Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l’émission du 4 septembre 2018

Titre :
Émission Libre à vous ! diffusée mardi 4 septembre 2018 sur radio Cause Commune
Intervenants :
Frédéric Couchet - Étienne Gonnu -Isabella Vanni - Aliette Lacroix - Jean-Baptiste Kempf - Marie Duponchelle
Lieu :
Radio Cause commune
Date :
4 septembre 2018
Durée :
1 h 30 min
Écouter ou télécharger le podcast

Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustrations :
Bannière radio Libre à vous - Antoine Bardelli ; licence CC BY-SA 2.0 FR ou supérieure ; licence Art Libre 1.3 ou supérieure et General Free Documentation License V1.3 ou supérieure. Logo radio Cause Commune, avec l’accord de Olivier Grieco
transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

Parties de la transcription

logo cause commune

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous. Vous êtes sur la radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et partout ailleurs sur le site cause-commune.fm. La radio dispose d’un webchat donc n’hésitez pas à utiliser votre navigateur web préféré et rendez-vous sur chat.libre-a-toi.org.
J’espère que vous avez passé un bel été, que la rentrée se passe pour le mieux. Soyez les bienvenus pour cette nouvelle émission de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Frédéric Couchet, délégué général de l’April et autour de moi il y a mes collègues Isabella et Étienne. Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Bonjour.
Frédéric Couchet : Étienne Gonnu en charge des affaires publiques et Isabella Vanni qui s’occupe de la vie associative et est responsable de projets. Bonjour Isabella.
Isabella Vanni : Bonjour.
Frédéric Couchet : Le site web de l’April c’est april.org, donc a, p, r, i, l point org, et vous y retrouverez, je pense après l’émission, une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles, les détails sur les pauses musicales et toute autre information utile en complément de l’émission. N’hésitez pas aussi à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration et vous pouvez, bien entendu, intervenir en direct sur le webchat. Nous vous souhaitons une excellente écoute.
Je vais d’abord vous rappeler l’objectif de l’émission Libre à vous ! de l’April. C’est une émission qui est principalement animée par l’équipe salariée de l’April mais aussi par des membres bénévoles de l’association et des invités. Cette émission se veut une émission d’explications et d’échanges concernant les dossiers politiques et juridiques que nous traitons autour des libertés informatiques et les actions que nous menons. Nous avons également des sujets qui traitent de la sensibilisation au logiciel libre.
Nous espérons donner à chacun et chacune, de manière simple et accessible, les clefs pour comprendre les enjeux mais aussi proposer des moyens d’action. Tels sont les objectifs de cette émission mensuelle qui est diffusée en direct chaque premier mardi du mois de 15 h 30 à 17 h.

On va passer au programme du jour.
Nous avons trois sujets. Nous allons d’abord avoir le plaisir d’avoir par téléphone Aliette Lacroix du Collectif pour une Transition Citoyenne, qui nous parlera dans quelques minutes de la Fête des Possibles qui se déroule du 15 au 30 septembre 2018.
Plus tard nous aurons en studio Jean-Baptiste Kempf du projet VideoLan. Le projet VideoLan développe le célèbre lecteur multimédia libre VLC, vous savez ce lecteur identifié par une icône, un cône orange et blanc sur votre ordinateur. Nous aurons également par téléphone Marie Duponchelle qui est docteur en droit et avocate et, avec Jean-Baptiste et Marie, nous discuterons de la problématique des DRM, les fameuses menottes numériques.
Avant cela Étienne Gonnu nous fera un point sur notre sujet entre guillemets « préféré », en tout cas récurrent, qui est la directive droit d’auteur, donc l’actualité autour de cette directive, la mobilisation en cours avant le vote au Parlement européen prévu le 12 septembre.
Mais tout de suite je vais passer la parole à Isabella et Aliette pour nous parler de la Fête des Possibles.
Isabella Vanni : La Fête des Possibles est un évènement qui contient des centaines d’évènements en réalité. Elle est organisée en France et dans plusieurs pays francophones pour valoriser les initiatives citoyennes locales et montrer des modes de vie et de consommer alternatifs, plus solidaires et plus écologiques.
Nous avons le plaisir aujourd’hui d’avoir Aliette Lacroix, coordinatrice de la Fête des Possibles, avec nous pour en savoir un peu plus sur cet évènement. Donc je te laisse la parole. Pourquoi cet évènement ? Pourquoi Fête des Possibles ? Quel est le but que vous proposez avec cette initiative ?
Aliette Lacroix : Merci beaucoup Isabella et merci de me recevoir dans cette émission aujourd’hui. Effectivement, bien résumer, la Fête des Possibles c’est du 15 au 30 septembre un ensemble de rendez-vous, des centaines de rendez-vous qui sont organisés par des personnes qui portent d’ores et déjà des initiatives locales et concrètes pour construire un monde plus juste, plus écolo et plus humain.
L’objectif de la Fête des Possibles c’est donc bien de faire découvrir ces initiatives pour que de plus en plus de personnes passent à l’action dans leur vie quotidienne, pour intégrer des petites actions que chacun peut mettre en place pour une vie plus écologique et plus humaine.
Isabella Vanni : Quand tu dis personnes qui font déjà des initiatives locales, tu entends quoi ? Des citoyens, des associations ?
Aliette Lacroix : Oui, c’est ça. L’essentiel des rendez-vous est organisé par des associations, souvent aussi des collectifs de citoyennes et de citoyens plus informels, mais l’essentiel est porté par des associations. Il y a également pas mal de coopératives qui sont représentées. Donc peut-être, pour vous donner quelques exemples de rendez-vous, il y a les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, donc les AMAP, qui organisent leurs portes ouvertes à l’occasion de la Fête des Possibles ; on a environ une cinquantaine de rendez-vous de présentation d’AMAP.
Isabella Vanni : Pas mal !
Aliette Lacroix : Il y a beaucoup de projections de films qui sont organisées ; donc pour les fans de cinéma et de cinéma engagé, il y aura beaucoup de projections un peu partout en France et en Belgique. Il y a des ateliers de do it yourself et de réparation. Il y a bien sûr des install parties pour ceux qui veulent passer à Linux et qui n’ont pas encore osé franchir le pas. Et voilà.
Isabella Vanni : Très bien. D’accord. Et à qui s’adressent en particulier ces évènements ?
Aliette Lacroix : Ces évènements s’adressent au grand public, à absolument toutes les personnes qui sont un peu curieuses de la transition mais qui n’ont pas encore mis en place tout ce qu’elles souhaiteraient mettre. Donc plutôt des personnes qui sont déjà un petit peu sensibilisées, parce que ce ne sont pas des évènements non plus forcément de sensibilisation ; c’est vraiment du concret. Mais après, n’importe qui peut participer aux rendez-vous et on s’adresse à absolument tout le monde. La Fête des Possibles c’est vraiment un ensemble, une collection de rendez-vous qui sont très différents. L’idée c’est qu’il y en ait pour tous les goûts.
Isabella Vanni : Très bien. Il me semble que les évènements doivent être gratuits. Est-ce que tu me confirmes cela ?
Aliette Lacroix : Tout à fait. Dans les critères d’organisation, on demande que les rendez-vous soient gratuits, éventuellement à prix libre. Oui, tout à fait.
Isabella Vanni : Je voulais savoir, si jamais je suis quelqu’un, une personne qui écoute la radio en ce moment et je me dis tiens ça m’intéresse, je suis curieux ou curieuse, je voudrais passer à l’action et je me demande comment faire, s’il y a un évènement près de chez moi. Qu’est-ce ce que je peux faire ?
Aliette Lacroix : Oui, effectivement, l’idée c’est que tout est sur notre site internet. Il suffit de se rendre sur fete-des-possibles.org ; pas mal d’infos circulent aussi sur les réseaux sociaux mais le plus simple c’est de se rendre sur le site. Ce site comporte une carte qui présente l’ensemble des rendez-vous. Ensuite il suffit de zoomer sur l’endroit où on habite, l’endroit où on veut voir les rendez-vous qui nous intéressent. On peut même filtrer par thématique, c’est-à-dire que si on veut uniquement des rendez-vous sur l’agriculture et l’alimentation ou bien sur les énergies renouvelables, c’est aussi possible de filtrer par thématique.
J’ajouterais même, s’il y a des personnes qui nous écoutent et qui se disent « ah mais tiens, moi justement j’organise un rendez-vous qui pourrait sans doute s’inscrire sur la carte Fête des Possibles pendant la période du 15 au 30 septembre », c’est tout à fait possible de saisir encore des nouveaux rendez-vous, donc là encore en se rendant sur le site et en soumettant, il y a un petit formulaire pour enregistrer des évènements ; donc n’hésitez pas, il n’est pas trop tard et c’est possible de s’inscrire jusqu’au dernier moment.
Isabella Vanni : J’ai vu sur le site : il y a un gros bouton « Inscriptions », tout en haut à droite. Donc si vous avez envie de proposer des évènements ou si vous avez déjà des évènements de prévus par exemple des permanences — les AMAP, souvent, proposent par exemple des jours fixes pour les distributions —, ça peut être à ce moment-là ; vous avez encore le temps. Et il me semble avoir lu que vous avez étendu la période entre laquelle il est possible d’organiser des évènements. Est-ce que c’est ça ?
Aliette Lacroix : Oui. Tout à fait. La période officielle de la Fête des Possibles c’est du 15 au 30 septembre. On a eu pas mal de sollicitations de personnes qui organisaient des choses, qui avaient déjà prévu des évènements juste avant ou bien juste après, donc on a effectivement étendu et il est possible d’inscrire des évènements du 6 septembre au 6 octobre.
Isabella Vanni : Sinon, une question qui nous a été remontée par l’une des associations que l’April a contactée, association libriste que l’April a contactée pour l’inviter à participer à cette initiative, elle nous a remonté une question par rapport au lien entre la Fête des Possibles et le mouvement Alternatiba. En fait, en Île-de-France on connaît assez bien le mouvement citoyen Alternatiba parce que depuis 2015 ils ont déjà organisé plusieurs évènements à Paris et dans les communes limitrophes et ce mouvement-ci prône des modes de vie et de consommation alternatifs. Quel est, du coup, le lien entre ces deux initiatives, ces deux mouvements qui partagent complètement les mêmes valeurs ?
Aliette Lacroix : Tout à fait. Juste un mot, peut-être, pour dire qui est derrière la Fête des Possibles. La Fête des Possibles est portée par le Collectif pour une Transition Citoyenne qui est une association de réseaux d’associations et d’acteurs économiques de la transition, qqui comporte une vingtaine de membres qui sont tous des personnes morales. Alternatiba est un membre du Collectif pour une Transition Citoyenne au même titre qu’Enercoop, La Nef, Artisans du Monde, Les Amis de la Terre pour n’en citer que quelques-uns.
Donc Alternatiba est impliqué tout d’abord dans le projet de la Fête des Possibles, les coulisses de la Fête des Possibles ; ensuite il y a un lien opérationnel qui est fait également avec l’équipe du Tour Alternatiba et toutes les étapes du Tour Alternitaba qui ont lieu pendant la Fête des Possibles sont également inscrites sur le site de la Fête des Possibles. Donc il y a un lien assez fort qui est fait. Nous, nous allons communiquer, enfin nous avons déjà et nous allons continuer à le faire, sur le Tour Alternatiba et en particulier sur l’étape d’arrivée à Bayonne. La Fête des Possibles, justement l’expansion jusqu’au 6 octobre, c’est notamment pour inscrire l’arrivée du Tour Alternatiba à Bayonne le 6. Et de la même manière eux nous aident à communiquer sur la Fête des Possibles.
Donc l’idée c’est vraiment que maintenant il y a énormément de mouvements citoyens qui mettent en avant les initiatives sur la transition. On essaye de les démultiplier. Pour nous c’est une bonne chose qu’il y en ait plusieurs ; ça fait plusieurs approches différentes qui peuvent parler à plusieurs types de personnes, de populations. On voit ça comme une chose très positive ; on essaie vraiment de coopérer pour qu’on tire profit tous les deux, le Tour Alternatiba, la Fête des Possibles, mais aussi beaucoup d’autres mobilisations citoyennes qui vont avoir lieu notamment en septembre. Je pense au mouvement Rise for Climate donc la journée du 8 septembre, qui wst un appel à mobilisation pour que les citoyens manifestent leur envie que nos responsables prennent des actions sur le climat. Il y a également le World CleanUp Day qui aura lieu le 15 septembre. Donc voilà ! Il y a vraiment plusieurs mobilisations citoyennes tout au long du mois de septembre et on a l’ambition de les rassembler dans la Fête des Possibles.
Isabella Vanni : J’ai vu sur votre site, effectivement, il y a une page où sont référencés d’autres mouvements ou initiatives, évènements, qui portent des valeurs similaires. Et c’est sûr que plus il y a d’actions dans ce sens-là, plus il y aura de participation, plus on fera bouger les choses. Donc c’est une très bonne chose. Donc c’est à partir du 15 septembre officiellement parce qu’après, comme tu disais, il y a des évènements qui sont inscrits juste avant ou juste après.
Aliette Lacroix : Tout à fait.
Isabella Vanni : Je pense qu’on a bien présenté l’évènement, je ne sais pas si tu veux rajouter quelque chose, s’il y a un message que tu veux faire passer pour inviter les personnes à participer ?
Aliette Lacroix : Peut-être juste vous donner quelques exemples un peu plus concrets de quelques évènements un peu emblématiques. Par exemple, s’il y a des Parisiens qui nous écoutent, des Parisiens et des Parisiennes, du 13 au 16 septembre nous allons organiser l’Appartement de la Transition aux Canaux qui est au métro Stalingrad à Paris. Il y a à peu près une quinzaine de partenaires qui vont se joindre à nous, notamment l’entreprise Commown, la coopérative Commown qui va nous parler Fairphone et ordinateur durable, mais également Enercoop qui fera un atelier sur les économies d’énergie, Artisans du Monde qui viendra parler alimentation durable et commerce équitable. Donc un appartement qui vraiment mettra en scène tout ce que chacun peut faire chez soi, donc un véritable appartement témoin de la transition. On espère, en tout cas, que ça fera venir pas mal de monde et surtout que ça fera pousser à l’action de nouvelles personnes.
Et puis il y aura un Village des Possibles à Rennes, le 22 septembre, qui est une mobilisation assez impressionnante puisqu’il y a à peu près 40 associations qui se mobilisent pour faire ensemble un village de la transition avec des ateliers, des concerts, des stands d’information, de la cuisine partagée. Voilà ! Ça me paraît pas mal déjà pour vous donner un peu envie ; il y en a vraiment dans les grandes villes, dans les zones rurales, il y en a partout. Donc allez voir ce qui se passe près de chez vous.
Isabella Vanni : Fred tu voulais poser une question à Aliette ?
Frédéric Couchet : Je voulais poser une question justement sur l’Appartement de la Transition donc c’est très bien, elle l’a annoncé.
Isabella Vanni : Ah ! Ah ! Bonne transition. Jeu de mots !
Frédéric Couchet : J’avais noté, notamment pour les personnes qui nous écoutent sur Paris, ce projet qui est très intéressant, donc du 13 au 16 septembre, qui permet de découvrir effectivement un appartement qui a été entièrement conçu dans l’objectif de la transition donc je vous encourage vraiment à y aller. Moi j’avais une question, plus pour peut-être Isabella, sur la participation des organisations du logiciel libre à travers des évènements sur la Fête des Possibles. Est-ce que tu as une idée du nombre d’évènements qui sont organisés et comment on peut les trouver ?
Isabella Vanni : Nous avons sollicité, effectivement, plusieurs associations libristes et en particulier les associations qui sont déjà actives sur l’Agenda du Libre ; nous vous avons déjà parlé de cette plateforme qui permet très facilement et très rapidement de voir s’il y a un évènement libriste près de chez vous ou une organisation libriste près de chez vous, agendadulibre tout attaché point org. On a contacté toutes les associations actives et il y en a six qui ont effectivement organisé un évènement ou qui se sont greffées sur un évènement déjà existant, par exemple l’association Oisux s’est greffée, c’est-à-dire aura un stand.
Frédéric Couchet : Oisux, c’est dans l’Oise.
Isabella Vanni : C’est un GULL de l’Oise, un groupe d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres, donc une association qui peut aider les personnes souhaitant passer au Libre à passer à l’action effectivement. Donc eux, par exemple, auront un stand au Carnaval des Possibles qui est un évènement qui est, justement, inscrit sur le site de la Fête des Possibles et qui aura lieu dans l’Oise, dans le parc de la Garenne je crois.
Il y a d’autres associations qui ont inscrit un évènement, une permanence qu’ils avaient déjà prévue ; par exemple l’association CercLL, c’est un autre GULL, un autre groupe d’utilisateurs et utilisatrices de logiciels libres à Marseille, qui propose une install partie, plus précisément, et voilà !
Donc il est possible à la fois de chercher les évènements sur l’Agenda du Libre donc agendadulibre.org.
Frédéric Couchet : Et sur le site de la Fête des Possibles.
Isabella Vanni : Et sur le site de la Fête des Possibles.
Frédéric Couchet : Et je rappelle, une install partie ou fête d’installation : les gens viennent et sont accompagnés pour, effectivement, faire leur transition progressive vers le logiciel libre. Le mot d’ordre de la fête c’est « c’est possible » ; donc ces structures, groupes d’utilisateurs et d’utilisatrices, sont là pour montrer que c’est possible aujourd’hui d’utiliser du logiciel libre ou, en tout cas, de commencer à utiliser du logiciel libre avant, peut-être, d’en utiliser à 100 %.
Aliette, est-ce que tu as quelque chose à ajouter, un message à faire passer ou simplement rappeler le site web de l’évènement et puis les dates importantes ?
Aliette Lacroix : Effectivement : allez voir sur la carte fete-des-possibles.org et je vous invite vraiment à participer aux rendez-vous, il y en a pour tous les goûts et je trouve qu’il y aura vraiment des choses super chouettes. Rendez-vous du 15 au 30 septembre.
Frédéric Couchet : Merci pour ce rendez-vous. Nous encourageons évidemment toutes les structures autour du logiciel libre l’an prochain à se mobiliser encore plus puisque c’est l’occasion, effectivement, de sensibiliser un public très large. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose Isabella ?
Isabella Vanni : Non c’est tout ; je pense qu’on a bien cerné le sujet.
Frédéric Couchet : En tout cas rendez-vous du 15 au 30 septembre ; l’Appartement de la Transition à Paris c’est du 13 au 16 et rendez-vous sur le site fete-des-possibles.org et aussi sur l’Agenda du Libre pour retrouver les évènements plus orientés logiciel libre. Aliette on te remercie de ta participation.
Aliette Lacroix : Merci beaucoup à vous.
Isabella Vanni : Bon courage pour ces derniers jours avant le lancement de l’évènement.
Aliette Lacroix : C’est précieux ! Merci.
Frédéric Couchet : Merci Aliette, à bientôt.
Aliette Lacroix : Merci. À bientôt.
Isabella Vanni : Merci, à bientôt.
Frédéric Couchet : Avant de changer de sujet nous allons faire une petite pause musicale et j’ai une pensée amicale pour notre ami Christian Momon, je sais qu’il adore cette chanson, enfin ce morceau. C’est une version piano de la Free Software Song, la Chanson du logiciel libre par Markus Haist.
Pause musicale : Free Software Song, la Chanson du logiciel libre par Markus Haist.
Frédéric Couchet : Vous venez d’entendre une version piano de la Chanson du logiciel libre par Marcus Haist. Vous écoutez toujours l’émission Libre à vous ! sur radio Cause commune, l’émission pour comprendre et agir avec l’April.
Nous a rejoints Jean-Baptiste Kempf du projet VideoLan et VLC qui interviendra tout à l’heure, d’ici une petite quinzaine de minutes sur la partie DRM avec l’avocate Marie Duponchelle.

