Éthique du libre : une lecture philosophique - Véronique Bonnet

Description

Titre :
Éthique du libre : une lecture philosophique
Intervenant :
Véronique Bonnet
Lieu :
Ubuntu Party - Paris
Date :
Mai 2015
Durée :
1h 01 min 13
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Transcription

Déjà, je vais vous remercier beaucoup d’être là. Je vais essayer de faire un bon usage de votre temps et de votre confiance. Je remercie la puissance invitante. Ça fait la deuxième fois que je participe, par une conférence, à une Ubuntu Party et je trouve que c’est un lieu d’ébullition, c’est un lieu d’effervescence, et je suppose que vous le ressentez comme tel.
Je vais commencer mon propos par une sorte de présentation de l’expérience qui est la mienne. Je ne suis pas du tout informaticienne, mais alors vraiment pas du tout. J’ai fait des études de philosophie, grâce à une Grande Ecole. Actuellement je prépare des étudiants aux concours des Grandes Ecoles et je vais vous dire par quel contexte, alors, c’est vrai, familial, sans mon ado, je serais passée complètement à côté du Logiciel Libre. J’ai découvert, il y a deux ans, ces communautés, cette démarche, qui a parlé immédiatement à moi qui suis très attachée à la philosophie des Lumières, et qui suis très attachée à ce qu’est à la base de la philosophie des Lumières, c’est-à-dire l’humanisme.
Alors, vraiment, plus grand des hasards, parce qu’il m’arrivait d’écrire des livres de philosophie très classiques (N.d.C. ceci m’arrive encore), il y a deux ans, j’écrivais un livre sur ce qu’on appelle les phénomènes émergents, par exemple, j’avais écrit sur la bimbo, sur l’apéro géant, sur le kikoolol, et j’avais envie d’écrire sur le hacker, parce que c’était vraiment, pour moi, une figure de l’astuce, une figure de l’inventivité. Et j’écrivais, donc, ces croquis à partir de problématiques de philosophes classiques. Et je sais que, pour le hacker, j’avais pensé à un philosophe très hacker, c’est-à-dire Leibniz. Vous avez un philosophe qui s’appelle Leibniz, qui est un penseur des futurs contingents : Est-ce qu’il aurait été préférable que ce scénario se produise plutôt que tel autre ? Et c’est vrai que celui que Leibniz appelle le théos, le voyant, le théos ça veut dire voyant en grec- est celui qui essaye de calculer quel est parmi tous les mondes possibles, le meilleur des mondes possible. Et donc j’avais tenté une analogie entre Leibniz et la figure du hacker. Et là, mon ado, donc là je parle, nous sommes le jour de la fête des mères, je regrette qu’il n’y ait pas de fête des fils, parce que sans lui je serais restée dans mes « mes grimoires »,(sic), j’aurais peut-être un petit peu développé mes grimoires, mais je ne me serais pas plongée dans ces situations très intenses, très polémiques, puisque l’actualité est chargée.
Et donc mon ado me dit « si tu veux vraiment comprendre ce que c’est que le hacker, essaie de regarder une conférence de Richard Stallman ». C’est vrai qu’il m’a harcelée pendant deux mois, parce que, voilà, j’avais des choses à vérifier chez Leibniz, chez Platon, etc, et je n’avais absolument pas le temps de regarder cette conférence de Stallman. Et quand je l’ai fait, alors je me rappelle très bien, c’était en plein été, j’avais mon ordi qui ne me quittait pas parce que j’avais une chose à rédiger, à finir, et j’ai cliqué sur le lien, et là, j’ai vu quoi ? J’ai vu, non pas un informaticien - je savais que c’était un mathématicien émérite, je savais qu’il avait travaillé au laboratoire d’intelligence artificielle de MIT - et là, je vois qui ? Je vois quelqu’un qui s’exprime non pas sur des détails techniques-pratiques – il est préférable de faire intervenir tel type de langage, parce que si tu veux obtenir ça, alors tu pourras optimiser. Pas du tout. Là j’entends quelqu’un qui parle d’autonomie, qui parle de respect, de respect de l’utilisateur qui doit pouvoir faire ce qu’il veut, qui doit pouvoir faire fonctionner son informatique exactement comme il veut. Quelqu’un qui va essayer de respecter son voisin s’il lui demande de lui faire un partage de tel ou tel code qu’il a écrit, maîtrise du patrimoine, ce patrimoine tout à fait immatériel, qui s’appelle l’échange. Et je vois quelqu’un qui répond avec humour à des apprentis informaticiens, inquiets, qui lui disent « oui mais si je fais de l’informatique libre comment est-ce que je vais manger ? ». Et RMS qui répond « avec ta bouche » et qui lui explique, qu’effectivement, si on veut se situer dans un idéalisme pragmatique - on en parlera tout à l’heure - alors, eh bien il faut peut-être s’interdire de verrouiller, il faut peut-être s’interdire de cautionner des démarches qui sont privatrices. Et donc je suis surprise, et donc j’écoute cette conférence. C’était une conférence à Bruxelles qu’il avait faite l’année d’avant.
