Émission Libre à vous ! diffusée mardi 15 février 2022 sur radio Cause Commune


Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Étienne Gonnu : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Vous aimeriez pouvoir analyser l’audience de votre site sans pour autant donner un boulevard à Google pour pomper les données personnelles des personnes qui visitent votre site ? Vous voulez vous débarrasser de Google Analytics ? Ça tombe bien, une alternative existe. Il s’agit du logiciel libre Matomo et c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme « À qui accorder sa confiance en matière d’informatique » et la deuxième partie de la chronique de Laurent et Lorette Costy sur les moteurs de recherche.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission affaires publiques pour l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 15 février 2022, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, animatrice du groupe Transcriptions et administratrice de l’April, intitulée « Accorder sa confiance d’abord aux siens ». Texte lu par Laure-Élise Déniel

Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, une chronique pré-enregistrée et lue par Laure-Élise Déniel, intitulée « Accorder sa confiance d’abord aux siens ».
On se retrouve dans neuf minutes. Bonne journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Marie-Odile Morandi – Laure-Élise Déniel : Aujourd’hui Marie-Odile souhaite revenir sur l’échange intervenu entre Étienne Gonnu, chargé affaires publiques à l’April, et le député Philippe Latombe, auteur d’un rapport d’information intitulé « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne », échange intervenu lors de l’émission Libre à vous ! numéro 113 du 7 septembre 2021. Vous trouverez la référence dans la page de l’émission du jour.

Les choix de solutions logicielles faits aujourd’hui par les entreprises et, par imitation, par les administrations, sont dictés par l’impératif d’une efficacité rapide ; rien de plus facile et confortable que de prendre une solution américaine bien que d’autres solutions existent, on l’a vu notamment au sein de l’éducation au moment de la pandémie. C’est d’ailleurs la pandémie, indique le député, qui a généré ce travail politique avec mise en perspective de notre situation d’addiction, de dépendance qui n’est pas acceptable.

Il existe plusieurs définitions de l’expression « souveraineté numérique ». Le député nous propose de retenir que c’est la capacité à pouvoir faire un choix, le maîtriser, c’est-à-dire avoir en permanence la capacité de refaire ce choix dans le temps, de pouvoir changer, migrer vers une solution française ou européenne si elle émerge ultérieurement. La dimension européenne est importante ; dans la zone Europe nous partageons les mêmes valeurs notamment portées par le RGPD, le Réglement sur la protection des données entré en vigueur en 2018.

Constat est fait qu’il y a aujourd’hui émergence du logiciel libre. En quoi le logiciel libre est-il un élément constitutif d’une politique ambitieuse de souveraineté numérique ?

Le rapport propose 65 solutions concrètes et, parmi les 30 propositions clefs, celle assez radicale et ambitieuse qui rejoint la position défendue depuis des années par l’April, d’une priorité au logiciel libre dans le secteur public : « imposer au sein de l’administration le recours systématique au logiciel libre en faisant de l’utilisation des solutions propriétaires une exception ».

Quelle est la méthode proposée ?
Il faut que l’administration se pose, réfléchisse et exprime ses besoins dès le départ, prenant en considération la transparence, l’ouverture des données, l’ouverture des algorithmes, le développement futur, se réservant ainsi la possibilité de pouvoir changer, faire un choix différent dans quelques années. De même, la protection de l’intimité, la vie privée doit être envisagée en amont du développement du projet. Cela implique certainement une transformation de la gestion de projet et de la gestion de la commande publique au sein de l’administration allant jusqu’à des changements culturels, c’est-à-dire systématiquement penser Libre.
Il faut ensuite transformer l’expression du besoin en une solution technique, donc regarder ce qui existe en Libre et le choisir. Si jamais, pour des raisons très particulières qu’on documente, aucune solution libre ne peut satisfaire ce besoin, alors, exceptionnellement, on peut se tourner vers une solution propriétaire, mais en gardant toujours la possibilité de basculer ultérieurement sur du Libre en cas de mise à disposition d’une telle solution. On agit ainsi dans le bon sens !
Cependant il faut aller plus loin, non seulement soutenir le logiciel libre en tant que commun informationnel, mais penser développement, c’est-à-dire faire en sorte que les pouvoirs publics deviennent des contributeurs, des acteurs, que ce soit par les agents, par des moyens accordés, des politiques menées, pour le bénéfice de tous.

Des compétences sont nécessaires ainsi qu’une actualisation des connaissances.
Pour que les acheteurs publics sachent à l’avance quelles sont les évolutions technologiques qui sont en cours afin de les intégrer dans les futurs process, le député propose d’envisager des allers-retours de techniciens, d’ingénieurs, entre le privé et le public afin d’avoir des échanges, de mutualiser les bonnes pratiques. On aura alors davantage de nouvelles techniques dans les administrations mais aussi une meilleure connaissance, par le privé, de ce que sont la gestion de projet et le fonctionnement de la commande publique, particulièrement concernant la façon dont les administrations acquièrent du logiciel. Bien entendu, un encadrement strict de ces allers-retours sera facilité en privilégiant systématiquement le recours au logiciel libre, l’objectif étant que l’État puisse innover, faire du développement ce que le Libre permet facilement.

La commande publique est aussi un outil qui permet de s’adresser aux spécificités des entreprises locales, proches des citoyens et plus à même de répondre à leurs besoins. C’est bien là une spécificité du logiciel libre que de pouvoir s’adapter, raison pour laquelle il doit être préconisé au sein des collectivités.
Les administrations sont tenues à une mission de service public, elles doivent répondre à des impératifs d’intérêt général. Cette contribution au logiciel libre par les pouvoirs publics, un commun informationnel qui bénéficie à toutes et tous, n’est pas uniquement une question technique mais un enjeu éminemment politique.

L’émancipation individuelle est aussi extrêmement importante et elle commence par l’enseignement, dès le plus jeune âge, des connaissances fondamentales : qu’est-ce qu’un algorithme, qu’est-ce que du code. Par l’apprentissage, il faut donner aux citoyens le bagage culturel, le minimum de savoirs pour qu’ils puissent comprendre et aborder ce monde dans lequel nos libertés fondamentales, nos intimités, mais aussi nos relations avec les pouvoirs publics dépendent de plus en plus d’outils informatiques. Étienne Gonnu nous rappelle qu’il est indispensable d’étudier avec des logiciels libres en tant qu’outil informatique, mais aussi de les étudier en tant qu’objet afin de développer son esprit critique. La personne ne doit pas simplement consommer du numérique mais être aussi dans la capacité à comprendre, donc d’exprimer ses propres choix.

Dans cet échange, le rapport du député Éric Bothorel intitulé « Pour une politique publique de la donnée », publié en décembre 2020, est mentionné ; le député Bothorel était l’invité de l’émission Libre à vous du 19 janvier 2021. Il est aussi fait mention de la circulaire du Premier ministre du mois d’avril 2021 qui reprend la proposition du rapport Bothorel consistant à créer une mission logiciel libre au niveau interministériel. C’est un très bon signe ! La migration de l’ensemble des administrations vers le logiciel libre, l’ouverture totale des algorithmes et des données dans toute la fonction publique – ministères et collectivités territoriales – en sera la traduction concrète attendue. Il faut que l’administration se dise que la règle absolue c’est Libre, open source, open data. La transparence permettra aux personnes compétentes d’expertiser les algorithmes puis les logiciels, on pense à Parcoursup mais aussi aux logiciels d’aide aux décisions de justice dans lesquels, nous rappelle Étienne Gonnu, des bais racistes perdurent. Il n’existe aucune technique neutre !

Pour terminer, Marie-Odile rappelle le titre choisi pour cette chronique « accorder sa confiance d’abord aux siens », suite aux propos éclairants du député. Pour développer de façon importante le tissu du monde de la tech, faire en sorte que les entreprises françaises soient en capacité d’exporter leurs solutions, l’État doit devenir un client, voire un très bon client. La confiance accordée par les pouvoirs publics aux entreprises du Libre, à son écosystème en général, sera un gage de fiabilité, une référence pour répondre à des marchés, en Europe et ailleurs, soulignant à nouveau le rôle important de la commande publique.

Nous invitons les auditeurs et auditrices à écouter cet échange, à lire ou relire sa transcription. Nous souhaitons sincèrement que les collègues du député Latombe, le personnel politique dans son ensemble, entendent cet appel. Comme il l’avait annoncé avant de se congédier d’Étienne Gonnu, le député Latombe a pris, suite à la publication de ce rapport, son bâton de pèlerin pour aller convaincre du bien fondé de ses propositions afin que soient mises en place des solutions pour construire cette souveraineté numérique que tous invoquent. Il a été très prolifique ces derniers mois et divers enregistrements audio et vidéo de ses interventions mériteraient d’être transcrits pour donner encore plus de relief en particulier à la proposition de bon sens : données ouvertes, ouverture des algorithmes et priorité au logiciel libre au sein de l’administration !

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : C’était la chronique « Les transcriptions qui redonnent le goût de la lecture » de Marie-Odile Morandi, lue par Laure-Élise Déniel il y a quelques jours.
Je vous propose à présent de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Playmate par Terror Bird. On se retrouve juste après. Je vous souhaite une belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Playmate par Terror Bird.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Playmate par Terror Bird, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC By SA.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Nous allons passer à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Analyse d’audience de sites web et Matomo avec Alexandre Bulté directeur technique d’Etalab et Ronan Chardonneau, formateur indépendant sur Matomo

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui porte sur l’analyse d’audience de sites web et sur le logiciel libre Matomo. Il s’agit d’une rediffusion de notre émission 111 du 22 juin 2021.
Le choix de cette rediffusion ne tient pas au hasard. Vous le savez, ou vous ne le savez pas, mais les éditeurs de sites web ont souvent besoin d’analyser l’audience de leurs sites : combien de personnes se connectent ? À quelles heures ? Où cliquent-elles ? Etc. Des informations utiles ne serait-ce que pour améliorer l’ergonomie d’un site et en faciliter la navigation et, bien sûr aussi, pour vendre de la pub pour les sites que ça concerne.
Jusqu’à présent l’outil le plus connu et le plus utilisé pour cela est Google Analytics. Léger hic, naviguer sur un site utilisant cet outil revient à livrer un paquet d’informations personnelles à la voracité de Google. Mais il n’y a pas fatalité ! Dans une très récente délibération, la CNIL, l’autorité administrative en charge de veiller au respect du Règlement général sur la protection des données, a conclu que les transferts vers les États-Unis des données collectées par Google Analytics sont illégaux. La délibération résulte d’une plainte et vise un site en particulier, mais elle concerne évidemment l’ensemble des éditeurs de sites français qui vont rapidement devoir trouver une alternative ou cesser d’utiliser les fonctionnalités litigieuses.
Vous souhaitez savoir comment vous débarrasser de Google Analytics pour les besoins de vos sites web ? Plus généralement, vous aimeriez pouvoir analyser l’audience de votre site sans pour autant donner un boulevard à Google pour pomper les données des personnes qui visitent vos sites. La solution existe, elle s’appelle Matomo, un logiciel libre d’analyse d’audience.
Je vous propose donc d’écouter cet échange, animé par mon collègue Frédéric Couchet, où il était question de ce logiciel libre et, plus généralement, des enjeux autour de l’analyse d’audience de sites web. On se retrouve dans environ une heure, toujours sur Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Frédéric Couchet : Nous allons donc poursuivre avec notre sujet principal qui va porter sur l’analyse d’audience de sites web et le logiciel libre Matomo avec nos deux invités en studio, ce qui est assez exceptionnel vu les conditions. La dernière fois que nous avons eu des personnes en studio pour le sujet long date du 10 mars 2020, c’est-à-dire une semaine avant la date du premier confinement. C’est un grand plaisir de vous avoir avec nous en studio, Alexandre Bulté, directeur technique d’Etalab. Bonjour Alexandre.

