La menace de la réforme du droit d’auteur dans l’Union européenne - Transcription du Décryptualité du 30 avril

Titre :
Décryptualité du 30 avril - La menace de la réforme du droit d’auteur dans l’Union européenne
Intervenants :
Luc - Mag - Manu
Lieu :
April - Studio d’enregistrement
Date :
avril 2018
Durée :
14 min 50
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Revue de presse pour la semaine 17 de l’année

Licence de la transcription :
Verbatim
Illustration :
Flag of Europe - Wikimedia Commons. Licence Domaine public.
transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l’April.

Transcription

Luc : Décryptualité.
Voix off de Nico : Le podcast qui décrypte l’actualité des libertés numériques.
Luc : Semaine 17. Salut Manu.
Manu : Salut Mag.
Mag : Salut Luc.
Luc : Eh bien sommaire.
Manu : Sommaire sympathique. Six articles.
Mag : Les Echos , « Sans faire de bruit, Mastodon franchit le cap du million d’utilisateurs », par Étienne Combier.
Manu : Ce qui n’est pas mal, c’est que c’est Les Echos qui en parle, donc quelque chose d’orienté plutôt sur l’économie ; et là, il parle d’un réseau social libre, qui marche bien, et donc allez jeter un œil, parce que c’est décentralisé et souvent géré par des gens plutôt pas mal.
Mag : Un gros concurrent à Twitter qui avait même augmenté le nombre de caractères autorisés, ce qui a encouragé Twitter à faire de même. Numerama, « Réforme du droit d’auteur : 147 organisations chargent la directive européenne », par Julien Lausson.
Manu : C’est un des gros sujets de la semaine.
Mag : Et de la soirée !
Manu : Et de la soirée parce qu’on va en parler juste après.
Mag : ZDNet France, « Le RGPD, un atout concurrentiel pour le cloud français », par Xavier Biseul.
Manu : Je n’en reviens pas de ce retourné de crêpe. Le RGPD ce sont les nouvelles directives, dont on a parlé il y a peu, qui vont se mettre en place pour protéger les données des Européens. Les entreprises, à l’origine, se plaignaient beaucoup de ce nouveau règlement qui allait, soi-disant, les embêter, mais maintenant, elles se rendent que ça va leur donner un avantage marketing auprès du monde entier phénoménal parce qu’en Europe on protège les données des individus. Donc venez mettre vos données en Europe. Venez utiliser les services informatiques européens parce qu’il y a cette protection qui sera de base et qui va être très forte.
Luc : Le scandale Facebook-Cambridge Analytica n’y est pas pour rien !
Manu : Ça aide énormément et là, ce retourné est vraiment intéressant.
Mag : Usbek & Rica, « Comment Facebook vous contraint à accepter ses nouvelles conditions d’utilisation », par Lionel Maurel.
Manu : Eh bien justement, Facebook, le RGPD, donc toutes ces nouvelles contraintes sur les données personnelles, Facebook a trouvé une solution, c’est qu’il va y avoir une pop-up, il semblerait, qui va vous dire : « Est-ce que vous voulez continuer à utiliser Facebook ? Oui ? Non ? Si vous voulez, il faut accepter toutes nos nouvelles conditions » ; donc ce sera transparent.
Manu : Sinon partir !
Manu : Sinon vous partez, vous vous cassez ! Donc soi-disant c’est transparent et ils espèrent suivre la directive RGPD, mais ce n’est pas ce que pense La Quadrature [1], notamment.
Luc : Et Lionel Maurel, qui est donc un juriste spécialiste dans le domaine, et qui dit que justement, dans le RGPD, il y a cette notion de pouvoir faire un vrai choix et quand on te dit : « Soit tu es d’accord, soit tu dégages », ça ne colle pas.
Manu : Ça, ça s’appelle un chantage.
Luc : C’est un chantage ; ce n’est pas un vrai choix.
Manu : Un chantage au service. Il semblerait que c’est couvert par le RGPD et on va sûrement en reparler dans les prochaines semaines.
Mag : Techniques de l’Ingénieur, « L’IA, au cœur de la réindustrialisation française », par Matthieu Combe.
Manu : Ça suit plein de discussions qu’il y a eu dans le monde de l’informatique, dans le monde du logiciel libre et dans le monde des politiques, parce qu’il y a Cédric Villani qui a fait tout un rapport [2] là-dessus, qui a été notamment repris par Emmanuel Macron, où il discutait d’intelligence artificielle. Eh bien là, il y a des gens qui pensent que pour l’économie cela va être très fort, notamment pour réindustrialiser, ramener des entreprises qui fabriquent en France.
