La philantropie de l’ouvrier charpentier, emission sur radio libertaire

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  • Date : 12 décembre 2006
  • Langue : Français
  • Durée : 1h34min

Transcription

Journaliste : Radio libertaire 89.4, la radio de la fédération anarchiste. C’est la philanthropie de l’ouvrier charpentier.
Aujourd’hui une émission spéciale en prise directe avec la réalité des informations, Johny Holiday part en Suisse. Non, excusez-moi, je me suis trompé de radio,je fais une émission plus tard sur France Inter…
Non, aujourd’hui, on va plutôt parler de Logiciel Libre. Alors déjà dans Logiciel Libre il y a le mot « libre », ce qui est déjà pas mal, quoi que ça serait intéressant de le définir puisque visiblement tout le monde n’a pas les même définitions. Mais avant de faire ça, on va peut-être présenter nos invités qui vont avoir la joie et l’honneur de se présenter eux-mêmes.

Frédéric Couchet
 : Bonjour, Frédéric Couchet, donc je suis le délégué général de l’April, qui est l’association qui fait la promotion et la défense du Logiciel Libre depuis dix ans, dans l’espace francophone.
Emmanuel Charpentier
 : Emmanuel Charpentier…
Journaliste
Bien joué, c’est la philanthropie de l’ouvrier charpentier et pour une fois on en a pris un !
Emmanuel Charpentier
 : Oui mais bon, vous ne le saviez pas, c’est un peu le hasard. Je suis informaticien et membre de l’April.
Journaliste
D’accord.
Luc Fievet
 : Luc Fievet, je ne fais pas partie de l’April, je m’intéresse au Logiciel Libre sans être informaticien, et je voudrais bientôt faire une émission sur radio libertaire, où l’on pourrait reparler de ces sujets-là.
Journaliste
 : Voilà donc en effet Luc est venu nous voir au secrétariat voir un peu comment on pourrait faire une émission sur ce thème. C’est vrai que c’est un thème qui est assez important, vu les brevets qu’on pose sur tout et n’importe quoi en ce moment c’est quand même plutôt intéressant de parler de Logiciels Libres et de tout ce qui peut tourner autour.

Donc en effet, on aura la chance de se voir je crois une fois par mois, pour faire une émission sur ce thème.
Justement, avant de commencer l’émission, ou tout du moins en commençant l’émission, on va peut-être faire quelques définitions, parce que j’ai eu du mal à m’y retrouver un petit peu, déjà parce qu’il y a le mot « free » qui a un double sens, il y a « gratuit », il y a « libre », il y a « domaine public », « Open Source », “shareware”… Y a quelqu’un qui peut nous faire tout de suite une petite définition, mais très courte ? De toutes façons on va revenir dessus pendant l’émission, peut-être qu’en avançant, on verra des distinctions un peu plus fines.

Frédéric Couchet
 : Très court, en fait le mot « libre » dans « Logiciel Libre » ne fait pas référence à gratuité, il fait référence à simplement quatre libertés, un utilisateur qui a une copie du logiciel libre a quatre libertés : celle de l’utiliser librement, par exemple sur son poste de travail, chez lui, celle d’en faire…
Journaliste
 : Comme les autres logiciels ?
Frédéric Couchet
 : Non, les autres logiciels…
Journaliste
 : On n’a même pas le droit de les utiliser ?
Frédéric Couchet
 : Les logiciels propriétaires, vous avez un droit qui est limité d’utilisation par exemple sur un poste…
Journaliste
D’accord.
Frédéric Couchet
 : …vous n’avez pas forcément le droit de l’utiliser forcément sur deux postes ; dans le cas du Logiciel Libre le droit d’utilisation est illimité. Ensuite, vous avez le droit de faire des copies, donc des copies licites, à des amis par exemple, à des collègues de ce Logiciel Libre. Vous avez le droit de l’étudier, parce qu’en fait le Logiciel Libre vient sous ses deux formes : la forme exécutable par l’ordinateur comme les logiciels propriétaires mais aussi sous sa forme de code source. Ce que l’on appelle code source, en fait c’est la recette de cuisine, c’est l’outil sur lequel travaille l’informaticien. L’utilisateur peut étudier le logiciel et peut – dernière liberté – le modifier.

Et en fait ces quatre libertés (utilisation, étude, redistribution, modification) sont les quatre libertés du Logiciel Libre et s’opposent au logiciel propriétaire. Dans le cas du logiciel propriétaire, on a à peine la liberté d’utilisation et on a deux modèles de développement très différents. Dans le cas du logiciel propriétaire, il y a une entreprise qui contrôle le développement du logiciel ; dans le cas du Logiciel Libre, on a une communauté à la fois d’utilisateurs, de bénévoles, de développeurs qui travaillent pour des entreprises ou des institutions, qui travaillent de manière coopérative, pour produire un logiciel, chacun rajoutant sa pierre à l’édifice.

Journaliste
Nous avons donc fini l’émission, c’était la philanthropie de l’ouvrier Charpentier, il vient de nous faire un résumé magnifique, peut-être un peu rapide, on va reprendre des choses bien entendu…
Frédéric Couchet
On a une heure et demi pour revenir dessus…
Journaliste
… parce que là, ça a été vraiment rapide et dense. Avec le code source…

Alors, est-ce que l’on peut faire déjà des distinctions sur par exemple le freeware ? On entend toujours parler du freeware ; le freeware, si tu donnes les définitions, il y a des choses qui se rapprochent. Si l’on parle en effet des quatre principes, les quatre principes c’est donc l’utilisation, la connaissance interne, la possibilité de modifier et la possibilité de distribuer. Si l’on prend le freeware, c’est quoi comme différences ?

Emmanuel Charpentier
C’est un problème dans la langue anglaise en grande partie, c’est le mot “free” qui est utilisé avec un double sens de gratuité et de liberté, et Stallman le répète assez souvent en fait, il préfère le mot français « libre » qui lui n’a pas ce double sens. “Freeware” à l’origine c’est juste une gratuité du prix. Il n’y a pas du tout de liberté qui va avec, même la redistribution d’un freeware peut être limitée, c’est juste on vous donne quelque chose gratuitement, vous pouvez l’utiliser gratuitement.
Luc Fievet
Voilà, on l’utilise souvent pour faire des tests c’est bien.
Emmanuel Charpentier
Le shareware va aussi dans ce sens…
Journaliste
Alors le shareware c’est …du partage ?
Emmanuel Charpentier
…c’est une sorte de freeware, mais là aussi on vous permet d’utiliser quelque chose pendant un certain temps par exemple, ou un certain nombre de fois.
Journaliste
 : D’accord.
Emmanuel Charpentier
 : C’est plutôt, c’est un appel d’offre, c’est un produit d’appel, une tête de gondole d’un supermarché, c’est quelque chose de vraiment commercial, simplement on essaye de vous appâter.
Journaliste
 : D’accord. Et si l’on parle du domaine public ? Parce qu’il y a aussi des éléments qui tombent dans le domaine public. On le connaît très très bien en littérature, les éditeurs sont très très forts là-dessus pour pouvoir sortir des livres à très très bas prix parce qu’ils prennent dans le domaine public pour être tranquilles. Alors quel est le rapport avec le domaine public ?
Frédéric Couchet
 : Le domaine public, il faut voir que juridiquement, c’est très précis. C’est 70 ans après la mort de l’auteur notamment en littérature, dans le droit littéraire, propriété littéraire, artistique, donc des logiciels qui sont dans le domaine public peuvent être considérés comme des logiciels libres parce qu’effectivement on a les quatre libertés si l’on a le code source. Par contre, aujourd’hui dans le monde du logiciel, comme c’est quelque chose de relativement récent, il y a très peu de logiciels qui sont dans le domaine public, il y a très peu d’auteurs en fait…
Journaliste
Oui, 70 ans ça fait vraiment très long…
Frédéric Couchet
 : c’est une petite partie potentielle du Logiciel Libre, mais quand vous parlez de domaine public, ça fait référence au droit d’auteur. Ce qu’il est important de préciser c’est que le Logiciel Libre s’appuie sur le droit d’auteur pour garantir les quatre libertés aux utilisateurs, là où le logiciel propriétaire s’appuie sur le droit d’auteur pour restreindre les libertés de l’utilisateur : c’est deux utilisations différentes du droit d’auteur et ça c’est important de le préciser notamment par rapport aux brevets dont vous parliez tout à l’heure où c’est encore une autre forme de gestion des droits qui s’applique là à des idées. Là où le droit d’auteur s’applique à l’expression des idées. Je pense qu’on pourra y revenir car à mon avis c’est très important de faire la différence entre l’expression des idées, la protection de l’expression des idées et la protection des idées en tant que telle.
Journaliste
 : Le domaine public, quelque part, ben c’est mort ?
Emmanuel Charpentier
 : Ben oui, il n’y a plus rien qui tombe dedans, il n’y a plus rien qui va tomber dedans, tout le monde est en train de l’étendre de partout, de rajouter des devoirs dessus, enfin des règles, c’est mort, y a plus rien, on peut quasiment l’oublier.
Journaliste
 : C’est en voie de disparition, en fait… Alors, ce serait intéressant quand même de faire peut-être un petit historique, si quelqu’un peut nous le faire, parce qu’une personne qui vient de citer Richard Stallman, alors c’est en gros 1980-1983 donc j’aimerais bien qu’on en parle un peu plus longtemps parce que il y a quand même, on va peut-être voir qu’il y a quand même deux idéologies : il y a celle de Richard Stallman et il y a celle de Linus Torvalds qui sont quand même deux idées totalement différentes. Alors on pourrait d’abord parler du premier, puisque c’est tout de même historiquement un élément très important. Alors, qui peut… ? Alors d’abord, qui c’était et ce qu’il défend ?
Frédéric Couchet
 : Alors, Richard Stallman, qui c’est ? Donc, c’était un chercheur dans un laboratoire d’informatique aux Etats-Unis, le MIT, et il faut bien comprendre que, avant les années 80, dans les années 70, les chercheurs avaient l’habitude d’échanger le code, de travailler sur le code. C’était quelque chose qui était naturel…
Journaliste
 : Le code, en fin de compte ?…
Frédéric Couchet
 : Le code source, la recette de cuisine, le plan du logiciel. Et avant les années 80 en fait, les machines, les ordinateurs, étaient livrés avec la recette de cuisine des logiciels et les chercheurs avaient l’habitude de travailler dessus, s’échanger, l’améliorer, etc.

Et à partir des années 80 et l’arrivée des logiciels propriétaires en fait, il a commencé à y avoir une raréfaction de cette pratique. Et en opposition, Richard Stallman a décidé de lancer un projet de système d’exploitation, c’est-à-dire des logiciels qui permettent de répondre à tous les usages pour un usager, que ce soit pour jouer, pour faire de l’internet, pour faire de la programmation, mais sous un modèle Logiciel Libre, donc avec les quatre libertés.
Et ce qui est essentiel dans la démarche de Richard Stallman est le fait qu’il soit chercheur, qu’il travaille dans un laboratoire de recherche est important là-dedans, c’est qu’il voit le Logiciel Libre, il voit le logiciel comme une connaissance qui doit être partagée, librement, et donc en fait les quatre libertés du logiciel c’est en fait les quatre libertés essentielles dans un monde de partage de la connaissance mais appliquées au domaine du logiciel. Donc avant tout la démarche de Richard Stallman est une démarche philosophique quelque part qu’il y a eu au siècle des Lumières, etc, c’est pas une démarche technique, là où Linus Torvalds lui a plutôt une démarche technique de « c’est bien d’avoir accès au code source, parce que ça permet de corriger les erreurs de programmation plus rapidement, ça permet de travailler plus efficacement à plusieurs plus », etc.
La démarche de Richard Stallman est avant tout une démarche philosophique, et quand d’ailleurs il définit le Logiciel Libre en France – donc je rappelle que c’est un Américain – il emploie trois mots : « Liberté, égalité, fraternité ».