Alexandre Bulté : Bonjour. Bonjour à toutes et tous.

Frédéric Couchet : Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo. Bonjour Ronan.

Ronan Chardonneau : Bonjour Frédéric. Bonjour à tous.

Frédéric Couchet : Nous allons parler d’analyse d’audience de sites web et du logiciel libre Matomo. Avant d’aborder le sujet, on va commencer par une présentation personnelle rapide, je vais vous demander de vous présenter. On va commencer par Alexandre Bulté.

Alexandre Bulté : Déjà merci beaucoup de me donner cette occasion de m’exprimer en studio, c’est un studio historique. Je suis ravi.
Alexandre Bulté. Je suis directeur technique d’Etalab. Etalab est un département de la DINUM et notre mission c’est d’ouvrir, partager et valoriser les données publiques. On fait ça au niveau interministériel puisque la DINUM c’est la Direction interministérielle du numérique, ça veut dire que nous ne faisons pas tout à la place des ministères, mais on essaye d’insuffler, de montrer la voie, de mettre à disposition des outils pour tout ce qui est, on va dire, politique de la donnée dans l’État français.
Historiquement et encore aujourd’hui, notre produit le plus connu c’est data.gouv.fr, donc la plateforme ouverte des données publiques françaises, l’open data comme on dit en mauvais français.
Je suis arrivé chez Etalab il y a quatre ans après un parcours assez classique, on dit ESM maintenant je crois.

Frédéric Couchet : Entreprise de services du numérique.

Alexandre Bulté : On disait société de services informatiques à l’époque. J’ai toujours trempé depuis ma première Red Hat 9, il y a un petit moment maintenant, dans l’open source, ça a toujours été important pour moi d’utiliser des logiciels open source notamment dans mon travail. Donc quelque part j’ai trouvé une certaine continuité chez Etalab et je suis ravi de pouvoir échanger ici, aujourd’hui, sur un logiciel libre tel que Matomo.

Frédéric Couchet : D’accord. Le site d’Etalab c’est etalab.gouv.fr, sur lequel on trouve toutes les informations.
Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : Bonjour à tous. Merci beaucoup pour cette invitation.
En ce qui me concerne, je suis formateur indépendant, consultant sur Matomo Analytics quasiment à temps plein, en tout cas 70 % depuis maintenant 2015, année à laquelle, on va dire, j’ai décidé de prendre ce pari un petit peu foufou de développer toute une activité autour de Matomo exclusivement.
Je suis également maître de conférences associé à l’IAE [École universitaire de management] d’Angers que je salue, depuis 2012, ça va bientôt faire 10 ans que j’enseigne le marketing digital là-bas. J’ai eu la chance de travailler au sein de l’équipe de Matomo de 2017 à 2019. En fait, j’ai été vraiment le premier employé de leur équipe, en tout cas de la nouvelle structure que Matthieu Aubry a créée en 2016. J’ai travaillé pendant deux ans pour eux avec un décalage de 12 heures avec la Nouvelle-Zélande puisqu’ils sont situés en Nouvelle-Zélande. J’ai la chance, en tout cas dans cette spécialité que j’ai développée, d’être un marketeur mais qui fait vraiment du marketing avec du logiciel libre, ce qui n’est pas courant justement quand l’univers du marketing digital est surtout dominé par des solutions telles que Google, Microsoft et autres.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est vrai qu’on entend rarement ici marketing digital ; on va y revenir. Ton site web, je précise, c’est ronan-chardonneau.fr et je précise que, pour toutes les références qu’on citera au cours de l’émission, on mettra les liens sur la page consacrée à l’émission sur les sites april.org et causecommune.fm, comme ça vous n’aurez pas à tout noter.
Avant de parler de Matomo qui est l’outil logiciel libre dont on va parler aujourd’hui, on va commencer par la question qui est pourquoi utiliser un outil d’analyse d’audience ou de marketing de sites web. Ensuite on parlera du plus connu, en tout cas de celui que les gens connaissent sans doute le plus et des problématiques qu’il peut poser et on finira évidemment par une grosse partie sur Matomo.
Déjà première question : pourquoi faire de l’analyse d’audience, du marketing de sites web comme tu as dit ?, tu as utilisé plusieurs fois le terme « marketing » ? Qu’est-ce qu’on cherche à mesurer ? Pourquoi fait-on ça ? Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : La base dans l’analyse d’audience c’est qu’on ne peut pas améliorer quelque chose qu’on ne peut pas mesurer, c’est vraiment le point fondamental. Donc on est sur des logiciels qui sont là pour analyser ce qui se passe à l’intérieur du système d’information dans lequel on l’a embarqué, que ce soit un logiciel, que ce soit un site internet, que ce soit une application mobile, que ce soit même, on va dire, un objet connecté, bref !, tout système d’information. Le but, d’ailleurs, c’est d’analyser plusieurs choses.
Généralement, avec des solutions d’analyse d’audience j’ai envie de grand public, comme Google Analytics, on veut vraiment analyser les caractéristiques de l’utilisateur ; ça répond à la question de qui ?
Ensuite on va analyser ce qu’il fait, c’est plus la partie comportementale, c’est-à-dire ce qu’il fait lorsqu’il utilise l’application, quel l’écran il regarde, quelles actions il effectue, ce qu’il est en train de scroller, où il a appuyé, où il a cliqué ; cette deuxième partie est la partie comportementale.
Et la troisième partie qu’on va souvent mentionner ça va être comment il est venu, comment il a connu cette application ou par quel site internet, qui est la partie acquisition.
Après, en fonction du logiciel qu’on a, on a différentes briques qui peuvent venir se rajouter. Typiquement, avec Matomo, on a ce qu’on appelle la market place, le concept de plugins qui vont permettre de rajouter plein de fonctionnalités en plus. Typiquement, on peut imaginer des cartes qui vous montrent comment la souris de l’utilisateur se balade sur l’écran ou, au contraire, les informations qu’il enverrait par l’intermédiaire d’un formulaire, ce genre de choses.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vois une remarque sur le salon web de la radio, ça me fait penser que j’ai honteusement oublié de dire que vous pouvez participer à notre échange en posant des questions ou en faisant des remarques. Sur le salon web dédié à l’émission, le site causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous, je vois déjà une première remarque de Marie-Odile, c’est Marie-Odile Morandi, notre célèbre « transcripteuse », d’ailleurs je ne sais pas si « transcripteuse » se dit, en tout cas qui fait de très nombreuses transcriptions pour le site librealire.org et qui nous dit « c’est un peu indiscret tout ça ! ». Effectivement Ronan, tu as parlé parcours de visite, etc., est-ce que ça veut dire qu’on surveille ce que fait la personne qui va sur notre site web ?

Ronan Chardonneau : Cette notion de « on surveille qui », il faut savoir qu’elle est quand même aujourd’hui bien résolue, puisque, avec tout ce qui est RGPD mais aussi tout ce qui était, on va dire, les lois avant, la loi sur le paquet télécom, ce genre de choses, de plus en plus rentrent des critères d’anonymisation qui font qu’on ne peut pas réellement savoir au final – enfin si, on peut, techniquement, savoir savoir ce qui se passe mais on est un petit peu dans l’illégalité. Quand on regarde, justement, les dernières lignes directrices qui ont été édictées par la CNIL et qui datent de mars de cette année, là on est clairement sur « on n’a pas le droit de descendre à un niveau plus bas que l’utilisateur, on n’a pas le droit, justement, de récupérer des données qui concernent l’utilisateur, ça doit être uniquement des données agrégées ». À partir de là, on va dire qu’on est sur du global, sur des tendances, on n’est pas au niveau de l’utilisateur, à moins, naturellement, qu’on ait son consentement, mais là on passe dans une autre partie qui est qu’on a eu l’accord de l’utilisateur pour justement analyser ce qui passe.
Il faut bien garder en tête que la finalité c’est améliorer son expérience. C’est le fait qu’on a développé un système d’information, mais on ne sait toujours pas ce qui marche et ce qui ne marche pas, et le fait de s’en tenir simplement à son ressenti personnel, sur ce qu’on pense, qui est vrai ou pas, ça ne suffit pas. À un moment donné il faut se mettre à la place de l’utilisateur, savoir ce qu’il est réellement en mesure de faire et, en fait, on va découvrir un gros décalage entre ce qu’on pensait qu’il réalise sur le site et ce qu’il réalise en réalité.

Frédéric Couchet : D’accord. Finalement, c’est pour améliorer le parcours de la personne qui utilise.

Ronan Chardonneau : Exactement.

Frédéric Couchet : Je vais juste préciser que le RGPD c’est le Règlement général sur la protection des données qui date de 2018 et la CNIL c’est la Commission nationale informatique et libertés, bien connue, à qui il manque, on va le préciser encore une fois, beaucoup de moyens humains pour faire appliquer les règles ; je me permets de le dire.
On va revenir évidemment sur le marketing, sur les raisons de l’analyse d’audience, Ronan.
Alexandre Bulté, tu es directeur technique d’Etalab, finalement pourquoi Etalab a choisi de faire de l’analyse d’audience de sites web et, d’ailleurs, de quels sites web faites-vous de l’analyse d’audience ?

Alexandre Bulté : Le projet dont on parle, quelque part, c’est stats.data.gouv.fr, mais, pareil, on mettra l’URL en référence, ce sera plus simple. Au départ, en 2013 je crois, donc au lancement de data.gouv.fr tel qu’on le connaît aujourd’hui en gros, c’est-à-dire une plateforme ouverte, participative avec pas mal de fonctionnalités de type social, eh bien on veut savoir, comme le disait Ronan, ce qui marche, ce qui ne marche pas, où vont les gens, que font-ils, que se passe-t-il. À ce moment-là on monte cette instance stats.data.gouv.fr pour commencer à recueillir quelques métriques sur ce qui se passe sur le site. Il y a eu, comment dire, une espèce de mayonnaise qui a pris à la DINUM, notamment avec nos cousins de beta.gouv.fr, l’incubateur des startups d’État, qui ont trouvé cet outil très pratique, l’installation qu’on avait faite très pratique aussi et aujourd’hui on en est à plus d’une centaine de sites, j’ai même noté combien, 108.