Mag : Telquel.ma, « Quelles alternatives face à Google, Facebook et autres géants de l’Internet ? », par Thibault de Seilhac.
Manu : J’ai l’impression que c’est le serpent qui se retourne et qui revient au départ. Eh oui, il y a des gens bien sur Internet qui proposent des services alternatifs aux GAFA ou aux GAFAM et notamment, surtout, nos amis : Framasoft [3] qui propose plein de briques décentralisées, libres. Super intéressant.
Manu : Il y a d’autres alternatives dans cet article qui fait une petite liste. Aujourd’hui on va parler de droit d’auteur et de la réforme des droits d’auteur qui s’annonce, parce que c’est un sujet très important et qu’il y a urgence, puisqu’en fait, c’est la Bulgarie qui a la présidence de l’Union européenne et qui pousse le sujet à fond.
Manu : Et ils veulent absolument faire passer des nouvelles directives européennes, qui seront ensuite à faire passer dans les législations nationales, à chaque fois. Et ces nouvelles directives européennes, c’est même plus un règlement, une directive, une loi, il y a plusieurs niveaux, eh bien elle a pas mal de composantes qui sont assez difficiles à faire passer.
Luc : L’idée de base c’est d’harmoniser le droit européen en termes de droit d’auteur ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise idée du tout.
Manu : C’est une idée qui date de 2016, il semblerait.
Luc : Ils y ont pensé bien avant, mais ils ont dit : « Allez, on va passer là-dessus. »
Mag : Le rapport Reda [4] est plus ancien.
Luc : Oui.
Manu : Oui.
Luc : Et donc, en soi, c’est bien, parce que c’est un peu le bordel ; il y a des lois différentes à droite, à gauche. Mais évidemment, c’est également une occasion pour les ayants droit et leurs lobbyistes d’essayer de faire tourner les choses de leur côté et là, ils sont en train de tenter le coup avec les Bulgares.
Manu : Ça a l’air de bien marcher. La présidence bulgare répond aux ayants droit, répond aux entreprises qui gèrent des contenus, donc les journaux mais pas mal aussi les gens qui vendent de la musique et ils ont l’air d’avoir mis en place toute une proposition, avec plusieurs articles qui ont l’air de leur faire grand plaisir, mais qui font bouger pas mal d’associations qui disent : « Qu’est-ce que c’est qui nous arrive dessus ? »
Mag : Ça ne marche pas si bien que ça. Parce qu’en fait, on a des associations dont tu parlais : la FSFE [Free Software Foundation Europe], l’OFE [Open Forum Europe].
Luc : L’April.
Mag : Qui sont en train de lancer une grosse campagne. Ils ont lancé une campagne en 2017, « Sauvons le partage de code », en anglais ça se dit totalement autrement, genre Save code Share [5], et l’April a relayé ce mouvement-là [6]. L’April a même traduit pas mal d’articles de l’anglais vers le français pour faire comprendre aux parlementaires, aux députés européens français, qu’il ne fallait surtout pas voter ça. Et puis ça ne marche tellement pas qu’il y a plein d’amendements qui sont en train d’être mis en place avec des exceptions à l’article 13 qui parle des plateformes pour sauver les GiHub, Gitlab tout ce qui partage des logiciels libres. Mais en fait, ça devient n’importe quoi, parce qu’il y a tellement d’exceptions que c’est impossible à mettre en place.
Luc : Une des choses qu’il faut dire aussi sur le contexte, ce dont on parle ça en est plein, c’est qu’en gros, il n’y a eu aucune concertation ; la présidence bulgare est arrivée, a dit : « Hop, voila le texte » et à aucun moment on est allé discuter. Ils essayent de passer ça en urgence en jouant sur la rapidité. Donc il y a déjà une première contestation en disant mais il n’y a aucune urgence. Là, on n’est pas face à un enjeu particulier.
Manu : Il n’y a pas une guerre, il n’y a pas de terroristes qui sont en train de tuer des gens.
Mag : Si, si, il y a une urgence ! C’est toujours la même chose, ce sont les ayants droit qui vont s’opposer aux grosses plateformes genre Google, YouTube et compagnie.
Luc : De fait, les vendeurs de musique tout particulièrement.
Mag : Ils n’ont pas de sous !
Luc : C’est ça ! Les vendeurs de musique, tout particulièrement, se plaignent de ne pas toucher assez de pognon sur la musique qui est diffusée au travers de YouTube, sachant que ce sont eux qui l’ont mise. C’est ça ?