Journaliste
 : C’est un très grand républicain
Frédéric Couchet
 : Exactement. Liberté, parce qu’il y a les quatre libertés que j’ai citées tout à l’heure. Egalité, parce tous les utilisateurs ont les mêmes droits, que vous soyez un simple utilisateur, une grande entreprise, une institution vous avez les mêmes droits par rapport à ces quatre libertés du logiciel, et Fraternité parce que le but c’est de produire quelque chose en commun de façon coopérative, sans exclure personne. Et donc c’est vraiment une démarche philosophique à la base qui définit le processus qu’a lancé Richard Stallman, mais par effet de bord technique, pour expliquer Emmanuel Charpentier, il y a des gens qui utilisent le Logiciel Libre avant tout pour ses caractéristiques techniques et ses avantages techniques, mais ce sont deux démarches différentes.
Emmanuel Charpentier
 : Le libre et l’open source, c’est souvent les deux termes qu’on utilise qui sont légèrement en opposition même si pourtant, à la base, c’est le même point de départ.
Animateur
 : Oui. Donc le libre on voit. L’open source, vous pouvez redéfinir ? Là on a vraiment l’impression de rien comprendre…
Emmanuel Charpentier
 : Alors, c’est les mêmes libertés, c’est vraiment les mêmes libertés, mais c’est pas d’un point de vue philosophique ou politique, c’est vraiment d’un point de vue d’utilitarisme dans le sens où l’open source va dire qu’on fait du meilleur code, de meilleurs programmes grâce à, c’est une méthode, une méthode de travail. Le logiciel libre c’est politique, l’open source c’est une méthode de travail.
Animateur
 : Oui mais, en fin de compte quand on va télécharger on récupère des logiciels, on voit pas trop la différence.
Frédéric Couchet
 : Les logiciels en tant que tels ce sont les mêmes, après c’est les motivations qui sont derrière les gens qui produisent les logiciels qui sont différentes. C’est ce qui est bien d’ailleurs dans le Logiciel Libre, et on le voit dans le domaine politique aujourd’hui, à peu près tous les partis soutiennent le Logiciel Libre mais pour des raisons différentes, en fait. Donc c’est ça qui est intéressant, et dans la démarche entre Logiciel Libre et logiciel open source, derrière effectivement ce sont les mêmes outils, donc pour l’utilisateur à la limite il ne s’en préoccupe pas de cette notion de terminologie, mais par contre ça peut être important de savoir que dans un cas ça peut être une démarche qui est avant tout basée sur une démarche technique, de meilleure qualité de code, etc, et d’un autre côté il y a une démarche philosophique de partage de la connaissance.
Frédéric Couchet
 : Moi je pense que quand on adopte le Logiciel Libre pour des raisons avant tout philosophiques et éthiques, on reste au Logiciel Libre plus que si on le choisit uniquement pour des raisons de coût ou pour des raisons techniques. Parce que si on prend des raisons de coût aujourd’hui Microsoft peut très bien demain, par exemple, proposer à une école, de l’équiper complètement gratuitement aux logiciels propriétaires. Pourtant ce seront des logiciels propriétaires, les élèves n’auront pas les libertés associées aux logiciels libres, donc avec les avantages éducatifs etc… Alors que peut-être qu’en payant une distribution de logiciels libres à une entreprise qui ferait du Logiciel Libre, qui équiperait cette école à coût pas très élevé, là il y aurait l’avantage éthique de faire du Logiciel Libre.

C’est pour cela que le notion de gratuité n’est pas dans la définition du LL et qu’il faut faire très attention à cela. Donc moi je préfère, effectivement mais c’est à titre personnel, essayer de convaincre les gens qu’il faut faire le chois du Logiciel Libre pour des raisons éthiques, pour des raisons de société, quelque part c’est un modèle de société que l’on défend, modèle de société coopératif où les gens produisent ensemble, qui peut aujourd’hui donner naissance à d’autres projets comme Wikipédia, qui est une encyclopédie en ligne, plutôt que simplement réduire le Logiciel Libre à un aspect technique.
Mais l’avantage c’est qu’on peut convaincre des publics différents avec des explications différentes. On peut convaincre une entreprise simplement en se basant sur les arguments de l’open source, c’est-à-dire que c’est du code qui va être auditible plus facilement parce que l’on a le code source, vous allez pouvoir voir au point de vue de sécurité comment il fonctionne donc vous aurez plus confiance en lui, donc vous pourrez juste rajouter ce que vous avez besoin etc etc. Et puis vous allez pouvoir convaincre d’autres personnes, peut-être des enseignants, peut-être du grand public sur les aspects éthiques et philosophiques du Logiciel Libre.
C’est pour cela que ça correspond finalement aujourd’hui le Logiciel Libre à tout le monde même si derrière il y a des modifications qui sont différentes.
Journaliste : T’as parlé de Microsoft, mais Microsoft a eu cette pratique de logiciels à très bas prix ou gratuits pendant très longtemps dans le cas des centres de formation par exemple. Quand on voit Multiplan qui a été les premiers word, qui sont les logiciels les plus utilisés actuellement dans ce domaine-là, quand on voit Multiplan et Word c’est vrai que dans les centres de formation, type éducation nationale ou n’importe quel centre de formation, les tarifs étaient tellement faibles que tout le monde se jetait dessus, alors qu’à la même époque, il y avait d’autres produits qui étaient particulièrement performants et très chers. Donc c’était plutôt du dumping économique que commercial que une ouverture.
Frédéric Couchet : Tout à fait et ce dumping était possible parce que Microsoft a aujourd’hui en plus une situation de monopole et cette situation de monopole est basée sur l’immatériel. Le fait de donner à bas coût, même gratuitement du logiciel ne coûte rien parce que ce qui coûte dans le développement du logiciel c’est la création du premier objet, c’est du matériel. Ensuite c’est juste de la copie. A la marge les coûts de reproduction d’un objet immatériel sont nuls par rapport à un objet matériel. construire une voiture, un exemplaire d’une voiture, ça coute cher, mais construire mille voitures ça coûte encore très cher. Par contre construire un exemplaire d’un logiciel ça coûte de l’argent, et construire mille exemplaires du même logiciel, c’est juste de la copie numérique. Et aujourd’hui, l’un des principaux problèmes effectivement du Logiciel Libre, pour le grand public, pour l’utilisateur final, c’est le fait qu’il y ait un monopole de fait sur le poste de travail de Microsoft et que ce soit très difficile de le faire bouger. Prenons comme ça un exemple, si aujourd’hui, on veut acheter un ordinateur, on veut installer du Logiciel Libre dessus, on va au magasin du coin, on peut aller sur Montgallet, dans un grand magasin peu importe. Dans la plupart des cas, le PC qui sont vendus, les ordinateurs qui sont vendus équipés, pré-équipé de Microsoft Windows et il n’y a pas l’affichage des prix séparés et vous ne pouvez pas hachés un seul des composants. Donc si vous voulez demain acheter un nouvel ordinateur, vous avez Microsoft Windows qui est pré-installé. Donc la personne de base ne va pas se poser de question à savoir est-ce qu’il existe autre chose ou pas, j’ai déjà un système d’exploitation qui tourne donc je vais le garder. Ok. Alors là déjà la personne ne se pose pas de question.
Mais la personne qui veut installer du Logiciel Libre sur cet ordinateur, elle est obligée d’acheter l’ordinateur avec Microsoft Windows, elle paye une licence Microsoft Windows, elle ne sait même pas combien parce qu’il n’y a pas l’affichage séparé des prix. Et si elle veut obtenir le remboursement c’est très très compliqué.

Journaliste
 : Voir impossible.
Frédérick Couchet
 : Voir impossible. A tel point qu’aujourd’hui… Hier l’UFC que choisir, l’Union Fédérale, des Consommateurs, a assigné en Justice, je crois que c’est HP qui est un constructeur informatique, Darty qui est un magasin, et puis une troisième structure, contre cette vente liée qui fait vendre ordinateur et logiciel. Et ça c’est un des points les plus problématiques aujourd’hui, c’est que quand on achète un ordinateur le grand public n’a pas le choix, point. Il ne sait pas qu’il a le choix en plus. Donc nous ce qu’on demande dans les années à venir. Ça aurait été bien pour ce Noël-là, mais au moins pour le Noël prochain, c’est que les gens quand ils vont acheter l’ordinateur demain dans un grand magasin, ils puissent avoir un affichage séparé des prix, combien coûte le matériel, combien coûte le logiciel. Et puis la possibilité de se faire installer un autre logiciel que Windows. Ou aucun logiciel éventuellement ou un système libre. Avoir le choix. C’est ce qu’on demande. Or aujourd’hui l’utilisateur n’a pas le choix. Et c’est vrai que dans l’éducation nationale, c’est pareil on forme des gens à un outil spécifique Mirosoft Word, alors qu’on devrait former des gens à un outil générique qui est un traitement de texte. Parce que si on forme les gens à un outil spécifique, on leur donne des habitudes par rapport à cet outil spécifique, on ne forme pas les gens à l’informatique. Ce ne seront pas des gens qui seront autonomes à l’outil informatique. Donc nous ce qu’on dit faut former des gens à des outils génériques et si possible faire le choix du Logiciel Libre parce qu’il y a des avantages de coût, et puis le Logiciel Libre c’est un logiciel républicain comme je disais tout à l’heure, de liberté, égalité, fraternité, point.
Emmanuel Charpentier
 : Là, certains appellent cela la taxe Microsoft. Parce que quelque part, dans le prix d’un ordinateur actuellement, les ordinateurs grand public, ça va être 20% du prix qui va être dans les différents coûts de licence qui est complètement caché. Même la TVA, elle, est indiquée, mais là vous avez un coût qui est caché, qu’on ne peut pas voir, et même si on l’achète et qu’on l’enlève plus tard, effectivement, aucun moyen de se le faire rembourser, on l’a dans le baba !
Journaliste
 : Ca s’appelle pas une taxe, ça s’appelle un racket, là.
Emmanuel Charpentier
 : C’est cela, c’est tout à fait la même chose !
Frédéric Couchet
 : Justement, si vous employez ce terme, je veux juste référencer un site, qui s’appelle racketiciel.info. Ce sont des gens, dont je fais partie mais avec d’autres, qui ont lancé un site, une pétition justement, pour demander de mettre fin à cette vente liée, et effectivement, le terme qui est employé c’est racket, donc le site Internet c’est racketiciel.info qui est une pétition qui a déjà été signée par 15 000 personnes. Je pense qu’il est important de signer cette pétition justement parce que l’UFC-Que-choisir vient de lancer cette assignation pour donner encore plus de poids à l’assignation pour montrer qu’il y a des gens qui veulent avoir le choix de leur système d’exploitation quand ils vont acheter un ordinateur dans le commerce.
Emmanuel Charpentier
 : Il faut savoir que ça remonte loin. Quelque part toutes les pratiques monopolistiques de Microsoft, les accusations et les assignations en justice qu’ils ont eu sont en partie liées à ce genre de problème. Parce qu’ils ont fait des accords en sous-main avec les constructeurs de matériels pour que les matériels ne viennent qu’avec leur système d’exploitation. C’est vraiment un gros travail que Microsoft fait constamment avec les plus gros constructeurs pour les empêcher de fournir leur matériel sans Windows. C’est quelque chose qui va très loin.
Frédéric Couchet
 : C’est un peu comme si on achetait une chaîne hi-fi par exemple et qui était vendue avec, sans nous dire combien ça nous coûte, le CD de la Star’Ac, Dalida, le tout packagé et qu’on pourrait pas…
Journaliste
 : Ah ben c’est bien, ça !
Frédéric Couchet
 : J’ai choisi deux artistes… enfin 2 artistes… 2 noms différents justement pour éventuellement faire plaisir à quelqu’un

rires

Journaliste
 : T’as gagné !
Frédéric Couchet
C’est de la vente liée, c’est complètement illégal ! Le ministre du Commerce, c’est je crois Christian Jacob, je ne me souviens plus. En tout cas, Christian Jacob, qui était ministre il y a un an, avait clairement répondu à une question de la députée en disant « c’était illégal ». Mais finalement, les structures institutionnelles qui sont sensées faire appliquer la loi, comme la DGCCRF, donc la Direction Générale de Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, finalement, aujourd’hui, ils font pas grand chose. Ils font des tables rondes, je dirais, pour essayer de trouver une solution mais concrètement sur le terrain, ils ne font pas grand chose. C’est pour ça que c’est très important de soutenir la démarche de l’UFC qui assigne ces gens-là en justice, pour que demain on ait le choix d’acheter son système d’exploitation et que cela mette fin à un monopole de fait et que ça récrée une vraie concurrence dans le marché de l’informatique, qui est un marché qui est à la base un marché concurrentiel. Avec quelque chose qui est, à mon avis que les gens adopteront très facilement, qui est le Logiciel Libre, si simplement ils en ont connaissance. C’est ça le défi, c’est d’avoir connaissance du Logiciel Libre. Or aujourd’hui quand on va dans un grand magasin, on a même pas la connaissance du Logiciel Libre, le vendeur ne fait même pas, je dirais, son travail d’information.
Journaliste
 : Je propose qu’on se mette une petite musique et on revient. Donc c’est la philanthropie de l’ouvrier charpentier, aujourd’hui autour du Logiciel Libre, si vous voulez nous joindre, le 01-43-71-89-40.