Maintenant nous allons changer un peu de sujet, parce que nous allons faire le point sur le sujet récurrent de cette émission depuis que nous avons commencé, qui est la directive sur le droit d’auteur. Rappelez-vous, lors de l’émission du 3 juillet, nous vous annoncions qu’il y avait un vote très important au Parlement européen. Étienne, est-ce que tu peux nous faire un point de la situation ? Qu’est-ce qui s’est passé le 5 juillet 2018 lors du vote au Parlement européen ? Et qu’est-ce qui va arriver d’ici le 12 septembre 2018 car un nouveau vote va avoir lieu ?
Étienne Gonnu : Effectivement, comme tu le dis, le 5 juillet il y a eu un vote très important, d’autant plus important qu’il nous a été favorable, il nous a mis dans une dynamique plutôt positive, même très positive. On va peut-être revenir rapidement sur les enjeux de ce texte et pourquoi est-ce qu’on en parle à chaque émission depuis le lancement de Libre à vous ! ; ça fait plusieurs mois que c’est notre dossier chaud.
Il faut savoir qu’il y a une révision en cours de la directive droit d’auteur. Pour rappel, nous, au cœur de notre critique et de la critique en général sur ce texte, c’est l’article 13, parce que l’article 13 entend imposer aux plateformes — alors décrites comme des services de partage de contenus mis en ligne par les utilisateurs et les utilisatrices — de passer des accords de licence avec les sociétés de gestion de droits d’auteur ; c’est déjà compliqué, on peut imaginer, de passer des accords sur l’ensemble des contenus potentiellement soumis au droit d’auteur ! Et afin d’assurer — c’est là où le bât blesse vraiment —, c’est afin d’assurer le respect de ces accords, ça imposerait aux plateformes de mettre en place des filtres automatisés pour vérifier que les contenus mis en ligne contreviennent, ou non, au droit d’auteur et c’est ce qui nous inquiète tout particulièrement.
Pour rappel également sur les enjeux : lors de l’émission du 5 juin, du mardi 5 juin, on avait discuté du régime de responsabilité de ces intermédiaires techniques, les plateformes, vis-à-vis justement du contenu mis en ligne par les personnes qui utilisent ces services ; c’est vraiment ça qui est remis en cause et tout l’enjeu, on en avait parlé : là on est dans un régime où les plateformes ne sont pas tenues de surveiller ; il y a même interdiction de leur imposer de surveiller les contenus, elles doivent seulement agir après coup, c’est-à-dire si on leur dit qu’il y a un contenu potentiellement illicite elles doivent agir et là, tout l’enjeu et l’objectif de cet article 13, ce serait de leur imposer de faire un contrôle à priori, de vérifier en amont la licéité ou non des contenus mis en ligne.
Le 3 juillet, on avait abordé plus spécifiquement la question des filtres, des systèmes de filtrage automatisés, montré finalement à quel point ils sont intrinsèquement dysfonctionnels et pourquoi est-ce qu’on parle si fortement d’un risque de censure. On avait pu en parler notamment avec Pierre Beyssac qui avait rédigé un article très intéressant sur le sujet.
Je vous invite, si vous voulez replonger dans ces enjeux-là, les émissions ont été transcrites et il y a tous les liens, comme à chaque fois, sur april.org.
Frédéric Couchet : Il y a à la fois les podcasts qui sont sur le site de cause-commune.fm, dans les archives de l’émission Libre à vous ! et sur le site de l’April il y a aussi les transcriptions qui sont faites par la géniale Marie-Odile. Donc n’hésitez pas à relire pour, effectivement, vous remettre un petit peu dans le contexte de ce projet de directive droit d’auteur et notamment l’article 13.
Donc ce fameux vote du 5 juillet ?
Étienne Gonnu : Le 3 juillet on était donc à deux jours de ce très important vote.