Manu : Ce sont souvent eux qui mettent de la musique sur YouTube pour de la publicité, pour que les gens en entendent parler et puis parce que YouTube les rémunère quand même. Il y a beaucoup de publicités qui sont payées et donc YouTube leur redonne un peu d’argent à chaque fois qu’ils atteignent un certain volume de visualisations.
Luc : Ces gens font faillite peut-être ? Il y a peut-être urgence parce qu’ils sont trop pauvres !
Manu : Il semblerait que cette année les ayants droit en musique ont gagné plus que jamais. Le marché de la musique se porte super bien. Les Spotify, Deezer, notamment, eh bien ils gagnent des milliards et des milliards. Il n’y a jamais eu autant de bénéfices il semblerait.
Mag : Oui, mais ce ne sont pas les mêmes. Je pense que ceux qui se plaignent ce sont les Sony, les grosses habituelles !
Luc : Il semble que Spotify, etc., paye derrière les maisons de disques.
Manu : Oui, ils reversent leur dîme à chaque fois.
Mag : Oui, après avoir récupéré un petit pourcentage !
Luc : Oui. Mais ils ont beaucoup négocié entre eux, donc je pense que le partage leur convient tout à fait et le fait est que ce qui les dérange c’est que sur YouTube, ils ne gagnent pas assez, en fait. Donc on n’est pas dans une question de vie ou de mort ; il n’y a pas d’urgence. L’industrie musicale se porte très bien mais, pour eux, ce n’est juste pas encore assez rentable et donc ils veulent mettre…
Mag : En tout cas, il est hors de question de plaindre ces entreprises quand on voit que cette loi menace plein d’autres personnes !
Manu : On peut rentrer même dans le détail. Il y a deux articles principaux qui vraiment sont très importants à discuter, l’article 11 et l’article 13. Le premier, c’est l’article 11, c’est la taxe des liens. Le clic taxe.
Luc : Ça, ça touche Internet dans sa globalité.
Manu : Ça s’appelle aussi la « Google taxe », la Link Tax, la taxe des clics, parce qu’ils veulent taxer Google, notamment quand Google met des liens vers des contenus payants et ces liens apparaissent gratuitement sur les pages de Google.
Mag : Tu veux dire qu’ils veulent taxer Google qui met gratuitement des liens vers leurs sites à eux ? [Rire]
Manu : Exactement. Ce sont surtout les sites qui regroupent les nouvelles. Donc là ce sont les journaux, notamment, qui militent pour cela, parce que Google a une sous-partie qui s’appelle Google News. Il syndique plein de contenus différents qui viennent de plein de journaux notamment ; eh bien ils ne repaye pas pour faire apparaître les titres et les liens vers ces sites.
Luc : Alors que tu as juste un lien vers l’article sur lequel tu peux mettre un paywall, donc forcer le lecteur à payer s’il veut le lire.
Manu : Tu ne peux jamais tout à fait mettre un paywall ; c’est compliqué, tu es moins bien indexé par Google, donc c’est vrai que c’est compliqué. Et puis le truc que c’est que, effectivement, les ayants droit et les différents sites qui hébergent les contenus, au final, ils ont besoin de Google pour être trouvés, mais ils veulent quand même être payés par Google et ils considèrent qu’ils ont le droit d’être payés par Google.
Mag : Mais si Google vient à devoir payer, eh bien Google ne mettra plus ce genre de liens. C’est ridicule !
Manu : C’est ce qui avait commencé à être fait. Je crois que c’est en Belgique, notamment, où ils avaient commencé à mettre une « Taxe Google », et Google avait dit : « OK, pas de problème ; on arrête. » Et là, ils se sont aperçus que non, ça n’allait pas du tout, parce que 90 % des gens recherche sur Internet avec Google et donc les sites qui n’étaient plus indexés eh bien ils perdaient une grosse quantité de visibilité. Donc ça n’allait pas. Mais s’ils peuvent le faire sous la forme d’une directive avec un article fort au niveau européen, global, là, pour le coup, Google ne pourra peut-être pas s’échapper en disant juste « Eh bien, je ne vous leste plus » ou alors il faut qu’ils arrêtent leur service Google News, ce qui est quand même un peu fort.
Luc : Ce qui est assez rigolo là-dedans c’est, qu’en fait, tu n’accèdes pas au contenu de l’article par Google, juste au titre et au sous-titre. Mais comme la plupart des gens ne lisent pas les articles et se contentent de lire les titres et les sous-titres, ça a de la valeur en soi, je suppose. Ça pose d’autres problèmes. C’est-à-dire que si on doit payer, etc., il y a aussi des notions, il me semble, de demander l’autorisation.