♫ Brigitte Fontaine, Le Nougat ♫
Journaliste : Radio libertaire, 89.4, la radio de la Fédération Anarchiste. C’est la Philanthropie de l’ouvrier charpentier.
Aujourd’hui j’ai du mal à comprendre, alors il va falloir y aller vachement cool. Moi J’ai trouvé une illustration du Logiciel Libre qui me plait vraiment à 100%. Alors visiblement c’est de Richard Stallman, mais je ne suis pas sûr. Selon le principe du libre, vous avez obtenu légalement une recette de cuisine par n’importe quel moyen. Vous avez le droit de redistribuer cette recette à qui vous voulez et vous pouvez la modifier puis la redistribuer comme il vous plaît. Ça il parait que c’est un parallèle avec le libre, moi la recette de cuisine je la comprend vraiment bien. Ensuite selon la pratique du logiciel non libre, vous n’avez pas accès à la recette mais uniquement au gâteau déjà fait. Remarque c’est une peu ce qui se passe, hein, de plus en plus, faut pas abuser. Regardez, essayez de trouver la recette du coca-cola, vous l’avez pas hein. Vous ne pouvez manger le gâteau que dans une seule cuisine et personne d’autre que vous ne peux le manger. Quand bien même la recette serait fournie avec le gâteau, toute copie ou modification seront interdites. Là je trouve qu’on arrive peut-être à voir un peu plus d’image, le seul problème que je me pose c’est que dans le cas du principe de la recette de cuisine libre, j’ai les capacités de comprendre et j’ai les capacités de le faire. Dans le cas de l’informatique j’ai l’impression que j’ai intérêt à prendre un produit tout fini, un peu comme une bagnole d’ailleurs parce que, c’est vrai que quand j’avais une 4L j’arrivais encore à démonter les roues, à faire la vidange, maintenant avec une autre voiture ça devient de plus en plus difficile donc j’ai l’impression que cette histoire de Logiciel Libre, c’est quand même franchement un truc de technicien, de pur et dur. Parce que il y a quelques années, il y a au moins 5 ans, on m’avait donné un CD, c’était totalement légal hein, dessus il y a avait Linux, je l’ai mis dans mon micro-ordinateur j’ai bien regardé l’écran pendant un quart d’heure, 20 minutes, une heure et j’ai pris le manuel, dans le manuel je me suis écroulé de rire parce qu’on me disait il faut paramétrer telle carte, mais le mieux c’est d’installer Windows comme ça vous verrez le paramétrage et vous reprendrez le même. Donc j’ai pris le CD, je l’ai balancé et puis voilà quoi. Je veux dire c’est un truc de spécialistes quand même, faut pas abuser. Ah ouais ça y est ils se mettent en colère j’en était sûr.
Rires

Frédéric Couchet
 : Je vais laisser cette partie là, je voudrais juste revenir sur l’analogie que vous faisiez avec la voiture, juste pour expliquer un truc, c’est qu’aujourd’hui, si vous avez une voiture type propriétaire ou des composants propriétaires donc les secrets de fabrications dépendent d’une seule entité, vous serez condamnés pour faire réparer votre voiture à aller à tel garage spécialisé.
Journaliste
 : Ce qui est un peu le cas d’ailleurs…
Frédéric Couchet
 : Ce qui est un peu le cas, ce qui est de plus en plus le cas, mais ce n’est pas parce que c’est le cas qui se généralise qu’il faut trouver ça normal.
Journaliste
 : Oui mais on a l’impression que c’est plus violent pour la voiture que pour le logiciel.
Frédéric Couchet
 : Voilà, mais par contre si vous transposez ça au Logiciel Libre, c’est l’idée simplement de se dire qu’avec votre voiture effectivement vous pouvez réparer ce que vous pouvez réparer –&npsbdonc vous changez les roues, etc., faire éventuellement votre vidange –, mais pour le reste vous pouvez vous adresser au garagiste que vous voulez. C’est à dire que vous n’êtes pas en train, enfin vous n’êtes pas obligé de choisir tel garagiste pour faire réparer votre voiture qui va vous imposer des prix et qui en plus, va vous faire des modifications que vous ne pourrez pas faire contrôler par un autre garagiste éventuellement si vous avez un doute. Il y a des gens qui font des fois contrôler leur véhicule par deux personnes différentes parce qu’ils ont un doute. Et dans le cas du Logiciel Libre c’est ça, vous ne dépendez pas d’une entreprise pour faire évoluer ses logiciels, mais il est évident que la plupart des utilisateurs de base ne vont pas modifier eux-même le logiciel. Par contre, là où dans le cadre du logiciel propriétaire on fait confiance à une seule entité pour faire évoluer le logiciel et corriger les erreurs de programmation – ce qu’on appelle les bugs —, dans le cas du Logiciel Libre on fait confiance à une communauté globale dont l’intérêt est souvent cohérent avec les utilisateurs parce que ce sont les premiers utilisateurs de leurs logiciels, donc ce n’est pas qu’une affaire de spécialiste d’un point de vue technique, d’un point de vue de développement.
Journaliste
 : Alors d’un point de vue utilisateur, parce que d’une point de vue utilisateur, moi mon CD, je l’ai toujours balancé…
Emmanuel Charpentier
 : Oui bon là ce que l’on va espérer, c’est que c’était historique. C’était il y a 5 ans.
Journaliste
 : C’était historique c’était pas… cinq ans
Emmanuel Charpentier
 : En informatique c’est énorme, on ne s’en rend pas compte comme ça…
Journaliste
 : Mais ça déboute vite, hein quand même.
Emmanuel Charpentier
 : Mais bon, pour revenir à la cuisine qui est vraiment une très bonne analogie, moi j’aurais tendance à dire que je ne peux pas faire beaucoup de recettes de cuisine, je ne suis pas un très bon cuisinier. Vous ne serez peut-être pas un très bon codeur mais l’analogie se fait dans les deux sens.
Journaliste
 : On peut le voir comme ça, en effet.
Frédéric Couchet
 : Et puis sur cinq ans, il faut voir que dans le domaine informatique du Logiciel Libre il y a une évolution très rapide. Les développeurs de Logiciel Libre ont commencé historiquement par les infrastructures, donc la partie réseau, ce qu’on appelle les couches bases de l’ordinateur, et effectivement l’environnement graphique, le développement de l’environnement graphique est arrivé relativement tard, après, dans une deuxième étape. C’est vrai qu’il y a cinq ans, moi par exemple, je n’aurais pas conseillé à des gens d’utiliser tout seul, d’installer tout seul du Logiciel Libre. Aujourd’hui, très clairement, avec des distributions et je pense que Luc Fievet avait l’expérience d’Ubuntu, par exemple, une distribution de Logiciel Libre qui est utilisable – ou Mandriva – par le grand public, aujourd’hui on peut conseiller aux gens d’utiliser du Logiciel Libre.

Les choses en cinq ans ont considérablement évoluées et je pense que là-dessus, Luc, l’expérience….

Luc Fiévet
 : Alors sur le Logiciel Libre aussi, ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que c’est une multitude de logiciels, donc on pense aux distributions Linux mais on peut très bien mettre du Logiciel Libre sur son windows. Quand on utilise Firefox, qui se répand de plus en plus, c’est un Logiciel Libre.
Journaliste
 : Firefox, tu .
Luc Fiévet
 : Firefox c’est un navigateur internet. On se rappelle, le premier c’était Netscape, Microsoft s’est débrouillé, toujours par la vente liée, pour faire passer Internet Explorer à la place et Firefox est un autre navigateur.
Journaliste
 : Donc un navigateur c’est simplement un outil qui permet d’aller se balader sur Internet.
Luc Fiévet
 : Voilà et qui arrivait avec toute une série de très bonnes idées et notamment avec un bloqueur de pop-up, donc pop-up c’est des petites fenêtres qui s’ouvrent et qui donnent de la pub…
Journaliste
 : Des parasites quoi.
Luc Fiévet
 : Voilà. Chose que Microsoft n’aurait pas fait lui-même. Il a fini par s’aligner. Mais qu’il n’aurait pas fait lui-même puisqu’il possédait des activités de publicité. Donc jamais Microsoft, de lui même, n’aurait été allé se tirer une balle dans le pied, par exemple. Un Logiciel Libre n’est pas entravé par ce genre de chose et les développeurs font des fonctions utiles à leurs utilisateurs.
Journaliste
 : Donc ça veut dire qu’en fin de compte on peut quand même mixer les deux, c’est-à-dire que d’un côté on parle bien sûr de Microsoft et son environnement Windows, mais ça qui était un logiciel propriétaire, mais ça n’empêche pas, à côté, d’utiliser en plus, parce que bon, en gros, le système d’exploitation c’est la base de démarrage et de réparation quoi, et donc ça n’empêche pas d’utiliser, par exemple des traitements de texte, ou, là tu viens de parler d’un navigateur, d’un programme qui permet d’aller se balader sur Internet, et qui eux sont des programmes libres.
Luc Fiévet
 : Donc voilà, aujourd’hui on a toute une gamme de logiciels pratiques que l’on peut installer sous Windows et qui sont des logiciels libres, dans la bureautique, par exemple, on a OpenOffice, qui est extrêmement complet…
Journaliste
 : Ah OpenOffice, oui je veux bien. C’est vrai qu’il faut quand même… on a parlé du temps qui passait très très vite, on a quand même intérêt à utiliser la dernière version qui vient de sortir parce que la précédente était un peu lourdingue.
Emmanuel Charpentier
 : Ouais, elle est toujours lourdingue l’actuelle, faut avouer.
Luc Fiévet
 : Moi je bosse avec et hormis peut être le correcteur grammatical de Microsoft qui est quand même pas mal, je vois pas de fonctions, enfin je ne fais pas de trucs super, comment dire, de finance etc, avec le tableur mais je ne vois pas de fonction qui manque à OpenOffice aujourd’hui.
Frédéric Couchet
 : Juste pour prendre un exemple, la gendarmerie nationale migre tous ses postes en OpenOffice, je ne pense pas que la gendarmerie nationale migrerait ses postes en OpenOffice, comme ça juste pour le plaisir. Je pense que s’ils le font c’est qu’ils ont fait une étude qui montre qu’économiquement, il y a un intérêt à migrer sous OpenOffice, mais qu’aussi techniquement il y a un intérêt à migrer sous OpenOffice. Et c’est pas la seule, il y a le gouvernement finlandais, l’administration finlandaise qui a annoncé ça aussi dans la semaine, une migration vers OpenOffice, il y a un vrai mouvement global de migration vers OpenOffice même si derrière effectivement le système d’exploitation reste Windows, c’est une première étape.

C’est aussi l’avantage du Logiciel Libre, c’est qu’il y a une grosse diversité et on peut venir au Logiciel Libre de différentes façons :
* soit en commençant à installer des logiciels libres sous Windows, donc Firefox pour Internet, OpenOffice, l’outil pour le courrier électronique,
* ou on peut installer directement un ordinateur avec que du Logiciel Libre. Il y a vraiment le choix.
C’est la force du Logiciel Libre et c’est vrai que l’évolution du Logiciel Libre du point de vue du grand public est très très rapide et va encore s’accroître.
Clairement, entre il y a cinq ans, votre expérience et aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir, plus rien à voir du tout.
Luc Fiévet : Et même au niveau des systèmes d’exploitation, moi je ne suis pas informaticien, donc j’installe du Logiciel Libre sur mon Windows depuis longtemps, je le fais notamment au travail, on a tout une gamme de logiciels. On peut parler de Framasoft, framasoft.net, où donc on a une bibliothèque de Logiciel Libre qu’on peut installer sous Windows. On voit qu’il y a vraiment des tas de logiciels pour tout un tas de fonctions. Petit exemple professionnel : Dans mon boulot je dois faire des présentations, pour présenter des choses à mes clients. J’ai installé Gimp, qui est un logiciel de retouche d’images, qui est très complet, un peu l’équivalent de Photoshop et ça me permet de retoucher des images avec un outil puissant. Dans le cadre de mon boulot, c’est un avantage. Si j’allais voir mon patron en lui demandant de me payer une licence de Photoshop, il tirerait la gueule parce que je n’en n’ai pas un usage intensif, et ça serait beaucoup trop cher. Avec Gimp, je peux faire des choses que je ne pourrais pas faire autrement.
Après ça, ben récemment j’ai installé chez moi Ubuntu qui est une distribution de Linux et qui a l’ambition d’être adaptée aux utilisateurs de base dont je fais partie. Et j’avais déjà fait un essai il y a plusieurs années et c’est vrai que c’était difficile, je ne m’en étais pas sorti tout seul. Sur Ubuntu, à un détail près, ça s’installe tout seul et je dirais même que l’installation est plus simple que celle d’un Windows. Parce qu’une fois que l’on a installé son Windows ça marche à peu près tout seul, mais comme le but du logiciel propriétaire c’est de vendre des logiciels, une fois que j’ai installé mon Windows, il n’y a rien dedans, ou quasiment.
Dans le Logiciel Libre, on n’a pas cette problématique. Une fois que l’on a installé son Ubuntu, on a une liste de logiciels de bureautique et de tous types, on n’a qu’à cocher les cases et les trucs s’installent automatiquement. On n’a pas besoin de passer par des interfaces compliquées, de voir où est-ce que l’on va mettre ça sur le disque, est-ce que ça s’installe, est-ce que ça ne s’installe pas, etc. Avec tous ces logiciels – on parlait tout à l’heure des freewares et de ce genre de choses – qui vont installer des trucs promotionnels qui vont balancer de la pub régulièrement ou des choses que l’on n’a pas demandées. On est complètement libre par rapport à ces impératifs commerciaux et l’on a une liste très complète qui n’empêche pas d’installer d’autres choses par ailleurs.
Aujourd’hui, ce n’est pas totalement… je veux dire j’ai eu une petite difficulté. D’une part ça va s’améliorer avec le temps, et ce qu’il faut voir également, c’est qu’aujourd’hui les difficultés qu’il peut y avoir sur Linux sont essentiellement pour installer des périphériques. Aujourd’hui, tout les constructeurs de périphériques font des logiciels d’installation pour Windows, c’est-à-dire que c’est le constructeur du périphérique qui fait le boulot nécessaire pour que ça s’installe tout seul. Et c’est un travail qu’il ne vas pas faire pour Linux.
Donc aujourd’hui on a quelque chose qui fonctionne quand même très bien, et avec tout ce travail d’adaptation des périphériques, qui est fait… disons que le constructeur ne fait pas son boulot. Donc on voit qu’avec un handicap par rapport à Windows, on a quand même des choses qui tournent extrêmement bien et qui sont vraiment très très faciles à installer.