J’écoute cette conférence absolument jusqu’au bout, j’écoute les deux heures, j’écoute les questions. Et à la rentrée, alors la rentrée c’était la rentrée 2013, il y avait les trente ans du projet GNU et Richard Stallman venait à Paris, et donc, je me rends à cette Richard Stallman, Rousseau et Kant sur le Framablog. Je décide que, vraiment, ce mouvement est tellement essentiel qu’il est important d’en rendre compte, et c’est vrai que mes outils à moi, qui ne suis pas informaticienne, ce sont les outils de la philosophie, et donc, je mets en chantier quelque chose qui est en train de se prolonger, quelque chose qui va bientôt aboutir, c’est-à-dire un livre sur Richard Stallman et sur l’éthique de l’espace numérique.
Alors j’ai dit quelle était mon expérience. J’ajoute que grâce au « Premier samedi du libre », grâce à ce lieu très important pour des gens qui, comme moi, n’ont aucune idée au départ, on me conseille, au « April

. Je commence à faire des conférences - j’ai rejoint le bureau, le Conseil d’administration de l’April en février dernier - et j’ai eu la chance, parce que, donc, il m’est arrivé d’héberger plusieurs fois Richard Stallman, j’ai eu la chance de pouvoir parler avec lui, notamment de ce de quoi je vais vous parler maintenant, qui est la question de l’éthique du Free Software, éthique qui, peut-être, est plus qu’une éthique. Une éthique qui, peut-être, va plus loin, parce que la notion d’éthique, dans la perspective philosophique qui est la mienne, est une notion qui est plus opératoire que vraiment morale. Et donc, le but de cette communication d’aujourd’hui, c’est de vous montrer pourquoi dans le Free Software - voilà, cette référence très importante- je vais essayer de vous montrer comment le Logiciel Libre est peut-être une éthique qui est plus qu’une éthique.
Pour le faire d’une façon assez simple, je vais commencer par - donc ça c’est mon projet, c’est mon propos d’aujourd’hui - je vais vous rappeler quelles sont les définitions de l’éthique et de la morale Je croyais qu’il n’y avait, en anglais, qu’un seul terme qui était ethics, qui rabattait un peu les deux sens du français vers une seule notion. Pas du tout, puisque donc, Richard Stallman m’a dit lui-même qu’il y avait, en anglais, un terme qui était ’morality, qu’on ne pourrait pas traduire par notre moralité à nous, mais qui fait intervenir une notion beaucoup plus exigeante, la notion de faire son devoir, ce qui est assez proche du sens français.
Je vais procéder en trois temps. Premier temps, je vais faire ce petit rappel définitionnel de l’éthique et de la morale. Qu’est-ce qu’on appelle comme ceci ou qu’est-ce qu’on appelle comme cela ? Deuxième temps, je vais essayer de vous montrer, à partir de quatre textes de Richard Stallman, que le mouvement dit GNU, le mouvement du projet GNU, le mouvement du Free Software, que l’on traduit en général par Logiciel Libre, qu’on pourrait traduire aussi bien par informatique libre, -en tout cas l’April dont je suis membre, dit plutôt Logiciel Libre- je vais essayer de vous montrer comment le Free Software relève plutôt que d’une éthique pure et simple – ça marche, je ne me fais pas de mal, je ne me fais pas de tort – relève, en réalité, d’une éthique qui est plus qu’une éthique. C’est vrai que c’est un peu gênant de dire, dans le contexte contemporain, moral, parce que ça ressemble à du moralisme, ça ressemble à du catéchisme, à une chose qui serait imposée du dehors. Pas du tout. Je vais vous montrer que cette éthique, qui est plus qu’une éthique, est une loi, donnée à soi par soi, de ne pas abaisser l’humain, ni dans l’autre, ni en soi-même. Et enfin, si je n’ai pas abusé de votre patience, je vous montrerai comment, en effet, on peut rapprocher de l’éthique du Free Software deux mouvements philosophiques, le mouvement qu’on appelle le mouvement des Lumières, et l’humanisme. Alors, c’est vrai, plutôt l’humanisme au sens de Sartre, l’humanisme existentialiste, mais aussi l’humanisme de la Renaissance, qui en est la racine.
Je vais commencer par essayer -donc plusieurs documents, là- pour vous expliquer la différence, en philosophie, entre l’éthique et la morale. Je dirais que l’un des pères fondateurs de l’éthique c’est Aristote. Aristote qui a écrit « L’Éthique à Nicomaque ». Vous avez ici un tableau, c’est une fresque, en réalité, qui se trouve au Vatican. Vous avez une fresque, extrêmement célèbre, qui s’appelle « L’École d’Athènes ». C’est de Raphaël. Donc Raphaël a représenté la totalité des propositions philosophiques de l’Antiquité autour de deux figures-clés, d’une part Platon, d’autre part Aristote. Je vais vous montrer un gros plan. Voilà. Alors facétieux, ce Raphaël, parce que Raphaël s’est peint en Aristote et il a peint Platon en Léonard de Vinci. Il a reconnu un platonisme chez Léonard de Vinci et il a perçu, en lui, une forme d’aristotélisme.
