fournisseurs d’accès légalement responsables des activités de leurs utilisateurs, faisant d’eux une police et une justice privées du copyright, censurant leurs réseaux. Les conséquences pour la liberté d’expression seraient terribles.
Au nom des brevets, ACTA donnerait à de grandes entreprises le pouvoir d’arrêter les médicaments génériques avant qu’ils ne parviennent à ceux qui en ont besoin et d’empêcher l’utilisation de certaines graines pour les semences.
Le Parlement européen votera bientôt sur ACTA. Ce vote sera l’occasion de dire non, une fois pour toute, à ce dangereux traité. En tant que citoyens, nous devons appeler nos élus à rejeter ACTA.
NON À ACTA
Renseignez-vous. Agissez. www.lqdn.fr/acta. Un film réalisé par Benoît Musereau. Script de La Quadrature du Net. Animation de Morgan Dupuy. Design de Marion Leblanc. Voix de Axel Simon. Musique de Mawashi [8]. La Quadrature du Net. CC-By-SA 2011-10 http://lqdn.fr/acta
Frédéric Couchet : La vidéo parle des trois principaux problèmes avec ACTA. Elle n’évoque même pas la partie DRM, qui est une partie non contraignante. Donc voyez, ça ne concerne pas qu’Internet, ça concerne aussi des milieux différents, comme les médicaments génériques, les plantes. Donc, cette vidéo est traduite dans plusieurs langues, et il y a une version aussi beaucoup plus courte, sur chacun des différents points. Je vous encourage vraiment à la regarder et la diffuser largement.
Sur le lien qui est là, http://lqdn.fr/acta, vous avez également un dossier qui rentre plus dans le détail. J’insiste sur le fait que, sur ce dossier-là, on est vraiment au début de l’informatique de confiance. Il faut forcément qu’ils aient confiance dans quelque chose. Si ce n’est pas dans l’utilisateur, c’est forcément dans l’ordinateur de l’utilisateur. Alors quand j’entends ordinateur, voyez-le comme un terme très large. C’est à la fois un ordinateur comme ça, ce sont les nouveaux ordinateurs, ce sont les téléphones, enfin ce sont tous les trucs qu’on connaît. Ils sont tout à ranger dans la catégorie ordinateur.
Donc l’informatique de confiance c’est simple, le principe c’est « ils n’ont plus confiance dans les utilisateurs, donc nos ordinateurs ne nous appartiennent plus, ils en ont le contrôle. »
Il y a plusieurs principes derrière tout ça, mais, en gros, l’informatique de confiance, c’est l’idée que, à terme, chaque action, chaque usage, pourrait être contrôlé par des règles pré-établies, évidemment pas par nous, qui pourraient être mises à jour de façon automatique, et qui permettraient, par exemple, d’autoriser tel usage, d’interdire tel autre. L’idée étant véritablement que le contrôle des usages de l’ordinateur n’appartiennent plus à l’utilisateur, mais à une entité extérieure.
Je vais prendre un seul exemple, qui est relativement récent et qui peut être très problématique pour le monde du logiciel libre, c’est la nouvelle version du BIOS. Le BIOS, c’est ce bout de logiciel qui fait démarrer l’ordinateur, et qui, ensuite, démarre le système d’exploitation qui tourne derrière. Donc, il y a une nouvelle version du BIOS qui arrive, qui s’appelle UEFI, Unified Extensible Firmware Interface, et qu’on appelle aussi, enfin, que ces gens-là appellent aussi le secure boot. Alors, quand il y a le mot secure, il faut toujours se méfier, parce que, généralement, ce n’est pas pour nous la sécurité, malheureusement. L’idée n’est pas forcément si mauvaise que ça, au départ, c’est l’idée qu’en fait, au niveau carrément du BIOS, on pourrait décider que tel ou tel système pourrait, ou pas, démarrer. Que seul des systèmes approuvés seraient autorisés à démarrer. Et le problème, évidemment, c’est approuvés par qui ? Principalement par les promoteurs de ce truc-là, dans lesquels on retrouve Microsoft, évidemment !
