Interview de Christophe Espern du 18 avril 2007

Interview de Christophe Espern du 18 avril 2007

Interview de Christophe Espern du 18 avril 2007 lors de la campagne candidats.fr

Article d’origine : Christophe Espern, April : « Hormis Nicolas Sarkozy, tous les candidats s’engagent à défendre les logiciels libres »

Fichier audio : 20070418-interview-christophe-espern-zdnet.ogg

Transcription

Journaliste : Christophe Espern, Bonjour. Vous êtes responsable de l’initiative candidats.fr de l’April. Alors votre initiative est aujourd’hui bouclée, est-ce que tous les candidats ont répondu au questionnaire que vous leur avez envoyé ?

Christophe Espern : Bonjour, donc non tous les candidats n’ont pas répondu au questionnaire que nous leur avons envoyé. N’ont pas répondu Philippe de Villiers, Frédéric Nihous, Nicolas Sarkozy et monsieur Schivardi, et qui ne nous ont pas donné une raison pour laquelle ils ne répondaient pas. Autrement, Arlette Laguiller nous avait répondu très tôt qu’elle n’avait pas les ressources nécessaires pour répondre à un questionnaire de ce type.

Journaliste : Donc parmi les présidentiables, on peut dire que l’UMP n’a pas répondu en revanche le PS, l’UDF et le FN ont répondu.

Christophe Espern : Tout à fait.

Journaliste : D’accord. Et donc vous avez une idée des raisons pour lesquelles l’UMP n’a pas répondu.

Christophe Espern : Je pense que cela doit être difficile pour Nicolas Sarkozy de défendre son bilan. C’est-à-dire qu’on sait bien qu’il est intervenu directement sur la loi DAVSI, et qu’il n’est pas intervenu dans le bon sens, il a fait soutenir les amendements de Vivendi, qu’il n’a pas utilisé son influence dans un sens favorable au Logiciel Libre sur cette loi et puis au delà de cela il y a tout ce qui a pu être fait par les gouvernements UMP successifs auxquels il a appartenu. Je pense par exemple aux brevets de logiciels, quand il a été ministre de l’économie, il y a des positions de son directeur de cabinet qui répond à la SSI, les gens qui s’occupent de...

Journaliste : Ils étaient plutôt pro-brevetabilité des logiciels ?

Christophe Espern : Voilà en fait ils avaient une position qui consistait à noyer le poisson avec des terminologies qui étaient utilisées à l’époque pour noyer le poisson, dont "contribution technique, effet technique etc etc". Ils n’avaient pas de position claire qui aurait permis de réellement empêcher qu’on brevette des idées ou des concepts susceptibles d’être utilisés dans des logiciels. C’était pas une bonne position. En vue de tout ça, il a préféré ne pas répondre.

Journaliste : D’accord. Alors justement, concernant ceux qui ont répondu, est-ce que vous avez noté des positions communes sur certains sujets ?

Christophe Espern : Oh oui, il y a beaucoup de positions communes. Les DRM posent beaucoup plus de problèmes qu’autre chose, que l’interdiction de contournement des DRM est quelque chose qui n’est pas pertinent.

Journaliste : Ça c’est partagé par tous ?

Christophe Espern : Voilà c’est partagé par tous. Il faut à tout prix défendre le Logiciel Libre et que celui-ci doit pouvoir vivre et ne pas être menacé par des réglementations iniques.

Journaliste : Est-ce qu’il y a une position commune, par exemple, sur l’utilisation privilégiée de logiciels libres au sein des administrations.

Christophe Espern : Il y a un consensus pour dire que ça permet l’indépendance, que ça a des avantages intrinsèques évidents et qu’il faut les promouvoir et les favoriser éventuellement. Mais après on voit un différence sur est-ce qu’il faut l’imposer ou est-ce qu’il faut laisser la possibilité, aussi parfois qu’il y ait du logiciel propriétaire.

Journaliste : Avant de détailler justement les positions du PS, de l’UDF et du FN, est-ce qu’il y a une dernière position commune que vous avez notée entre les divers candidats ?

Christophe Espern : Sur la brevetabilité, tous admettent qu’il y a eu une dérive de l’office européen des brevets. Qu’il faut mettre un contrôle politique à cet office européen des brevets et puis après il y a une divergence sur est-ce qu’il faut intervenir pour modifier la loi.

La convention européenne des brevets énonce que les méthodes mathématiques et les programmes d’ordinateur ne sont pas brevetables en tant que tel, il y a une dérive. Et nous on a demandé : est-ce que vous vous pensez qu’il faut clarifier la loi et dire que ne sont brevetables que les inventions qui mettent en œuvre des formes de la nature, ce qu’on appelle la doctrine de Rocard du nom du premier ministre de l’époque. Et là on a pas des positions qui sont identiques mais tous disent qu’il y a une dérive, que les brevets qui sont déposés par des cabinets de propriété intellectuelle uniquement pour ensuite pouvoir attaquer d’autres entreprises, c’est totalement inacceptable. Et qu’il faut faire en sorte de responsabiliser ces gens-là, éventuellement par des amendes, qu’ils paient le coup aussi des brevets.