Pour comprendre ce vote du 5 juillet et comment on en est arrivés là ; on avait déjà abordé, mais je pense que c’est bien peut-être de remettre très rapidement ces éléments, c’est-à-dire d’avoir à l’esprit le parcours normal, on va dire, de l’élaboration d’une directive.
En septembre 2016, la Commission européenne propose un texte qui, dès le départ, était particulièrement inquiétant, il y avait déjà ce germe, il avait y déjà, finalement, cette idée du filtrage automatisé. Une fois que la Commission, et ça c’est de manière générale, propose une directive, le Conseil de l’Union européenne – ce serait un peu l’équivalent du Conseil des ministres, des représentants de chaque État membre qui se réunissent sur une thématique donnée, donc là le droit d’auteur – et, de l’autre côté, le Parlement européen, ces deux institutions, chacune de son côté, vont élaborer leur version, quelque part, leur rapport sur la proposition de la directive. Une fois que ces deux institutions ont leur propre rapport, leur propre version du texte, la Commission, le Conseil et le Parlement ou, du moins, les représentants de ces institutions, se retrouvent pour négocier on va dire un compromis final, un texte final qui, à la fin de ce parcours, sera soumis au vote du Parlement.
Au niveau spécifique du Parlement, en fait c’est une commission parlementaire – on a un système qui est relativement semblable en France ; dans le cas du droit d’auteur c’est systématiquement la commission des affaires juridiques, la commission JURI.
Frédéric Couchet : Ça peut être aussi la commission culture.
Étienne Gonnu : Je crois qu’elle a été saisie de droit.
Frédéric Couchet : Elle a été saisie pour avis. Effectivement la commission au fond c’est la commission juridique qui n’a jamais été très favorable aux gens qui prônent le partage ou même, simplement, aux intérêts du public, on peut dire. Voilà !
Étienne Gonnu : Oui. Historiquement, elle est connue par sa rigidité, on va dire. Et ça s’est avéré, malheureusement, être le cas encore une fois, cette fois-ci.

Cette commission JURI a développé son rapport et en juin, en fait, elle a donné mandat sur le rapport qu’elle a produit – donc un rapport tout à fait rétrograde comme on pouvait s’y attendre, en gros qui reprend, sans modifier vraiment la position de la Commission européenne, donc filtrage automatisé et ainsi de suite –, donc en juin, sur la base de ce texte, elle a donné ce qu’on appelle mandat au rapporteur, donc Axel Voss, pour aller défendre et porter ce texte dans ce que j’évoquais, la négociation interinstitutionnelle, le fameux « trilogue » avec la Commission et le Conseil.
Et là, c’est une chose assez rare, mais il y a une procédure qui existe et qui permet à 10 % des parlementaires de mettre au vote ce mandat pour chercher à rejeter le mandat donné au rapporteur. Et ça, c’était l’enjeu de ce vote du 5 juillet. Les parlementaires réunis dans ce qu’on appelle en plénière, c’est-à-dire l’ensemble des parlementaires ont voté « non on ne vous donne pas mandat pour aller défendre ce texte » ; c’est ce qui s’est passé.
C’est très intéressant, déjà parce ça nous met aussi dans une dynamique. Ça permet, et c’est tout l’enjeu, tu parlais du vote, effectivement la date cruciale du 12 septembre, là ça a ouvert le débat et ça va permettre aux parlementaires vraiment de voter sur le fond du texte, de pouvoir l’amender et de pouvoir, et c’est ce que nous on défend, voter potentiellement un rejet de l’article 13, également de l’ensemble de la directive, car elle contient très peu d’avancées et surtout des menaces ; et particulièrement donc nous ce qu’on défend c’est le rejet de l’article 13 et c’est donc l’enjeu du 12 septembre.
Frédéric Couchet : En fait, le signal envoyé par le Parlement européen le 5 juillet, c’est qu’on veut rediscuter du fond du texte et on ne donne pas mandat à Axel Voss, donc le rapporteur de la commission des affaires juridiques, pour aller négocier directement avec la Commission européenne et le Conseil – le Conseil ce sont les gouvernements – le texte final. Il faut bien comprendre, côté Conseil ils ont une propre proposition et effectivement, le but après c’est de converger.
Là le Parlement européen a envoyé ce signal : nous on veut revenir sur le fond pour voir soit si on peut corriger les effets négatifs de ce texte et donc ce sont les enjeux du retour en plénière là, soit carrément rejeter ce texte, ce qui est toujours possible ; l’histoire de nos mobilisations le montre. ACTA, il y a quelques années, a été rejeté et, plus anciennement encore, la volonté de mettre des brevets logiciels, en tout cas de valider les pratiques de l’Office européen des brevets via une directive brevets logiciels avait été aussi rejetée. Donc là on revient au fond dans la plénière qui va s’ouvrir dans quelques jours.
Étienne Gonnu : Tout à fait. C’est pour ça aussi qu’on défend spécifiquement, enfin plus fortement et de manière déterminée, le rejet de cet article 13, tout en voyant l’intérêt d’un débat de fond. Il y a eu beaucoup de tensions dans la préparation de ce texte, notamment avec des positions assez caricaturales : rappelons-nous des défenseurs de l’article 13 qui, en gros, balayaient d’un revers de la main toutes les critiques qui étaient faites contre l’article 13 comme étant, finalement, l’action uniquement des GAFAM ou de personnes manipulées par Google et compagnie, donc incapables d’esprit critique, etc., donc vraiment très cyniques et méprisants, on peut le dire. Donc il y a autour cette crispation et on peut difficilement imaginer qu’on ait suffisamment de temps pour élaborer quelque chose qui soit un texte équilibré par rapport à la version qui est proposée. Après, on peut toujours être sur du « moins pire » entre guillemets, mais je ne pense pas qu’on puisse se satisfaire de ça.
Demain il y a une date importante. Demain, donc 5 septembre, c’est la date limite pour les parlementaires pour qu’ils puissent déposer des amendements, dont un amendement de rejet de l’article 13, on ne doute pas qu’il sera présent ; donc on va voir sur quoi on va pouvoir retravailler. On a déjà des prémisses. Le rapporteur Axel Voss et le parlementaire français qui est un des plus fervents et ardents défenseurs d’un droit d’auteur, on va dire figé dans une vision de l‘ancien monde, ont déposé leur proposition.
Frédéric Couchet : Il s’appelle comment ce parlementaire ?
Étienne Gonnu : Oui, je vais vous le nommer, il mérite pourtant, Jean-Marie Cavada ! On voit qu’ils proposent des textes — ils nous disent que ça change tout —, mais tout aussi voire encore plus liberticides peut-être même que l’article 13 et imposant clairement finalement, même s’ils disent le contraire, un filtrage automatisé et généralisé des contenus qu’on met en ligne.
Frédéric Couchet : Donc demain, en fait, on aura à la fois à disposition le contenu de la proposition initiale qui est soumis aux parlementaires ainsi que les différents amendements, ce qui permettra de voir effectivement les différentes actions possibles et, pour les parlementaires, de voir s’il y a des amendements de rejet de l’article 13.
Là on ne parle que de l’article 13, mais il y a d’autres articles qui sont aussi importants. Par exemple, les gens de Wikimedia sont très mobilisés contre l’article 11 pour ce qui concerne le droit voisin pour les éditeurs de presse, mais nous, effectivement, on est plus focalisés sur l’article 13. Il y a beaucoup d’amendements qui vont être disponibles et qui, normalement, devraient être disponibles sur le site du Parlement européen dès demain.
Étienne Gonnu : Dès demain ou jeudi, mais assez rapidement.
Frédéric Couchet : Ou jeudi.
Étienne Gonnu : La date limite pour les dépôts est demain donc à priori les versions officielles seront disponibles dans les jours à venir. Et c’est vrai que là on pourra mieux s’organiser pour agir et, à défaut de rejet, peut-être de voir dans quelle direction… C’est important, je pense, d’avoir un cap aussi ambitieux et déterminé qui nous permet d’avancer avec plus d’énergie. Du coup, on peut se demander comment agir et là c’est important.
Frédéric Couchet : J’allais te le demander.
Étienne Gonnu : Nous, on peut effectivement et c’est aussi le propre, l’intérêt d’une association comme l’April, on a du temps – moi j’ai cette chance en tant que permanent, de pourvoir agir en semaine –, mais c’est sûr que d’avoir une action et une mobilisation citoyenne importante c’est ça finalement qui a aussi un impact. C’est un impact déterminant.
Clairement le mieux — et c’est toujours le cas, on avait déjà pu l’exprimer lors des précédentes émissions — c’est de prendre contact avec les parlementaires, déjà par courriel et, encore mieux, par téléphone.
Il y a un site, et on l’avait déjà évoqué, de la campagne Save Your Internet ; on vous mettra tous les liens sur april.org. Il a fait peau pour cette rentrée, enfin pour ce vote à venir. Ils ont un outil que je trouve très intéressant parce qu’en fait il permet de trier les parlementaires avec un visuel très simple pour savoir comment ils ont voté le 5 juillet donc, à priori, quelle est leur position vis-à-vis de l’article 13 : en vert ils avaient voté contre donc pour les libertés informatiques et en rouge ils avaient voté pour le filtrage des contenus. Ça permet déjà, eh bien d’avoir un aperçu de qui chercher à convaincre et après c’est possible de les trier aussi par groupe politique donc ça permet à chacun, selon ses affinités, de prendre contact avec quelqu’un que, peut-être, il lui sera plus facile de convaincre.
Ils proposent un générateur de message. Nous, on recommande plutôt d’écrire directement un courriel, déjà parce que ça évite un effet spam qui peut être contre-productif et d’ailleurs ça servait d’alibi pour les défenseurs, comme je vous le disais, qui traitaient la mobilisation d’être au service des GAFAM. Chacun appréciera la teneur, la justesse de cette attaque quand elle est faite à l’April, à Framasoft, à Wikimedia, à La Quadrature du Net et ainsi de suite. Mais au-delà de ça, je pense que les parlementaires sont souvent assez sensibles aux prises de contact réelles, plus personnelles. Il n’y a pas besoin de développer un argumentaire forcément très abouti et très détaillé dans le sens où ils en reçoivent énormément – là c’est ce qu’on essaie, en tant qu’April, de leur proposer sur nos sujets –, mais ce qui les intéresse et ce qui leur parle, je pense, c’est de sentir que la mobilisation est réelle ; il y a des vrais individus, il y a des vraies personnes qui se mobilisent et qui agissent. Et le simple fait, en fait, de faire cette démarche-là les convainc aussi que, pour les gens, c’est quelque chose d’important parce que ce n’est pas forcément une démarche qui est simple en soi et, quand on prend ce temps-là, ça les convainc aussi de cela. Et c’est pour cela que l’idéal, encore plus, c’est l’appel parce là on montre qu’il y a une vraie personne, il y a un contact direct. Et dans un contexte où il y a une très forte tension de lobbies, je pense que ça donne un corps humain et ça montre une réalité des inquiétudes.