Frédéric Couchet : 108 sites institutionnels.

Alexandre Bulté : 108 sites institutionnels qui sont trackés sur cette instance. En fait on mutualise les efforts d’hébergement, de maintenance, de backups, de ce qu’on veut, de surveillance, de monitoring, de cette instance pour plein d’usages différents. Je pense qu’on est une des plus grosses, Ronan le sait peut-être mieux que moi, mais à mon avis on est une des plus grandes instances Matomo, en tout cas elle est assez costaude.
Pour répondre à la question initiale, comme Ronan le disait, c’était savoir un petit peu ce qui se passe sur le site. Aujourd’hui ça nous sert même de référentiel, par exemple combien de fois ce jeu de données a été téléchargé, combien de fois il a été visité. C’est comme ça qu’on connaît les jeux de données les plus populaires, c’est comme ça qu’on connaît les attentes des usagers et les usages que peuvent faire les ré-utilisateurs des données ouvertes qui sont sur data.gouv.fr. Pour nous ce sont plein de points d’éclairage qui sont hyper-intéressants, à la fois pour le site web en lui-même mais aussi pour les politiques publiques. Si on se rend compte, je ne sais pas, que le jeu de données de telle administration est hyper-visité, on va dire « on va essayer de travailler un peu plus en profondeur avec cette administration-là parce que visiblement ses données intéressent beaucoup de gens, donc il y a peut-être d’autres choses à ouvrir, d’autres choses dans les tiroirs qu’on peut sortir ». Ça nous aide beaucoup pour ça.

Frédéric Couchet : D’accord. J’ai justement une question là-dessus, sur cette visibilité et transparence de l’action publique. Ce qui m’a « étonné », entre guillemets, c’est que le site est accessible publiquement. Pourquoi avoir fait ce choix-là ?, parce que je suppose que c’est volontaire.

Alexandre Bulté : Tout à fait. C’est volontaire, c’est même, je ne sais pas s’il y a un truc au-dessus de volontaire.

Frédéric Couchet : C’est assumé.

Alexandre Bulté : Voilà, c’est assumé, c’est encouragé. Tous les sites qui sont hébergés sur stats.gouv.fr ne sont pas forcément publics, leur fréquentation n’est pas forcément publique. En revanche, c’est quelque chose que nous encourageons – quand je dis « nous » c’est l’équipe de data.gouv.etalab – parce que nous pensons que c’est quelque chose d’important d’être transparent vis-à-vis de nos usagers qui sont les citoyens français, qui payent des impôts ; l’État fait des choses et quelle utilité ont ces choses, comment les gens s’en servent, on pense que c’est vraiment intéressant. En plus on baigne, on va dire que notre métier de base c’est l’open data, les données ouvertes, quelque part stats.data.gouv.fr ce sont des données ouvertes qui sont mises à la disposition du public. C’est peut-être, aujourd’hui, notre jeu de données le plus riche, ce n’est peut-être pas le plus exploité mais, en tout cas, c’est le plus riche parce que, mine de rien, on a des données qui remontent à 2013 sur la fréquentation de data.gouv.fr. Cette transparence des données et des impacts des différents produits, des différents sites qui peuvent être construits, on trouve vertueux de « pousser », entre guillemets, on ne va pas dire qu’on pousse les gens à ouvrir leurs données, en tout cas on les incite à les rendre publiques. Encore une fois c’est quelque chose, chez nos cousins de beta.gouv.fr, la startup d’État, qui correspond aussi assez bien à leur philosophie, justement, de produit par l’impact avec une certaine transparence.

Frédéric Couchet : Et par une évaluation, justement ce que tu disais tout à l’heure.

Alexandre Bulté : Et une évaluation permanente.
Par exemple, dans le manifeste data.gouv.fr, il y a l’obligation d’avoir une page/stats publiques avec quel est l’impact de mon produit et ça peut s’appuyer sur Matomo, ou pas, en tout cas c’est vraiment quelque chose dans l’ADN des startups d’État.

Frédéric Couchet : On reviendra tout à l’heure sur la raison du choix de Matomo. Pour l’instant on reste sur la partie générale de la question analyse d’audience.
Comme je l’ai dit en introduction, Ronan, tu es donc consultant et formateur Matomo, tu as dit que tu travailles là-dessus à peu près 70 % de ton temps. Quels types de clients as-tu ? Pourquoi, finalement, viennent-ils te voir ? Est-ce qu’ils ont tous la même problématique ou est-ce que tu as des profils différents ?

Ronan Chardonneau : Très bonne question.

Frédéric Couchet : Merci !

Ronan Chardonneau : Je ne vais pas dire que j’ai un petit peu de tout, je dirais que les clients avec qui je vais principalement travailler ça va être vraiment les grandes administrations, les grands comptes, donc ça va être, par exemple, des régions, ça peut être des villes, ça va être aussi des institutions européennes, ça va être aussi des très grandes entreprises mais pas forcément liées à l’e-commerce. Il faut imaginer, contrairement à d’autres solutions bien connues que tu évoqueras peut-être un petit peu plus tard, qu’il y a tout un univers pour Matomo parce que c’est un logiciel libre, qui est ouvert, qui est notamment la partie intranet, en gros celle qu’on ne peut jamais voir de l’extérieur. En fait c’est un marché qui est énorme pour Matomo, ce sont souvent des entreprises pharmaceutiques, par exemple, qui viennent me voir, qui ont des intranets, qui ont développé des applications qui coûtent des fortunes et elles ne savent toujours pas, au final, si les personnes, les utilisateurs qui, du coup, ne sont pas le grand public, qui sont vraiment leurs clients à elles, utilisent l’application qu’elles ont développée.

Frédéric Couchet : D’accord. C’est, comme tu le disais un peu en introduction, utilisé pour améliorer l’expérience des personnes qui utilisent le produit, pas simplement pour les surveiller, mais effectivement pour correspondre à ce que le produit corresponde à leurs attentes, pour corriger éventuellement par exemple des parcours de visites qui seraient bizarres. On sait très bien qu’on prévoit une application, une interface, et que les gens font souvent autre chose. Dans ce sens-là c’est utilisé en interne dans des structures.

Ronan Chardonneau : Pour dédiaboliser un petit peu tout ça, pour vous donner un petit peu une idée des clients que j’ai, en tout cas des prospects au téléphone qui veulent vraiment faire du tracking très intrusif, je crois que je n’en ai eu qu’un seul dans ma vie où vraiment la personne voulait le numéro de sécurité sociale, elle voulait, en plus, le croiser avec l’âge, le genre de la personne, bref !, tout un paquet de données, c’était d’ailleurs du côté américain, le client était américain. En tout cas je n’ai jamais eu de client qui vraiment veuille savoir si c’est Pierre, Paul qui s’est connecté, à quelle heure il s’est connecté, pourquoi il l’a fait ; ça a toujours été encadré, même il y a des années de ça. Je me souviens qu’à un moment donné j’avais eu un client qui a dit « tiens, sur le site il y a des pages qui sont liées au syndicat par exemple. – Non, là, dans ce qu’on appelle un plan de marquage, en gros une implémentation du code de Matomo, surtout tu ne traques pas ça » ; en gros ça c’est une zone qui est un petit peu touchy j’ai envie de dire.
Pour répondre à ta question, ça va être principalement les très grandes organisations, les très grands comptes que je vais former et après, derrière, en effet je vais avoir des clients un petit peu plus modestes. Ça peut être je ne vais pas dire monsieur et madame Tout-le-monde ; monsieur et madame Tout-le-monde ce sont des personnes que je ne vais pas vraiment considérer comme des clients, je vais les aider sur mon temps libre ; je vais principalement travailler sur les très grands. Vu que maintenant il y a beaucoup de demande, je travaille aussi pas mal avec de sous-traitants. Mon rôle c’est surtout d’arriver à former, notamment à l’étranger, des agences ou des indépendants qui, eux, sont capables de pouvoir aussi former et fournir de la prestation de service sur Matomo à l’étranger.

Frédéric Couchet : D’accord. Quand on reparlera tout à l’heure en détail de Matomo, on voit quand même déjà que Matomo est un outil qui est très largement utilisé et sur lequel, en plus, il y a des gens qui en vivent par du service, par de la formation et autres, par du consulting, on reviendra en détail là-dessus. Par contre, je reviens juste sur une expression que tu as employée qui est « le plan de marquage », tu l’as un petit peu expliquée aussi. Je suppose que le plan de marquage c’est l’idée de lister les besoins de collecte des données avant de réfléchir à installer et configurer un outil. C’est ça ?

Ronan Chardonneau : Ce qui se passe souvent dans la tête des personnes c’est qu’un logiciel d’analyse d’audience c’est juste un logiciel que j’installe, je déploie le code pour mesurer ce qui se passe sur le site et ça s’arrête là. Non ! En fait il faut imaginer que pour un logiciel d’audience, exactement comme pour la création d’un site web, il y a une partie développement où il faut implémenter des fonctionnalités qui permettent de pouvoir collecter des données dont tu as besoin. Par défaut, pour Matomo ou pour tout autre logiciel d’analyse d’audience, on n’est pas devant. On ne sait pas si ton site est un réseau social, on ne sait pas si ton site est un site marchand, on ne sait pas si c’est un petit site vitrine, un petit blog. En fait il faut nous expliquer tout ça et ça passe par ce que j’appelle un plan de marquage mais, en réalité, c’est un cahier des charges qui définit, au final, ce dont tu as besoin en termes de collecte de données pour analyser, derrière, si les scénarios que tu avais imaginé, par exemple est-ce que les personnes utilisent le menu déroulant ? Par défaut l’utilisation d’un menu déroulant n’est pas mesurée par des solutions d’analyse d’audience, donc il faut que tu ajoutes des petits bouts de code et ces petits bouts de code c’est ce que tu définis dans cette fameuse documentation qu’on appelle, nous analystes, un plan de marquage.

Frédéric Couchet : Justement côté Etalab, Alexandre Bulté, tu as dit tout à l’heure qu’il y a plus d’une centaine de sites sur lesquels Matomo est installé, est-ce que tu as eu aussi ce genre de mise en place, c’est-à-dire des demandes un peu spécifiques par rapport à tel ou tel site ou, finalement, est-ce que c’est une installation « générique », entre guillemets ?

Alexandre Bulté : Ce qu’on propose à travers Etalab et data-gouv.fr c’est vraiment l’infrastructure, on n’est pas du tout comme Ronan, des experts de l’analytics. Déjà on n’en a pas la capacité, de toute façon on n’a pas le temps, notre cœur de métier reste quand même d’opérer notamment data.gouv.fr. On se borne à fournir l’infrastructure la plus saine possible, on va dire, notamment certains réglages par défaut qui sont plutôt respectueux de la vie privée, parce que, par défaut, on pense qu’il vaut mieux être respectueux de la vie privée. Ensuite, après, à chaque startup, à chaque site de mettre en place son plan de marquage, son besoin de tracking plus ou moins évolué. Nous n’intervenons pas sur la partie métier.