Journaliste
 : Oui donc là tu viens de parler de tout ce que l’on appelle programme d’utilisation, c’est-à-dire…
Luc Fievet
 : …le système d’exploitation
Journaliste
 : Là, pourtant, tu es plutôt en position mixte. D’un côté tu vas avoir ton système d’exploitation Windows et de l’autre côté tu peux adapter des logiciels. Tu peux utiliser des logiciels libres complets. Il faut savoir qu’il est vrai qu’actuellement le but c’est quand même de descendre largement les prix du matériel – le hard, toute la partie dure, la partie physique. On l’a vu quand même sur les dix dernières années où avant les euros ça coûtait en gros entre 12 000 et 15 000 francs un micro-ordinateur de base, et maintenant 350€ - 400€ vous pouvez l’avoir. Donc c’est vrai que ce n’est pas con. Mais on sait très bien que ce qui est le plus cher actuellement ce sont bien sûr les logiciels.

Je dis ce qui est le plus cher au niveau théorique parce qu’on sait très bien le taux de piratage qui est monstrueux sur tout ce qui tourne sous Windows, ou même tout ce qui pourrait tourner sous les Macintosh, c’est assez énorme.
Donc là on vient de parler des logiciels, des applications, qu’est-ce qu’il en est du système d’exploitation ? Parce que le système d’exploitation, c’est vrai que c’est vraiment la base, on ne peut rien faire. Autant une application on peut la passer par une autre, ou des choses dans ce genre là, mais les systèmes d’exploitation actuellement qui ne sont pas Windows, il n’y en a pas tellement. Il y a Linux avec tout ce que l’on appelle les distributions – il faudrait nous faire un petit point sur ce que l’on appelle les distributions, justement.

Emmanuel Charpentier
 : Alors le truc c’est que justement il n’y a plus les notions de monopole comme a avec le logiciel propriétaire, on est obligé de passer par quelqu’un. On n’a pas le choix, on va au garage du coin et la voiture va avec le garage du coin. C’est Microsoft point. Vous envoyez votre argent aux États-Unis, ils vont s’en occuper, ne craignez rien, faites-leur confiance.
Luc Fievet
 : Comme les fonds de pension.
Emmanuel Charpentier
 : Exactement. Alors que là justement il n’y a pas du tout cette notion de monopole-là, certes il y a du droit d’auteur, mais en fait il y a un droit d’auteur qui est utilisé comme une prise de judo de manière à ce qu’on puisse diffuser sans ce contrôle. La personne qui place son logiciel sous la forme d’un Logiciel Libre, sous une licence libre, va indiquer qu’elle ne veut plus le contrôler. Là-dessus, qu’est-ce qui se passe, vous n’avez plus à passer par Linus Torvalds pour récupérer le noyau Linux. Vous n’avez plus à passer par les gens qui écrivent des compilateurs pour récupérer le compilateur, quelqu’un d’autre peut le faire pour lui. Il va y avoir autant d’intermédiaires que les gens le veulent. Luc pourrait faire une distribution Linux, pourrait reprendre tous les logiciels qui existent et qui lui paraissent pertinents, les assembler et les proposer, même à la vente.
Journaliste
 : C’est ce que l’on appelle donc une distribution.
Emmanuel Charpentier
 : C’est exactement ça. C’est une distribution. Et les distributions ont cette particularité amusante que parfois elles se reprennent les unes les autres. Mandriva, qui est une distribution française, à l’origine était basée sur Red Hat. Ubuntu, qui est donc une magnifique distribution facile à installer…
Journaliste
 : C’est ce qu’on appelle donc une distribution ?
Emmanuel Charpentier
 : C’est exactement ça, c’est une distribution ! Et les distributions ont cette particularité amusante que parfois, elles se reprennent les unes les autres. Mandriva, qui est une distribution française, à l’origine, était basée sur Red Hat. Ubuntu qui est donc une magnifique distribution facile à installer. Sur un ordinateur portable, récemment, j’ai fait ça en 10 min sans aucun souci…
Journaliste
 : Oui mais tu es un spécialiste, tu comptes pas.
Emmanuel Charpentier
 : Non non non, je n’ai rien fait, j’ai mis mon CD dedans, c’était un ordinateur que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Le truc s’est installé tranquillement par Internet, en 10 min, sans problème.
Journaliste
 : Est-ce qu’il reconnait toutes les clefs USB, parce que là, ça m’étonnerait on a toujours des problèmes
Emmanuel Charpentier
 : Il a reconnu tout nickel ! Là honnêtement, en plaçant le périphérique dedans, c’était reconnu, la carte wifi était reconnue, l’écran était nickel. Certes, j’avais pas les accélérateurs 3D car les cartes graphiques d’accélération sont très fermées, il y a des secrets de fabrication derrière. Mais tout ça était très très bien reconnu. Là, Ubuntu est basé sur Debian, à l’origine. C’est une distribution qui elle-même a repris une autre distribution comme bootstrap.
Journaliste
 : Une distribution, c’est un ensemble de produits…
Emmanuel Charpentier
 : Exactement, pas juste un système d’exploitation, c’est beaucoup beaucoup plus riche, vous installez Windows, vous avez rien. Vous pouvez allumer votre ordinateur, vous avez peut-être une dame de pique qui se ballade dans un coin comme jeu, la souris qui bouge …
Journaliste
 : Super logiciel, très utilisé !
Emmanuel Charpentier
 : Forcément, il y en a pas 36. Vous installez une distribution Linux, vous vous retrouvez avec des milliers de logiciels. Tous les logiciels que le distributeur a considéré comme importants, et en général, aujourd’hui, ils font plus beaucoup de choix, ils mettent tout, ils mettent tout ce qui leur parait un tant soit peu utilisable, vous vous retrouvez avec des dizaines, des centaines de jeux magnifiques, vous vous retrouvez avec plusieurs traitements de texte, des outils de modélisation 3D, vous vous retrouvez avec vraiment tout, tout dedans, dans une distribution.
Luc Fievet
 : Et ça, ça me semble être une richesse vraiment bien d’un point de vue éducatif. C’est-à-dire que ce sont des outils … Par exemple, sur Ubuntu, il y a plusieurs outils, donc il y a un truc pour faire de la 3D avec un logiciel assez pointu que je connaissais un peu par ailleurs…
Journaliste
 : Blender !
Luc Fievet
 : Mais j’ai également découvert un logiciel de mise en page. Et je n’avais jamais de mise en page, enfin de PAO avant. Et c’est un truc qui m’intéressait. donc j’ai commencé à bidouiller avec ce truc-là. S’il avait fallu pour m’intéresser à ça que j’achète un logiciel ou que je le pirate, ce genre de chose, voilà, je l’ai jamais fait avant parce que j’ai pas l’argent à mettre dedans et que c’était compliqué, etc. Là, j’ai le truc qui arrive, je peux bidouiller, voire comment ça marche, etc. C’est vraiment un moyen pour découvrir des tas d’outils. Et une fois qu’on a les outils, on peut avoir envie de faire des choses. Je trouve que c’est vraiment quelque chose qui est très stimulant pour commencer à devenir acteur, pas nécessairement en informatique, mais on a des outils pour créer, pour écrire, pour s’exprimer. Et on accède à des tas de choses, on peut découvrir des tas de trucs. Je trouve que c’est une simulation vraiment très intéressante par rapport à un modèle où l’informatique, ça va être finalement un bien de consommation où on va dire « Prend ce machin, utilise-le » et on va essayer de guider quelqu’un d’abord sur son porte-feuille et à lui faire manger quelque chose. Là, on est vraiment dans l’idée de découvrir des logiciels, des outils qui peuvent amener à faire pleins de choses.
Frédéric Couchet
 : Et puis ça permet aussi, tous ces composants qui sont disponibles, à des gens qui ont un besoin spécifique, de prendre ces composants, les composants qui les intéressent, pour répondre à leurs besoins spécifiques. On parle de distributions de logiciels libres, il y a des distributions par exemple qui sont spécialisées pour le monde éducatif sur laquelle il y a des systèmes d’exploitation. Et les gens ont fait un travail de sélection par exemple d’outils orientés collège 12-18 ans, des trucs comme ça, avec des outils pédagogiques, des jeux, etc. sur lequel, dès que c’est installé, vous avez uniquement la base qui est nécessaire pour le public précis. Vous avez des gens qui ont fait une distribution qui était orientée pour tout ce qui est audio et vidéo, qui s’intéresse notamment à des artistes, etc. Et c’est la force du Logiciel Libre, c’est ça, les composants sont disponibles et les gens prennent les composants, les assemblent pour faire finalement leurs propres outils, leurs propres distributions, et éventuellement rajoutent ce dont ils ont besoin, et ils le rajoutent dans le pot commun. Ce qui permet ensuite à d’autres personnes, pareil, de re-contribuer au-dessus. C’est un petit peu ce qu’expliquait tout à l’heure Emmanuel sur les distributions qui s’utilisent, qui se copient les unes les autres. C’est comme ça que le savoir se transfère, c’est par copie, ce n’est pas en cachant le savoir que ça se transfère.
Luc Fievet
 : Sinon ça devient très religieux.
Frédéric Couchet
 : Voilà !
Journaliste
 : Un principe, un pouvoir de la religion, c’est bien de cacher le savoir.
Frédéric Couchet
 : Exactement. Dans le modèle du Logiciel Libre, c’est l’inverse, on ne cache pas. La recherche scientifique fonctionne exactement sur le même principe, c’est la transparence, c’est la revue par les pairs, c’est la publication. Le Logiciel Libre, c’est exactement la même chose. Et ça permet donc à des acteurs économiques d’avoir un business. Mandriva, c’est une distribution mais c’est aussi une entreprise, qui vend cette distribution, qui vend dans les grands magasins, en téléchargement sur Internet, il y a un club, etc. Et puis, ça permet à des groupes informels qui n’ont pas de vocation commerciale à la base d’avoir leur propre distribution, qui correspond à leurs besoins propres. Et ça, c’est quasiment impossible avec le logiciel propriétaire intrinsèquement, parce qu’on n’a pas les libertés, et en plus économiquement, parce que la plupart de ces acteurs-là n’auraient de toute façon pas les moyens économiques de récupérer tous ces objets là, tous ces produits, avec des licences très chères.
Emmanuel Charpentier
 : Ce serait au moins rien que trop compliqué d’aller demander la permission d’inclure tel logiciel, tel logiciel, tel logiciel. Vous en feriez quoi ? 10 ? 20 ? Vous auriez l’équivalent d’une petit CD de shareware ou de freeware que vous distribueriez à la sauvette, c’est très difficile à assembler. Et alors pour avoir les mises à jour, les nouvelles versions, ce serait quasiment impossible !