Donc un appel ou une prise de contact peuvent avoir un effet bien plus important, je pense, qu’on peut se le représenter.
Maintenant, c’est un peu moindre mais ça garde du sens et ça reste quelque chose de très utile, c’est tout simplement la mobilisation en ligne sur les réseaux sociaux : Mastodon, Twitter, Diaspora ; plutôt Mastodon et Twitter parce qu’ils ont je pense, en termes de mobilisation, ça permet une visibilité qui n’est pas la même, mais tout relais, ne serait-ce que de l’information, est toujours utile.

Il y a différentes manières de faire. Pareil, nous on a fait une actu vendredi, « Comment agir le 12 septembre », avec le lien sur le site april.org ; on détaille différentes manières d’agir.
Peut-être juste évoquer la campagne Save Your Internet qui lance ce qu’ils appellent une action week
Frédéric Couchet : saveyourinternet.org
Étienne Gonnu : point eu.
Frédéric Couchet : Point eu d’accord ; heureusement que je te le demande, c’est point eu, et même si le titre du site est en anglais il est traduit dans différentes langues dont le français.
Étienne Gonnu : Pas intégralement, mais notamment l’outil que je vous disais pour sélectionner les parlementaires, là, pour le coup, il est en français effectivement.

Donc ils font une semaine d’action du 4 au 11, 11 la veille du vote et avec cette idée avec chaque jour une thématique donnée. Aujourd’hui, de mémoire, c’est pour dédier aux défenseurs des droits humains, des libertés informatiques, donc c’est vrai que ça vise assez largement, mais je pense que c’est pour centrer notamment sur la liberté d’expression et les dangers vis-à-vis de ça. Et demain ils appellent tous les développeurs et développeuses de logiciels, finalement tous ceux qui sont attachés à défendre le logiciel libre, à faire du bruit et à montrer que les gens sont concernés par ça, s’inquiètent de ces sujets-là et donc faire du bruit en ligne, avec utilisation de mots clefs, etc., mais comme je vous le disais tout ça est rappelé sur notre actu récente.
Je pense vraiment que cet angle par jour permet de montrer, et c’est ça qui est important et c’est ce qu’on défend aussi depuis le début c’est, qu’en fait, il y a une ampleur dans la mobilisation, une diversité aussi des personnes qui se mobilisent et des résistances, ce qui montre aussi une diversité des menaces qui sont perçues contre ce texte.
Peut-être juste rappeler que, dans tout cela, lot de consolation on peut appeler ça, mais il y a une exception, les forges logicielles – on s’était mobilisés au début pour ça – donc les plateformes de création et de partage de codes sources pour la création, le développement de logiciels étaient concernées et donc aurait dû mettre des filtrages en place.
Frédéric Couchet : De logiciels libres principalement mais pas que.
Étienne Gonnu : Voilà, c’est ça. Et par notre action et celle d’autres, notamment la campagne Save Code Share, on a obtenu leur exclusion du champ d’application de ce texte, mais c’est aussi parce qu’on a réussi à donner de la visibilité. On peut imaginer d’autres secteurs qui n’ont peut-être pas eu la même capacité de mobilisation. C’est pour ça que c’est important de se réunir, d’agir et de faire du bruit pour dire non, quoi ! Comme on a fait avec ACTA, comme on a fait avec les brevets logiciels, et ne pas se laisser faire face au vieux monde.
Frédéric Couchet : Eh bien écoute, merci Étienne. Je crois que c’est très clair. Les dossiers de référence c’est april.org sur lequel il y a effectivement notre actu et il y a une petite image sur la page d’accueil qui envoie directement, ensuite, sur le site de campagne. Le site de campagne c’est saveyourinternet.eu dont la partie mobilisation est disponible en français.

On va changer, mais pas totalement, de sujet, parce qu’on va aborder un sujet qui aurait pu faire l’objet d’ailleurs de débats dans la directive droit d’auteur.
Étienne Gonnu : Qui aurait dû même !
Frédéric Couchet : Qui aurait dû même ; on ne va pas revenir sur l’historique, notamment l’absence de cette partie-là. Donc on va parler effectivement DRM, qu’on va bientôt définir et plus généralement, en fait, du thème du contrôle des usages privés considérés comme légitimes.

Vous êtes sans doute encore nombreuses et nombreux à utiliser des supports traditionnels des œuvres de l’esprit, par exemple un livre papier. Une fois que vous avez acheté ce livre papier vous disposez de libertés fondamentales, comme celle de le lire comme bon vous semble : vous pouvez sauter des passages, commencer par la fin, le relire autant de fois que vous voulez, l’annoter, le prêter.
De même, pour les personnes qui portent des lunettes, et nous sommes deux autour de la table sur trois personnes, on ne vous impose pas, quand vous achetez un livre, une paire de lunettes avec un prix en plus ; on ne vous dit pas « les lunettes que vous avez là c’est une marque qu’on ne connaît pas, dans laquelle nous n’avons pas confiance, vous ne pouvez donc pas les utiliser pour lire ce livre ; vous devez utiliser nos marques de lunettes à nous dans lesquelles nous avons confiance. »
Vous exercez donc votre droit des usages considérés, comme pour la plupart des gens, légitimes.
Et puis, dans ce monde traditionnel, ce sont des pratiques qu’on ne peut pas vraiment contrôler. Parce que sinon, pour contrôler votre usage du livre, si on prend cet exemple-là, vous imaginez un agent assermenté de l’éditeur qui apparaîtrait tout d’un coup à vos côtés, vous tapoterait l’épaule et vous dirait « non, tu dois commencer ta lecture par le premier chapitre, avec toutes les annonces des prochains livres et les alertes sur les dangers ou pseudo-dangers de la contrefaçon, avant même de commencer la lecture de ton roman. Et puis de la même façon, si tu veux relire une deuxième fois le livre, eh bien il faut que tu repasses à la caisse. Et pareil, tu portes des lunettes, eh bien non ! Tu ne dois pas prendre tes lunettes habituelles, tu dois prendre les lunettes qu’on a vendues avec le livre. »

Évidemment c’est un peu Big Brother. Ce contrôle absolu des usages privés est inimaginable, bien entendu, sauf qu’il est inimaginable dans le monde traditionnel. Mais en fait pas pour tout le monde car certaines personnes, enfin de très nombreuses personnes et organisations, notamment qui produisent des livres numériques, des DRM, ou tout objet numérique, considèrent qu’à partir du moment où techniquement on peut contrôler des usages, même privés, eh bien on va le faire, parce qu’après tout, si la technique le permet, on ne va pas se gêner si on peut contrôler des usages privés !
De nos jours un exemple : quand vous achetez un DVD ou de la musique en ligne, très généralement, on — le « on » étant le producteur, les industries culturelles — vous impose par exemple de visualiser certaines plages sur le DVD – publicité ; on vous impose aussi le choix d’un lecteur multimédia : vous téléchargez de la musique sur un site, vous devez utiliser le lecteur multimédia qui est fourni avec ce site et pas un autre. Et ce contrôle d’usage se met en place par ce qu’on appelle les DRM, qu’on va redéfinir après, bien entendu, qui est un outil technique qui contrôle un usage privé, mais aussi surtout par leur protection juridique.
C’est de cette informatique qu’on appelle déloyale dont il va être question avec nos invités. On va commencer par la personne qui est au téléphone pour être sûr qu’elle est bien avec nous. Donc Marie Duponchelle, maître même Marie Duponchelle, est-ce que tu es avec nous ? Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots s’il te plaît ?
Marie Duponchelle : Oui bonjour Fred. Bonjour, merci beaucoup pour l’invitation.