Frédéric Couchet : D’accord. Dernière question avant qu’on aborde le fameux logiciel qu’on a évoqué tout à l’heure.
Ronan, tu as parlé de grands comptes, j’ai vu sur le site de Matomo – on ne l’a même pas cité c’est matomo.org et si vous voulez accéder directement à la version française c’est fr.matomo.org – qu’il y a effectivement des grandes entreprises qui utilisent Matomo, mais je me souviens aussi qu’à un moment tu as dit que tu faisais de la formation bénévole, notamment dans le cadre de Webassos qu’on a reçue dans l’émission du 11 mai 2021, une association qui regroupe des bénévoles experts du Web pour venir en aide aux associations. Je suppose qu’il y a des associations de toutes tailles, notamment des petites ou autres, qui utilisent Matomo pour leurs besoins d’analyse de sites web. Quelles informations ces types d’associations recherchent-elles ? La même que les autres ou est-ce qu’il y a des choses spécifiques ?

Ronan Chardonneau : C’est à peu près pareil. Il faut imaginer que oui, il y a aussi beaucoup de demandes. Quand j’ai fait des ateliers avec Webassos, c’était une fois par mois, il y avait à peu près, chaque fois, cinq associations ce qui est quand même pas mal parce que ça veut qu’il y a aussi un désir, du côté des associations, pas simplement de mettre à disposition un site web mais également un site web qui marche et aussi d’arriver à rendre vertueux ce cercle qui tourne autour du socle libre.
Après, en termes de demandes, bizarrement je dois dire que c’est peut-être même plus au sein des associations que je trouve cette notion d’e-commerce. Au final, j’ai assez peu de sites purs d’e-commerce qui viennent me voir pour du Matomo, en revanche, je vais avoir des associations qui, elles, sont intéressées pour mesurer ce qui se passe sur toute la partie « faire un don ». Je dirais même que les associations sont plus intéressées, justement, sur cette partie e-commerce, on va dire que les entreprises classiques que j’ai l’habitude d’avoir.
Sinon, pour le reste, le besoin est le même et surtout, ce qui m’étonne, c’est que les questions qu’elles me posent, surtout en termes d’expertise, sont vraiment du même niveau. Au premier abord je m’étais attendu à ce que, à chaque fois qu’une association va venir me voir, ça va être le truc classique, il faut juste expliquer ce qu’est Matomo, on met Matomo sur le site et ça s’arrête là. Non, souvent les associations ont déjà des besoins bien pointus et oui, on doit en effet parler de plan de marquage et de nécessité de déployer du code pour pouvoir aller plus loin dans la collecte de données.

Frédéric Couchet : Si je comprends bien, l’un des objectifs principaux c’est comment on s’arrange pour qu’une personne qui arrive sur le site web de l’association finisse par arriver sur la page de don ou d’adhésion et convertisse en faisant un don ou une adhésion. Je rappelle que l’April est une association, donc on a également cette problématique-là. Je précise d’ailleurs qu’on utilise Matomo, on l’a installé, mais jusqu’à maintenant on n’a pas réfléchi à un plan de marquage ou autre.
Par contre, par curiosité, tout à l’heure je suis allé voir le Matomo de librealire.org, ça me permet de voir les pages populaires. Actuellement une des pages les plus populaires c’est celle autour du vote électronique parce que, évidemment, il y a une actualité, il y a encore des gens qui veulent croire que le vote électronique, pour les institutions, c’est une bonne chose. Je vous encourage à aller sur librealire.org, il y a des articles notamment de Chantal Enguehard ; c’était un petit peu un hors-sujet ; je suis allé voir tout à l’heure et c’est une des pages les plus visitées.
Quand on parle d’analyse de sites web, il y a forcément un nom qui apparaît, ce n’est pas forcément le seul, d’ailleurs quand on parle d’Internet il y a aussi un nom qui revient souvent, malheureusement, c’est Google et là, en l’occurrence, c’est Google Analytics. Je suppose que de très nombreuses personnes, de très nombreux sites utilisent Google Analytics. Déjà pourquoi, d’après vous, ces gens-là l’utilisent-ils ? Deuxième question ensuite : pourquoi ne faudrait-il pas l’utiliser ? Quels problèmes pose Google Analytics ? Qui veut commencer ? Alexandre Bulté.

Alexandre Bulté : Je peux commencer.
Déjà sur les chiffres, je suis tombé en préparant l’interview sur une étude de W3Techs assez intéressante, pareil je mettrai le lien. À priori c’est 85 % de parts de marché, 84/85 % de parts de marché pour Google Analytics sur le marché des trackers d’audience. J’ai aussi remarqué que Matomo est dans le top 10, donc ça m’a fait plaisir, ils sont très loin derrière.

Frédéric Couchet : Ils sont à quoi ? 4/5 % ?

Alexandre Bulté : Même pas, à 1 virgule quelque chose. Bref ! 85 % de parts de marché, ça dit déjà des choses, ça dit quasi-monopole. Après c’est un outil qui marche, c’est un peu le go to par défaut des gens, ce que je peux comprendre. Quand on ne s’est pas renseigné sur les impacts, si on n’a pas écouté cette émission qu’on est en train de faire, là où on va aller par défaut c’est sur Google Analytics, parce que c’est gratuit, parce que ça marche tout seul, parce qu’on clique. Après, on se retrouve quand même dans une interface avec laquelle, personnellement, je ne m’en suis jamais vraiment bien sorti.

Frédéric Couchet : Tu veux dire l’interface graphique ?

Alexandre Bulté : Oui. Je trouve que l’ergonomie de Google Analytics est particulièrement ardue. Bref ! C’est un peu le choix par défaut. À mon avis, ça ne va pas plus loin que ça pour le choix. Je vais peut-être laisser Ronan élaborer sur les problèmes, c’est pour ça que j’ai commencé, pour pouvoir lui refiler la patate chaude.

Frédéric Couchet : C’est un échange.
Ronan, quels problèmes, finalement, pose Google Analytics ?

Ronan Chardonneau : Je vais peut-être d’abord rebondir, enfin compléter ce qu’a dit Alexandre.
Déjà je confirme les parts de marché. Les sources qu’on consulte également vont être BuiltWith, W3Techs. Ces parts de marché ont quand même bien changé, je crois que pour la France, récemment, quand j’ai regardé, c’était 3 % là où l’année dernière ça devait être 2 %. Il faut imaginer que 1 % c’est quand même phénoménal. Ensuite, ce qu’il faut relativiser justement par rapport à ce top 10, c’est qu’en gros toutes les solutions qui sont devant ce sont des solutions qui ne nécessitent pas d’effort pour la mise en place. C’est énormissime. En réalité, si on avait aujourd’hui j’ai envie de dire un parrain, en tout cas un gros hébergeur qui viendrait se placer, qui dirait « OK, en deux clics tu peux disposer d’une solution d’analyse d’audience », à mon avis la donne serait complètement différente.

Frédéric Couchet : C’est un appel à OVH, à Free, à tout ça quoi !

Ronan Chardonneau : Exactement ! En gros c’est vraiment ça l’idée. Aujourd’hui, qu’est-ce que tu as avec Google ? Tu as une solution avec laquelle tu fais deux clics ou, si tu as déjà ton compte Google, tac !, tu as déjà ton bout de code, tu le mets directement sur ton site internet et tu commences à collecter des données, là où avec Matomo, eh bien, en fait, les gens ne comprennent pas trop : « Tu cliques et tu as un fichier zip. — OK, super, mais je fais quoi avec mon fichier zip ? — En fait, il faut mettre ça sur un serveur. — Mais je n’ai pas de serveur ! — Un serveur ça un coût. — Je ne savais pas qu’il y avait un coût ! ». C’est difficile, en effet, de pouvoir faire directement de la compétition avec d’autres.
D’ailleurs à noter plutôt une excellente nouvelle pour tous les utilisateurs de WordPress : depuis maintenant un petit plus d’un an l’équipe de Matomo a bossé extrêmement dur pour développer un plugin spécifiquement pour WordPress. Tu l’installes en un clic, ça utilise la même base de données que WordPress et tu as déjà ton Matomo. En réalité, si vous êtes sur WordPress, vous pouvez d’ores et déjà migrer sur Matomo Analytics, ça ne va pas vous coûter beaucoup de temps, ça ne va pas vous coûter d’argent. Il vous suffit simplement d’installer ce plugin-là et c’est parti.

Alexandre Bulté : Est-ce que c’est Jetpack ou c’est autre chose ?

Ronan Chardonneau : Non, ce n’est pas Jetpack. Je crois que ça s’appelle Matomo Ethical Analytics, quelque chose comme ça ; tu vas dans WordPress, tu cherches le plugin et tu le trouves. Attention, il y a deux plugins, il y a WP-Matomo et il y a un autre plugin et c’est justement l’autre plugin qu’il faut prendre, de toute façon c’est plutôt bien indiqué. C’est vraiment assez génial, ça utilise la même base et c’est l’idéal pour démarrer sur du Matomo sans avoir à passer par l’étape installation.

Frédéric Couchet : D’accord.
Rapidement, c’est quoi le problème posé par Google ? Je dis rapidement parce que je pense que la plupart des gens en ont conscience mais autant le rappeler, dans le cas de Google Analytics.

Ronan Chardonneau : Déjà tout dépend de quelle branche on veut prendre. Je dirais que le problème qui me vient surtout à l’esprit, s’il y en a un, c’est que c’est un logiciel propriétaire et l’autre c’est un logiciel libre. Pour moi tout démarre simplement dans la lecture des conditions générales d’utilisation de Google Analytics, rien que ça en réalité. Des clients viennent me voir parce que, en gros, leur service juridique a eu la curiosité de lire les conditions générales d’utilisation. À partir de là, de toute façon, Google Analytics c’est niet. Du coup j’invite tous ceux qui ne les ont pas encore lues à les lire puisque ça dit clairement les choses : Google ne prend aucune responsabilité. S’il se passe quelque chose, en gros vous prenez tout en pleine figure ; vous vous êtes engagé, via ces conditions générales d’utilisation, à protéger Google à vos propres frais si jamais quelqu’un l’attaquait ; si jamais vous utilisez des services de Google, type Google AdWords, en fait c’est cette carte bancaire-là qui sera débitée. Tout ça est écrit noir sur blanc. Pareil, si jamais vous faites l’erreur de collecter des données personnelles, clairement vous enfreignez les conditions générales d’utilisation.
En gros, vous en prenez plein la figure si jamais il se passe quelque chose. Après, d’ailleurs, se pose plus la question éthique de dire « mais attends mon gars, moi je viens sur tel site, je viens pour visiter tel site, je viens pour visiter telle entreprise, d’où est-ce que tu prends mes données, c’est-à-dire mon comportement, et que tu les envoies à un tiers qui, plus est, est Google qui a déjà tout un paquet de données, qu’il peut déjà croiser avec tout un paquet de choses. »
C’est pour ça que c’est intéressant ces fameux bandeaux d’acceptation dont on parle très souvent et qu’on a vu fleurir. Il est clair et net que tu viens voir telle entreprise, tu viens voir tel site internet, tu t’attends à ce que tes données ne soient collectées que par eux et pas par un tiers. En fait c’est complètement fou cette histoire d’embarquer des trucs qui envoient des données à des tiers alors que tu viens voir un de tes amis, tu ne veux pas, en plus, que ce que tu dis à ton ami parte à un tiers que tu ne connais pas ; ça n’a pas de sens ! Avec Matomo c’est complètement différent puisque le logiciel est installé sur votre propre serveur donc, au final, c’est le même serveur qui, probablement, héberge votre site internet, donc il n’y a pas cette ambiguïté de où est-ce que sont parties mes données ?