Ce qui nous intéresse, aujourd’hui, il y a un qui pointe le doigt vers le ciel, c’est évidemment Platon, parce que ce qui l’intéresse c’est de contempler pour contempler, alors que Aristote, lui, il ouvre la paume de sa main vers la terre. C’est-à-dire, il entend bien faire des figures, des nombres, des formes abstraites qu’il aura contemplées, il compte bien en faire un outil pour investir la terre, pour habiter la terre, et concevoir, à partir de cela, des artefacts, des objets fabriqués, des pratiques. Comment faire pour fabriquer une belle cité ? Comment faire pour fabriquer un beau navire ? Comment faire pour concevoir une belle tragédie ? Alors là c’est vraiment la clef de ce que je veux vous dire de l’éthique : il tient dans la main « L’Éthique à Nicomaque » et dans cette « Éthique à Nicomaque » - son fils naturel donc, Nicomaque - il va expliquer à Nicomaque comment s’y prendre pour vivre en bas, là. Pas seulement regarder de temps en temps vers le haut, comment vivre en bas, comment assumer le « ici-bas » d’une façon rationnelle, d’une façon optimale, en essayent d’éviter l’excès et le défaut. C’est-à-dire que dans « L’Éthique à Nicomaque », qu’est-ce que c’est qu’être courageux ? Eh bien, si tu veux être courageux, il faut éviter la lâcheté, mais il faut aussi éviter la témérité. Comment être un convive charmant ? Si tu veux être un convive charmant il faut éviter d’être taciturne, mais en même temps il faut éviter de faire le bouffon, parce que si tu fais le bouffon, personne ne continuera à t’écouter.
Et donc, si vous comprenez bien, l’éthique c’est une démarche qui essaie de concevoir des seuils entre l’excès et le défaut. Ce n’est pas du tout une morale, c’est simplement une tentative pour éviter d’endommager sa vie, pour éviter aussi d’abîmer les rapports avec les autres, l’amitié, pour éviter de mal gérer, si on est stratège, une bataille. C’est simplement des dispositifs qui essaient de tirer les meilleurs effets possibles d’une situation. C’est un peu, si vous voulez, une casuistique. C’est du cas par cas. C’est-à-dire que Aristote, il se conçoit comme étant dans le cambouis du réel. Comme le réel est un capharnaüm, comme c’est un cambouis pas possible, alors on va y mettre les mains, mais à certaines conditions. Il ne faudra pas qu’on fasse n’importe quoi, parce que, si on fait n’importe quoi, s’il y a de l’excès ou du défaut, ça va nous revenir en pleine figure et on aura perdu.
Donc, si j’avais à définir l’éthique, et Aristote le fait dans « L’Éthique à Nicomaque », c’est une démarche qui est prudentielle. Prudence. La prudence qui consiste à bien calculer avant de faire un choix, parce qu’on sait bien que, le choix, il est irréversible. On sait bien que choisir quelque chose met à mort tout ce qu’on n’a pas choisi. Et tout ce de quoi ce qu’on n’a pas choisi était condition. Et donc, il faut faire tellement attention, qu’il y a ce qu’on appelle une éthique. Ethos ça veut dire les mœurs, une éthique c’est une tentative d’être efficace dans ses comportements, sans qu’il y ait, en aucune sorte, la référence à un respect de l’autre. Il n’y a pas de référence à un respect de l’autre, il y a simplement une référence à une optimisation et à une efficacité.
Ça va se poursuivre comme ça. Dans l’Antiquité, vous connaissez peut-être l’école stoïcienne. Là vous avez un portrait d’un stoïcien qui était, en même temps, un empereur, Marc-Aurèle, qui a gouverné à Rome. Même chose, les « Pensées » de Marc-Aurèle sont une éthique et pas une morale. Ce qu’essaye de faire cet empereur, qui est en même temps chef de guerre, qui en même temps donc fait la guerre aux Daces, par exemple, c’est qu’il essaie, dans ses rapports avec des amis, dans ses rapports avec les hauts dignitaires de l’empire, et dans ses rapports avec lui-même, de ne pas se faire mal. Éviter de subir des dommages. Je donne un exemple. Qu’est qu’on lit dans les « Pensées » de Marc-Aurèle ? On lit une chose comme : celui-là t’a bousculé au gymnase, que faire ? Est-ce que tu vas, pour autant, renoncer à aller au gymnase parce qu’il y en a un qui t’a bousculé ? Non, tu vas éviter celui-là avec bienveillance. Donc, tu vas aller au gymnase, tu vas l’éviter avec bienveillance. Il est peut-être possible que tu l’évites avec un sourire, avec bienveillance, peut-être que, non seulement, il arrêtera de te bousculer, tu ne te mettras en danger, mais en plus, tu lui donneras envie de te parler, peut-être ! Là on essaie d’être opérationnel, on essaie, dans l’incertitude du réel, de se comporter de façon à subir le moindre mal et à obtenir le plus grand bénéfice. C’est un calcul risque / bénéfice, l’éthique.