J’ai travaillé pendant plusieurs mois à l’April ; j’ai eu ce plaisir-là de travailler à tes côtés et j’ai également travaillé dans d’autres associations du logiciel libre, en particulier sur le domaine de la protection via les DRM, à l’époque, donc en 2010-2011-2012, où c’était un vrai enjeu, une vraie problématique. Aujourd’hui je suis avocat et j’ai travaillé, j’ai donc édité un livre suite à ma thèse, sur le droit à l’interopérabilité, je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler aussi, et sur ce problème du régime juridique des DRM.
Frédéric Couchet : Exactement. Nous en parlerons. Donc ta thèse est intitulée « Le droit à l’interopérabilité : études de droit de la consommation ».
Marie Duponchelle : C’est compliqué à dire.
Frédéric Couchet : Effectivement, c’est l’un des mots sans doute les plus compliqués ; c’est un bon exercice de diction. On essaiera d’expliciter ce terme que tout le monde ne comprend pas forcément, même parmi ceux qui pensent le comprendre comme certains experts juridiques, mais c’est effectivement un mot important. Et quand tu disais que tu avais participé, outre à l’April, à d’autres associations du Libre, il y avait évidemment l’association VideoLan. Donc nous avons l’énorme plaisir d’avoir aussi Jean-Baptiste Kempf de VideoLan ; est-ce que tu peux te présenter Jean-Baptiste ?
Jean-Baptiste Kempf : Oui. Bonjour. Merci de m’avoir invité. Je m’appelle Jean-Baptiste Kempf, je suis Parisien depuis très longtemps, je suis un geek et je bosse sur VLC depuis 2004-2005, depuis longtemps. J’ai commencé à travailler sur le projet VLC et VideoLan avant que ce soit une association ; j’ai créé l’association en 2008 et depuis je gère le projet.
Maintenant j’ai créé une entreprise pour, justement, pérenniser des solutions open source autour du multimédia, autour de VLC.
Frédéric Couchet : La société s’appelle Videolabs et c’est pour promouvoir des solutions mêmes libres, parce qu’après tout on est en France, on peut employer le terme logiciel libre ! Je sais bien que tu préfères le terme open source.
Jean-Baptiste Kempf : Je ne préfère pas, j’ai juste cette très mauvaise habitude parce que je ne parle jamais en français, donc moi je dis ça de façon interchangeable parce qu’en anglais c’est vrai, c’est un terme qui n’est pas très bon, parce l’anglais est limité là-dessus. Nous, dans l’association et dans l’entreprise, on ne fait que du logiciel libre et que du copyleft.
Frédéric Couchet : Copyleft c’est une des licences, effectivement, de logiciel libre ; on ne va pas rentrer dans ces détails-là aujourd’hui, ce sera l’occasion sans doute d’une émission un jour. Quand tu disais que tu étais un geek, en fait dans le sens, là, développeur vraiment de logiciels libres, informaticien.
Jean-Baptiste Kempf : Ah oui ! Moi je suis tombé dedans assez tôt et j’ai toujours voulu être développeur. Je me retrouve un peu président de l’association et j’ai créé la boîte peut-être parce que j’étais le moins bon des développeurs, donc il fallait bien quelqu’un qui fasse les tâches administratives ; c’est vrai que moi c’est ça qui m’amuse et surtout, je travaille sur des projets avec VideoLan et VLC qui sont des projets qui sont utilisés par le plus grand nombre. Ce qui nous amuse c’est de travailler pour les utilisateurs et d’avoir des millions d’utilisateurs et pas de faire, comme beaucoup aujourd’hui on a dans le Libre et l’open source, justement des solutions qui sont au niveau du serveur. Nous on travaille pour le grand public ; on est une association pour le grand public.
Frédéric Couchet : D’ailleurs la deuxième question ça va être effectivement de présenter un peu plus en détail, rapidement cependant, à la fois VLC et l’association VideoLan. Mais je vais quand même rappeler que la plupart des gens ignorent que l’outil qu’ils utilisent sur leur ordinateur, qui est représenté par un cône orange et blanc, est déjà un logiciel libre, donc VLC, et que c’est sans doute le logiciel libre français des plus téléchargés au monde ; je ne connais pas les statistiques mais c’est absolument effarant de voir ce nombre de téléchargements, enfin c’est un très gros succès !
Jean-Baptiste Kempf : Ouais, il n’y a pas de doutes. En fait, c’est non seulement le logiciel libre français le plus utilisé au monde, mais c’est aussi le logiciel français le plus utilisé au monde : on parle de 350 à 500 millions d’utilisateurs. Dans le Libre il n’y a que Firefox au-dessus, c’est clair, ou peut-être le noyau Linux. En tout cas, en tant qu’utilisation d’application, c’est clairement un des logiciels les plus gros et c’est intéressant qu’on parle de droits d’auteur et de DRM : une des raisons pour lesquelles c’est un des logiciels qui a été créé en Europe, c’est justement parce que le droit français et le droit européen est beaucoup plus, ou en tout cas était beaucoup plus cool sur la propriété intellectuelle, notamment au niveau des brevets, que le droit américain ou le droit asiatique.
Frédéric Couchet : Est-ce que tu peux juste expliquer en quelques mots ce que fait VLC concrètement ?
Jean-Baptiste Kempf : VLC est un lecteur multimédia. Aujourd’hui c’est peut-être un peu moins problématique, mais pendant très longtemps c’était très difficile de lire des fichiers. Il y avait plein de formats et, pour chacun de ces formats, il fallait installer des codecs.
Frédéric Couchet : C’est quoi un codec ?
Jean-Baptiste Kempf : Un codec c’est, en fait, l’algorithme de compression et de décompression, parce que, pour vous donner une idée, si jamais on ne compressait pas la vidéo, chaque seconde de vidéo aurait besoin de quasiment un DVD ; on ne pourrait pas avoir 2000 DVD pour regarder son film. Donc en fait on compresse, on détruit un peu l’image, et comme votre œil n’est pas génial il n’y voit que du feu !
Ce qui se passe, c’est qu’à l’origine on avait des petits logiciels qui étaient les lecteurs et on installait plein de plugins, des codecs, pour lire les vidéos. Et même si la plupart de ces lecteurs étaient libres, en fait la plupart du travail est fait dans ces plugins et ces plugins ne sont pas ouverts. Donc VLC a été le premier à, justement, arriver avec des codecs et à rendre simple. C’est d’ailleurs la blague aujourd’hui : « VLC ça sait tout ouvrir, ça pourrait même ouvrir des VHS ! » Ce n’est pas exactement vrai, mais c’est vrai que VLC, les gens l’utilisent parce que ça marche. Et ça c’est vraiment un bon point. C’est cool, parce que les gens l’utilisent parce que c’est bien et pas parce que c’est libre.
Frédéric Couchet : Oui. C’est le premier argument. Je me souviens de ma voisine qui me dit « j’ai un problème avec une vidéo que je n’arrive pas à ouvrir avec mon lecteur sous Windows. Qu’est-ce que tu me conseilles ? » Je lui dis « eh bien écoute, installe VLC ». Elle était ravie ; effectivement c’est la preuve par l’exemple que ça marche.
Jean-Baptiste Kempf : Le souci c’est que les gens ne savent pas que c’est libre. De temps en temps ça serait bien ! On essaye ! Mais quand on fait des statistiques, c’est moins de 0,01 % des gens qui viennent sur notre site qui savent ce qu’est le logiciel libre. C’est vraiment gênant mais en tout cas ça montre que quand on apporte quelque chose qui est bien et qui fonctionne bien, les gens aiment.
Frédéric Couchet : Là, il y a beaucoup plus de monde qui va savoir que VLC est un logiciel libre, en tout cas toutes les personnes qui écoutent l’émission le sauront et effectivement c’est une grosse ignorance du côté libre, effectivement, de VLC.
Après cette petite présentation on va demander à Marie de nous faire – c’est un peu le point difficile mais après tout tu es spécialiste du sujet – une définition, une présentation succincte de la notion de DRM. Qu’est-ce qu’un DRM, Marie ?
Marie Duponchelle : Pour l’instant on va rester très simple sur la définition parce que c’est vraiment ! Ça fait partie des problèmes le problème de la définition des DRM. Moi je le définirais tout simplement comme un système technique qui permet à un détenteur de droit, je vais peut-être dire un gros mot, mais droit de propriété intellectuelle, de spécifier, en fait, ce que vous pouvez faire avec le contenu objet du droit de propriété intellectuelle. Est-ce que je peux copier ma vidéo ? Est-ce que je peux la transmettre ? Est-ce que je peux la sauvegarder ? Est-ce que je peux l’ouvrir sur mon ordinateur, sur mon smartphone, sur ma tablette ? C’est donc un petit logiciel qui vous dit concrètement ce que vous pouvez en faire.
Frédéric Couchet : C’est une présentation tout à fait claire. DRM ça vient de l’anglais digital rights management, je n’ai pas du tout l’accent de Jean-Baptiste.
Marie Duponchelle : C’est pour ça qui je lui laisse…
Frédéric Couchet : Moi aussi, mais bon, finalement je l’ai fait. Dans cette notion de gestion des droits il y a deux choses : il y a l’information sur les droits et puis la gestion des droits. Là effectivement, ce que tu expliques, c’est que les DRM aujourd’hui sont avant tout des outils de gestion des droits par les titulaires de droits qui mettent en place, via cet outil technique, eh bien un contrôle des usages, vu qu’ils décident eux-mêmes des droits qu’ils accordent au public. Vas-y.
Marie Duponchelle : En anglais, on utilise effectivement la notion de DRM, digital rights management, c’est-à-dire la gestion des droits numériques. En France, on a une définition qui est un tout petit peu différente et qui dessert un tout petit peu ; c’est pour ça qu’on a des grosses discussions à ce sujet-là puisque moi j’utilise souvent le mot MTP, c’est-à-dire « mesures techniques de protection », ce qui ne veut pas forcément signifier la même chose que « gestion des droits numériques ». On parle là de protection des droits d’auteur, véritablement, avec ces systèmes techniques.
Frédéric Couchet : Tout à fait. Notamment tu utilises ce terme parce qu’effectivement, depuis la loi droit d’auteur en France en 2006 qui découle directement, avec quelques trucs en plus, de la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001, donc celle-là qui est en cours de révision, effectivement le terme consacré c’est « mesures techniques de protection », ce qui montre plus déjà la volonté réelle ; mais en fait, le vrai terme qui devrait être utilisé, que nous on utilise évidemment, qu’on préfère utiliser, c’est « dispositifs de contrôle d’usage » ou « menottes numériques », voire « verrous numériques ».
Donc là on a calé un petit peu une première définition des DRM sans revenir sur tout l’historique parce qu’il faut quand même savoir que tout ça descend de 1996, du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, donc l’OMPI. Imaginez le monde d’Internet, du numérique, en 1996 ; aujourd’hui ça a beaucoup changé. En fait, les lois sur les DRM, donc les mesures techniques, enfin les dispositifs de contrôle d’usage auraient dû aussi évoluer.
Est-ce qu’on peut citer quelques exemples ? Parce qu’évidemment, aujourd’hui on va cibler beaucoup la vidéo avec Jean-Baptiste et Marie, mais est-ce que vous pouvez nous citer quelques autres exemples de DRM dans la vie quotidienne, pour permettre aux gens de comprendre que, finalement, on vit une vraie overdose de DRM ? Jean-Baptiste, Marie ?
Jean-Baptiste Kempf : Les capsules Nespresso. Ils ont essayé d’empêcher d’avoir des capsules compatibles. Aujourd’hui il ne faut pas acheter Nespresso pour d’autres raisons, notamment écologiques, mais c’était vachement pratique, ça c’est vrai. Et ils sont arrivés, ils ont essayé de vous empêcher, empêcher Monoprix et tout ça, de faire des capsules beaucoup moins chères. Et ça c’était juste pour des raisons d’incompatibilité et d’attaques juridiques. Ce n’est pas exactement des DRM mais c’est exactement la même idée. Vous n’avez pas le droit de mettre le café que vous voulez ; vous mettez le café que je vous vends, dont j’ai fait l’approvisionnement et dans lequel j’ai mes marges, etc.
Frédéric Couchet : Marie, vas-y.
Marie Duponchelle : On avait aussi l’exemple dans les imprimantes ; on a eu pendant très longtemps, en fait, des petits systèmes qui vous disaient « si vous ne mettez pas la cartouche imprimante de ma marque, votre imprimante ne marchera plus ! » Au niveau concret c’est à la limite des mesures techniques de protection mais c’est la même problématique et c’est exactement la même logique.
Frédéric Couchet : Étienne, tu as un exemple ?
Étienne Gonnu : Oui, je pensais à un exemple. Moi je suis amateur de jeux vidéos : quand je suis obligé d’être connecté à Internet pour jouer à un jeu qui, pourtant, le jeu lui-même, ne nécessite pas une connexion, mais pour vérifier que je l’utilise comme convenu ou que je n’ai pas une version qui ne serait pas autorisée. Je suis obligé de me connecter ! Je pense que ça relève de cette même logique.
Jean-Baptiste Kempf : Je pense à l’exemple que tu donnais tout à l’heure avec des lunettes qui se brouillent quand tu lis un bouquin ; ça fait rigoler aujourd’hui ; dans 20 ans c’est carrément possible ! Quand on voit l’évolution de la réalité augmentée ou même des Google Glass, aujourd’hui c’est ridicule ; franchement, dans 30 ans, ce n’est pas une blague quoi, c’est tout à fait possible !
Étienne Gonnu : D’avoir accès à une pleine expérience. Si vous avez nos lunettes, vous aurez une expérience supplémentaire.
Jean-Baptiste Kempf : Ce n’est pas déconnant de se dire que dans 15 ans, 20 ans, tout le monde aura des lunettes qui rajouteront des informations, plutôt que d’avoir à sortir son smartphone pour savoir où tu vas ; ça peut être vachement cool pour plein d’utilisations. Donc ce n’est pas débile de se dire que ça va être quelque chose qui va être généralisé. Oui, maintenant vous n’avez pas le droit de passer par là. Donc il y a des possibilités vraiment gênantes !
Moi je n’utilise pas de DRM.
Frédéric Couchet : Tu utilises quoi ?
Jean-Baptiste Kempf : Je ne parle pas de « management » à chaque fois, je ne dis pas « gestion », je dis « limitation » et c’est ce que je dis aussi en anglais, je parle de digital rigths limitations. Parce que le management donne l’impression qu’il y a une gestion, que ça simplifie, alors qu’en fait, pour l’utilisateur, c’est une limitation de ses droits et ça c’est très important.
Frédéric Couchet : D’ailleurs quand tu parles de l’acronyme en anglais, une autre utilisation de l’acronyme en anglais c’est digital restrictions management, donc c’est dans la même logique de restrictions. Marie tu voulais rajouter un exemple ?
Marie Duponchelle : Je pense qu’on a déjà pas mal fait le tour, mais on a aussi, on a eu des gros exemples, ils sont en train de revenir dessus, mais dans les livres numériques. Ça a été vraiment un des secteurs où ils ont utilisé à outrance les DRM ; ils se sont rendu compte de leur bêtise et ils sont en train de faire machine arrière complètement.
Frédéric Couchet : C’est notamment un sujet qu’on abordera. Je précise d’ailleurs que c’est une première émission sur les DRM parce que, comme vous allez le comprendre, c’est un large champ et nous ré-aborderons ce dossier-là notamment sur la partie livres avec notre libraire préférée Magali Garnero qui est à la fois libraire et une activiste du logiciel libre et qui connaît bien. Et on parlera aussi des choses vertueuses comme ceux qui offrent, enfin qui proposent des plateformes, des solutions sans DRM. Mais là on va plutôt parler de la problématique.
Jean-Baptiste, j’aimerais que tu nous expliques un petit peu techniquement, parce que très récemment j’étais chez mes beaux-parents et on a eu une discussion entre DVD et Blu-ray, donc DVD machin et j’ai essayé de leur expliquer la différence, en fait le type de protection. Est-ce que tu pourrais nous expliquer, en essayant d’être le plus simple possible même si ce n’est pas évident, d’expliquer comment un DRM fonctionne techniquement en prenant deux exemples, on va dire ce que j’appelle moi les DRM 1.0, c’est-à-dire le DVD et les nouveaux DRM, type, par exemple, Blu-ray.
Jean-Baptiste Kempf : OK. L’idée du DRM c’est qu’on vous donne un média numérique, quelle que soit la forme, que ce soit de l’audio, de la vidéo, du texte et, en fait, on le chiffre. C’est-à-dire que vraiment c’est comme de la crypto pour du secret, c’est-à-dire qu’on brouille avec une clef et seules les personnes qui ont le droit d’ouvrir la clef du coffre vont pouvoir ouvrir le média et être capables de le lire. Donc c’est comme ça, en fait, qu’on fait quand on envoie des e-mails ou qu’on fait du https; c’est une utilisation normale. Sauf que là vous êtes dans le cas où on vous donne un média qui est donc chiffré et on vous donne la clef en même temps puisqu’il va bien falloir lire sur votre matériel, et on vous dit « je te donne le média chiffré, je te donne la clef, mais surtout, tu ne regardes pas la clef ! » Et c’est le problème fondamental des DRM. C’est-à-dire que, évidemment, vous allez dire « eh bien attends j’ai la clef, moi j’ai acheté un nouvel ordinateur, je veux lire mon fichier, mon DVD, mon Blu-ray sur mon nouvel ordinateur ; j’ai changé de système d’exploitation que ce soit des systèmes d’exploitation libres ou des systèmes d’exploitation pas libres, mais je veux toujours le lire. » Et là on te dit « ah ouais, mais tu n’as pas le droit de regarder la clef ! » Et toi tu dis « écoute, t’es gentil, j’ai payé mon DVD, je regarde quand même la clef. »
Donc déjà par conception, en fait, c’est quelque chose qui est complètement cassé et même conceptuellement faux et qui ne peut pas fonctionner.
Donc la seule façon pour que les gens qui veulent que vous ne regardiez pas votre clef arrivent à leurs fins, c’est qu’ils vont mettre des choses dans votre ordinateur, que vous ne contrôlez pas.
Donc arrive tout ce qu’on appelle l’informatique déloyale où, en fait, il se passe des choses sur votre ordinateur, que ce soit de l’espionnage, tout ce que vous pouvez faire, et c’est une partie de l’ordinateur qui ne répond pas à vous. C’est maintenant même dans les microprocesseurs et le but principal de ça c’est de gérer les problèmes de DRM.
Ça c’est un glissement qui est gravissime parce que je vais dire un peu en rigolant, là on ne parle que de DRM, ce n’est pas très grave, c’est juste des DVD et des Blu-ray, mais ça veut dire qu’on se met à avoir des parties sur ses ordinateurs qu’on ne contrôle plus. Et après on parle de l’affaire Snowden, on parle des problématiques de liberté fondamentale et on parle de politique. À partir du moment où vous ne contrôlez plus votre ordinateur alors que vous faites tout sur un ordinateur aujourd’hui, on a un glissement qui est très grave.
En fait les industries, parce que c’est bien un problème d’industrie culturelle, entre guillemets « culturelle », poussent, en fait, à avoir de l’informatique que vous ne contrôlez plus et où vous êtes contrôlé par votre machine. Et ça c’est très grave pour plein d’autres raisons.
Pour répondre, en fait les deux générations ce n’est pas vraiment ça.
Le DVD, il y a une clef par disque et dès que vous avez la clef, et dès que vous avez une clef, en fait une clef fondamentale, ça marche pour tout le monde. La partie, ce que j’appelle Blu-ray c’est la version 1.1 quoi, c’est qu’en fait la clef dépend du lecteur et du disque et du logiciel qui est lu.