Frédéric Couchet : D’accord. Justement on va revenir sur Matomo juste après la pause musicale.
On va continuer notre voyage avec Darren Curtis. Nous allons écouter The Death March par Darren Curtis. On se retrouve dans deux minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The Death March par Darren Curtis.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Death March par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.
Nous allons poursuivre notre discussion.
Juste avant la pause musicale nous parlions et nous allons continuer de parler de l’analyse d’audience de sites web et du logiciel libre Matomo avec nos invités Alexandre Bulté, directeur technique d’Etatlab et Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo.
Juste avant la pause Ronan disait du mal de Google, je ne sais pas ce qu’en pense Alexandre, on ne va pas lui demander, en tout cas il était question, en gros, qu’on va sur un site ami, comme tu le disais, et finalement nos données vont chez Google qui va les utiliser pour sa pub et pour le tracing. Je pense d’ailleurs qu’un jour on consacrera toute une émission sur ces questions de traceurs parce que c’est quand même passionnant.
Comme le temps passe, on va quand même aller du côté lumineux, on va dire, de l’analyse d’audience avec Matomo, logiciel libre d’analyse d’audience que tu connais bien Ronan parce que tu es formateur comme je viens de dire. Alexandre Bulté on rappelle stats.data.gouv.fr.
Déjà une première question, tu l’as dit très rapidement tout à l’heure, d’où vient Matomo ? Un court historique, Ronan.

Ronan Chardonneau : Matomo a été cré par un étudiant à l’époque, du nom de Matthieu Aubry, qui désormais est franco-néo-zélandais, c’est important de le préciser, initialement il n’était que français. Il est étudiant à l’INSA de Lyon et il lance, fin 2006/2007, un logiciel qui s’appelle phpMyVisites. Si vous allez sur un moteur de recherche très connu et que vous tapez phpMyVisites avec « es » à la fin et non pas juste visits en anglais avec le « s », vous trouverez les prémices de ce qu’a été Matomo. C’est assez marrant de voir que ça ressemble beaucoup à un autre logiciel qui s’appelle AWStats que probablement certains d’entre vous connaissent.
Ce logiciel-là va commencer à avoir une certaine notoriété et très rapidement il est renommé en Piwik ; là on est vraiment aux alentours de 2007. Ce logiciel va voir un intérêt de la part de la communauté, va grandir et va commencer à intéresser un fonds d’investissement polonais qui d’ailleurs, je crois que c’est en 2013, va proposer la création d’une entité qui va s’appeler Piwik PRO. Du coup le logiciel phpMyVisites est ensuite renommé en Piwik et ensuite, en 2013, je ne suis pas sûr à 100 % des dates, mais en gros il y a vraiment cette création d’une structure qui s’appelle Piwik PRO dont le but, derrière, c’est de fournir des services à destination des professionnels et, à côté, d’avoir également la branche du logiciel libre.
Très rapidement on va se rendre compte qu’argent et logiciel libre ça ne fait pas bon ménage. Du coup, très rapidement, cette entreprise-là va vouloir, d’une certaine façon, prendre le contrôle également de Piwik, fermer le code source et, au final, tuer le logiciel. C’est à ce moment-là, justement, que Matthieu Aubry, le créateur et, j’ai envie de dire, libriste dans l’âme, va se dire « non, ce n’est pas cette vision-là que je veux du logiciel Piwik » et va dire « puisque c’est comme ça, je vais vendre mes parts de cette société Piwik PRO, ce n’est pas ma vision, je ne suis pas là pour tuer mon logiciel, je veux en faire un bien commun ». Du coup il va partir de con côté, il va décider de lancer sa propre entreprise qui s’appelle InnoCraft qui est, on va dire, l’entreprise privée qui gère aujourd’hui la maintenance du logiciel Matomo.
Naturellement, communiquer sur un logiciel libre qui s’appelle Piwik avec une branche à côté qui s’appelle Piwik PRO et que cette branche-là développe sa propre version d’un logiciel d’analyse d’audience qui, du coup, est du logiciel propriétaire, eh bien ça ne faisait pas bon ménage en termes de communication. Donc, en 2018, il décide de se renommer et de s’appeler Matomo. C’est vrai que pour la communauté ça a été un petit peu, je ne veux pas dire un traumatisme, en tout cas c’était un petit peu étrange de voir ce changement de nom comme ça, qu’est-ce qui se passe, on a changé le code, etc. ? On n’a pas changé le code, en fait on a juste changé le nom, mais c’était nécessaire, marketingment parlant j’ai envie de dire, pour justement montrer qu’on n’a rien à voir avec cette entreprise-là et que le logiciel Matomo reste et restera un logiciel sous licence libre.
Je pense que c’est super important et c’est ce que j’essaye d’expliquer à mes clients ou aux personnes qui viennent me voir. Elles me disent : « OK, on a un ensemble de logiciels qu’on a identifiés pour les audiences comme étant soit open source soit libres, lequel nous recommandes-tu ? » Je dis que c’est surtout le temps qui va vous permettre de dire lequel est le bon. En fait toutes ces entreprises-là, qui vont développer du logiciel, peuvent décider à tout moment, en fonction de leur licence, de retourner leur veste et de dire finalement on fait du propriétaire et ton projet est mort. Je pense que c’est vraiment un point d’honneur, en tout cas c’est un des points d’honneur que j’ai, d’une certaine façon, de porter le drapeau de Matomo, de dire que je sais que derrière il y a des valeurs qui sont partagées par la communauté, qu’il y a vraiment cette volonté d’avoir un bien commun.

Frédéric Couchet : D’accord. On va revenir après sur la partie licence et sur les fonctionnalités. J’ai une question pour Alexandre Bulté d’Etalab : est-ce que le choix de Matomo a été fait pour ces raisons-là et/ou pour des raisons techniques ?

Alexandre Bulté : Je ne peux parler que par proxy puisque c’était en 2013 et je n’étais pas encore à Etalab, je suis arrivé en 2017.
Pour la petite anecdote, le développeur historique de data.gouv.fr était dans la même promo que Matthieu Aubry, il y a peut-être eu des accointances à ce moment-là.
De toute façon, pour nous, déjà, c’était forcément un outil open source parce qu’on croit au logiciel libre par défaut on va dire. D’ailleurs data.gouv.fr en lui-même est un logiciel libre qui s’appelle udata. Il y avait très certainement aussi cette volonté d’auto-héberger parce que, comme on l’a dit tout à l’heure en parlant du grand G, c’est important de savoir où sont ses données, surtout pour l’État, en tout cas pour moi en tant que directeur technique, c’est extrêmement important de savoir où sont les données très précisément, surtout quand il peut s’agir de données potentiellement sensibles et personnelles et de pouvoir maîtriser la chaîne de bout en bout. On a un serveur chez un hébergeur français bien connu.

Frédéric Couchet : Tu peux le citer s’il y a besoin.

Alexandre Bulté : Qui est OVH et dont on est ravis. Notre installation, qu’on a parfaitement paramétrée, est dessus ; on la maîtrise de bout en bout, on sait exactement où tout est. Je pense que c’est extrêmement intéressant et c’est aussi parce qu’on pense que c’est vertueux qu’on a continué à investir et à agrandir le cercle des invités sur notre instance.
On parlait tout à l’heure de l’idée d’avoir un Matomo en deux clics pour que ça prenne. Effectivement, ça pourrait marcher puisque ça a marché chez nous à la DINUM. Une instance est là, on crée un compte en deux secondes, un site en deux secondes et paf !, la startup qui est en train de se lancer, qui n’a français même pas encore de développeur, peut déjà avoir des statistiques de consultation de sa home page ou autre. Donc oui, ces choix de souveraineté des données, logiciel libre, sont, de toute façon, critiques chez nous. Je pense qu’en 2013 il n’y avait pas énormément d’alternatives possibles, en tout cas pas très utilisables, on va dire, pour me souvenir de ce temps-là. Peut-être qu’on parlera après d’autres trucs. Je pense qu’aujourd’hui il y a peut-être des alternatives qui sont aussi intéressantes, mais bref !, en 2013 c’était le bon choix à faire et ça le reste. Vu la façon dont on a mis à l’échelle le truc, on peut dire qu’on ne s’est pas trompé.

Frédéric Couchet : D’accord. Je précise d’ailleurs que Matomo fait partie du SILL, du Socle interministériel de logiciels libres. Il y a plein d’autres logiciels libres qui se trouvent dessus. Le site c’est sill.etalab.gouv.fr. On mettra évidemment les références sur le site de l’April et sur le site de Cause Commune.
On va parler un petit peu des fonctionnalités de Matomo même si on en a un peu parlé indirectement parce qu’on a parlé d’audience tout à l’heure. Assez rapidement, juste sur le modèle économique et le fonctionnement pour expliquer aux gens : aujourd’hui Matomo est un logiciel libre dont les principaux développements sont assurés par une entreprise qui est en grande partie basée en Nouvelle-Zélande tu m’as dit. C’est ça. Ils sont combien de personnes à peu près ? Tu as une idée ?

Ronan Chardonneau : Je dirais qu’ils doivent être entre 12 et 15 personnes.

Frédéric Couchet : D’accord. Quand même, 12 à 15 personnes. Donc le modèle économique de cette entreprise c’est quoi ? C‘est de vendre du service ? De rajouter des fonctionnalités ? Quel est le modèle économique ?