Donc là il y a un combat pour créer une sensibilisation très importante, pour obtenir a minima, que l’utilisateur soit en pouvoir, en possibilité, de désactiver ce contrôle. Qu’il puisse de lui-même dire : « Moi je ne veux pas de contrôle à ce niveau-là. Je veux pouvoir installer n’importe quel ordinateur ». Et puis, aussi, à terme, trouver une solution pour que dans le commerce, quand on achète des ordinateurs, eh bien si on veut avoir du logiciel libre, que ce soit possible. Alors, c’est relativement récent, pour le moment il y a beaucoup de discussions, il y a des échanges techniques, etc. Mais c’est clairement un frein potentiel très important pour le logiciel libre si demain, effectivement, au niveau du BIOS, il y avait un contrôle pour savoir quel système allait démarrer, et surtout sur lequel l’utilisateur n’aurait pas accès.
Donc ça, tout ce qu’on reboucle sur Trusted Computing, « informatique déloyale » pour nous, eux, ils utilisent le terme « Informatique de confiance » : en gros, voilà, « on a confiance dans votre ordinateur, donc on aura confiance dans vos usages ». Et là-dessus, vous avez aussi une vidéo, vous cherchez sur un moteur de recherche « informatique de confiance _ vidéo », dans les premiers liens vous avez une vidéo qui doit faire trois minutes, qui est très bien faite, qui explique comment le contrôle est déporté de l’utilisateur, en fait, finalement, à l’extérieur de l’utilisateur. C’est une vidéo en anglais, mais qui a été sous-titrée.

Vente liée

Un autre danger, là, qui n’est plus du tout en rapport avec les DRM et tout ça, et le droit d’auteur, mais avec le droit de la consommation, qui est la vente liée ordinateur-logiciel, tout ce qu’on appelle également les racketiciels. Je vais expliquer pourquoi on appelle ça les racketiciels. Là aussi, vous avez une synthèse. Ça, c’est peut-être l’un des plus gros freins pour le grand public. C’est l’idée que quand vous allez acheter, quelqu’un va dans un magasin, grande distribution ou autre, acheter un ordinateur, celui-ci est pré-installé, à peu près tout le temps, avec un logiciel propriétaire, souvent Microsoft Windows, ça peut être Apple, mais en tous cas, il est pré-installé.
Alors ça pose un certain nombre de soucis. Le premier, c’est déjà le manque d’information d’alternative pour le public. Si la personne qui ne s’y connaît pas spécialement en informatique va acheter un ordinateur, et qu’il y a déjà un système d’exploitation qui est pré-installé, elle n’a aucune chance de découvrir qu’il y a éventuellement des alternatives, peut-être plus respectueuses de ses libertés, peut-être plus efficaces, plus utiles, etc.
Deuxième point, c’est qu’on est obligé d’acheter le tout. Vous ne pouvez pas dire à la personne, au vendeur « je ne veux que le matériel, mais pas le logiciel » ou le vendeur vous dira : « Oui, d’accord, mais dans ce cas-là vous payez quand même le tout ». La licence Microsoft n’est même pas utilisée. C’est pour ça qu’on appelle ça du racket, racketiciel. Et c’est illégal au regard du code de la consommation. Et comme beaucoup de choses, en fait, illégales, il y a des principes qui sont quand même tolérés par les pouvoir publics, depuis au moins dix ans. Ça fait quand même dix ans que ce sujet a été levé. Alors à l’époque, il y a dix ans, l’argumentaire des pouvoirs publics, c’était de dire : « Oui, mais il n’y pas d’alternative », car vous n’alliez pas donner du logiciel libre à du grand public il y a dix ans. Bon ! Pourquoi pas. Sauf qu’aujourd’hui l’alternative, elle existe. Il y a des tas de distributions de logiciels libres qui sont parfaitement utilisables par le grand public. Et la solution est relativement simple en plus ; la solution est pratiquée déjà dans le monde professionnel. C’est de permettre la pré-installation des logiciels, mais pas leur pré-activation. L’idée c’est de séparer la vente du matériel, pour un certain coût, et, à côté de ça, ce qui sera vendu en plus, ce qui serait vendu en plus, ce sont les codes d’activation qui permettraient, par exemple, d’activer le logiciel que vous voulez, qui est pré-installé. Ça, les professionnels le font déjà, par exemple. Nous, tout ce qu’on souhaite, avec d’autres, comme nos amis de racketiciels.info [9], c’est que ce soit mis au niveau du grand public.