L’école rivale, mais qui finalement dit la même, chose, sauf que ce n’est pas la même physique, -la physique des Épicuriens est une physique du vide, le monde est vide - : dans le monde il y a des atomes qui se composent, qui se décomposent, et donc si le monde est vide - là vous avez une représentation d’Épicure, le maître de l’Ecole - alors, tu peux t’avancer dans le monde sans crainte, puisque le monde est également vide de dieux, et comme le monde est vide de dieux, alors il ne t’arrivera rien. Toujours la perspective : qu’est-ce je risque ? Qu’est-ce que je tente ? Qu’est-ce qui va m’arriver si je risque ça plutôt que cela ? Et donc, quel est le meilleur choix possible ? Là on est vraiment dans le cadre d’une éthique.
Tout ceci, jusqu’à un autre qui a écrit aussi une éthique, et c’est peut-être la dernière ; bon c’est peut-être la dernière avant des éthiques commerciales dont je parlerai, et dont vous devinez le nom, le dernier à écrire une éthique, c’est un certain Spinoza. « L’Éthique » de Spinoza. Alors il l’écrit more geometrico, il l’écrit « à la manière des géomètres ». Ça veut dire qu’il pose une proposition. Il regarde à quel contexte, à quel lemme cette proposition est associée, et vu le lemme, alors il déduit quelque chose.
Ce que je vais faire est scandaleux, je vais essayer de vous dire à quoi revient « L’Éthique » de Spinoza. Ça revient à faire l’hypothèse qu’il est préférable de se laisser aller à des passions augmentatives. Si tu consens à être joyeux, alors tu vas bouger, alors tu vas être actif, et si tu es actif, tu vas être encore plus joyeux et tu seras encore plus actif et encore plus joyeux, etc. Alors que se laisser aller à des passions tristes, si tu te refermes sur toi, si tu te replies, alors tu vas être inerte, tu vas te laisser faire par les autres et donc tu seras de plus en plus triste, et de plus en plus triste, etc. Là vous voyez bien qu’on est dans une mise en balance des options, on est dans une sorte d’aide à la décision, on essaie de savoir, tout simplement, par un calcul, ce qui est préférable. Il n’y a toujours pas de référence à une loi qui ferait qu’on devrait faire attention à son autonomie à soi, qu’on devrait faire attention à l’autonomie des autres. Il n’y a pas encore ces considérations-là.
Alors, quel est le saut ? Ce qui m’a fait penser immédiatement qu’il y avait dans le projet GNU une forte analogie avec la philosophie des Lumières ? Peut-être que le premier, peut-être que le premier - voilà- à quitter les considérations prudentielles, les considérations du calcul de risque pour quelque chose qui n’a rien à voir : chez Rousseau ça s’appelle la pitié. C’est au 18e, ça n’a pas encore tout à fait le sens qui sera le nôtre. Pitié, on pourrait dire aussi bien sympathie, c’est-à-dire que l’être humain ressent, en lui-même, un quelque chose, une voix, qui fait qu’il va ressentir ce que l’autre ressent, qu’il va éprouver, il va goûter ce qui l’amène à appartenir à la communauté des sujets. Et là, vous vous dites qu’une autre dimension se lève, une autre dimension s’installe.
Grand lecteur de Rousseau, Kant, et c’est là qu’il y a une dissociation décisive entre l’éthique et la morale : « Critique de la Raison Pratique » de Kant, qu’il dissocie, exprès, de la « Critique de la Raison Pure ». Dans l’Antiquité, si je veux être bon, il faut que je sois intelligent. Si je suis intelligent, je verrai bien que si je fais du mal à l’autre, eh bien, je risque d’avoir du mal aussi. Donc, si je suis intelligent, je serai bon. Pas du tout chez Kant : dissociation. Qu’est-ce que c’est que la morale ? C’est écouter la voix du devoir. Le devoir, on va retrouver cette forme-là dans les textes de Richard Stallman que je vais vous montrer, le devoir c’est une forme de « je dois ». Si je ne veux pas abîmer mon humanité, « je ne peux pas ne pas ». Si mon voisin me demande telle aide, je ne peux pas ne pas, même si ce n’est pas avantageux. Et là, vous avez donc une dissociation entre ce qui est optimal, ce qui est avantageux, et ce qui est moral. C’est une éthique qui est plus qu’une éthique. C’est une morale.
La parenté la plus extrême, je la proposerai tout à l’heure, en conclusion, c’est vrai qu’il y a un petit texte très fort de Kant qui s’appelle « Qu’est-ce que les Lumières ? », et quand vous lisez « Qu’est-ce que les Lumières ? », vous avez l’impression qu’il s’agit - eh bien - de parler du Libre. Il s’agit de s’opposer, simplement, à des mécanismes, soit commerciaux, soit simplement techniques / pratiques, pour se demander ce qu’on fait de cette informatique. Si on décide de la penser ainsi, de la réaliser ainsi ou ainsi, et quelle autonomie on peut espérer.