Ronan Chardonneau : Il y a vraiment trois offres distinctes.
La première et la plus évidente c’est celle de l’hébergement. En gros, tu veux un Matomo qui est directement exploitable en quelques clics, vas-y clique ici et, en effet, tu auras un compte qui est disponible. Après, j’ai envie de dire que ce n’est pas cette partie-là qui va intéresser le grand public parce que tu es sur des tarifs qui sont ceux d’une startup qui a besoin de faire vivre ses employés. Je me demande si on n’est pas sur la base de 29 dollars par mois ou quelque chose comme ça. Ce qui veut dire, si tu as un petit site, est-ce que tu as envie de passer d’un gratuit j’ai envie de dire, même si ce n’est pas vraiment de la gratuité chez le grand G, à 30 euros directement ? Tu réfléchis. Généralement, à mon avis, tu es plus intéressé par faire de l’auto-hébergement si tu es à la recherche d’une solution à moindre coût.
Ça c’est une chose, c’est la partie cloud.
Ensuite viennent se rajouter ce qu’on appelle les fonctionnalités premium. Là vous avez tout un ensemble de fonctionnalités dans Matomo et, en plus de ça, ils ont développé des plugins qui sont payants, ce sont des licences qu’on paye à l’année, qui te permettent d’avoir des fonctionnalités, qui te permettent de transformer ton Matomo. Généralement ça vient transformer aussi bien au niveau du plan de marquage, c’est-à-dire pour t’éviter de faire des trucs très techniques, que pour venir te donner des fonctionnalités que n’ont pas les autres acteurs du marché, exemple Google. Typiquement je pense à l’heatmap et à l’enregistrement de session. En gros c’est quoi ? C’est ce qui te permet de faire des vidéos de ce que les utilisateurs ont fait sur ton site.
Le troisième modèle d’affaires qu’ils ont c’est l’offre de support qui est, là, plus basée sur des bugs. En gros tu rencontres un problème avec Matomo, tu as besoin d’aide, de support tout de suite, et là ils te répondent directement par e-mail.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc on comprend bien le modèle économique et c’est important de rappeler que le logiciel libre peut être compatible avec des modèles économiques.
Je rappelle que vous pouvez participer à la discussion en posant des questions ou des réactions sur le salon web de la radio, causecommune.fm, bouton « chat », salon #libreavous.
J’ai bien vu la question de tykayn qui vient d’arriver dans le studio, qui assiste aujourd’hui à l’émission, je la relaierai tout à l’heure.
Tout à l’heure, en introduction, on a parlé de ce qu’est l’analyse d’audience. Ronan a bien expliqué les différents besoins.
Quelles sont les principales fonctionnalités de Matomo et quelles sont, peut-être, les plus intéressantes aujourd’hui par rapport à ce qu’on a dit en introduction sur l’analyse d’audience ?, parce que, quand on regarde sur le site, il y a beaucoup de fonctionnalités.

Ronan Chardonneau : C’est vrai. C’est simplement qu’au début, les personnes qui démarrent dans l’analyse d’audience, comme je le disais tout à l’heure, pensent qu’on installe simplement le logiciel et que ça s’arrête là.
En réalité, si on prend simplement l’exemple d’un site internet, en fait tu peux collecter tout ce qui se passe tant que ça se passe sur ton site internet. Si ça sort de ton site internet, typiquement le cas d’un iFrame, en gros un site internet embarqué dans un autre site internet, là, ce qui se passe dans l’iFrame devient plus délicat, par exemple une vidéo que tu as mise, vu que l’interaction n’a pas lieu sur ton site internet ; tu es obligé de fonctionner plus avec de l’import ou des intégrations via ce qu’on appelle des API. En fait, tant que ça se passe sur ton site internet tu peux tout collecter.
Je vais prendre un exemple tout simple : tu as une page qui a été rédigée par exemple par Étienne, aujourd’hui qu’est-ce que Matomo va collecter ? En fait, il va collecter le titre de la page, l’URL de la page, l’heure à laquelle la page a été chargée par l’utilisateur, mais il ne va pas te récupérer l’information que l’auteur de cette page c’est Étienne. En fait, si cette information-là est présente dans la page, tu peux venir la collecter avec Matomo et l’envoyer pour, à la fin du mois, savoir par exemple quel est l’auteur le plus lu au sein de ton site et ça évite de faire tout un retravail sur la donnée après coup, de flécher, de dire « en fait, qui avait écrit telle page ?, etc. ». De la même manière, tu peux remonter les dates de publication, tu peux remonter toutes les interactions qu’il y a eues avec la page, ce que la personne a scrollé, si elle a surligné une phrase en particulier.

Frédéric Couchet : Ça va à ce niveau de détail ?

Ronan Chardonneau : Le niveau de détail c’est que tu peux tout collecter, tout ce que tu veux, tant que ça se passe vraiment sur ton site. Dès que ça se passe en dehors de ton site, par exemple le fait que tu es face à ton écran et qu’il y aurait une photo qui serait prise de toi, eh bien non, ça tu ne peux pas le faire parce que ça ne se passe pas sur ton site, mais tant que ça se passe sur ton site en tant que tel tu peux le collecter.
C’est vraiment un cap psychologique qui est franchi quand je suis en formation et que j’explique : « Regarde, en fait aujourd’hui tu utilises 1 % de la solution, voilà tout ce que tu peux faire avec les 99 % restants », et c’est là où il y a une illumination et on me dit « OK, en fait vous faites un vrai métier ! ». Ouais, ce n’est juste installer un logiciel.

Frédéric Couchet : Alexandre, je crois que tu voulais compléter.

Alexandre Bulté : Précisons que tout cela est possible mais n’est ni obligatoire ni automatique. On peut tout à fait installer un Matomo qui, par défaut, collecte le moins possible de choses et ça peut aussi être intéressant. Il y a différentes approches et je pense que les besoins du client et le cadre dans lequel il opère dictent la manière dont il veut configurer son instance.

Frédéric Couchet : Précisons, même si on ne va pas rentrer dans les détails, que Matomo, avec une configuration assez simple, permet d’être compatible avec les recommandations de la CNIL, donc compatible avec le Règlement général sur la protection des données, mais on ne va pas en reparler, sauf si vous voulez rentrer rapidement.

Alexandre Bulté : Non. On peut même aller, à priori, jusqu’à se passer de la fameuse bannière cookies en réfléchissant et en mettant son service juridique dans la boucle, parce que c’est aussi un travail.

Frédéric Couchet : Surtout à Etalab, il faut toujours mettre le service juridique dans la boucle !

Alexandre Bulté : Parce qu’ils sont excellents, c’est pour ça, on ne peut pas se passer d’eux, ce n’est pas parce qu’on est obligé ! Mais c’est possible, c’est une possibilité.

Frédéric Couchet : Vas-y et après je prends les questions qui sont sur le web.

Ronan Chardonneau : Juste pour compléter sur cette partie qu’on traite autour du RGPD, c’est vrai que Matomo, par défaut, est configuré justement pour être exempté de consentement, mais il ne faut pas oublier que le RGPD ce sont aussi deux droits qui sont très importants qui sont le droit à l’information et le droit à l’opposition. C’est-à-dire que même si vous collectez des données qui sont anonymes sur votre utilisateur, ce qui est le cas par défaut avec Matomo, vous devez quand même lui fournir une information, après libre à vous de la mettre soit dans un bandeau d’information soit dans la page de confidentialité des données, là-dessus la CNIL est plutôt claire. Et également le droit d’opposition qui est que même si tu collectes des données anonymisées sur l’utilisateur, l’utilisateur doit quand même avoir le droit de pouvoir s’opposer à cette collecte, même si elle est anonyme.
Certes, Matomo vous est donné configuré comme ça, mais il y a quand même ces deux actions supplémentaires que vous devez mettre en place sur le site et c’est important, ça ne va pas se faire dans le logiciel Matomo, ça va se faire sur votre site.

Frédéric Couchet : Juste avant de poursuivre, je prends quand même les deux questions sur le salon web puisque c’est aussi là pour ça ; tykyan nous demande « est-ce qu’il n’existe pas déjà du Matomo On-Premise ? », je pense qu’il a voulu dire « sur site », je crois que c’est ça la traduction. Qui veut répondre rapidement, sachant que tykyan est derrière vous en fait ?

Alexandre Bulté : Pour moi c’est quand on l’installe chez soi, du coup oui, ça existe. Il y en a chez nous, par exemple.

Ronan Chardonneau : C’est vrai que quand on vient de l’univers francophone, qu’on débarque sur le site de Matomo et qu’il propose ces deux options : soit on vous offre du cloud soit c’est du On-Premise, c’est vrai que c’est un petit peu compliqué. Au début j’avais un petit de mal avec ce mot. En effet, ça veut dire que c’est directement hébergé sur le serveur de son choix. Oui, tout à fait, comme tout logiciel libre, tu peux le prendre et le mettre où tu veux.

Alexandre Bulté : C’est auto-hébergé.

Frédéric Couchet : Je suis sur le site de Matomo, effectivement la formulation est un peu particulière. Je ne sais pas ce que ça donne sur la version française. En tout cas on peut l’installer, c’est l’intérêt, d’ailleurs Etalab l’a fait.
Je regarde l’heure qui passe pour savoir où on en est.
Côté Etalab, tout à l’heure, Alexandre, tu disais qu’il y avait aujourd’hui des alternatives potentielles. Est-ce qu’il y a des « concurrents », entre guillemets, à Matomo, je parle bien dans le monde du Libre ?

Alexandre Bulté : Il y en a deux qu’on n’utilise pas en production, on va dire en ce moment, mais que je regarde : un qui s’appelle Shynet, je trouve qu’il y a un jeu de mot assez intelligent avec Skynet, les fans de Terminator comprendront et plausible.io. Ce sont deux alternatives assez intéressantes. On n’est pas du tout sur le même niveau de fonctionnalités que Matomo, on n’est pas sur la profondeur et les capacités de cet outil-là, en revanche on est sur des choses qui sont, par défaut, respectueuses de la vie privée, peut-être plus simples à prendre en main pour quelqu’un qui n’y connaît rien parce que ça arrive, comme le disait Ronan c’est un métier et tout le monde n’a pas cette capacité-là. Ce sont des choses à regarder. Si vous savez bidouiller, installer un petit serveur, peut-être regarder Shynet et Plausible qui sont, je trouve, des alternatives assez intéressantes. Il faut lire le manifeste, les pages d’éthique qui sont notamment sur Plausible, qui me parlent bien, me plaisent bien, qui sont assez intéressantes. On parle de tracking sans cookies, on parle de tracking sans JS, on parle de choses assez intéressantes pour, justement, s’efforcer de collecter le moins possible.
Finalement, ce que j’ai retenu de tout ce que la CNIL a pu dire, encore une fois je ne suis pas avocat, c’est : ne collectez que ce qui est nécessaire ; il faut qu’il y ait une nécessité pour que vous collectiez tout ce que vous collectez.
Donc ça peut être une bonne idée, dans ce cadre-là, de partir d’un truc qui ne collecte pas grand-chose.

Frédéric Couchet : Autre question avec réponse rapide, je suppose pour Ronan. C’est olicat qui demande : comment fait-on pour avoir une formation ?