Mais la version 2 des DRM ce n’est pas celle-là. La version 2 des DRM c’est celle où tout se fait en ligne. C’est-à-dire que dès que vous achetez un film sur Amazon, sur Netflix, etc., en fait vous ne l’achetez pas, vous le louez. Et tout ce système-là n’est fonctionnel qu’au bon vouloir des gens et des plateformes.
Frédéric Couchet : Effectivement, tu as raison de me corriger sur la numérotation des DRM, mais l’idée que j’en retiens et c’est aussi ce que j’expliquais aux gens avec qui j’en discutais, c’est qu’à l’époque des DVD techniquement c’était des DRM qui étaient faciles à comprendre et à contourner et donc ça n’a pas posé de problèmes techniques, notamment à VLC, pour pouvoir lire des DVD sur des systèmes libres parce que ce n’était pas prévu par ces industries culturelles à la base. Mais plus les DRM s’améliorent plus ça devient compliqué même si en fait techniquement, on le sait, tout ce qu’un être humain est capable de mettre en place va être cassé par un autre être humain, mais ça devient quand même de plus en plus compliqué.
Jean-Baptiste Kempf : Ça c’est clair. Le chiffrement au niveau de DVD c’est une blague ; c’est-à-dire que votre téléphone le casse en une seconde. Le chiffrement sur les Blu-ray on parle du chiffrement de qualité militaire des années 2010, quoi ! On parle vraiment de choses très compliquées, très difficiles à casser et, en fait, il faut bien que les gens comprennent : l’important des DRM ce n’est pas d’empêcher la copie. Ça c’est le gros mensonge que les gens ne comprennent pas et que tous les hommes politiques ressortent ; ils pensent que c’est du digital rigths management : c’est vraiment pour contrôler le droit d’auteur. Et en fait ça n’est pas le cas. Pourquoi ?
Si jamais les DRM fonctionnaient on n’aurait pas tout disponible sur les sites de piratage. Or, la moindre chose qui passe à la télé, en à peu près entre 20 minutes-une demi-heure c’est sur The Pirate Bay, sur plein d’autres sites. Tous les contenus sont disponibles, en fait, sur des sites de piratage et donc c’est bien que leur système de protection n’est pas efficace et ne fonctionne pas. Ce qui est marrant c’est que le terme français c’est « mesures techniques de protection » et il y a « efficace » dans la loi. Ce n’est pas efficace ! Oui !