Là vous installez une distribution, vous l’avez sur votre PC, les mises à jour vont être disponibles par la communauté des utilisateurs, par le fournisseur qui peut être une entreprise donc, il n’y a pas de blocage comme on aurait avec un logiciel propriétaire. Au contraire, on vous pousse vers vous une certaine richesse qui peut parfois être encombrante : on va se retrouver avec beaucoup de choix et, comme on le sait, des fois le choix est difficile à faire.
Journaliste : Je propose qu’on se mette une petite musique et qu’on parle peut-être après de l’aspect économique, il y a quand même des histoires de gros sous, donc pour nous joindre le 01-43-71-89-40.
♫ Brigitte Fontaine, Chat ♫
Journaliste : Radio Libertaire, 89.4 la radio de la Fédération anarchiste. C’est toujours « La philanthropie de l’ouvrier charpentier » et on a aujourd’hui des défenseurs du Logiciel Libre. Moi c’est vrai qu’il y avait le mot libre mais je fais toujours attention aux mots, je ne sais jamais trop… Et puis là il y a quand même un argument qui n’a pas été développé, c’est l’argument de l’argent. On a vu l’argument précédent qui était l’argument de la facilité d’installation et d’utilisation – ce que j’arrive à croire parce que c’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’évolutions et que de toutes façons il ne me semble pas qu’un logiciel propriétaire soit plus facile à installer, on en parlait hors micro. Ceux qui utilisent Windows, j’espère que vous n’aurez par de problèmes dessus ce qui est manifestement impossible parce qu’à une époque c’était l’écran bleu, on avait le grand écran bleu qui arrivait et donc quand on avait le grand écran bleu on criait au secours –, actuellement il y a d’autres dysfonctionnements même sur les nouvelles versions, par exemple quand il vous met Microsoft, donc, XP et qu’il va sur l’écran et qu’il remet « Microsoft XP » et qu’il va sur l’écran et qu’il tourne pendant des heures comme ça parce qu’il est planté, vous êtes bien embêté parce que là en effet il n’y a aucune possibilité d’intervention, puis vous pouvez demander à n’importe qui qui vous dit « eh ben, là on va réinstaller parce que comme ça ce sera plus simple ! ».C’est comme une voiture : quand on rachète une voiture neuve c’est beaucoup plus simple que de trouver la panne.
Rires En effet, c’est délicat.
Par contre, on pourrait peut-être parler du rapport financier. Il y a plein de choses autours du rapport financier, le premier peut-être, c’est que déjà le créateur il ne touche rien là, il travaille pour la gloire. C’est beau, nan mais c’est beau. Je ne suis pas contre. Mais alors, le créateur il travaille comment ? parce que on a pris l’exemple par exemple de Richard Stallman, qui lui était chercheur etc. donc c’était dans le cadre de son boulot qu’il était payé, donc il était quand même payé quelque part puisque dans le cadre de son boulot il devait faire de la recherche. Donc il y avait quand même quelqu’un qui reconnaissait que sa recherche avait quand même de la valeur.
Frédéric Couchet : Sauf que quand il a lancé le projet de système d’exploitation, il a démissionné à l’époque du MIT justement à cause des problèmes de droits d’auteur pour être sûr en fait que le logiciel qu’il allait développer n’appartienne pas au MIT et ne restreigne pas leur diffusion. Et donc lui il s’est financé comment, il s’est principalement financé en faisant de la formation, en faisant du service autours des logiciels qu’il développait. Aujourd’hui ses principale sources de financement, ce sont les prix qu’il a eu et les conférences, certaines de ses conférences qu’il fait payer. Il faut bien, comprendre aujourd’hui que dans le domaine des développeurs de Logiciel Libre, la plupart sont payés pour développer du Logiciel Libre dans le cadre de leur activité, soit dans leur entreprise, Mandriva par exemple paye des gens pour développer leur distribution, IBM paye des gens pour développer des modifications sur le noyau Linux. Beaucoup de gens, et de plus en plus de gens en fait produisent du Logiciel Libre sur temps de travail payé par l’entreprise, Sun fait la même chose. Mais ça n’empêche pas qu’à côté il y a des gens qui produisent du Logiciel Libre tout simplement pour le seul plaisir de produire du Logiciel Libre. Il faut bien voir que produire du logiciel quelque part c’est un acte artistique pour beaucoup de gens, il y a des gens qui font de la musique payés, financés de différente manière, et puis qui font la musique, simplement le soir aussi parce que c’est leur plaisir, ils ont la possibilité de le faire, il sont créatifs donc ils font de la musique. Et il y a des gens, pareil dans le cadre du développement du Logiciel Libre, font du Logiciel Libre sur leur temps libre simplement parce qu’il sont créatifs, ils peuvent le faire. Donc les deux sont possibles aujourd’hui. Et effectivement aujourd’hui il y a de plus en plus de développeurs qui sont payés sur leur temps de travail pour développer du Logiciel Libre soit par des grandes entreprises, par des institutions… Par exemple on peut parler de l’administration publique, l’administration des collectivités territoriales par exemple, sont financées sur fonds publics. On pourrait se dire que naturellement une structure qui es financée sur fond public, ce qu’elle développe doit être public. Le Logiciel Libre quelque part, c’est un logiciel public justement, puisqu’on a les 4 libertés, donc il y a une mouvement dans l’administration dans les collectivités pour produire des développements en interne qui vont être fait en Logiciel Libre dès le départ, donc les gens les informaticiens qui sont payés par l’administration ou collectivité, des société de service qui sont prestataire de ces structures, font du Logiciel Libre et sont payés pour ça. Donc il y a de plus en plus de gens tout simplement dont le métier est de produire du code qui va simplement être du Logiciel Libre et qui sont payés pour ça. Mais ça n’empêche pas qu’il y a toujours des gens qui vont produire de façon bénévole parce que ça leur fait plaisir parce que c’est leur passion parce qu’ils sont aussi les premiers utilisateurs de leur logiciel. Exactement comme dans la musique, il y a des gens qui font de la musique rien que pour le plaisir de faire de la musique.
Luc Fievet : Il y a aussi des gens qui font de la radio comme à Radio Libertaire sans être payés, et qui sont payés par ailleurs.
Rires

Journaliste
 : Oui là donc en vérité là on trouve trois domaines, les grosses entreprises –&npsbmais les grosses entreprises j’ai du mal à savoir pourquoi,
Emmanuel Charpentier
 : …toutes les entreprises …
Journaliste
 : …j’ai du mal à savoir pourquoi elles voudraient faire du libre, parce que l’entreprise est en fait pour faire l’argent, faire du libre, il n’y a pas…
Emmanuel Charpentier
 : parce qu’elles s’en fichent, elles vont faire, de toutes façons un logiciel, qu’il soit libre ou pas libre, intrinsèquement elles s’en fichent. Le fait qu’il soit libre, ça ne leur coûte pas vraiment de l’argent, voir même ça leur rapportera de l’argent d’une autre manière en contributeurs, on va en reparler de ça plus tard.
Journaliste
 : Là je veux bien le sentir comme ça, parce que je ne vois pas une société payer des chercheurs pour faire quelque chose de libre, quelque chose qui ne rapporterait pas à l’entreprise. Avant tout l’entreprise elle veut faire du fric.
Emmanuel Charpentier
 : Oui mais si c’est pas lié à son activité directement, si une entreprise n’a rien à voir avec la gestion de la paye, a besoin de développer en interne, comme toutes les entreprises du monde, un outil de gestion de paye, donc elle peut en acheter, enfin des choses horribles, ou alors elle peut essayer de reprendre quelque chose qui existe en Logiciel Libre, l’améliorer, rajouter des choses qui lui conviennent, et reverser ces améliorations dans le pot commun pour que d’autres entreprises fassent la même chose et éventuellement fassent améliorer globalement le logiciel. C’est vraiment du gagnant/gagnant. Et dans ce cas-là effectivement, un logiciel qu’a été développé en interne pour des raisons pratiques peut être pratiquement partagé et amélioré en groupe. C’est vraiment un côté collaboratif on s’aide, on s’entraide les uns les autres.
Frédéric Couchet
 : Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le Logiciel Libre permet à des entreprises innovantes de partir sans capitaux quasiment. Là où dans le cadre de la net économie où souvent il faut des millions pour démarrer parce qu’il faut des achats de brevets, etc., dans le cadre du Logiciel Libre, l’entreprise qui a une idée innovante, elle peut prendre les composants qui existent déjà, rajouter juste ce dont elle a besoin, pour démarrer son business et ensuite faire évoluer son business là-dessus. Elle peut démarrer de rien. Et le fait de le refaire en Logiciel Libre, c’est simplement de se dire que il est plus intéressant pour moi de le remettre en Logiciel Libre parce que si je le fais et que tout le monde autours de moi le fait, finalement ma contribution est très petite par rapport à ce que je récupère en fait. Moi j’ai mis un petit peu dans le pot commun, mais par contre il y a plein de gens qui ont mis beaucoup dans le pot commun donc globalement, je suis gagnant. Et ça, c’est un modèle qui se développe de plus en plus, et ça permet effectivement quand on parlait tout à l’heure, des licences, de l’argent des licences qui repart aux États-Unis via l’Irlande par exemple, là ça permet de développer un modèle de développement économique local avec des gens en local qui sont payés avec des salaires. L’argent reste dans le pays d’origine et c’est pareil de la même façon dans les pays en voie de développement ou des pays du Sud, qui pour des raisons d’indépendance peuvent faire le choix du Logiciel Libre mais aussi pour des raisons simplement bassement économique de se dire que l’on va développer un système économique local basé sur du service, de la maintenance ou de la formation, du développement, mais en partant de proposer du Logiciel Libre parce que justement ça permet de démarrer un business sans avoir besoin d’avoir des monceaux d’argents que de toutes façons ils n’auront pas. Ça crée véritablement un marché qui est beaucoup plus sain. Donc l’intérêt de tous c’est de contribuer justement pour finalement mutualiser ces développements, ces corrections de bugs, là où le développement du logiciel propriétaire est centralisé, il faut beaucoup d’argent et complètement monopolistique. Donc là on a un modèle économique qui est basé sur le service qui permet une vraie concurrence.

C’est un modèle qui est en plein développement. Il y a des gens qui font le choix du Logiciel Libre, on l’a dit tout à l’heure, pour des raisons économiques, d’un point de vue strictement stratégique, pour des raisons effectivement de fric. Moi, ça ne me choque pas. C’est ce que je disais tout à l’heure, moi je fais du Logiciel Libre plutôt pour des raisons éthiques, philosophiques, mais je trouve très bien qu’il y ait des gens qui fassent de l’argent derrière, surtout qu’ils ne restreignent pas les libertés des utilisateurs. C’est ça l’essentiel : ils font de l’argent, mais ils ne restreignent pas les libertés de l’utilisateur. Ils redistribuent au pot commun. Moi je peux récupérer ce dont j’ai besoin si j’en ai besoin, une autre entreprise peut le faire. Moi je trouve ça tout à fait sain, je dirais comme modèle économique. Moi je ne suis pas contre l’argent, au contraire, je pense que les gens ont besoin de vivre effectivement sauf que là c’est un modèle qui est basé sur le respect des autres, sur la liberté et sur le fait que finalement c’est l’innovation qui va gagner. Et en informatique, l’important c’est juste d’avoir 6 mois d’avance en fait souvent, c’est ça qui est important.
Le logiciel libre permet de démarrer très rapidement à partir de composants. Si on a une idée qui nous permet d’avoir 6 mois d’avance, et bien on peut démarrer très rapidement. Il y a plein d’entreprises qui démarrent comme ça, qui démarrent à deux ou trois, et puis aujourd’hui sont une dizaine. L’entreprise par exemple qui fait de la sécurité, ils ont démarré il y a deux ans – ce sont d’anciens collègues à nous – ils étaient deux ou trois, ils s’appellent INL, ils font un outil de sécurité, ils ont eu une idée innovante, ils sont partis de composants de Logiciel Libre, ils ont rajouté juste ce dont ils ont eu besoin, et aujourd’hui ils sont une dizaine de personnes. Ils ont eu les honneurs d’un des principaux journaux informatiques il y a quelques semaines. Je trouve ça très bien.

Journaliste
 : Ça maintenant pour l’entreprise je commence à comprendre quel est son intérêt parce que moi je pense que pour une entreprise, l’intérêt c’est l’argent.
Frédéric Couchet
 : Tout à fait.
Journaliste
 : Donc payer des gens pour faire du Libre, je ne comprenais pas. Mais par contre payer des gens pour faire du Libre sachant que ça représentera peut-être 1 ou 2% de ce qu’ils auraient dû débourser en prenant du propriétaire, ça j’arrive à comprendre pourquoi ces gens, une entreprise, pourraient faire le choix de payer des gens pour du développement. Ça j’arrive à comprendre.