Ça fait dix ans que ça dure, il y a eu un projet de loi consommation il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale, dans lequel il y a eu des amendements pour réaffirmer l’illégalité de ces pratiques, pour trouver des solutions pour ce qu’on appelle, l’optionnalité, c’est-à-dire pré-installation des logiciels, mais pas pré-activation. Et jusqu’à maintenant, le gouvernement refuse, pour des raisons qu’on décrira obscures, qui pourraient peut-être s’expliquer par la prédominance très forte de Microsoft dans nos instances qui refusent, pour le moment, d’agir. Donc ça, c’est aussi un autre combat. Et pour agir, d’une façon relativement simple, c’est que la prochaine fois que vous achetez un ordinateur, c’est de poser la question au revendeur, en disant « combien ça coûte les licences, là ? Combien j’ai de réduction, combien je ne paye pas si je ne prends pas telle et telle licence ? » Le sensibiliser à ces questions-là. Et sinon, vous avez une synthèse sur ces questions-là, à ce niveau-là.
L’autre action qui peut être utile et qui est un peu plus compliquée, c’est d’entamer les procédures de remboursement : racketiciel.info, vous avez une équipe, ce sont les gens de l’AFUL [Association francophone des utilisateurs de logiciels libres] qui s’occupent de ça, si vraiment vous voulez y aller, et il faut de la motivation pour y aller, mais je vous encourage à le faire, eh bien, c’est tout simplement d’aller entamer une procédure de remboursement. Vous voulez telle machine, mais pas avec ces logiciels-là, avant d’acheter, contactez-les pour savoir comment vous devez faire ça. Pour éviter, évidemment, de faire des erreurs lors de l’achat, ils vous diront exactement comment faire pour entamer une procédure de remboursement. Et la plupart des procédures de remboursement, à la fin, vous êtes remboursés ; ça peut aller jusqu’à 200 euros, voire plus. Et surtout, en multipliant ces actions de proximité, peut-être qu’effectivement, à ce moment-là, soit les pouvoirs publics bougeront, soit ce seront les fabricants ou distributeurs qui bougeront, en disant : « On en a marre, quand même, de se taper des procès ». Et il y a aussi l’UFC-Que Choisir qui mène des actions en justice à son niveau, contre notamment HP, Auchan et Darty. Ça, c’est un sujet vraiment important, et qui a au moins une dizaine d’années.
Lors des précédents projets de loi consommation, comme Luc Chatel, à l’époque, était ministre de la consommation et qu’il avait dit, en gros, qu’on pouvait trouver des ordinateurs nus ou avec des logiciels libres dans le commerce, ce qui, évidemment, m’avait fait pleurer, on lui avait fait pour Noël une petite carte postale, avec des icônes du logiciel libre, en disant : « Voilà, on veut des ordinateurs à poil, nus », même si ce n’est pas exactement dans les dépôts à la vente, mais on les lui avait envoyées, donc avec ces petits ordinateurs et on voit certains logos, sur leurs ordinateurs.

Les brevets logiciels

Les brevets logiciels. Alors ça, c’est une des plus grandes victoires des communautés du Libre, peut-être même la plus grande, sur la question des brevets, mais malheureusement, c’est un combat qu’il faut reprendre. Avant de faire, rapidement l’historique, juste, c’est quoi le problème ? Le logiciel, est géré, est régi, excusez-moi, par le droit d’auteur.
Le droit d’auteur, en gros, c’est un droit, c’est un monopole d’interdire. À partir du moment où vous avez écrit un logiciel, écrit de la musique, écrit un roman, un film, etc., vous devez donner aux utilisateurs, enfin indiquer aux utilisateurs, quelles libertés vous leur donnez. Parce que, par défaut, il n’y a pas de droits. Donc c’est un droit d’interdire, et après vous dites, par exemple : « Voilà, contre paiement de tel prix, vous avez le droit d’en faire telle chose et telle chose », ou, au contraire, dans le logiciel libre, vous dites : « Voilà, vous en faites ce que voulez, enfin, vous pouvez utiliser, dupliquer, etc. ».
Ce qui est essentiel dans le droit d’auteur, c’est qu’il régit l’expression des idées. Il ne régit pas les idées. Les idées sont considérées comme de libre parcours. Dans le roman, par exemple, alors je vais vous donner l’exemple du roman, mais le roman à l’eau de rose, par exemple, le principe même d’un roman à l’eau de rose, n’est pas protégé. N’importe qui peut écrire un roman à l’eau de rose. C’est la façon dont on va l’écrire qui va être régie par le droit d’auteur. Les idées en tant que telles ne sont pas régies.