Journaliste : D’accord. Alors justement détaillons les principales propositions des principaux candidats ayant répondu. On va commencer par l’UDF, quelle est la principale proposition que vous avez retenue de l’UDF en matière de logiciels libres ?

Christophe Espern : Le point principal qu’énonce François Bayrou en sa position, c’est de dire qu’il refuse toute mesure réglementaire. Je pense qu’il faut prendre le terme "réglementaire" au sens européen du terme ; qui pourrait nuire au Logiciel Libre. Donc lui il affirme un principe de base et ensuite, il y a d’autres principes derrière qui en découlent. Notamment sur l’interopérabilité, le fait qu’on doit toujours pouvoir développer un logiciel compatible avec un autre logiciel existant, donc affirmation d’un droit à l’interopérabilité. C’est important évidemment pour le logiciel libre. Et le fait qu’autorisation de contournement à des fins d’usage licite y compris d’œuvres de prêt.

Journaliste : Ah il est favorable à l’autorisation de contournement..

Christophe Espern : Tout à fait. Lui il considère que les DRM, pourquoi pas, si les entreprises veulent en mettre. Mais il faut les encadrer, donc interdire de traiter leur données personnelles, interdire d’empêcher l’interopérabilité par exemple et que de l’autre côté, on ne peut pas les protéger juridiquement. Si ils veulent mettre des DRM, il dit que, visiblement sur le marché, ça sert pas, les gens sont en train d ’y revenir, mais si ils veulent continuer à faire ça pourquoi pas mais il ne faut pas les protéger juridiquement ça c’est une position qui est celle de François Bayrou sur la protection juridique des ces mesures techniques.

Journaliste : Côté Ségolène Royal ?

Christophe Espern : En matière de logiciel libre, ce que j’ai noté c’est qu’elle est opposée au DRM, mais surtout pour ce qui concerne le logiciel, à la protection juridique de ces mesures techniques. Elle trouve que ce type de protection est totalement illusoire puisque de toute façon, techniquement, la protection ne fonctionne pas. Sur un plan international, et je ne vais pas m’étendre sur les positions, parce qu’il faut vraiment aller les lire, c’est 13, 15, 17 pages, je crois, les candidats ont vraiment développé.. A l’international, elle est favorable à ce qu’il y ait un traité qui soit adopté et qui reconnaisse les biens communs et donc le Logiciel Libre...

Journaliste : le Logiciel Libre est intégré aux biens communs ?

Christophe Espern : Voilà. Aux biens communs informationnels. C’est une expression qui est utilisée en général pour désigner toutes les ressources informationnelles. Wikipédia, par exemple, qui est une encyclopédie libre.

Journaliste : D’accord.

Christophe Espern : C’est un bien commun informationnel.

Journaliste : Et donc un traité international, ce serait un traité européen ?

Christophe Espern : Non c’est un traité à l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Ca c’est pareil, tous les candidats aussi sont favorables.

Journaliste : D’accord.

Christophe Espern : Le fait qu’il y ait une mauvaise orientation à l’international, c’est reconnu par tous les candidats..

Journaliste : D’accord. Et peut-être un troisième point concernant Ségolène Royal ?

Christophe Espern : Sur le droit à l’interopérabilité, par exemple, puisque cela concerne explicitement les gens du Logiciel Libre aussi, donc c’est juridique.

Journaliste : Le droit à l’interopérabilité.

Christophe Espern : Elle est favorable aussi à un droit à l’interopérabilité et puis un dernier point peut être sur les standards ouverts dans l’administration et le logiciel libre dans l’administration. Elle y est évidemment favorable . Elle dit que les collectivités locales, l’état ont tout intérêt à diffuser sous licence du logiciel libre.

Journaliste : D’accord. D’accord. Et enfin le FN ?

Christophe Espern : Le FN, c’est des positions extrêmement courtes. En gros, il prend tous les engagements qu’on avait demandés : les DRM c’est quelque chose d’inacceptable et que les protéger juridiquement, c’est encore pire.

Journaliste : Très courtes c’est à dire ? C’est moins détaillé que les autres, c’est ça que vous voulez dire ?

Christophe Espern : Oui, c’est deux, trois lignes. Parfois les questions sont plus longues que les réponses. Mais j’invite les auditeurs à aller lire, il prend des engagements.

Journaliste : D’accord, très bien. Christophe Espern, merci beaucoup.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.