Pour tout ce qui tourne autour de l’administration… Bon, moi je trouve que c’est vachement bien que l’administration ne fasse pas son travail traditionnel de transfert des fonds publiques aux fonds privés. Ça c’est une évidence claire puisque d’habitude c’est ça. Je n’y crois pas sur du long terme malheureusement, je crois plutôt à l’argumentation on donne un petit peu et on récupère 90% par rapport aux 10% que l’on a donnés.
Par rapport aux fous d’informatique, chacun est fou dans son domaine, ça j’avoue que ce n’est pas trop trop grave. Donc on arrive peut-être sur des gens qui vont créer du logiciel libre, à comprendre un peu l’idée – je parle bien de l’idée économique pour l’instant ; je veux dire que c’est vrai que quand vous êtes fou de quelque chose, quand quelqu’un est fou de peinture va passer des nuits, des jours à faire de la peinture, le rapport financier n’existe plus, et c’est bien quand le rapport financier n’existe plus de temps en temps.
La distribution, comment les gens vont se faire de l’argent sur la distribution ? On a parlé de distribution, mais puisque c’est libre, pourquoi le…

Emmanuel Charpentier
 : En la vendant.
Journaliste
 : Oui mais quel est l’intérêt de vendre quelque chose que l’on peut avoir gratuitement, là il faut m’expliquer.
Emmanuel Charpentier
 : On peut l’avoir gratuitement. Là il y a tout de même une question de…
Journaliste
 : Un côté spécialiste.
Emmanuel Charpentier
 : Non non non, c’est tout bête, vous allez la retrouver dans un magasin avec un prix marqué dessus, une boîte, qui sera peut-être jolie, avec un bouquin éventuellement associé, plusieurs CD ou DVD, une aide en ligne avec une hotline, des gens qui vont vouloir nous aider… mais effectivement, par ailleurs, on peut si on le veut aller sur Internet, voir même sur le vendeur, vous allez sur Mandriva ils vont vous proposer de télécharger le CD par Internet gratuitement. Mais eux leur but c’est qu’ils vont essayer de vous proposer cette boîte, que vous allez trouver facilement et que vous aller acheter. Il n’y a rien qui empêche d’acheter un Logiciel Libre, c’est encourager, ne serait-ce que pour les coûts, pour essayer de…
Journaliste
 : Les sociétés qui vendent du Logiciel Libre ne peuvent pas le vendre beaucoup, ni très cher…
Emmanuel Charpentier
 : Logiquement, elles ne peuvent pas le vendre beaucoup. Mais après, il va y avoir un système de hotline souvent…
Journaliste
 : Voilà, c’est ça donc il y a quand même une…
Emmanuel Charpentier
 : …qui va essayer, lui d’avoir une valeur ajoutée. Pour une entreprise, c’est quelque chose d’énorme. Moi je vois des entreprises qui refusent d’utiliser des logiciels parce qu’ils ne sont pas supportés par le système d’exploitation. Là-dessus il y a une entreprise qui s’appelle Red Hat qui commence à être assez connue pour ça, parce qu’il y a plein de revendeurs de matériel qui certifient que leur matériel tournent parfaitement avec Red Hat. Là-dessus, vous avez une sorte d’assurance qualité que les entreprises adorent. Quelque part c’est toujours le vieux principe du « au moins je me couvre ». C’est le parapluie, je me couvre, j’achète quelque chose où je sais que derrière, la loi va me protéger. En théorie parce qu’après dans les faits, faudra voir. Les gens recherchent beaucoup ça et les entreprises, c’est elles qui apportent souvent l’argent à ces grosses distributions.
Frédéric Couchet
 : Il y a des utilisateurs qui achètent effectivement des distributions, comme le dit Emmanuel, parce qu’il y a plusieurs CD, le bouquin imprimé, que c’est quelque part plus simple d’aller dans un magasin acheter la boîte et qu’en plus le coût effectivement comparé à l’arnaque du logiciel propriétaire, au racket du logiciel propriétaire, moi je trouve que de mettre 100 euros dans une distribution Mandriva, moi je l’ai fait l’an dernier pour mon beau-père, il voulait se mettre au LL, c’est vrai qu’on aurait pu télécharger les cd-rom, les graver, on aurait pu télécharger le manuel en pdf, l’imprimer sur son imprimante…
Journaliste
 : Ce qui a un coût aussi…
Frédéric Couchet
 : Ce qui a un coût aussi, je lui dis, attends, on va au magasin d’à côté, je sais qu’ils le vendent, de toute façon on doit y aller. On prend la boîte, ça permet aussi à la distribution de vivre, donc de maintenir la distribution en vie aussi. Et pour moi, ça ne représente pas un coût énorme et je trouve en plus que c’est un coup juste, on a acheté la boite, on a installé la distribution, mais c’est vrai qu’on aurait pu le faire en téléchargement. Sauf que cela a été plus vite pour nous. Le coût pour nous nous paraissait juste. Ça permet de faire vivre la distribution. Donc à partir du moment où on sait qu’il y a pas arnaque, où il y a transparence, où on sait où va l’argent, il y a plein de gens qui sont prêts à payer pour ça. Même si à côté, c’est vrai que l’on peut télécharger la distribution gratuitement.

Alors clairement ce genre de modèle économique, ça ne permettra sans doute pas à ces gens-là de devenir des Bill Gates, mais dans le monde informatique combien il y a de Bill Gates ? Et pour quel coût à côté ? Quel coût par rapport aux libertés individuelles au monde informatique. Moi je trouve qu’il est sain, ça ne me dérange pas d’avoir à payer tous les ans pour quelque chose, une somme d’argent, pour qu’une distribution de Logiciel Libre vive. Ça ne me dérange pas et je pense qu’il y a plein de gens qui sont comme ça. Il y a plein de gens qui sont prêts à payer

Journaliste
 : Il y a même un club.
Frédéric Couchet
 : Il faut bien voir, simplement parce qu’ils ont les moyens de le faire mais ils le font dans une structure dans laquelle, et dans un modèle dans lequel ils ont confiance. Les gens quand on les force à payer, quand on les rackettent…
Journaliste
 : Là on les force pas à payer, ils ne savent même pas.
Frédéric Couchet
 : Là ils ne savent pas, là, il n’y a pas à forcer, tout est clair, tout est transparent. Et c’est vrai que d’avoir un manuel imprimé, moi je compare par rapport au livre électronique, ou par rapport à la musique qu’on télécharge sur i-tunes et compagnie, avec tous les DRM, les outils qui vous contrôlent en fait votre usage. Moi, je suis désolé, je préfère encore avoir un livre papier parce que je peux le mettre dans la bibliothèque, je pourrais le lire autant de fois que je le voudrais, ou avoir…
Journaliste
 : Dans le lit c’est mieux que quand même un micro-ordinateur, même un portable… Il faut être honnête.
Frédéric Couchet
 : Ou avoir un cd-rom avec une belle jaquette et puis un petit manuel où vous avez des photos, des concerts, etc. Plutôt que de télécharger de la musique comme ça, je préfère encore ça et je pense qu’il y a beaucoup de gens qui sont comme ça, qui préfère encore ça, c’est-à-dire avoir ce lien au matériel et puis surtout d’avoir le choix de l’usage derrière. Le livre effectivement on pourra le lire tranquillement dans son lit si on veut, on pourra le livre 25 fois, plutôt que quand on télécharge de la musique qu’on soit limité par des outils, des mesures techniques qui sont choisis unilatéralement par le producteur généralement.
Journaliste
 : Quand on parle d’argent, on peut parler de piratage aussi. C’est vrai qu’il y a un système qui propose le piratage, je dis bien qui le propose. Je veux dire, quand on se fait racketter, on essaye de détourner.
Emmanuel Charpentier
 : Ça les aide. Le piratage les a beaucoup aidé pour se diffuser notamment. C’est un moyen de…
Frédéric Couchet
 : Déjà sur le terme piratage, il faut arrêter avec le terme piratage, c’est de la contrefaçon, juridiquement parce que piratage, ça laisse l’impression que derrière il y a des gens qui meurent. Il faut arrêter avec ça, parce que la contrefaçon a été organisée par le logiciel propriétaire, de façon volontaire, il faut quand même le dire. Ils ont très rarement essayé de contrer la contrefaçon, pour une raison très simple, c’est que le fait que des gens faisaient des copies illégales de logiciels augmentait leur base de logiciels utilisés. Et ils savaient très bien, que de toutes façons que par cette façon-là, en fait leur base de logiciels se diffusait et que c’est vrai qu’une partie leur échappait de manière monétaire mais qu’une autre partie leur revenait parce qu’à partir du moment où 1) une personne avait utilisé par exemple une copie de Photoshop illégale, et qu’elle communiquait avec quelqu’un d’autre, et bien cette personne, une de ces personnes qui communiquaient, lui, allait acheter Photoshop. Donc la contrefaçon était organisée en fait par le logiciel propriétaire pour augmenter sa base, c’est un petit peu, vous savez, comme dans la drogue, souvent les premières doses, elles sont pas chères, elles sont gratuites, on laisse tourner comme ça pour appâter le client et puis surtout pour le rendre captif. Donc la contrefaçon était organisée par le monde propriétaire, c’est très clair, et derrière il y a pas de mort.

Puis il y a des modèles économiques aujourd’hui qui doivent évoluer, c’est une autre chose, et très clairement là dessus il faut être très clair que la contrefaçon dans le domaine du logiciel a été organisée par les gens du propriétaire. Et d’ailleurs, quand on leur demande des études qui chiffrent leurs pertes par rapport à cette contrefaçon, ils en sont incapables. Il vous donnent toujours X% de machins mais ils se basent sur quoi ?

Emmanuel Charpentier
 : Ils inventent des chiffres.
Frédéric Couchet
 : Oui, ils inventent des chiffres. Il n’y a jamais eu aucune étude sérieuse publiée par un organisme qui vise à lutter contre la contrefaçon disant qu’il y a tant de perte et que si on pouvait lutter contre la contrefaçon, on gagnerait tant d’argent. Non. Il n’y a jamais eu aucune étude.
Emmanuel Charpentier
 : Ils s’en fichent. Ils ne s’intéressent qu’aux entreprises. Que vous et moi, on installe un logiciel chez nous, ils s’en fichent royalement. Ce qui leur importe, c’est qu’une entreprise quand elle installe un logiciel, on peut la contrôler beaucoup plus facilement. Et elle, elle peut payer cher. Elle, elle a de l’argent. Elle, elle a les moyens de donner quelque chose à l’éditeur traditionnel d’un logiciel propriétaire. C’est dans les entreprises que ça se bat réellement.
Frédéric Couchet
 : Et puis il faut voir quelles sont les méthodes de ses gens là. Il faut savoir qu’en Belgique, ce que l’on appelle la BSA, la Business Software Alliance, l’organisation qui est le bras armé en gros de Microsoft, qui vise officiellement à lutter contre la contrefaçon notamment dans les entreprises. En Belgique, l’organisation a été dissoute il y a quelques années parce qu’ils faisaient appel à la délation. En plus, ils faisaient de la lutte contre la contrefaçon comme un appel économique pour forcer les gens à acheter des licences Microsoft. Ce n’est même plus du racket, c’est la mafia en quelque sorte.
Emmanuel Charpentier
 : Oui, les avocats arrivent à la porte…
Frédéric Couchet
 : Et les entreprises ont tellement peur et payent sans vraiment savoir ce qu’elle sont censées payer. Cette entreprise a été dissoute en Belgique il y a quelques années. Je le dis aujourd’hui, il n’y a pas d’études qui montrent qu’aujourd’hui la contrefaçon dans le domaine du logiciel à mis en danger Microsoft. Au contraire. Ça a permis de leur créer une base installée et que derrière effectivement il y a eu des gens qui ont payé.