De même dans le domaine informatique, ce n’est pas parce que quelqu’un, un jour, a fait un traitement de texte, ou rajouté une fonctionnalité à un traitement de texte, qu’on ne peut pas faire des traitements de texte. Le droit d’auteur s’applique sur la façon dont le traitement de texte est écrit. C’est le même droit d’auteur qui permet à Microsoft, par exemple, de faire des traitements de texte propriétaires, Microsoft Office, et c’est le même droit d’auteur qui permet aux gens du logiciel libre, de faire un traitement de texte en logiciel libre, en licence libre. La base est la même. Ça s’applique uniquement sur l’expression des idées. Le principe du brevet logiciel serait de passer du niveau de l’expression des idées aux idées. Et donc, en gros, le premier qui dépose une idée, pas forcément très intelligente d’ailleurs, la plupart des brevets qui sont déposés, notamment aux États-Unis, ne sont pas spécialement intelligents, pourrait, en fait après, mettre un droit de passage à toute personne qui voudrait écrire un logiciel qui implémente cette idée. Aux États-Unis, par exemple, il y a eu un brevet pendant des années sur le one-click shopping.
[L’organisateur fait un signe à l’orateur.]
Frédéric Couchet : Dix minutes, cher ami ? Mais ce n’est pas possible, on m’a raccourci ? Ah d’accord, alors je vais devoir accélérer. D’accord.
Et donc, en fait le principe du brevet est également de créer des monopoles sur des idées ; il est, en gros, favorable aux grands acteurs qui ont des moyens, qui auraient les moyens de déposer des brevets sur des tas d’idées plus ou moins intelligentes et ensuite, à chaque fois qu’il y a un concurrent qui arrive, il va le faire exploser sur le champ de mines des brevets.
En 2005. Alors je vais passer, pof pof, j’accélère, attention. En fait, il y a une directive européenne qui a été rejetée en 2005, elle est arrivée à partir de 99, tout à l’heure je disais 98, début de la Commission. En 99, il y a cette notion de brevet qui est arrivée. En 2003, le Parlement européen amende la directive brevets, pour remettre, pour réintroduire, dans les faits, les brevets logiciels en Europe. Mais la Commission, qui est très favorable aux brevets, revient, et en 2005 les députés rejettent cette directive. Donc on se dit : « Super, on est de retour au droit d’auteur, etc. » Sauf qu’en fait, non, parce qu’avec le brevet unitaire, je vais passer les petites images, c’est dommage, avec le brevet unitaire qui vient d’arriver, cette année, ça pourrait être le retour du brevet logiciel. Et le brevet unitaire, il va être voté bientôt, pareil que ACTA, donc là je ne vais pas vous montrer la vidéo [10], parce qu’elle fait 14 minutes, mais quand vous aurez 14 minutes devant vous, vous regardez la vidéo, et vous aurez compris ce qu’est le brevet unitaire déjà, ce qui n’est pas inintéressant, et pourquoi ça permettrait, éventuellement, le retour des brevets logiciels. Et ça, c’est un combat, aujourd’hui, dont personne ne parle. Beaucoup de gens, dans la presse, parlent des guerres de brevets entre Samsung et Apple, je sais pas si vous avez suivi, et personne ne parle, en fait derrière, de l’arrivée du brevet unitaire. Donc vraiment c’est un sujet très important.
Comme on vient de me signaler qu’il ne me reste que dix minutes, il va falloir que je taille dans les sujets. Donc ça, ah oui, on vient de refaire un t-shirt anti brevet logiciel, que je porte, avec le gnou fou. On va passer. Donc ça, je vais passer. Je vais passer plutôt à « agir », ce n’est pas très grave.
Qu’est-ce qu’on peut faire ? Concrètement, parce que là, on se dit, quand même, ça parle de brevets, de DRM, d’ACTA, de sigles absolument imbitables, pardon. Comment on peut agir ? Alors. Je passe, tac, carrément. Je vais vous résumer les cinq slides d’avant en dix minutes.