Manu : Oui. Complètement !
Luc : Ce qui veut dire que dès lors qu’on veut faire un lien, eh bien il faut qu’on autorise. Donc si, par exemple toi Manu qui aimes bien critiquer les gens et qui es extrêmement négatif dans ta vision du monde.
Manu : Ah !
Luc : Tu fais un site et tu dis : « Regardez le site de machin, ce sont vraiment tous des salauds », eh bien ils peuvent te dire « on ne t’a pas autorisé à faire ce lien ». Donc du coup, tu n’as plus le droit de dire « mais regardez là-bas ce qui se passe », parce que les gens que tu vas pointer ils peuvent te dire « mais moi, je ne t’ai pas autorisé à me montrer du doigt ».
Manu : Au nom du droit d’auteur, effectivement, sachant que normalement il y a des exceptions pour la satire et la parodie, mais ces exceptions ont l’air d’être attaquées sur cette directive et donc elles peuvent sauter potentiellement. En tout cas, c’est ce qu’on constate parfois.
Luc : Et puis tu as toujours le problème de à qui tu t’attaques. C’est-à-dire que si toi tu es un petit acteur dans ton coin et qu’en face tu as une grosse machine qui dit : « Eh ! Mais tu n’avais pas le droit, je te fais un procès », même s’ils sont sûrs de perdre leur procès, et toi tu n’as peut-être pas 5000-6000 euros à mettre dans un avocat pour te défendre.
Manu : Tu as raison. C’est quelque chose qui est déjà utilisé, mais sous la forme du droit des marques. Je me rappelle d’une campagne de boycott contre des yaourts. La campagne utilisait le terme « Danone » à l’intérieur. Eh bien non, ils se sont fait rejeter ce droit-là. La loi a dit : « Non, non, non ! Droit des marques, ce n’est pas vous qui possédez cette marque-là, vous n’avez pas le droit de l’attaquer en utilisant le nom. »
Mag : Et là on ne parle que des liens, donc l’article 11 ! L’article 13, ça devient encore plus compliqué !
Manu : Alors là, c’est la machine à censure et c’est quelque chose de très fort. C’est un filtre automatique que les sites qui hébergent des contenus devraient mettre en place.
Luc : Donc il s’agit, en gros, d’inverser la charge de la preuve et de vérifier, par défaut, qu’un élément est légal ou pas.
Mag : Moi je pense à Wikipédia. Vous imaginez le nombre de liens qu’ils mettent vers d’autres sites !
Manu : Et de contenus.
Mag : Et le nombre de contenus ! Le nombre d’images ! S’ils doivent avoir des autorisations pour chaque chose qu’ils publient, eh bien ça ne devient plus possible de publier !
Manu : C’est pire que ça ! Les autorisations c’est déjà horrible. Donc ça voudrait dire qu’avoir des liens vers l’extérieur ce ne serait pas facile à faire, mais surtout c’est qu’ils seraient obligés de mettre en place, vraisemblablement, un filtre automatique, un petit robot, une intelligence artificielle à deux balles, un algorithme, n’importe, qui va vérifier des règles et ces règles-là leur seraient fournies, potentiellement, par les ayants droit. Les ayants droit leur diraient : « Vous êtes obligés de vérifier que mon album de Madona, qui vient de sortir, n’est pas sur votre site », par exemple.
Manu : Moi, du coup, ça me fait réagir ! Parce que si ce sont des robots qui vont gérer ça, il va y avoir plein de faux positifs. On parlait de Mozinor [7], lors d’une émission précédente, qui reprend des petits bouts de films.
Manu : Pour faire des parodies et des satires.
Mag : Pour faire des parodies, eh bien lui il est foutu !
Luc : De fait, il est censé être couvert par le droit, justement, à la parodie.
Mag : Oui, mais le robot il ne le sait pas ça.
Luc : Oui. Par rapport à cet article 13, on a un souci par rapport au Libre, avec cette idée qu’il y a plein de plateformes qui hébergent du code ; le code est couvert par le doit d’auteur – c’est un auteur comme un autre.
Manu : Pas tout à fait.