Mais leur but ça n’est pas d’empêcher le piratage ; leur but c’est de contrôler la chaîne de distribution. Et là, même quand on en parle à la plupart des hommes politiques qui votent ces lois, ils ne comprennent pas ça. Le but c’est que votre café vous l’achetiez chez Nespresso qui l’a acheté chez son grossiste, qui l’a acheté dans toute la chaîne sur laquelle il a récupéré de l’argent à tous les niveaux. Vous voyez bien au cinéma ! C’est toujours les mêmes distributeurs ; c’est toujours les mêmes, il y a trois ou quatre majors et l’important c’est que quand vous achetez votre lecteur de Blu-ray vous achetiez à Sony qui a payé sa patent à ses potes de Dolby, qui a payé sa patent à ses potes de Universal. Et le but c’est d’éviter qu’il y ait d’autres canaux de distribution qu’ils ne contrôlent pas, sur lesquels ils pourraient avoir de la concurrence. Parce quand on voit qu’on doit acheter ou louer pour 24 heures un film HD à 17 euros ; c’est une blague. En fait il n’y a aucune concurrence parce qu’ils contrôlent l’ensemble de la chaîne de distribution et ils empêchent qu’il y ait la moindre industrie culturelle qui ne soit pas contrôlée par eux.
Frédéric Couchet : C’est extrêmement clair. Et on a aussi compris, effectivement, que la technique a ses limites malgré tout et donc les promoteurs de ces solutions d’informatique déloyale, outre le fait de pousser les DRM, à un moment se sont dit « oui mais les DRM ont des limites, on va donc mettre une protection juridique interdisant le contournement des DRM. » Là je fais appel à maître Duponchelle qui a suivi ce dossier de près. Est-ce que tu peux nous faire un petit point justement sur cette « protection juridique », et je mets des guillemets évidemment, des DRM.
Marie Duponchelle : C’est très intéressant ce que Jean-Baptiste a exposé puisque c’est vraiment ce qu’il faut comprendre, c’est l’esprit dans lequel a été mis en place le système des DRM et le système juridique des DRM qui l’entoure.
Concrètement on s’est très vite rendu compte, tu l’as dit Fred, le régime juridique c’est 1996, donc il n’y avait pas l’Internet grand public comme on l’a aujourd’hui. On a deux traités internationaux en 1996 au niveau de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, on a une directive en 2001, la directive EUCD, et on a texte en 2006 qui est la loi DADVSI, la loi sur les droits d’auteur et les droits voisins. On s’est très vite rendu compte que, comme dans beaucoup de textes juridiques, la loi est là, mais la performance technique et la performance des geeks est là aussi et dès qu’il y a un DRM, eh bien il y a la technique à côté qui permet de entre guillemets, je mets bien des guillemets, de « craquer » le système des DRM.
Si on n’avait pas mis de protection juridique pour empêcher ces actes techniques, les protections par le biais de ces DRM auraient été totalement inefficaces. C’est vraiment cet enjeu-là et c’est vraiment ça qui a été mis en avant quand on a commencé à discuter d’une protection juridique du DRM. Concrètement ça veut dire quoi ? Ça veut dire : vous n’avez pas le droit toucher aux DRM, même si vous savez le faire.
Frédéric Couchet : Et quel que soit l’usage finalement. Même si c’est un usage légitime ?
Marie Duponchelle : C’est là où il y a eu des grosses discussions c’est qu’on a mis en avant, et ça a été mis en avant dans toutes les discussions à toutes les différentes phases — 1996, 2001 et 2006 — c’est : vous nous mettez des protections techniques, effectivement pour empêcher les violations du droit d’auteur et des droits voisins, mais ces protections techniques peuvent empêcher certains droits légitimes pour les particuliers. Je pense, et ça va parler à tout le monde tout de suite, à ce qu’on appelle le droit à la copie privée. C’est-à-dire qu’aujourd’hui tout le monde a le droit, quand il a un contenu numérique, il a droit à ce qu’on appelle une copie privée, c’est-à-dire qu’il a le droit de garder pour lui, de faire un usage pour lui et de le transférer sur le support de son choix. Sauf que si vous mettez un obstacle technique comme les DRM vous ne pouvez pas faire la copie privée, puisque concrètement il y a un logiciel sur votre film qui vous empêche de faire la copie privée. Donc certains se sont dit : eh bien si on a un obstacle technique je vais le casser et le problème sera réglé. C’est cette problématique-là qu’on a eue et on a décidé d’empêcher le craquage des DRM.
On est en France, on a des militants du logiciel libre qui sont intervenus – alors en 2006 moi je n’ai pas eu l’occasion et en 2001 non plus de connaître la bataille que vous avez eue sur ce sujet-là, mais je sais que ça a été épique et que ce sont des grands souvenirs pour les membres de la communauté du logiciel libre – donc on a eu une forte mobilisation pour qu’on ait une modification des textes, notamment pour favoriser ce qu’on appelle l’interopérabilité. C’est-à-dire qu’on doit permettre de partager les contenus et on doit pouvoir permettre à différents logiciels d’échanger entre eux les données quels que soient les obstacles techniques et quels que soient les DRM qui puissent exister.
Et là on a beaucoup de débats, on a beaucoup de discussions sur l’interopérabilité et on a des logiciels comme VLC qui visent précisément à ça. C’est-à-dire moi je constate qu’il y a plusieurs formats, je constate qu’il y a des DRM ; moi j’ai les moyens techniques pour permettre, en fait, à tout le monde de lire son contenu où il le veut, quand il le veut et comme il le veut ; je veux donner cette possibilité technique à tout le monde mais la loi ne me le permet pas. Et aujourd’hui on a eu une interprétation des textes grâce à l’intervention de l’April, mais je pense qu’on y reviendra peut-être un tout petit peu plus tard sur le Conseil d’État qui est intervenu en 2008.
Frédéric Couchet : On va y revenir assez rapidement parce qu’en fait le temps passe très vite. Donc tu as défini un mot important qui est l’interopérabilité qui est effectivement fondamentale et on aura l’occasion d’y revenir.
Par rapport à ma question tout à l’heure sur les DVD et les Blu-ray, j’avais évidemment en tête aussi la situation juridique en France depuis la loi droit d’auteur de 2006. À l’époque, il y avait une incertitude très importante pour savoir si VLC avait légalement le droit de contourner le DRM des DVD pour pouvoir faire ce qu’il a à faire. L’April a fait un recours au Conseil d’État. La décision du Conseil d’État nous a confortés par rapport à cette procédure et donc VLC peut légalement contourner le DRM des DVD car c’est une mesure technique jugée non efficace. Mais aujourd’hui les mesures techniques deviennent efficaces et je ne sais pas si Jean-Baptiste et Marie vous voulez peut-être revenir sur l’épisode de Blu-ray et votre saisine de la structure qui est censée réguler, en France, les mesures techniques ou simplement expliquer la situation par rapport à l’actualité.
Jean-Baptiste Kempf : Pour faire simple : en fait après cette loi il y a eu une agence, une haute autorité comme on sait les faire en France, qui ne servait à rien, qui s’appelait l’ARMT.
Frédéric Couchet : Autorité de régulation des mesures techniques de protection.
Jean-Baptiste Kempf : Qui ne servait à rien, qui n’a même pas rendu ses rapports ; quand on appelait il n’y avait personne et à un moment, au moment de la loi HADOPI, ils ont mergé ça dans HADOPI, ce qui n’était pas complètement idiot de fusionner ces deux trucs-là. Sauf que nous on avait des questions techniques, en fait comment il faut interpréter la réponse du Conseil d’État qui n’était pas forcément très claire et comment on faisait ? Parce que la partie VLC et DVD c’était en 2001 donc avant DADVSI et là on était après.
En fait ils n’ont rien compris, donc on a passé beaucoup de temps avec Marie. Ils nous ont fait perdre notre temps ; ils ont répondu 40 pages ; on n’a rien compris ; d’ailleurs ils n’ont même pas compris la question ! On a passé deux fois du temps avec Marie là-bas ; moi je suis allé là-bas. En fait ils n’ont absolument rien compris ! C’était un peu une perte de temps, mais ce n’était pas mal parce que ça montrait bien qu’ils ne comprenaient rien à ce qu’ils faisaient et surtout ça a continué à montrer qu’HADOPI c’était vraiment une catastrophe et que ça servait juste à utiliser notre pognon.
Frédéric Couchet : 12 millions d’euros par an je crois, pour rien en fait !
Jean-Baptiste Kempf : Un petit peu moins maintenant !
Frédéric Couchet : Un petit peu moins ?
Jean-Baptiste Kempf : On n’était qu’à neuf, mais c’est neuf millions dépensés dans le vent.
Frédéric Couchet : Vas-y Marie.
Marie Duponchelle : Concrètement la mobilisation qu’il y avait eue sur la loi DADVSI en 2006 avait permis de mettre des petites dispositions dans le texte, dans le cadre de la propriété intellectuelle, qui disaient que vous aviez le droit de mettre des mesures techniques de protection mais que ça ne devait pas porter atteinte à l’interopérabilité ; c’est-à-dire que vous ne deviez pas empêcher l’échange. Et tout ça virgule, parce qu’on met toujours des petites virgules dans les textes, virgule, dans le respect du droit d’auteur. Face à un texte comme ça ils avaient créé à l’époque l’ARMT puis l’HADOPI, une autorité qui était en charge de régler les problèmes. C’est-à-dire que si votre interopérabilité est empêchée par les DRM, on vous met une super autorité qui vous permettra d’échanger, de régler les problèmes entre vous et les consortiums et tout ça ; on interviendra et on vous aidera à régler les problèmes. Donc c’était l’ARMT et après ça a été la HADOPI.
On avait deux possibilités à ce moment-là ; c’était tout nouveau, c’était tout beau et c’était tout gentil ; c’était à l’image des textes c’est-à-dire que c’était flou et que ça n’a pas servi à grand-chose : on avait une procédure contentieuse qui était à notre disposition et on avait une procédure pour avis.
Procédure contentieuse ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous demandez à quelqu’un l’accès aux informations qui vous permettent de contourner légalement les DRM ; si cette personne ne veut pas vous les donner vous faites une procédure pour avoir sa condamnation et les informations. Problème de ce type de procédure c’est qu’il faut déjà faire une mise en demeure. La majorité des acteurs de ce secteur-là est aux États-Unis, autant vous dire qu’une procédure contentieuse en France devant la HADOPI ils s’en fichent complètement et, deuxième élément, c’est qu’on peut vous demander de payer, en fait, concrètement, pour avoir ces informations essentielles.
Donc on avait saisi pour avis, en leur demandant de nous expliquer comment ils interprétaient eux le texte et comment ils pouvaient permettre à un logiciel, VLC, tout à fait légal et qui fait l’interopérabilité tout à fait légalement, de contourner des DRM alors que ce n’est pas possible puisqu’on ne vous donne pas les informations pour le Blu-ray. Et c’est là où on a eu HADOPI dans toute sa splendeur qui est intervenue.
Frédéric Couchet : On va faire une petite pause musicale parce que le temps passe. Ne voyez aucun rapport avec ce qu’on vient de dire par rapport au nom de la chanson qui va arriver, au morceau qui va arriver, c’est Sneaky Snitch, ce qui veut dire le délateur ou la délatrice sournois-sournoise de Kevin MacLeod et on se retrouve juste après.
Pause musicale : Sneaky Snitch de Kevin MacLeod
Frédéric Couchet : Vous êtes de retour sur radio Cause Commune 93.1 en Île-de-France et sur le site cause-commune.fm partout ailleurs. Nous venons donc d’écouter Sneaky Snitch. Nous étions en train de discuter DRM avec mon collègue Étienne Gonnu, Jean-Baptiste Kempf de Videolan-VLC et Marie Duponchelle, avocate.
Jean-Baptiste, tu me disais pendant la pause que tu avais une petite chose à rajouter marrante sur l’interopérabilité ou sur les DRM ?
Jean-Baptiste Kempf : Oui, sur l’interopérabilité. C’est assez marrant. Vraiment l’idée de l’interopérabilité c’est d’être capable de lire sur tous les supports. En fait, le logiciel libre ce n’est pas mal, c’est que comme le code source est libre, il est là, eh bien on peut se dire de façon assez probable que VLC, dans dix ans, il sera toujours là ; il ne sera peut-être pas aussi utilisé, mais il sera toujours là. Et on a eu une des sociétés des GAFAM, je ne vais pas donner le nom mais ça va vous faire sourire, qui s’est retrouvée avec un DRM d’il y a quelques années. Évidement les DRM, tous les ans ils en font une nouvelle version, ils changent, etc., et ils ont été un petit peu embêtés parce qu’ils n’étaient plus capables de lire leurs propres fichiers et ils nous ont demandé si, par hasard, discrètement, on ne pouvait pas rajouter dans VLC et FFMPEG une façon de déchiffrer les fichiers, c’est-à-dire de casser leurs propres DRM parce qu’ils avaient plein d’utilisateurs qui leur pourrissaient leur supports en disant ça ne marche pas.