Et puis il faut se souvenir d’une chose : le prix dans l’immatériel, c’est quelque chose qui est… Qu’est-ce que vaut un logiciel ? Est-ce qu’il vaut 100€, est-ce qu’il vaut 2€, est-ce qu’il vaut 1000€ ? C’est de l’immatériel. C’est très difficile de dire aujourd’hui ce que vaut un réellement, au niveau financier, un logiciel. L’évaluation économique d’un logiciel, c’est quelque chose qui est compliqué. L’immatériel est quelque chose qui est compliqué. Et on essaye aujourd’hui d’appliquer les règles de l’économie matérielle classique, qui est une économie de rareté à un modèle d’abondance. Forcément, ça ne marche pas.
C’est là, le problème qu’il y a sur le peer-to-peer et la musique. Où là aussi, ça fait quelques années que les co-producteurs nous disent que la contrefaçon, ce qu’ils appellent le piratage, met en danger leur industrie. Sauf qu’ils n’ont jamais réussi à le prouver. Et on constate au contraire qu’il y a un déplacement des modèles économiques. Là où les gens n’achètent plus de CD ou de musiques comme ça, il le mettent dans les téléphones, dans les sonneries de portables. Il y a donc simplement un déplacement économique. La contrefaçon, ce qu’ils appellent le piratage, c’est un terme à prendre avec des pincette parce que, ça existe en partie, mais ça profite quand même beaucoup aux logiciels propriétaires.
Journaliste : On va se mettre un petit moment de musique. Donc Radio libértaire 89.4. La philanthropie de louvrier charpentier. Aujourd’hui autour des logiciels libres. On revient dans cinq minutes
♫ Louis Arti, Le Blues du chien ♫

Journaliste
 : Radio libertaire 89.4, la radio de la fédération anarchiste. C’est la philanthropie de l’ouvrier charpentier. Comme le nom d’un de…
Emmanuel Charpentier 
 : …de moi
Luc Fievet
 : Voilà !
Journaliste
 : Le problème que l’on se posait un peu c’est est-ce que ce modèle du libre peut fonctionner dans d’autres domaines ? Parce que si c’est un modèle qui peut fonctionner dans tous les domaines, on va arriver à quelque chose d’assez intéressant puisque c’est à partir d’une notion de communauté, peut-être arriver au communisme pur… alors là ça c’est peut-être un peu dangereux il faut faire gaffe…
Emmanuel Charpentier
 : Non, non…
Journaliste
 : De l’image du communisme que l’on a eu, attention, il ne faut pas confondre non plus…
Emmanuel Charpentier
 : Qu’il y a eu à un moment, par ce que ce n’est pas du tout…
Journaliste
 : Mais est-ce que par exemple ce modèle du Libre, c’est-à-dire en fin de compte de la création et de la recherche données à tous, pour que ça revienne ? Bon, c’est quand même une idée qui est vraiment intéressante, je veux dire…
Emmanuel Charpentier
 : Modèle scientifique.
Journaliste
 : Oui mais c’est de travailler sur le principe de la communauté, au lieu que ça soit sur le principe individuel, et visiblement on vient de voir qu’avec le Logiciel Libre, même pour faire de l’argent, c’est possible. Je veux dire, il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux mondes. Bon, c’est déjà pas mal, mais est-ce que ce modèle pourrait s’appliquer à d’autres ? Mais bon, je crois que l’on vient juste de parler du côté matériel et immatériel, je pense qu’il faudrait justement parler de est-ce que c’est possible sur des biens matériels ? Est-ce que c’est la même chose ou est-ce c’est impossible ? Et si c’est impossible, dans quel autre domaine on pourrait l’appliquer ? Quand vous voulez.
Emmanuel Charpentier
 : Tous les domaines culturels.
Luc Fievet
 : Alors sur le bien matériel/immatériel, c’est vrai que l’on a avec le logiciel et les biens immatériels un avantage. Mais aussi, il faut savoir, je pense, en termes économiques et de travail relativiser, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, on a le travail en entreprises, avec des systèmes capitalistes, etc. qui nous paraît une évidence, ça ne l’est pas. L’entreprise, c’est quelque chose d’assez récent, en termes historiques, c’est une invention du XIXème, avant, on avait des tas de gens qui travaillaient de façon communautaire, et qui y parvenaient très bien. On a encore aujourd’hui les systèmes coopératifs, les SCOP et ce genre de choses où l’on sait faire du matériel sans nécessairement passer par le système de concurrence. Même si une SCOP est soumise à la concurrence, mais avec ces systèmes coopératifs et qui fonctionnent de manière collective, c’est vrai que l’immatériel a cet avantage, qu’une fois que le travail est fait, une fois que le logiciel est produit par exemple, on peut le recopier à l’infini sans perdre de qualité pour un coût négligeable.

Même problème, enfin c’est un avantage, pas un problème ; même avantage dans la musique. Une fois que l’on a fait son morceau, on peut diffuser le morceau sans infrastructure lourde, et le recopier à l’infini. Donc effectivement, à partir du Logiciel Libre, il y a de nouveaux projets qui sont mis en place. On peut penser à Wikipédia par exemple…

Journaliste
 : Reprécise-nous un peu…
Luc Fievet
 : Wikipédia est une encyclopédie, ou plutôt un projet encyclopédique. Ça passe par Internet, on a un site dont le contenu peut être modifié à volonté immédiatement, par tout le monde.
Emmanuel Charpentier
 : wikipedia.org…
Luc Fievet
 : Oui.
Emmanuel Charpentier
 : Qu’au moins les gens aillent dessus.
Journaliste
 : De toute façon, ce n’est pas trop trop difficile, puisqu’actuellement, quand on utilise un moteur de recherche, et que l’on met une définition ou une recherche de définition, ça arrive quand même dans les cinq premiers.
Luc Fievet
 : Voilà.
Luc Fievet
 : L’adresse est fr.wikipedia.org, pour avoir l’adresse complète. Et pour le coup, on a dans ces idées, toujours les licences, ces principes de partage qui ont émergé avec le Logiciel Libre, sur le contenu. C’est-à-dire que ce qui a été écrit dans Wikipédia peut être récupéré par ailleurs, on a parlé récemment d’une sorte de projet concurrent à Wikipédia, qui est monté par un des types qui avait été au tout début, et qui s’était un peu brouillé avec le créateur de Wikipédia. Et ce type là ne part pas de zéro, il prend tout ce qui a été fait dans Wikipédia. Lui veut faire un système avec des gens qui vont valider, donc un comité de lecture. Est-ce que ça va marcher ou est-ce que ça ne va pas marcher, on ne sait pas, mais en montant ce projet il ne part pas de zéro. Il part avec tout le travail qui a été accumulé.
Journaliste
 : On est complètement dans le libre, dans la notion de partage
Luc Fievet
 : Je vois quand même une différence énorme entre le logiciel libre et wikipédia, c’est que un logiciel, à un moment ou à un autre, il est plus ou moins fini et on sait s’il fonctionne ou s’il ne fonctionne pas. C’est à dire que quand je prends – il peut plus ou moins bien marcher – Disons que c’est moins relatif dans un logiciel, c’est à dire que si j’installe un truc et que ça marche pas, je dis ça marche pas. Quand tu parlais tout à l’heure de ta tentative d’installation il y a cinq ans d’une distrib linux « c’est très compliqué, c’est trop compliqué pour quelqu’un qui n’est pas spécialiste »…
Emmanuel Charpentier
 : Il y a cinq ans !
Luc Fievet
 : Il y a cinq ans, et c’est clair. Donc un logiciel c’est quelque chose qui marche et sur lequel on peut s’entendre, sur son fonctionnement, sur son bon fonctionnement ou sur son mauvais fonctionnement,

de façon assez rigoureuse. Donc il y a quand même des différences – Wikipedia s’inspire de ces principes, par exemple – mais il y a quand même une différence parce que dans wikipedia le projet n’a pas de fin, parce qu’à partir du moment où tout est modifiable, on a des problèmes de vandalisme, et ce genre de chose, donc c’est un travail en continu d’amélioration et de maintenance du savoir qui a été mis en place et il y a des gens qui en toute bonne foi, vont également faire des modifications, donc il y a ce coté un peu sans fin, on va avoir des bouts de wikipedia qui vont être de mauvaise qualité, d’autres de très bonne qualité, donc on a peu un brouillard et ce coté très flou, parce qu’on est dans le domaine des idées.
Journaliste : C’est un peu gênant ce que tu dis parce qu’on s’attend toujours qu’une
encyclopédie, ça pose la vérité, la réalité, sans problème.

Emmanuel Charpentier
 : C’est une erreur
Journaliste
 : Je suis d’accord là-dessus, parce qu’on pense au dictionnaire. Le dictionnaire ne peut dire que la vérité. Le seul problème, c’est que quand on prend trois dictionnaires, il disent des choses différentes, et puis actuellement tous les dictionnaires appartiennent au même éditeur. Donc déjà sur l’objectivité on est tranquille pour un moment puisque toutes les maisons d’édition qui faisaient des dictionnaires, Larousse ou autre, appartiennent au même, la même société. Donc après il y a le problème d’objectivité, mais on pourrait quand même s’attendre à ce que dans une encyclopédie il y ait une réalité, à un moment, quelque chose qu’on pourrait dire juste et inattaquable.
Emmanuel Charpentier
 : Il faut un sens critique pour le lire, quand même.
Luc Fievet
 : Pour moi c’est une force du truc, c’est que la personne qui va vendre un savoir ou une information en disant « voici la vérité », c’est un gourou,
Journaliste
 : C’est un escroc, surtout.
Luc Fievet
 : C’est un escroc. Et s’il dit « voici la vérité », c’est qu’il a un projet derrière et qu’il est déjà dans un rapport de pouvoir.
Journaliste
 : Ce qui veut dire que l’intérêt donc dans ce cas-là de Wikipedia – Nous on l’appelle Vikipedia –, l’intérêt c’est que justement, il y a une mise à jour constante aussi.
Luc Fievet
 : Oui
Emmanuel Charpentier
 : Oui
Journaliste
 : Donc il y a une évolution et l’intérêt aussi, probablement, c’est qu’il y a des compensations sur des gens qui vont écrire. Il y a quelqu’un qui va écrire, le fait que ça soit d’un accès très facile – c’est-à-dire qu’on n’est pas obligé d’en acheter douze tomes pour lire un élément et dire « nous on n’est pas d’accord » – ce fait-là fait qu’en vérité il y a une constante mise à jour et donc une évolution vers la qualité.
Luc Fievet
 : Voilà, mais pour moi – je contribue à Wikipedia depuis quelques années – je pense qu’il ne faut pas oublier que c’est un mouvement constant. Et même à l’intérieur, moi je sais qu’il y a quelque chose que je trouve très contestable, c’est les articles sur les mathématiques. Il sont probablement d’une rigueur implacable, mais je n’y comprends absolument rien. On me dit « c’est très compliqué », etc. mais je suis allé voir – même en physique – des trucs assez élémentaires que je connais un tout petit peu, et on se retrouve avec des définitions, sans doute très rigoureuses, mais totalement, enfin, avec aucun travail de vulgarisation, ne serait-ce que sur un début.

Par exemple, je trouve que ça, ce serait une voie d’amélioration de wikipedia qui serait très intéressante, et donc les clivages qu’on peut avoir dans la société par rapport au savoir, on peut aussi les retrouver dans wikipedia. Il y a des gens – c’est leur savoir – qui disent « c’est comme ça que ça doit être présenté », et moi je pense qu’il y a un travail à faire là-dessus, vers un plus grand accès du savoir, par exemple. Donc, un projet libre ne signifie pas que parce qu’il est libre, on est arrivé à quelque chose de merveilleux et que c’est le paradis.
Journaliste : Mais un produit payant, un logiciel, quand on veut faire certaines manipulations,
on est planté et puis c’est tout.

Frédéric Couchet
 : Non plus
Luc Fievet
 : Quand on commence à faire du libre, disons que c’est le début d’un travail. Dans le logiciel libre, c’est pas le paradis sur terre où tout le monde s’embrasse sur la bouche et tout va bien. Il y a des conflits, des gens qui ne sont pas d’accord, il y a des conflits, même des fois très durs…
Emmanuel Charpentier
 : Il y a des guerres.
Luc Fievet
 : Mais on se donne les moyens de travailler ensemble, et on se donne les moyens

de le faire honnêtement, en transparence.