Luc : Et du coup, dès lors que tout ce qui est mis sur Internet va être systématiquement testé, etc., ça veut dire que, potentiellement, il peut y avoir des faux positifs dont tu parlais Magali et que l’entrée peut être bloquée. Donc ça va être des trucs compliqués et, en plus de ça, il y a toute cette question des licences parce que, dans du code libre, il peut y avoir plusieurs licences. C’est assez compliqué. C’est difficile de savoir, techniquement, est-ce que telle et telle combinaison de différents codes, de différentes sources avec différents types de licences, va être légale ou pas ; c’est un peu un casse-tête juridique et donc là, on retombe sur cette question : normalement, quand on a un casse-tête juridique, c’est un tribunal qui tranche après avoir analysé, après avoir réfléchi, et ce n’est pas un robot qui décide sur des règles définies par d’autres, en plus.
Mag : Ce qui risque de se passer c’est que les entreprises qui vont vouloir proposer du contenu risquent de tout simplement quitter l’Union européenne pour ne plus subir ces lois.
Manu : Quitter l’Union européenne ou ne pas apparaître. Parce que c’est vrai que c’est plus difficile de mettre en place des robots quand on part de rien. Une des choses qui est rigolote, qui est hypocrite, c’est que cette directive a été lancée, à l’origine, pour favoriser les startups européennes, notamment, ça faisait partie des règles, des causes dites en tout cas, et ce qui va se passer c’est que ce seront plutôt les acteurs déjà implantés, déjà installés, qui ont déjà des robots vérifiés, qui ont déjà des équipes, par exemple Google et Facebook ; eh bien eux sont déjà installés et ce genre de directive devrait leur plaire. Alors qu’une startup qui arrive sur le marché, qui commence avec un nouveau service, qui a une petite équipe, qui n’a pas forcément les robots en place, va galérer et, potentiellement, ne va pas voir le jour, tout simplement.
Mag : Tu es en train de me dire que, finalement, ça va arranger les grosses entreprises habituelles qui vont avoir un monopole technique ?
Luc : Il y a l’article 3 qui est sur la question du data mining, donc toute l’analyse des données et qui, là aussi, touche de plein fouet les petites boîtes et les startups et qui limiterait la possibilité d’aller exploiter des données et analyser les choses puisque, en fait, tous les liens, tous les machins, seraient contrôlés ; et donc, ça aussi c’est quelque chose qui va contre cet intérêt et qui, en gros, fige complètement Internet quoi ! Et il y a un dernier point, également, qui est super important, qui est la libre circulation de l’information et de la culture. On a vu le droit à la parodie, mais après ça il y a tout ce qui est dans le domaine public et sur lequel des ayants droit peuvent dire non, non, ça c’est à moi, etc.
Manu : Ils ne se sont pas déjà gênés pour le faire dans le passé !
Luc : Voilà ! C’est déjà arrivé. Du coup, on se retrouve à être obligé de prouver son innocence au lieu d’être dans la position où on vient vous dire tu es coupable de quelque chose, et c’est très problématique.
Manu : Alors moi, je ne le vois pas tout à fait comme ça, mais ce n’est pas mieux. Ça n’empêche ! Tu es obligé de mettre un filtre, un grand filtre, un grand robot qui vérifie tout à chaque fois. Tu as raison, la transmission de la culture en passant à chaque fois par l’informatique, eh bien, d’après cette directive, il faudrait à chaque fois qu’il y ait un robot qui vérifie chaque transmission.
Luc : Voilà ! Et on sait que les robots ne sont pas subtils, donc ils ne feront pas des choses intéressantes et ils feront des choses qui iront juste dans l’intérêt de ces boîtes-là et au détriment des autres.
Mag : La loi n’est pas encore votée. Ça devait être le 20 et 21 juin. Il y a de grandes chances pour que ce soit repoussé en septembre, parce que les gens, en juillet-août, sont en vacances. Il y a un moyen d’agir. On peut tous aller signer une lettre ouverte, soit vous retrouvez l’adresse sur le site de l’April [8], soit vous allez directement sur www.savecodeshare.eu [9] ; ça ne demande pas grand-chose comme informations : le nom, prénom et l’adresse mail. Vous avez même le choix de ne pas être tenu au courant des résultats de la campagne si ça ne vous intéresse pas. Mais en tout cas, il faut aller signer la pétition.
Luc : Très bien. Nous on va s’arrêter là. On va aller signer la pétition si on ne l’a pas encore fait.
Mag : Nous on l’a déjà fait !
Luc : Moi je ne l’ai pas encore fait.
Manu : Moi je l’ai déjà fait.
Luc : Moi j’y vais. Voilà. C’est fini. À la semaine prochaine.
Manu : À la semaine prochaine.
Mag : Salut !