Frédéric Couchet : Vous l’avez fait ou pas ? [Rires]
Jean-Baptiste Kempf : Je ne répondrai pas à cette question. Il faut aller regarder le code de VLC. Mais c’est exactement ça. En fait, c’est que toute cette partie de DRM et contre l’interopérabilité c’est juste pour faire des gains à court terme, pour gagner de l’argent à court terme sur les sorties, la musique et sur les abonnements, mais c’est une catastrophe à long terme, à moyen terme, pour la conservation de la culture.
Frédéric Couchet : D’ailleurs, tout à l’heure Marie parlait de la mobilisation en 2006 de la communauté du logiciel libre contre les DRM dans la loi droit d’auteur française. À l’époque, il y a eu aussi des bibliothécaires qui se sont fortement mobilisés pour des questions tout simplement d’archivage ; tu viens de parler des GAFAM, mais il y a des ressources numériques qui sont sous DRM et qui, dans 20 ans, ne seront plus disponibles alors que même que la ressource sera dans le domaine public, eh bien l’archivage est fini.
Il y a aussi les représentants d’associations de personnes handicapées qui se sont mobilisés parce que les DRM posent un certain nombre de problèmes très importants. Voilà ! Ce n’est effectivement pas que le logiciel libre et on n’a pas évoqué — si, tu l’as évoqué un petit peu — les histoires d’espionnage via les DRM. Pour les plus anciens d’entre nous, on se souviendra en 2006 du rootkit de Sony sur, c’était un CD ou un DVD ? Je ne me souviens plus.
Jean-Baptiste Kempf : Un CD.
Frédéric Couchet : Un CD, et qui permettait d’avoir un contrôle à distance de notre ordinateur.
Jean-Baptiste Kempf : Et le plus drôle, c’est que le logiciel dont était dérivé le rootkit en fait était dérivé d’un logiciel VideoLan donc c’était, en plus, une violation de la propriété intellectuelle de VideoLan.
Frédéric Couchet : Voilà ! Une violation du droit d’auteur de VideoLan. Bon ! Franchement ! Marie, nous sommes toujours sur la partie DRM. Tu parlais tout à l’heure de l’exception pour copie privée qui n’est, en fait, qu’une exception, actuellement ce n’est pas un droit ; tu parlais aussi de l’interopérabilité. Est-ce que tu pourrais juste nous faire un petit point sur ta thèse notamment parce que je crois que toi tu milites pour un droit à l’interopérabilité, évidemment au niveau international et au niveau européen ?
Marie Duponchelle : Moi je me suis préoccupée, en fait, d’un acteur qu’on oublie tout le temps quand on parle de technique et quand on parle droit d’auteur, c’est le consommateur, tout simplement. On a la peur des geeks, on a la peur du peer to peer, mais le premier qui ne peut pas utiliser ses contenus à cause des DRM c’est le consommateur, c’est la petite personne lambda qui se retrouve à mettre son DVD — parce qu’il ne reste que eux, en fait, qui achètent leurs Blu-ray, leurs DVD, et qui se retrouvent à ne pas pouvoir les lire sur leur ordinateur, sur leur tablette, sur leur smartphone, sur tous les supports de leur choix.
Actuellement, on est le seul pays en Europe à avoir intégré cette notion d’interopérabilité, c’est-à-dire de ne pas empêcher deux systèmes de pouvoir échanger ensemble ; c’est une super-idée sur le papier parce que, vraiment, ça veut dire qu’on a compris qu’il y avait un enjeu de ce côté-là ; le problème c’est que le régime juridique actuel qu’on a c’est juste qu’on encourage, en fait, l’interopérabilité ; il n’y a aucune sanction ; il n’y a aucune obligation et, qui plus est, il y a en plus des obstacles puisqu’on maintient le régime des mesures de protection qui empêchent précisément cette interopérabilité et on voit les discussions au niveau de la directive EUCD qui ne donneront rien de ce côté-là.
Moi je milite, en fait, pour qu’on modifie les textes, pour obliger l’interopérabilité. Ça veut dire quoi concrètement ? Ça veut dire obliger à l’utilisation de formats ouverts pour que tout le monde puisse utiliser, enfin puisse réutiliser ses documents comme il le souhaite, ses contenus numériques comme il le souhaite, et obliger à une information systématique sous peine de sanctions, pour que tout le monde soit informé de ce qu’il a aujourd’hui sur son ordinateur et des obstacles qu’il peut y avoir, à terme, sur l’utilisation de ses contenus et de ses données.
Frédéric Couchet : Quand tu parles de formats ouverts, ce sont des formats dont les spécifications sont publiques, connues, et dont l’implémentation est libre d’accès, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de restrictions que ce soit lié au droit d’auteur ou au droit des brevets. Vas-y Marie.
Marie Duponchelle : C’est bon ! C’est exactement ça.
Frédéric Couchet : OK ! Il ne nous reste même pas deux minutes pour cette partie DRM, parce qu’après il y a pas mal d’annonces d’évènements libristes. Jean-Baptiste est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
Jean-Baptiste Kempf : Il y a une petite partie, c’est que les industries culturelles se moquent un peu de nous, complètement du consommateur, parce qu’en fait elles essayent de jouer des deux côtés. D’un côté vous achetez le droit à la lecture et le droit à l’œuvre et donc, finalement, c’est la licence sur le film et normalement vous devriez avoir la licence sur l’ensemble des supports, que ce soit un DVD, un MP4, quelque chose qui est chiffré, quelque chose qui est en streaming ; et d’un autre côté elles essayent de vous le vendre plusieurs fois.
En fait, quand ça les arrange vous achetez une licence pour le contenu et quand ça les arrange vous achetez juste une licence pour ce format. Et justement les DRM leur permettent d’avoir ça. Et normalement, ce n’est absolument pas possible de vendre à quelqu’un deux fois la même chose.
Frédéric Couchet : Écoute, c’est une bonne conclusion, alors pas finale. Déjà dans les annonces donc le 18 septembre 2018, nos amis de la Fondation pour le logiciel libre à travers leur site Defective by Design qui peut se traduire en français par « Défectueux par dessein ou par conception », organisent la journée internationale contre les DRM avec un mot d’ordre « Imaginez un monde sans DRM » ; c’est le 18 septembre 2018, il y aura sans doute des évènements organisés ou en tout cas des ressources qui permettent de vivre dans un monde sans DRM. Je pense que l’émission de radio Libre à vous ! de l’April sera peut-être rediffusée sur les airs ce jour-là si c’est évidemment possible.
Côté VLC, eh bien il y a VLC 4.0 qui arrivera quand il sera prêt avec de nouvelles fonctionnalités absolument géniales.
Les personnes qui s’intéressent principalement au développement de VLC, j’annonce quand même les VideoLAN Dev Days du 21 au 23 septembre 2018 à Paris. Jean-Baptiste fera une présentation justement des nouveautés dans VLC 4 ; ce sera en anglais si je ne me trompe pas.
Jean-Baptiste Kempf : Ouais. Quasiment tout ce qu’on fait est en anglais parce qu’on a beaucoup de Français, beaucoup d’Allemands, tout le monde parle mal anglais donc c’est bien !
Frédéric Couchet : Il dit ça, mais Jean-Baptiste parle très bien anglais. En tout cas je te remercie Jean-Baptiste pour cette intervention qui a permis effectivement d’éclairer sur les DRM, sur VLC. Je remercie aussi Marie ; c’était un plaisir de t’avoir au téléphone ; j’espère que la prochaine fois tu pourras venir de Compiègne pour être en studio pour une deuxième émission sur les DRM. Merci Marie.
Marie Duponchelle : Avec plaisir.
Frédéric Couchet : Merci et à bientôt.
Marie Duponchelle : À bientôt.
Frédéric Couchet : Je vais passer aux actualités à venir pour l’April et le monde du logiciel libre. Il y a beaucoup d’actualités, je ne vais pas forcément toutes les faire parce que sinon on va déborder.
Dans les actualités rapides à venir, eh bien jeudi soir, pour les personnes qui habitent en Île-de-France, il y a la Soirée de Contribution au Libre à la FPH dans le 11e.
Vendredi soir au local de l’April, il y a un apéro April, n’hésitez pas à passer. Je ne vous redonne pas les adresses parce que tout est sur le site de l’April donc april.org ou sur le site de l’Agenda du Libre.
Il y a également un apéro April à Montpellier le troisième jeudi du mois ; là je n’ai pas noté, j’ai fait une erreur, j’ai juste noté jeudi mais pas précisément.
La semaine prochaine il y aura le Forum du numérique à Fleury-les-Aubrais dans le Loiret ; le 14 septembre Étienne fera une conférence sur les enjeux du logiciel libre destinée au grand public et nous aurons également un stand.
Étienne Gonnu : À 16 heures 30 si ma mémoire est bonne.
Frédéric Couchet : Donc c’est à 16 heures 30.
Nous serons présents aussi la semaine prochaine, je crois avec Libre à Toi, radio Cause Commune à la Fête de l’Huma, Olivier en régie me confirme, les 14, 15 et 16 septembre à La Courneuve en Seine-Saint-Denis, dans l’espace dédié aux logiciels libres, aux hackers et aux fab labs.
Évidement la Fête des Possibles, nous avons eu une présentation tout à l’heure par Aliette Lacroix du 15 au 30 septembre 2018.
Dans plus longtemps il y a un April Camp à Marseille le week-end des 6 et 7 octobre 2018. Un April Camp c’est on se réunit pendant un week-end entre membres de l’April, personnes qui nous aiment bien ou simplement public intéressé pour discuter, pour échanger et éventuellement aussi pour avancer sur un certain nombre de projets, donc n’hésitez pas à passer ; c’est les 6 et 7 octobre 2018 au Foyer du peuple.
Je répète, tous ces évènements sont annoncés, en tout cas pour les évènements April, sur le site april.org ; évidemment sur le site de l’Agenda du Libre donc agendadulibre tout attaché point org vous avez un certain nombre d’évènements partout en France mais également dans d’autres pays. Donc on espère pouvoir vous rencontrer à ces moments-là, n’hésitez pas ! En tout cas vendredi par exemple, pour les gens qui habitent en Île-de-France, venez à l’apéro, c’est toujours très sympathique, ça parle de sujets divers et variés et pas que de logiciel libre.
Pour finir, l’April est très heureuse de participer à cette belle aventure que représente Cause Commune, mais, comme vous le savez, une radio ne peut pas fonctionner uniquement par la contribution humaine même si c’est la contribution la plus importante. Cause Commune a besoin de soutien financier ne serait-ce que pour payer les frais matériels. Eh bien oui ! Par exemple on a appris le coût des micros tout à l’heure ; il y a le studio, la diffusion sur la bande FM, les serveurs. Donc nous vous encourageons à aider la radio en faisant un don sur le site cause-commune.fm, soit un don ponctuel ou, encore mieux si vous le pouvez, un don récurrent. J’ai parfaitement conscience que les appels à soutien financier sont légions en ce moment, mais je crois franchement que cette aventure mérite d’être soutenue et pas uniquement parce qu’on y participe, parce que c’est vraiment une belle aventure. Donc n’hésitez pas à faire un don ; je répète cause-commune.fm, il y a un petit cœur, vous cliquez dessus, aussi le menu « faire un don », je suppose.
Je remercie les personnes qu’on a invitées aujourd’hui donc Aliette Lacroix pour la Fête des Possibles, Jean-Baptiste Kempf de VideoLan, Marie Duponchelle. Je remercie évidemment en régie Olivier Grieco et Olivier Fraysse dit Olive ; ils ont fait ça à deux aujourd’hui. J’en profite pour d’ailleurs annoncer, comme je vois Olive, que la prochaine Ubuntu Party c’est le premier décembre. Non ! Vas-y, corrige-moi !
Olivier Fraysse : 8-9 décembre.
Frédéric Couchet : 8-9 décembre donc à La Villette, à Paris, Ubuntu Party.
Notre prochaine émission à nous sera diffusée mardi 2 octobre 2018 à 15 heures 30. Nous parlerons à priori de collectivités locales, logiciels libres et données publiques ; notamment il y a un article de la loi dite Lemaire de 2016 qui rentre en application, sur les données publiques, en octobre 2018 ; donc nous parlerons sans doute de ce sujet-là.
Notre émission se termine. Vous retrouverez sur notre site web april.org une page avec toutes les références utiles, ainsi que sur le site évidemment de la radio. Assez rapidement le podcast sera disponible donc vous pourrez réécouter. Marie-Odile et le groupe Transcriptions nous en feront une transcription donc vous pourrez lire.
N’hésitez pas à nous faire des retours ; vous nous indiquez ce qui vous a plu, des points d’amélioration.
N’hésitez pas à nous suggérer des musiques libres parce que, visiblement, les pauses musicales du jour ont été appréciées, mais nous avons besoin de plus de plus de références.
Nous vous souhaitons à toutes et tous de passer une belle journée. On se retrouve le 2 octobre 2018. D’ici là portez-vous bien et nous nous quittons comme d’habitude avec Wesh Tone de Realaze.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.