Journaliste
 : Donc là, on vient de voir sur ce qu’on pourrait appeler la connaissance.
Emmanuel Charpentier
 : L’encyclopédie de la connaissance, le savoir humain
Journaliste
 : sur la connaissance, ça serait possible de mettre un système à l’identique.
Emmanuel Charpentier
 : Tout ce qui est culturel, il n’y a pas de limite, la musique aussi…
Journaliste
 : alors peut-être que les encyclopédies sur papier vont chuter complètement.
Luc Fievet
 : il y a, de ce qu’en j’ai entendu dire, il y a déjà eu des conséquences sur les encyclopédies, des conséquences malheureuses, en termes d’emploi notamment, où les encyclopédies papier, oui, ça le fait un manque à gagner
Journaliste
 : parce que de toutes façons, c’est vrai que même si on prend l’internet en général, déjà il y avait une masse d’informations qu’on n’allait plus voir dans des dictionnaires. Au niveau informations c’est un outil qui est fabuleux.
Luc Fievet
 : Mais en même temps, il ne faut pas trop non plus jeter la pierre aux encyclopédies conventionnelles, elles ont aussi leur intérêt.
Journaliste
 : je sais, lire au fond du lit.
Luc Fievet
 : elles sont accessibles par internet également. Ce que je veux dire c’est que dans Wikipédia c’est quelque chose de mouvant, on peut avoir des sujets qui sont mal traités, etc. C’est vrai que dans une encyclopédie, on a un petit peu cette assurance d’avoir quelque chose quand même de rigoureux.
Journaliste
 : Donc là on vient de le voir, dans la connaissance, la recherche et enseignement, est ce qu’on peut voir dans d’autres domaines ? L’art et la musique par exemple. Musique, cinéma, est ce qu’on pourrait concevoir, moi j’ai l’impression que dans le cinéma ça se fait déjà un petit peu, et dans le documentaire énormément.
Emmanuel Charpentier
 : ils ont utilisé des licences particulières d’art libre, ou quelque chose comme ça à votre connaissance ?
Journaliste
 : non non non, c’est simplement que par exemple dans le documentaire, actuellement il est possible de trouver un tas de documentaires, que des gens font, à gauche, à droite, des conférences, des morceaux de film, qui sont, par l’intermédiaire de l’outil internet, donnés à tout le monde.
Emmanuel Charpentier
 : D’accord. Mais est-ce qu’on peut en reprendre des morceaux, les ré-assembler, et refaire une nouvelle œuvre à partir d’une œuvre ?
Journaliste
 : il y en a un certain nombre où c’est libre de droits. C’est marqué libre de droits.
Emmanuel Charpentier
 : ça c’est intéressant, les documentaires dans ce cas-là, rentreraient dans ce cadre-là de partage de la connaissance.
Journaliste
 : c’est marqué « libre de droits », au contraire, le but, en général, c’est de le faire diffuser au maximum, donc ça ça pose pas de problèmes.
Emmanuel Charpentier
 : un des problèmes avec l’art, c’est que souvent l’artiste ne va pas vouloir qu’on modifie son œuvre sans son accord, c’est souvent une des limites, et c’est souvent une des différences entre un domaine technique comme le logiciel, où on va considérer que les modifications apportées vont être des améliorations, mais par contre dans un domaine artistique, il va y avoir une attache à l’auteur, au créateur, qui a une sorte de droit divin sur son œuvre, enfin, c’est considéré souvent de cette manière là légalement, et donc les améliorations, les changements, sont pas forcément acceptés. Sauf certains domaines, le jazz auquel je pense, ça a souvent été un domaine où on reprenait traditionnellement les anciennes musiques, on les améliorait on les faisait évoluer. Et d’après ce que j’en ai entendu dire, c’est mort à cause de la loi, qui a appliqué le copyright, le droit d’auteur, sur les œuvres de jazz, qui ont fait que, on ne pouvait pas reprendre facilement, une ancienne œuvre. Il fallait aller toquer aux portes, proposer de l’argent, échanger. Et que là en ce moment, ces anciennes œuvres de jazz retomberaient dans le domaine public, en ce moment ou bientôt, et offriraient une possibilité de reprise.
Journaliste
 : ça il y a 70 ans
Emmanuel Charpentier
 : oui, mais vous avez, avec les extensions des fois, il y a des choses qui font que…
Frédéric Couchet
 : par rapport à ce que dit Emmanuel sur les différents droits que veut donner l’artiste à l’utilisateur, justement, il y a des mouvements de réflexion autour des licences art libre, ou des licences creative commons, qui permettent en fait, à partir d’un certain nombre de droits que l’auteur veut donner aux utilisateurs, de choisir une licence qui va formaliser cet ensemble de droits. Mais c’est vrai qu’il y a des sites, je pense à un site qui anciennement s’appelait musiqueslibres.org mais qui s’appelle dogmazic maintenant, sur lequel il y a des milliers de morceaux de musique, qui sont pour la plupart, enfin pour la totalité, librement utilisables.

Certains on ne peut pas les modifier, d’autres on peut les modifier, certains on peut les mettre dans des compilations commerciales, d’autres on ne peut pas les mettre dans des compilations commerciales, donc en fait avec chaque morceau on a les droits qui sont indiqués, donc il y a un vrai mouvement dans la musique d’artistes, effectivement, qui choisissent de diffuser leurs œuvres, en donnant un certain nombre de libertés, pas forcément toutes les libertés, parce qu’effectivement, comme le dit Emmanuel, certains ne souhaitent pas voir leur musique modifiée, d’autres par contre souhaitent que leur musique soit modifiée. Certains ne souhaitent pas que ce soit intégré dans des compilations commerciales sans leur autorisation, donc ces gens-là sont partis de réflexions du logiciel libre en essayant d’adapter ça aux contraintes, ou en tous cas à l’environnement de la musique. Je pense que dans le monde du cinéma c’est pareil parce que les contraintes sont pas forcément les mêmes non plus.
Donc il y a un vrai mouvement. On peut aujourd’hui faire par exemple des soirées avec de la musique qui est simplement, entre guillemets, « librement utilisable ». C’est à dire, sur une licence par exemple, licence art libre, qui est une licence qui s’inspire du copyleft du logiciel libre.

Emmanuel Charpentier
 : définis, quand même.
Frédéric Couchet
 : le copyleft, on devait en parler, mais finalement on n’en a pas trop parlé.
Journaliste
 : le piratage de gauche ?
Emmanuel Charpentier
 : non, c’est la gauche d’auteur
Frédéric Couchet
 : c’est la gauche d’auteur. C’est l’utilisation du droit d’auteur pour garantir que les versions modifiées du logiciel seront toujours sous la même licence. C’est à dire qu’en fait elles resteront sous une licence libre au fur et à mesure de ses évolutions.
Journaliste
 : c’est à dire qu’on le donne à la communauté, mais on refuse que la communauté fasse du fric avec.
Emmanuel Charpentier
 : on met dans un pot commun …
Frédéric Couchet
 : non non pas du tout, on refuse qu’il y ait une réappropriation. On peut faire de l’argent avec des licences copyleft, c’est du logiciel libre, mais on refuse une réappropriation par quelqu’un qui va réutiliser une licence, un logiciel qui est sous licence copyleft peut très bien le vendre. Par contre s’il redistribue son logiciel, par exemple, s’il en fait une distribution, il doit le redistribuer sous les même termes que la licence.
Journaliste
 : c’est à dire qu’il n’aura pas le droit d’en faire un propriétaire
Emmanuel Charpentier
 : voilà, c’est un pot commun qui ne fait qu’augmenter
Frédéric Couchet
 : c’est un pot commun qui ne fait que augmenter, mais par contre, on peut en faire de l’argent. Et donc il y a des gens qui, il y a quelques années je crois, il y a 2001, ont écrit une licence art libre, qui s’inspire donc du copyleft, mais qui est un petit peu adaptée à l’art, qui prend en compte les spécificités de l’art, et il y a de plus en plus d’artistes qui mettent leur musique, mais qui aussi mettent leurs œuvres plastiques sous licence art libre, il y a un vrai mouvement, effectivement, qui se crée, à côté, du mouvement traditionnel, tel qu’il existe dans la musique. Donc tout ça c’est en discussion, en conflit quelque part, parce qu’effectivement c’est quelque chose de relativement récent, il y a aussi une mécompréhension importante de pas mal de gens, qui pensent, et bien par exemple qu’on peut pas faire de l’argent à partir de licences, enfin de logiciels qui sont des logiciels libres, ou d’art qui est en licence art libre, alors qu’on peut faire de l’argent.

Et je pense que ce mouvement là va devenir de plus en plus important, tout simplement parce que ce qui a radicalement changé les choses ces dernières années, c’est la dématérialisation des procédures, et l’émergence d’internet pour de plus en plus de personnes. Il y a quelques années, il y a vingt ans, quand le logiciel libre a commencé à se formaliser avec le projet de Richard Stallman et d’autres, il y avait finalement relativement peu de gens qui étaient connectés à internet, donc il y avait relativement peu de contributeurs. Aujourd’hui il y a de plus en plus de gens qui sont reliés à l’internet, et qui peuvent contribuer sur des objets immatériels. Ils peuvent apporter leur propre créativité, et quand on permet à des gens, des dizaines des centaines, voir des milliers de personnes de travailler ensemble à un projet commun, je pense que le modèle propriétaire ne peut pas lutter contre ça. Il ne peut lutter que s’il y a quelques personnes qui travaillent dans leur coin, je dirais dans leur maison sur un projet. Là, la place de travail c’est internet, c’est dématérialisé, et de plus en plus il y aura accès, de plus en plus de contributeurs qui seront sur internet et qui pourront apporter leur créativité, je pense que ça deviendra, en fait, un mouvement sur lequel on ne pourra pas revenir. Et qui va révolutionner beaucoup de choses, sauf que là on est à un moment où, et bien d’un autre côté il y a des acteurs traditionnels qui sont présents, les producteurs de logiciel propriétaire, qui essayent de survivre, parce que, et bien c’est leur métier de survivre quelque part, mais je pense que fondamentalement, ils ont intérêt à changer de modèle économique, ou ils vont survivre quelques années, mais qu’à terme, ils vont disparaître.

Emmanuel Charpentier
 : ils vont essayer d’utiliser la loi, pour se garder des monopoles d’état et de fait, introduire les règles de rareté dans ce monde d’abondance, pour essayer de garder l’ancien modèle.
Journaliste
 : vous êtes simplement en train de me dire que Bill Gates va d’ici peu pointer à l’ANPE ?
Frédéric Couchet
 : il changera, il fera autre chose.
Emmanuel Charpentier
 : avant ça il va essayer de mettre des lois, de réutiliser simplement le système légal, à son avantage. Comme si les gens qui fabriquaient les carrioles de chevaux au 19ème siècle essayaient de mettre des lois pour contrer les voitures.
Frédéric Couchet
 : comme, quand il y a eu l’imprimerie qui a existé, on a mis en place les fontes avec des droits d’accès sur les fontes, pour limiter les gens qui pouvaient finalement imprimer des livres. C’est exactement la même chose, les lois dont on n’a pas parlé, mais qu’on pourrait parler à une autre émission, qui sont, les brevets logiciels, les DRM, c’est à dire les outils de contrôle numérique, sont des lois qui visent à recréer de la rareté dans un monde d’abondance, et à recréer un contrôle là où il n’y a pas de contrôle. C’est uniquement ça, et comme ça va à l’encontre des libertés individuelles, et ça on pourrait l’expliquer, je pense que les gens vont le refuser, et l’une des grandes forces, à mon avis, l’une des grandes chances du logiciel libre dans les années à venir, c’est que justement les logiciels propriétaires qui arrivent, brident de plus en plus les libertés d’utilisateur, dans leur pratique classique, par exemple écouter de la musique de façon libre, mettre un simple CD par exemple qu’ils ont acheté dans un magasin aujourd’hui, quand on met un CD dans un ordinateur, on n’est même pas sûr qu’on va pouvoir écouter la musique qu’il y a dessus, on n’en est même pas sûr.
Emmanuel Charpentier
 : c’est pire, c’est dangereux. Ça peut infecter votre PC, ça a déjà infecté des milliers, des millions de PC dans le monde, juste en mettant des CD dans un ordinateur.
Luc Fievet
 : la chose aussi, c’est qu’il y a la liberté individuelle, mais c’est aussi collectivement stupide. C’est à dire que d’un point de vue économique, le fait de rajouter de la rareté là où il y a de l’abondance, ça profite à quelques-uns, mais collectivement et sur l’ensemble de l’économie, c’est néfaste. C’est-à-dire que l’on appauvrit l’économie dans son ensemble, et en fait les types mettent la main sur le robinet et limitent les échanges, et limitent l’enrichissement – c’est même pas une question de richesse c’est une question de prospérité – limitent la prospérité générale à leur profit, et je trouve que l’on a finalement quelque chose que l’on pourrait comparer à la situation d’avant la seconde guerre mondiale, on avait une crise économique, et on s’en est sorti en faisant des investissements, par ce que les économistes appellent l’effet multiplicateur, en faisant de l’intervention et en disant, créons de la demande et ça fera croître l’économie, et ce qu’on en a eu après guerre c’était une période de croissance qui était la période de prospérité sans doute la plus forte depuis le début de l’histoire de l’humanité. Et je pense qu’on a un mécanisme finalement assez proche aujourd’hui, d’avoir soit un système où on verrouille tout et où on sert le système et on essaye d’appauvrir et d’assécher, et avec une minorité qui a la main sur ce qui va rester et qui va vivre aux dépens des autres, soit au contraire on a un système de prospérité générale et où ça circule, et là on peut, comment dire, arriver à plus de prospérité pour le plus grand nombre.
Emmanuel Charpentier
 : Il y a des questions de contrôle énormes là-derrière, ça va être énorme.
Journaliste
 : On ne va pas tarder à s’arrêter… on va même s’arrêter parce que je vois que nos petits camarades des chroniques syndicales sont déjà arrivés. Donc je vous remercie d’être venus, et peut-être à une prochaine fois, sur Radio libertaire, parce que je pense qu’une émission va avoir lieu sur Radio libertaire un de ces quatre. Pour savoir quand elle va être ouverte, c’est pas difficile…
Luc Fievet
 : Normalement, c’est le dimanche de la troisième semaine de janvier.
Journaliste
 : Voilà, c’est ça. Et ça sera indiqué dans le monde libertaire, au 145 rue Amelot, il n’y a pas de problème.
Luc Fievet
 : On devrait commencer sur la loi DAVDSI, qui est une loi qui a été votée il y a quelques temps, et qui parle de copie de musique et de ce genre de choses.
Emmanuel Charpentier
 : Justement, rareté dans un monde d’abondance…
Luc Fievet
 : Voilà !
Journaliste
 : Ben je vous remercie d’être venus, et à bientôt !
Emmanuel Charpentier
 : Merci
Frédéric Couchet
 : Merci de l’invitation, et à bientôt !

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.