Ce qui a radicalement changé les choses, au niveau politique, en quelques années, c’est que les politiques ont pris conscience que dans le processus d’élaboration normatif, législatif, il y avait un nouvel acteur. Il y a des nouveaux acteurs, qui étaient les informaticiens, les gens qui utilisent le réseau, qui utilisent Internet. Jusqu’à maintenant, les lois étaient principalement faites par des députés, par des lobbies, par les juristes, par le gouvernement évidemment. Donc par des gens, en fait, dont c’est quasiment, on va dire entre guillemets, le métier. Et avec DADVSI, avec les brevets logiciels, avec tous ces combats, des gens comme vous et moi, c’est-à-dire des gens qui sont là pour défendre avant tout leur liberté soit d’utiliser les logiciels libres ou pour les développer, sont intervenus dans ces processus. Et ça, c’est essentiel, c’est qu’ils ont commencé à le prendre en compte, de savoir qu’il y avait une expertise technique qui était à leur disposition.
Et donc, importance d’agir envers ces responsables politiques, à la fois au niveau national et au niveau local.

Agir

Une façon d’agir, c’est de diffuser, déjà, de l’information sur le logiciel libre. Donc diffuser, par exemple, des outils sensibilisation. Nous par exemple, on a fait depuis pas mal de temps maintenant, quelques années, beaucoup d’outils de sensibilisation sur différents sujets. Logiciels libres et monde éducatif, logiciels libres, des guides, des flyers, etc. Donc diffuser des logiciels. Là, par exemple, c’est une affiche dans le domaine de l’éducation. À Paris, en ce moment, il y a le salon de l’éducation, et cette affiche est diffusée. Alors en plus, aujourd’hui il y a un tracking de Microsoft, qui a invité les inspecteurs de l’Éducation nationale sur son stand, donc il y a aussi une opération. Donc ça, c’est une affiche qu’on met dans les salles de profs, par exemple.
Ça c’est le flyer dont je vous parlais tout à l’heure, qui explique ce qu’est le logiciel libre ; ça c’est un flyer qui explique un petit peu le fonctionnement, les allers-retours, entre logiciels, utilisateurs et développeurs. Ils sont tous sur le stand de l’April si vous en voulez, il n’y a aucun souci.
Ça c’est un guide qu’on a fait, 26 logiciels libres. C’est un livre en couleur, papier, du vrai, bible. Donc là aussi, le diffuser.
Ça c’est la première action, c’est diffuser du logiciel libre, en parler, de manière à ce que les gens soient informés, les gens les utilisent.
Ça je passe.
Et puis il y a l’action de contacter son député, son sénateur, son représentant quel qu’il soit. Alors je voudrais démystifier ici l’idée que c’est compliqué et que ça ne sert à rien. Ce n’est pas compliqué et ça sert vraiment à quelque chose. Je vais juste finir là-dessus.
Public : Même pour les régions ?
Frédéric Couchet : Même pour votre région ! Même pour votre région, même aller voir Éric Ciotti [député des Alpes-Maritimes, NdT], même aller voir les compagnies. Je vais finir quand même. Pourquoi contacter son député ? D’abord, pour faire entre sa voix. Votre voix, à vous. Parce que vous estimez que vous êtes concerné par un sujet. Pas simplement parce que les gens vous le demandent. Parce que vous êtes concerné. Mais aussi pour faire entendre, pour relayer la voix du futur, comme l’April ou autre, qui disent, à un moment, on a besoin que des gens, en local, aillent voir leur député, parce que ça marche. Le fait que les gens d’une circonscription vont voir leur député, ça a un effet.
Alors le plus simple à faire, c’est d’envoyer un courriel. Et là, je vous donne, entre guillemets, le « manuel », qui est prêt, dont la description est relativement simple, même si dans la pratique, c’est un peu moins évident. Alors c’est un, savoir qui est votre député. Qui sait qui est son député ici ? Alors beaucoup de gens ne savent pas qui est leur député. Alors déjà, renseignez-vous pour savoir qui est votre député. Alors si par malheur vous avez Éric Ciotti comme député, bon, c’est plus difficile. Mais bon !
Pour le pacte, dire qui vous êtes. Dire pourquoi vous le contactez. Parce que c’est votre député dans cette circonscription, parce que vous êtes concerné, parce qu’il vous est arrivé telle chose. Sur les exemples que je vais vous montrer juste après, pour finir, la personne parle de vente liée, mais elle ne parle pas de vente liée comme l’April en parlerait, elle parle de la vente liée en disant : « J’ai voulu acheter un ordinateur, j’ai eu tel et tel problème ». Donc dire qui vous êtes, et pourquoi vous le contactez.