Maintenant que j’ai présenté la dissociation entre morale et éthique, donc je résume : éthique, je fais en sorte que ça marche, je fais avec, et donc c’est hypothétique, c’est du « si… alors ». Ethique : si c’est comme ça, alors c’est mieux que tu fasses comme ça. Moral, on n’est pas dans du « si… alors », on est dans ce qu’on appelle l’absolu : « je ne peux pas ne pas », quel que soit le contexte. Même si dans le contexte il n’est pas du tout avantageux que pour ne pas commercialiser, pour ne pas détourner les efforts de tels informaticiens, s’il n’est pas avantageux de faire du Libre, de respecter le copyleft, de respecter la licence GPL, même si ça n’est pas avantageux, « je ne peux pas ne pas ». Ceci m’oblige, ceci m’oblige infiniment.
Je vais me référer à quelques textes. Vous avez ici le gnou. Je pense que je m’adresse à des initiés ? Vous savez que le projet GNU, qui a dépassé les trente ans. Arrêtez-moi tout de suite, si quelqu’un ne sait pas ce que c’est que le projet GNU… Très bien, on est là absolument pour ça. Donc le projet GNU c’est un projet, il faut faire bien attention, qui a justement l’air d’un projet technique pratique, d’un projet qui essaie de résoudre une panne. Puisque, donc, le fondateur du projet GNU, à savoir Richard Stallman, en septembre 1983, fonde. Il travaille au MIT, donc, il travaille. Il a obtenu les diplômes de mathématiques les plus éminents, il est programmeur au MIT, et là, il se trouve qu’une imprimante, une imprimante Xerox, tombe en panne. Quel rapport avec le projet GNU ? Eh bien, c’est tout simple. Il demande à celui qui pourrait lui donner le code, pour réparer et améliorer l’imprimante, de lui donner la possibilité de faire quelque chose, et, celui-là refuse au nom d’un copyright. Parce que c’est le moment - on est au milieu des années 80 - c’est le moment où, alors que jusque-là les recherches en informatique se passaient entre collègues, et où chacun échangeait avec tous et où, lorsque tel programmeur était tout content d’avoir trouvé telle fonction, ou d’avoir implémenté dans ce qu’avait fait l’autre telle nouvelle possibilité, partageait à la communauté ; il n’y avait pas besoin de se demander si on pouvait le faire, contre combien d’argent, s’il fallait renouveler cette acquisition, à quelle condition. D’accord ! Il y avait un patrimoine immatériel de l’humanité qui s’appelle l’échange intellectuel, l’échange collaboratif entre des personnes qui essayaient d’arriver à des lignes de code adéquates. Et là on lui dit non, et comme on lui dit non, que fait-il ? Il décide de démissionner du MIT. Son patron lui dit qu’il peut continuer à occuper le lieu où il dort, qu’il peut continuer à être là. Et simplement, il fédère des programmeurs et il lance le projet GNU, pour que des bonnes volontés se rassemblent, de façon à pouvoir mettre à la disposition de ceux qui le souhaitent des lignes de code, construites par la communauté, et pour ça il faut, évidemment, protéger ce projet GNU. Et donc, très vite, Richard Stallman se donne des dispositifs juridiques, en plus de dispositifs techniques, pour qu’il n’y ait pas de détournement.
Ça s’appelle GNU, c’est un acronyme récursif, alors gnou, c’est le petit animal d’Afrique, c’est GNU ’s Not Unix. Ça ne sera pas Unix, ça sera GNU et ces programmeurs se mettent donc à la tâche pour construire des lignes de code, pour construire un noyau qui s’appelle hurd, sauf que la construction de ce noyau est tellement complexe - il faut savoir, qu’à l’époque, il y a très peu d’espace pour concevoir ces lignes de code - ce noyau est tellement complexe qu’à un moment, un certain Linus Torvalds libère son noyau et GNU devient GNU/Linux. Jamais Linux tout seul, toujours GNU/Linux, parce que le travail est bien poussé par la communauté GNU.
J’en viens à l’essentiel de ce que j’ai promis. Je vais essayer de vous montrer comment dès l’annonce du projet GNU, alors, pourquoi je dois écrire GNU.(Ça saute un peu, je ne sais pas si vous pouvez lire quand même.)