Ronan Chardonneau : Il y a un petit peu tout. Aujourd’hui ce qui est un petit peu plus délicat c’est vraiment d’avoir une formation en français.
Ce qui m’a bluffé quand j’ai travaillé chez Matomo c’était qu’il n’y a pas d’informations cachées. C’est-à-dire qu’en gros leur site internet c’est vraiment tout ; ils mettent toute leur documentation. Elle est extrêmement bien faite c’est juste que le site est énorme. En fait, si tu vas sur Matomo, que tu vas cliquer sur « Resources », quelque chose comme ça, ou « Help », tu as différentes briques de formation j’ai envie de dire.
Tu en as une qui s’appelle « User Guides », tout ce qui est dans le répertoire /docs. Pour chaque fonctionnalité qui sort ils vont développer, expliquer comment fonctionne cette fonctionnalité. Tu en as une autre où, malheureusement, tu me retrouves, après il faut supporter mon accent franglais, donc des vidéos de formation qui, justement, te forment gratuitement à Matomo.
Sinon j’ai eu l’occasion de développer deux beaux projets. Un avec un l’association Zeste de Savoir que je salue. J’ai développé un MOOC en français qui n‘est pas très à jour.

Frédéric Couchet : Un MOOC c’est une formation en ligne.

Ronan Chardonneau : Une formation en ligne.
Sinon j’ai un autre projet que j’aime énormément, qui me tient à cœur, que j’ai plus développé dans le cadre universitaire, qui s’appelle la FLOSS Marketing School.

Frédéric Couchet : FLOSS c’est pour Free, libre, and open source software.

Ronan Chardonneau : Exactement. L’idée c’est justement de libérer les cours que je fais à la faculté pour tout le monde et, dans cette école en ligne, tu as tout un cours qui est sur une brique Moodle, qui s’appelle Digital Analytics, dans lequel je forme en anglais. Je précise que toutes les ressources sont gratuites, accessibles à tous et sous licence libre Creative Commons. En gros, si vous voulez créer vos propres formations en interne ou même à l’externe, je m’en fiche, vous allez sur le site, vous récupérez tout ce que vous voulez et vous vous faites plaisir, après ça va être du temps à passer.
Sinon, après, si c’est plus pour avoir un accompagnement en entreprise, ce genre de choses, naturellement vous avez des prestataires dont moi inclus.
Si vraiment on est plus sur un mode auto-formation, il y a ces trois ressources que je vous conseille vraiment : matomo.org, Zeste de Savoir et également la FLOSS Marketing School.

Frédéric Couchet : On mettra évidemment toutes les références sur les pages consacrés à l’émission sur causecommune.fm et sur april.org.
Le temps passe super vite, vous allez avoir droit à la dernière question bientôt. Je vais juste préciser que tout à l’heure, quand on parlait de On-Premise en anglais, en fait, sur le site en français de Matomo c’est « auto-hébergé » ce qui est beaucoup plus clair, donc allez plutôt sur fr.matomo.org.
Comme je vous l‘ai dit le temps passe super vite, on pourrait faire une deuxième émission, d’ailleurs peut-être qu’on en fera une deuxième sur Matomo.
Dernière question, après vous pourrez évidemment ajouter ce que vous voulez : en deux minutes, quels sont, pour vous, les éléments clés à retenir par rapport à l’analyse de sites web et Matomo ? On va commencer par Alexandre Bulté d’Etalab.

Alexandre Bulté : Ce que je disais tout à l’heure : transparence, souveraineté, auto-hébergement, je pense que ce sont les vraies forces racines de cette solution. Après on peut aller très loin dans l’analyse. Il y a tout un tas de fonctionnalités incroyables qu’on peut découvrir au fur et à mesure.
Bien faire attention à ce qu’on tracke, à ce qu’on collecte, les données qu’on collecte : est-ce qu’on le fait dans un cadre qui est légal ? Est-ce qu’on a correctement informé ses utilisateurs ? Pour le coup il y a un module dans Matomo qui aide à faire une check-list de ce qu’il faut faire, qu’elles sont les informations qu’on doit donner. Donc bien faire attention à ça.
Utiliser quelque chose qui est bien dimensionné par rapport à ses besoins : peut-être que pour tracker quatre ou cinq visites par mois quelque part on n’a pas besoin, non plus, de monter un Matomo.
Continuer évidemment à regarder les solutions libres disponibles, il y en plein, il y a plein d’approches différentes. C’est un monde riche et passionnant et c’est pour ça qu’on l’aime.

Frédéric Couchet : Ronan Chardonneau.

Ronan Chardonneau : C’est plus le formateur qui va parler.
Je dirais que si vous voulez découvrir cet univers qu’est l’analyse d’audience, en fait tout démarre par le téléchargement de Matomo et son installation. Vous n’avez pas besoin d’être expert de Matomo pour faire de l’analyse d’audience, mais vous allez comprendre ce qu’est la collecte de données, ce que potentiellement, derrière, des acteurs propriétaires peuvent collecter : le fait de voir une base de données de ses propres yeux, de voir directement ce qu’un navigateur web va envoyer, en termes de données, lorsqu’il se connecte à un serveur web, c’est vraiment le palier que je conseille à chaque fois à toutes les personnes que je forme, le palier psychologique qui permet de comprendre, qu’en fait, tout ça on ne le savait pas. Tout ça permet de comprendre, en quelques clics, ce qu’on n’avait jamais vu.
Le fait d’installer par soi-même, on découvre réellement ce qu’est une solution d’analyse d’audience, jusqu’où on peut aller, comment ça fonctionne, pourquoi, parfois, on peut avoir des temps de chargement qui sont un petit peu plus longs : c’est parce que c’est mon propre serveur, donc il y a des petits soucis en termes de performance. Mais c‘est quoi un serveur ? OK ! C’est du matériel, donc il faut que le matériel soit bon. On parle de quoi ? On parle de vraies machines physiques. Etc.
Bref ! C’est vraiment tout cet univers-là qui s’ouvre à vous et vous faites un bond de géant en termes de formation et d’éducation parce que vous découvrez un monde que vous ne connaissiez pas.

Frédéric Couchet : En tout cas j’espère, auditeurs et auditrices, que ça a été une découverte, une première introduction au monde de l’analyse d’audience de sites web et de Matomo.
Tu voulais rajouter une chose.

Ronan Chardonneau : Oui. Je voulais rajouter juste une petite chose : actuellement on cherche à lancer le premier MatomoCamp, donc premier évènement dédié à Matomo. On a actuellement un site, matomocamp.org, sur lequel vous êtes invités à répondre à un sondage en ligne pour définir les attentes que vous avez par rapport à cet évènement qu’on va pouvoir lancer lorsqu’on aura suffisamment de répondants. On espère avoir au moins un millier de réponses.
J’en profite également pour saluer un ami qui m’est très cher, qui m’a beaucoup aidé dans toute mon éducation sur Matomo, qui s’appelle Lucas Winkler, j’avais promis de le mentionner à la radio.

Frédéric Couchet : C’est fait !
En tout cas un grand merci à Alexandre Bulté, directeur technique d’Etalab, etalab.gouv.fr, à Ronan Chardonneau, consultant et formateur Matomo, ronan-chardonneau.fr. Le site web de Matomo fr.matomo.org.
On a cité plein de choses, on va mettre à jour les pages de l’émission, en tout cas Étienne, qui est en régie, a déjà commencé. Vous irez sur april.org ou causecommune.fm, vous aurez une page avec tous les liens.
Je vous remercie, je vous souhaite de passer une belle fin de journée. C’était un grand plaisir de vous avoir en studio, même si on est évidemment masqués et avec des beaux t-shirts pour certains.

Ronan Chardonneau : Plaisir partagé. Merci beaucoup.

Alexandre Bulté : Merci.

Frédéric Couchet : Bonne fin de journée.

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter une rediffusion du sujet principal de notre émission numéro 111 du 22 juin 2021 qui portait sur l’analyse d’audience de sites web et sur le logiciel libre Matomo. Matomo est une bonne alternative à Google Analytics qui a été mentionné pendant l’échange et dont certaines fonctionnalités viennent d’être déclarées contraires au Règlement général sur la protection des données par la CNIL du fait des transferts de données vers les États-Unis. Un sujet à réécouter en podcast et à relire en transcription.
Je vous propose à présent de faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Étienne Gonnu : Nous allons écouter Above par Sapajou. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Above par Sapajou.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Above par Sapajou, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Passons à notre sujet suivant.

[Virgule musicale]

Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy sur le sujet des moteurs de recherche (partie 2)

Étienne Gonnu : Nous allons poursuivre avec la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy qui nous proposent aujourd’hui la deuxième partie de leur chronique sur le sujet des moteurs de recherche, la première étant d’ores et déjà disponible en podcast, il s’agit de Libre à vous ! 125 que vous pouvez retrouver sur libreavous.org#125, tout simplement. Le sujet a été enregistré début janvier. Je vous laisse donc avec Laurent et Lorette. On se retrouve dans environ dix minutes, toujours sur Cause Commune, la voix des possibles.

[Virgule sonore]

Laurent Costy : Hello, ma puce au silicium ! Je crois que la dernière fois que je t’avais obligée à enregistrer un podcast avec moi nous avions parlé de moteurs de recherche, mais nous n’avions pas tout à fait fini avec eux. Tu me confirmes ?

Lorette Costy : Oui, je te confirme, tu m’avais obligée !

Laurent Costy : Parfait ! Donc on va continuer mais avant je voulais te remercier de ne pas m’avoir offert une chiffonnette Apple pour Noël !

Lorette Costy : Y a pas de quoi, ça me fait plaisir !

Laurent Costy : Tu sais qu’à surface équivalente, cette chiffonnette vaut plus cher qu’un carré Hermès ?

Lorette Costy : …que je te remercie de ne pas m’avoir offert non plus à Noël !

Laurent Costy : Y a pas de quoi, ça me fait plaisir ! Mais pour préciser, par rapport à Hermès, leur carré fait 45 cm de côté. Ce qui nous-y fait 2 025 cm2. Vendu entier à 180 euros, ça nous fait donc le cm2 au prix de 0,088 euro et des bananes.

Lorette Costy : Et pour la chiffonnette ? Laisse-moi faire le calcul. 25 euros pour un carré de 16 cm de côté, ça nous-y fait 0,097 euro et des noyaux de coquillettes. Il faut donc 7,91 chiffonnettes pour faire un carré de 45 cm. On va arrondir à 8 car sinon ça va faire sale quand on va les coudre ensemble. Ça nous fait donc un carré-Hermès-chiffonnette à 200 euros. La chiffonnette Apple est donc plus chère qu’un carré Hermès ! CQFD !

Laurent Costy : Boudiou ! Je m’en vais écrire de ce pas au PDG d’Hermès pour qu’il augmente le prix de ses carrés et qu’il les passe tout de suite à plus de 200 euros ! Comment se pourrait-il, sinon, que ce qui fait sa fierté soit juste moins cher qu’un chiffon pour écran ! C’est inconcevable une telle inégalité !