Citer le projet de loi. Les députés sont des gens très occupés, qui ont relativement peu de projets de loi au quotidien. On rigole souvent, ou les gens rigolent souvent en disant qu’ils sont cinq ou six, voire une dizaine dans l’hémicycle, quand ils votent des amendements. Mais c’est normal. Vu la charge de travail qu’ils ont ces gens-là, c’est juste normal. Par contre, à chaque fois de dire clairement quel est le projet de loi concerné, pour que le député sache, immédiatement, un, s’il est concerné directement, ou, éventuellement, transfère l’information à quelqu’un d’autre.
Dire quel est le problème. Éventuellement proposer une solution. Ça, ils aiment beaucoup quand on propose une solution, c’est quand même plus simple pour eux, quand il y a un problème, il y a une solution. Et lui dire que vous parlez en votre nom, c’est-à-dire pas de leitmotiv, pas de diffusion de leitmotiv, ça ne sert à rien. Il vaut mieux prendre un peu de temps à adapter son discours, éventuellement le faire relire par des gens, par mail ou sur IRC, on est souvent disponibles pour ça, mais vraiment, que ce soit un message personnel. Et le point essentiel, ne jamais se décourager si vous n’avez pas de réponse, parce que peut-être qu’un jour vous aurez une réponse. Ce n’est pas parce que le député ou la députée ne répond pas, qu’il ne lit pas. Nous-mêmes, il nous arrive des fois d’envoyer des messages pendant des mois à des députés et de n’avoir jamais de réponse, et puis des fois vous avez la chance que ça marche.
Alors je vais finir par un exemple. Ça, c’est un message sur la vente liée, qui a été envoyé juste au moment du projet de loi consommation par quelqu’un qui est en Bretagne, si je me souviens bien, à son député. Et on voit ce qu’elle suit, vous voyez, elle se présente, elle rappelle clairement qu’elle est en fait dans la circonscription, elle dit ce qu’elle fait, elle parle du projet de loi qui est le projet de loi sur la protection des consommateurs, elle décrit exactement son problème qu’elle a appréhendé, elle. Elle propose la solution qui est l’optionnalité, puis les salutations d’usage.
Elle a reçu une réponse de la députée qui lui a dit : « J’ai bien reçu votre message, de… ». On était sur IRC tous les deux, je lui ai dit textuellement qu’elle n’a rien à perdre, au moins elle t’a répondu. Quelques semaines plus tard, la députée posait une question parlementaire au ministre, ça tombait bien en l’occurrence, elle a posé une question parlementaire sur ce sujet-là. Donc ça marche.
Des fois, effectivement, vous n’aurez pas de réponse, mais peu importe, il ne faut pas hésiter à contacter son député ou sa députée. Commencez par mail si ça vous parait moins impressionnant et puis après, ce qui est le plus efficace, c’est quand même un coup de téléphone : la parole c’est plus physique, direct, donc plus efficace.
Vous verrez sur les slides, pour ceux que ça intéresse, j’ai mis des liens qui aident à contacter ses députés, soit à les identifier, soit à savoir quel projet de loi ils travaillent ou ils vont travailler, les amendements qu’ils ont votés. Là, par exemple, vous avez le mémoire politique. Là, vous avez deux sites très bien qui sont Nos députés [11] et Nos sénateurs [12], très efficaces aussi, et vous les verrez sur les slides. Et puis, je vais juste finir. J’ai deux minutes ? OK.
L’an prochain on va avoir besoin de vous, de chacun d’entre vous. L’an prochain, vous le savez sans doute, il y a des élections. L’élection présidentielle et les élections législatives. En 2007, on avait lancé candidats.fr. Notre idée était de permettre, en fait, d’avoir un outil de sensibilisation des candidats lors des élections ; non pas des élus, mais des candidats. Donc, pour la partie présidentielle, on avait fait un gros questionnaire d’une quarantaine de pages qu’on avait envoyé à l’ensemble des candidats et les huit premiers candidats ont répondu à ce questionnaire, point par point. L’idée était qu’on mette des questions très précises. La réponse la pire, la seule réponse vraiment négative, c’était celle de… notre président. Mais c’était très intéressant dans le sens où un, il a répondu effectivement des horreurs, en fin de compte, et qu’il les a mises en œuvre après. Vous rigolez, mais au moins, on a un document de l’époque, clairement, il annonçait la couleur et il a fait ce qu’il annonçait. Et à la limite, par rapport à un homme politique, c’est un fait sur l’intégrité et surtout voilà, ceux qui ont voté OK sur la partie numérique, qui ont lu son son bilan, ça à quoi ça sert.