À mon sens, et vous allez voir que le lexique utilisé par Richard Stallman est un lexique non pas de l’éthique au sens d’Aristote, mais un lexique du devoir au sens de Rousseau et de Kant. Du devoir, « je ne peux pas ne pas ». Alors je lis avec vous et je commente : « La règle de réciprocité exige que je partage les programmes que j’apprécie avec les personnes qui apprécient ces mêmes programmes. Les éditeurs de logiciels, cherchant à divise pour régner, obtiennent des utilisateurs qu’ils renoncent à tout partage. Je refuse de rompre cette solidarité qui me lie aux autres utilisateurs. Je me sentirais coupable, je me sentirais coupable de signer un accord de non divulgation ou un accord de licence ». Et donc, vous pouvez lire ce texte et tout ce qui suit. Ce qui est assez remarquable, et aussi dans toute la suite du texte, vous avez les « je dois », c’est déjà dans le titre « je dois », ça n’est pas « il est avantageux ». On est bien ici dans une morale, on est bien dans l’exercice d’une autonomie qui, quels que soient les contextes -contextes les plus défavorables, contextes les plus privateurs- va se donner la tâche de faire ceci, nécessairement. On est ici dans du « je dois », dans du « je me sentirais coupable ».
Je vais donner un autre exemple. Copyleft, est-ce que tout le monde, ici, a idée de ce qu’est le copyleft ? Oui ? Alors c’est l’envers, si on peut dire, la contraposée du copyright. Copyright, droit d’auteur,
Je vais en venir, ici, à quelques indications, puisque nous sommes dans l’espace francophone. FSF, Free Software Foundation, donc fondée, très tôt, par Richard Stallman, de l’espace anglophone, trouve, pas seulement en France, mais aussi au Canada - nous avons un vice-président, au Canada, qui a assisté, en mars, à <a> du 4 au 11 juillet. Il va y avoir des conférences de participants qui viennent de très loin, même Richard Stallman fera le déplacement. Vous allez avoir des tables rondes avec des économistes, des juristes, avec des personnes qui sont préoccupées de phénomènes comme ceux des OGM, parce que c’est vrai qu’il y a des problématiques du code accessible qui concernent la question des semences, qui concernent la question, aussi, du copyright et copyleft concernant les semences. Si vous voulez, à la fois, apprendre, goûter, parce qu’il va y avoir un village du Libre. Beauvais, il y a un aéroport international. Beauvais, il y a possibilité, puisque c’est une ville universitaire, d’être logé d’une façon très modique, pour être présent assez longtemps. Je vous recommande tout à fait ce lieu où des travaux aussi bien théoriques que des ateliers seront organisés.
Je me permets, sans vouloir abuser de votre patience, je me permets, en conclusion, et en attendant bien sûr vos questions, je me permets de rapprocher cette démarche très attentive, très préoccupée - il y a de quoi, actuellement, être très préoccupé- je me permets de rapprocher cette démarche de la démarche de celle qui a été celle des philosophes des Lumières. Philosophes des Lumières, qui, au 18è, dans un contexte d’intolérance, dans un contexte de despotisme masqué, puisque les despotes éclairés, en général, se servaient de la philosophie comme alibi : on faisait venir tel philosophe pour montrer qu’on était éclairé, et pendant ce temps-là, le peuple était sous tutelle, et pendant ce temps-là on disait que le peuple n’était pas mûr pour la liberté. C’est donc ce fameux texte de Kant « Qu’est-ce que les Lumières ? », que j’ai indiqué ici. Il y a des passages extrêmement troublants dans « Qu’est-ce que les Lumières ? » de Kant. Je vais simplement vous en lire une phrase parce que c’est très étonnant : « Un homme peut, certes, pour sa personne, et même alors pour quelque temps seulement, ajourner les Lumières, mais y renoncer, que ce soit pour sa personne, plus encore pour ses descendants, c’est attenter aux droits sacrés de l’humanité et les fouler aux pieds ». Il se trouve que Kant est l’inventeur de la notion de crime contre l’humanité. Il appelle crime contre l’humanité cette manière de procéder des gouvernants qui décident que, non, l’éducation c’est de trop, en plus ça risque de rendre le peuple indiscipliné ; qu’il est préférable de ne pas trop faire penser ; il est préférable qu’il n’ait pas trop de repères aussi bien arithmétiques que orthographiques, pour le tenir en lisière, pour le tenir en tutelle. Et donc, il y a une analogie extrêmement forte entre l’envie d’émancipation des Lumières et ce dispositif qui s’appelle le projet GNU, qui s’appelle l’informatique libre, qui essaie de faire en sorte, de montrer que, non, vous n’êtes pas stupide, non, si vous n’arrivez pas à remédier ce problème sur votre ordinateur c’est que, peut-être, les outils sont verrouillés, peut-être qu’il y a aussi dans les musiques des DRM, dans les livres électroniques. Et donc, vous avez une démarche d’émancipation extrêmement forte qui est proposée.
Je vais rapprocher ces Lumières de leur source. Là c’est l’Homme de Vitruve, cette fois-ci de Léonard de Vinci et pas de Raphaël. L’humanisme a essayé, à des moments intellectuels très décisifs, où on a essayé de concevoir une autre place de l’être humain dans le monde, les humanistes ont essayé de penser la centralité de la personne humaine. Et là, vous avez l’homme de Vitruve, comme si c’était le sujet qui devenait absolument décisif. Et je pense que c’est aussi la place de l’être humain dans l’informatique libre : non pas être tenu comme un moyen, comme un objet, mais être respecté comme une fin, comme un but.
Vous avez, et là j’ai dit que je dirai un mot de « L’existentialisme est un humanisme », de Sartre, vous avez, assez souvent, dans les textes de Richard Stallman, des références à l’existence, en quoi l’existence est, bien sûr, affectée par tout ce qui arrive à l’informatique, parce que l’informatique touche à la vie même. Pourquoi ce rapprochement avec Sartre ? Parce que, chez Sartre, une perspective qui est que l’être humain est absolument responsable de ce qu’il fait, de ce qu’il veut, de même que dans l’informatique libre on suggère que l’être humain doit décider de faire son informatique absolument comme il veut. Pourquoi ? Parce que c’est lui qui va se donner, à lui-même, le devoir de ne pas faire cette informatique d’une façon confiscatoire, mais de la rendre à la communauté des autres comme un outil à diffuser, à compléter, à redistribuer.
Ce dernier texte, de Richard Stallman, est un texte que moi -qui vais fêter mes quarante ans de philosophie - je trouve existentialiste, extrêmement proche de certains textes de Sartre : « La vie sans liberté est une oppression et cela s’applique à l’informatique comme à tout autre activité de nos vies quotidiennes ». C’est-à-dire que, ici, on est dans une proposition qui est extrêmement cruciale. Nous sommes à la croisée des chemins. Il se passe des choses dans l’informatique, il se passe des choses. Vous savez qu’il y a actuellement des négations qui ne s’appellent plus TAFTA, on a eu peur que le rapprochement soit fait avec ACTA, par exemple, qui a été rejeté par l’Europe. Nous sommes dans des négociations de partenariat, de copyright, de droits d’auteur, de droit moral, de produits, est-ce qu’on va aligner tous les produits ? Est-ce qu’on va en rajouter encore dans la protection du droit d’auteur ? Est-ce qu’on va encore en rajouter dans les soixante-dix ans qui font qu’une œuvre de l’esprit n’est pas disponible sans condition ? Et donc, je retiens de cette proposition du Libre que, non seulement l’informatique est concernée, il ne faut pas être nécessairement informaticien, il y a d’autres, que les informaticiens qui sont invités à réfléchir à la question du Libre, parce que c’est l’autonomie, elle-même, qui vise à être protégée par ces démarches préoccupées, qui sont celles, non seulement de Richard Stallman, mais de la communauté qu’il a constituée, aussi bien dans l’espace anglophone que francophone.
Je remercie de votre attention et je suis ouverte à vos questions, bien sûr.
Applaudissements

Public :
En fait, au début, j’ai compris tout ce qui est autour du fait que c’est une morale, vu qu’il dit « on doit, on doit, doit ». Mais il y a aussi l’idée que, si on ne fait pas ça, on perd notre liberté, quelque part. Donc c’est aussi une sorte d’éthique, je trouve personnellement.
Véronique :
Je vais répondre de deux manières, vous me dites si ça va ou si je dois le dire autrement. Si vous dites « on perd notre liberté », vous supposez qu’on en dispose dès le départ, or la liberté n’est pas naturelle, sinon on serait libre comme on respire, c’est-à-dire qu’on ne le serait pas. Oui ?
Public :
Inaudible.
Véronique :
L’idée de l’éthique, c’est je vais essayer de me faire plaisir sans me faire trop de mal. En gros, les Épicuriens, oui, voilà, je peux jouir de la vie, sauf que, si j’en jouis trop, je vais être dans le dégoût et donc je vais m’arrêter avant. C’est ça l’éthique : il faut que ça marche, il ne faut pas que je me fasse du mal. Par contre la morale, là il y a une question qui est beaucoup plus fondamentale qui est « est-ce que je vais considérer que je n’y suis pour rien ? Est-ce que je vais me contenter de manières d’exister tout à fait indifférentes à ce qui arrive à l’autre ? Ou est-ce que je vais me donner cette loi d’essayer de ne pas abaisser, ni l’autre, ni moi-même, dans ce que je fais ? C’est ça la question qui est complètement différente. Si vous voulez, la question éthique c’est « quelle part, quel seuil pour optimiser ? ». On essaye d’arriver à une solution la meilleure possible du point de vue de l’efficacité : qu’est-ce que ça me rapporte ? C’est ça, c’est : qu’est-ce que ça me rapporte ? Qu’est-ce que ça me coûte, et qu’est-ce que ça me rapporte ? Alors que si vous êtes dans une démarche morale qui est celle des Lumières, qui est celle des existentialismes humanistes, et je pense que c’est celle du Libre, vraiment. Là on n’est pas dans « qu’est-ce que ça me coûte ? Qu’est-ce que je vais devoir subir pour gagner tant ? ». Là on est dans la question « est-ce que je peux encore me regarder dans la glace le matin si j’agis simplement en suivant mes intérêts particuliers ? ». Et là je crois que c’est une question qui est différente. Oui ?
Public :
Inaudible.