Le but en 2012, évidemment, c’est de faire exactement la même chose pour l’élection présidentielle, on n’aura pas de gros soucis car, comme en 2007 ça a très bien marché, on va reprendre le même principe. Par contre, là où on va avoir besoin d’aide, c’est sur les législatives. 577 députés, à peu près 20 candidats par circonscription. Et même là, on veut tous les contacter si possible. Alors non pas avec un document de quarante pages, juste avec un petit document, qu’on appelle Le Pacte du logiciel libre qui explique, en gros, pourquoi le logiciel libre est important, et on vous demande de le prendre en compte lors de vos prochains travaux législatifs. À l’époque, en 2007, il y avait plus de 7000 candidats ; plus de 500 personnes avaient participé, c’est-à-dire avaient été voir les candidats, dans les circonscriptions, pour leur parler et aujourd’hui on a 76 députés qui sont signataires du Pacte, qui sont à l’Assemblée nationale. Et lors des récents projets de loi, consommation ou autre, les députés qui sont intervenus sur nos sujets, sont majoritairement des gens du Pacte. Donc ça marche aussi. Par contre, évidemment, en 2012, il faudra à nouveau aller voir les candidats. J’insiste sur le fait que même, même Nicolas Sarkozy, s’il est candidat, il faudra aller le voir.
Alors une action par exemple très simple, qu’il sera facile de faire en 2012, si vous cherchez où sont les candidats lors d’une élection, c’est facile, vous faites les marchés, la sortie des écoles. Et généralement, ils ont un tract. Alors quand ils vous donneront un tract, vous leur donnerez un Pacte, tout simplement que vous aurez préalablement imprimé. Donc, le site c’est Pcandidats.fr [13]. La campagne sera sans doute lancée début 2012. C’est vrai que, normalement, il faut déjà attendre que les candidats soient déclarés avant de les contacter, ce sera beaucoup plus simple. Et sur la plate-forme, vous trouverez l’ensemble des candidats. Donc on a accès, en fait, à l’ensemble des candidats pour les contacter. Ça c’est le Pacte.
Et puis, si vous voulez, vous pouvez faire une dernière action justement là-dessus. C’est bientôt Noël, alors plutôt que de faire profiter vos amis des cadeaux culturels ou autres, des cadeaux « à la con » qui ne servent à rien, etc., vous pouvez aller sur enventelibre.org [14], commander des cadeaux qui seront partageables. Alors, ça peut être des t-shirts, ça peut être des cédéroms de logiciels libres, plein de trucs sur enventelibre.org, au moins ça permettra de faire des cadeaux qui sont partageables, une image c’est un cadeau qui est non partageale.
Et dernier slide, je ne sais pas si vous connaissez la citation de Gandhi qui est très souvent utilisée : « D’abord, ils vous ignorent… », ça c’est, on va dire, jusqu’en 95-96-98, le Libre, personne vraiment ne s’y intéressait à part, évidemment, ceux qui en faisaient, mais en gros, c’était ignoré par la plupart des gens. Après, c’était tous les repris, genre : « Oui, bon, ça ne marchera jamais ; c’est des trucs de geeks ; c’est des gens qui ne parlent pas affaires, etc. » À partir de 98, des gens se sont battus, et il y a beaucoup de gens qui pensent que le Libre est là, que le Libre a gagné. Je vous assure, on a gagné beaucoup de choses sur ces dix dernières années, mais on a perdu aussi beaucoup des libertés individuelles, et tous les combats que je vous ai cités tout à l’heure, que ce soient les brevets, la vente liée, les DRM, ACTA, tous, ils peuvent avoir un impact négatif sur les logiciels libres, voire totalement destructeurs. Si demain les brevets logiciels sont validés en Europe, ça peut être très grave pour les développeurs de logiciels libres. Si ACTA est voté, pareil. Donc, on est toujours dans cette partie de combat pour défendre nos libertés à la fois d’utiliser et de développer des logiciels libres.
Donc si vous voulez plus d’infos, le site de l’April, mon mail en cas de questions ultérieures, j’y réponds assez rapidement, et puis si vous avez des questions maintenant, je crois que je peux en prendre deux ou trois. Oui ? D’accord, donc OK, si vous avez quelques questions ou remarques, écoutez, c’est à vous.
[Applaudissements]