Véronique :
Voilà. Autonomie ça veut dire loi donnée à soi par soi. Tout à fait. Alors que la prudence c’est « qu’est-ce qu’il vaut mieux que je fasse ? », ce qui n’a rien à voir. D’accord ? Si c’est « qu’est-ce qu’il vaut mieux que je fasse c’est lié à telle condition ou telle condition, si c’est « je dois », ça veut dire que même dans des conditions extrêmes, où les lanceurs d’alerte sont inquiétés, même dans des conditions extrêmes où ce qui règne c’est l’intérêt particulier, je vais quand même tenter le coup. D’une certaine façon, quand Richard Stallman a lancé son projet GNU, on ne va pas dire que la situation était gravissime et désespérée, mais, en tout cas, il y avait quand même une montée en puissance des labellisations, des copyrights et des dispositifs de verrouillage. Et là, on s’en moque, on y va quand même. Ce n’est pas « qu’est-ce que je vais y gagner ? ».
Public :
Inaudible.
Véronique :
Alors, oui, et justement, du coup, on est dans un autre registre, parce que si c’est l’autonomie qui est en jeu, l’autonomie peut-être qu’elle va m’amener, peut-être que pour agir moralement et garder mon autonomie, je vais être amené à faire des choses qui sont désavantageuses pour moi. C’est compliqué, en fait, d’être autonome et d’être moral. Oui ? .
Public :
Ma question, en fait, c’était à savoir, puisque je me suis documenté, on va dire, sur Richard Stallman ainsi que tous ceux qui ont contribué à développer, eh bien justement, on va dire, le premier logiciel libre, c’est-à-dire GNU/Linux, c’est-à-dire le logiciel ainsi que son noyau. En fait, moi, ce que j’entends par la liberté, ce que j’ai pu comprendre, c’est quatre fondamentaux.
Véronique :
Oui, c’est ça, les quatre libertés.
Public :
Je vais venir à ma question. Quelque part, moi ce que j’entends par ça, quatre fondamentaux, parce que la liberté en soi, comme ça, elle n’est pas très évidente à comprendre, la liberté, simplement en soi, parce qu’elle peut prendre n’importe quelle direction qui peut nous amener, justement, à vraiment ne plus pouvoir aller vers cette liberté, à la perdre même. Ma question, en fait, c’est vous avez fait le rapprochement avec les Lumières, avec Sartre, mais, à la base, le Libre n’était-il pas question, en fait, au début de contre-culture, surtout avec le mouvement hippie, rasta ou autre.
Véronique :
Là vous faites le lien avec d’autres formes culturelles émergentes, c’était un peu avant. Et donc vous y voyez une filiation, en tout cas.
Public :
Oui. C’est-à-dire que, en fait, les premiers informaticiens qui ont mis u point déjà la micro-informatique, selon ma documentation, étaient des gens issus de la contre-culture qui, au début avaient cette notion, justement, de liberté, ils n’avaient pas encore mis au point les quatre fondamentaux comme l’a mis Stallman.
Véronique :
Les quatre libertés, oui.
Public :
Mais ils avaient quand même une certaine notion de la liberté, à peu près comme le voyait Stallman, peut-être pas aussi complet, mais ils avaient une notion de liberté, de partage, ils se disaient que ce qu’ils apportaient au monde, ce serait une grande contribution. Mais après ils ont retourné leur veste. D’où, je pense que Stallman a pu, par la suite, dire « bon voilà, si vous voulez que je vous définisse la liberté de la culture d’où je viens qui est une contre-culture, quatre libertés fondamentales ».
Véronique :
On est bien d’accord. Il y a une dimension qui est protestataire, Il y a bien une dimension qui est idéaliste, comme le mouvement auquel vous faites référence, idéalisme pragmatique, mais il y a, en même temps le grand soin avec lequel projet GNU se dote d’outils, parce que sinon ça ne va pas être tenable. Se dote d’outils pour qu’il y ait, donc, la GPL, pour qu’il y ait des forces qui sont fédérées, de façon à ce que ça soit viable. Il y a ces deux dimensions. Il y a à la fois un idéalisme, là je vous rejoins tout à fait, et donc vous supposez, et vous avez raison, qu’on pourrait faire des analogies pas seulement avec la philosophie des Lumières, l’existentialisme, mais avec d’autres formes. Moi je pense, alors pour aller tout à fait dans votre sens, qu’il y a un rapport également très profond, dans son œuvre américaine, entre la philosophie GNU et la démarche, par exemple, de Hannah Arendt. Hannah Arendt qui rappelle qu’un être humain n’est pas simplement un animal qui travaille mais un animal qui crée.

Je vous remercie. Nous pouvons continuer cette conversation sur le stand de l’April et pas seulement sur le stand de l’April, d’ailleurs, sur le stand de Oisux qui prépare les RMLL, de la Quadrature. Et en tout cas je vous remercie de votre attention.
Applaudissements.

Avertissement : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant⋅e⋅s mais rendant le discours fluide. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.