Lorette Costy : Ce monde est injuste ! Mais on vient de contribuer un peu à le réparer. Ouf ! Ceci étant, mon cher Papounet je ne suis pas sûre que le directeur de la radio apprécie que nous utilisions ce temps d’antenne gracieusement offert – et d’une valeur de 10 000 euros – pour critiquer notre société et faire passer cette merveilleuse radio pour un repère de gauchos irrécupérables !

Laurent Costy : Comment fais-tu pour évaluer ces 10 000 euros pour le créneau ?

Lorette Costy : C’est un peu au doigt mouillé mais c’est surtout un moyen de donner de la valeur aux choses qui n’en ont que peu généralement alors qu’elles sont néanmoins précieuses.

Laurent Costy : Habile Sibylle ! Mais du coup, je crois que c’est plutôt 42 000 euros le créneau de 10 minutes sur cette radio ! Sinon, qu’est-ce que tu voulais ne pas savoir encore sur les moteurs de recherche ?

Lorette Costy : Tu sais, papa, j’adore quand tu me racontes la différence entre barre de recherche et barre d’adresse par exemple.

Laurent Costy : Hélas, cette différence tend à devenir invisible à cause de deux facteurs : la taille des écrans et l’avidité toujours plus grande des géants du Web quant à nos données.

Lorette Costy : C’est gentil, tu épaissis le mystère ! C’est d’autant plus passionnant !

Laurent Costy : Il était une fois, au début des navigateurs internet, des interfaces qui distinguaient barre d’adresse et barre de recherche. Et même encore avant, il n’y avait qu’une seule barre…

Lorette Costy : « Akafrites » !

Laurent Costy : Oui, « barakafrites », merci pour ce jeu de mot préparé mais néanmoins désopilant et subtil, spéciale dédicace à nos p·auditeurs et p·auditeuses de Belgique ! Une seule barre, donc, qui était exclusivement une barre d’adresse.

Lorette Costy : Je n’ai pas tout compris. Tu peux me rajouter un peu de mayo avec les frites pour que je capte le tout, s’il te plaît ?

Laurent Costy : Dans une barre d’adresse, si tu ne saisis pas correctement l’URL du site que tu souhaites visiter, tu échoues lamentablement telle la baleine sur une plage, mais toi c’est sur une page ! Page qui t’annonce d’ailleurs que le site n’a pas été trouvé. Tu peux essayer avec prouloulou.fr dans la barre d’adresse de Firefox. Attention !, tu peux aussi tomber sur des pages qui te font croire qui tu es sur un site internet existant avec un nom proche. C’est fait généralement pour s’accaparer du trafic. Plein de mauvaises raisons motivent la création de telles pages, c’est ce que l’on appelle du cybersquatting.

Lorette Costy : Je viens d’essayer sur mon téléphone, mais je n’ai pas de message d’erreur. J’ai une liste de suggestions de sites !

Laurent Costy : Voilà !, c’est parce que sur un téléphone désormais la barre d’adresse et la barre de recherche sont confondues. Si tu tapes une URL pour aller directement sur un site et que tu te trompes, il considère alors que tu fais une recherche et te suggère des sites plus ou moins proches.

Lorette Costy : Yes !, je comprends. Mon écran de téléphone portable est petit donc il est plus simple de « fusionner » les deux fonctions pour gagner de la place.

Laurent Costy : Exactement ! Mais c’est aussi encore une belle opportunité pour les géants du Web de collecter des informations au passage et d’affiner leurs bases de données. Si tu n’as pas visé la bonne URL, tu passes automatiquement par les fourches caudines de leur moteur de recherche !

Lorette Costy : Quand on est sur un ordinateur, il est donc recommandé de reparamétrer son navigateur qui n’affiche désormais souvent qu’une seule et unique barre par défaut ; il faut séparer à nouveau barre d’adresse et barre de recherche. Mais quand on est sur un smartphone, on fait comment ?

Laurent Costy : Eh bien on le jette ou on le garde juste pour jouer à Shattered Pixel Dungeon ! Bon ! Plus sérieusement, je ne pense pas que l’on puisse faire autrement, pour des questions d’ergonomie, de n’avoir qu’une seule barre sur un ordiphone. Dans ce cas-là il faut utiliser les signets, activer la complétion automatique et taper correctement les URL pour limiter des requêtes inutiles qui sont plus consommatrices d’énergie. Ces conseils sont aussi valables pour un ordinateur, bien sûr, même quand on a deux barres, ou quarante !

Lorette Costy : Et je n’oublie pas non plus, après avoir écouté la chronique numéro 7 où, par ailleurs, j’ai une voix délicieuse, d’utiliser préférentiellement les moteurs de recherche alternatifs, ceci pour limiter les fuites de données vers les titans pervers du Web qui nous attaquent. Je peux activer aussi le mode de navigation privée sur mon smartphone.

Laurent Costy : Moi qui croyais que tu ne t’intéressais pas à ce qu’on raconte dans ces chroniques ! Je suis un père comblé ! Mais jouons avec les recherches pour appréhender à quel point cela peut être puissant. Tu te souviens quand nous avons joué avec Akinator ?

Lorette Costy : Ah oui, le site sur lequel on choisit un objet ou un personnage dans sa tête et, en quelques questions fermées qui paraissent improbables, le « génie » du site devine ce que tu penses.

Laurent Costy : Yep ! Par exemple, si tu choisis Astérix, en 13 questions, il devine que tu pensais à ce personnage de BD. C’est la puissance de la base de données consolidée au fil du temps qui permet d’être aussi efficace. Bien sûr, en jouant tu contribues à alimenter cette base de données et à renforcer l’efficacité de l’algorithme. Même quand tu es de mauvaise foi, je pense que le programme en tient compte et qu’il traite la séquence de manière différente.

Lorette Costy : Impressionnant, en effet, ce soi-disant « génie » ! Je connais aussi Webinette : tu essaies de savoir les termes les plus recherchés sur Google. Cette application précise qu’elle est une initiative indépendante et qu’il ne s’agit pas d’une marque de Google. Mais une bonne vieille belote des familles, c’est quand même plus convivial !

Laurent Costy : Je belote et rebelote sur ta dernière phrase. D’autant que pour Akinator ça mérite d’aller regarder les conditions générales d’utilisation du site, autrement dit les CGU. Ils disent « accorder une importance particulière à la protection des données à caractère personnel et de la vie privée de ses utilisateurs » mais, plus loin, ils listent ce qu’ils collectent.

Lorette Costy : Ah oui, tel un fin limier, j’ai trouvé les puces dans les CGU : l’adresse IP de l’appareil, la langue du système, le pays, les données de géolocalisation – oui, bien sûr, c’est important quand on répond à des questions ! –, les données à caractère personnel que vous pourriez nous communiquer lors de la création d’un personnage sur le site – pseudo, image, description du personnage, langue, etc. – et enfin, toutes les données pertinentes relatives aux événements au sein du site.

Laurent Costy : Jouer étant gratuit, leur modèle repose ici sur de la publicité ciblée. À utiliser avec parcimonie donc ! Mais je trouve que c’est assez démonstratif pour « ressentir » la force de la corrélation d’une grande quantité de données.

Lorette Costy : Mon esprit a cheminé durant cette merveilleuse chronique, surtout pendant tes répliques que je n’écoutais pas. On a peut-être oublié un argument de poids qui peut expliquer le coût exorbitant de ce vulgaire chiffon à poussière d’Apple – autrement appelé chiffonnette – et qu’un vieux gant de toilette usé pourrait allègrement remplacer !

Laurent Costy : Tu m’intrigues, ce n’est pas dans mes habitudes d’oublier un argument de poids ! D’autant que « p » étant égal à « m » multiplié par « g », ça fait des masses d’accélérations pour booster la réflexion !

Lorette Costy : Sur la lune cet argument aurait moins de poids et il y a plus de poussière. Bref ! Il a fallu investir énormément d’argent et de temps pour réussir à développer un objet interopérable ! Pour la première fois dans l’histoire d’Apple, tu as la possibilité d’essuyer, sans entrave, un autre écran qui ne serait pas de la marque !

Laurent Costy : Mais bon sang, mais c’est bien sûr que pourquoi donc on n’y avait pas pensé ! C’est lumineux ! C’est sans aucun doute un signe que les temps changent et l’heure semble être à l’interopérabilité ! On va pouvoir se quitter sur une note d’espoir, c’est merveilleux ! À la prochaine ma puce au silicium.

Lorette Costy : Bise mon Papa Potam !

[Virgule sonore]

Voix off : NDLR, Note De Le Rédacteur. Il faut savoir qu’entre le début d’écriture de la chronique, début décembre, et son enregistrement, début janvier, le carré Hermès a augmenté de 10 euros. Il est passé de 180 euros à 190 euros ! Bien essayé monsieur Mémess, mais le cm2 de chiffonnette Peupeule reste toujours plus cher que le cm2 de carré Mémess.
Merci à vous, à bientôt et bonne année 2022 !

[Virgule sonore]

Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy que nous devrions retrouver dès le mois prochain.
Nous approchons de la fin de l’émission. Nous allons terminer par quelques annonces.

[Virgule musicale]

Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l’April et le monde du Libre

Étienne Gonnu : Le pôle logiciels libres de la DINUM, dans le cadre de son initiative BlueHats Semester of Code, lance un appel pour le recrutement de stagiaires élèves de l’école CentraleSupélec autour de projets portés par des organismes publics, des entreprises ou des collectifs. Concrètement, la structure propose des objectifs, tandis que la logistique est entièrement prise en charge par le pôle logiciels libre, par exemple l’accueil physique de la promotion BlueHats et par l’école CentraleSupélec qui signe la convention de stage et gère les gratifications. L’appel à idées de stage est ouvert jusqu’au 6 mars à 23 heures 59. Nous invitons les structures que ça intéresse à candidater. Je vous rappelle également que nous avions reçu des personnes de la DINUM, notamment Bastien Guerry en charge du pôle logiciels libres, dans l‘émission du 14 décembre 2021.
Moins réjouissant, les députés examineront demain mercredi 16 février, en séance publique, une proposition de loi dont l’objectif est de permettre à l’autorité administrative d’ordonner à toute plateforme en ligne le retrait ou le blocage en une heure d’un contenu que cette autorité aurait qualifié de terroriste, donc sans le contrôle préalable d’un juge. Une mesure au caractère liberticide flagrant qui avait pourtant déjà été censurée par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la proposition de loi Avia dite de lutte contre la haine en ligne. Je vous invite à lire le communiqué de La Quadrature du Net sur ce sujet, qu’on mettra en référence sur la page de l’émission. Merci donc à La Quadrature pour son suivi et ses actions sur ces dossiers complexes.
Je vous rappelle enfin que vous pouvez trouver sur l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, des évènements en lien avec le logiciel libre et la culture libre près de chez vous.

Notre émission se termine.
Je remercie les personnes les personnes qui ont participé à cette émission : Marie-Odile Morandi, Laure-Élise Déniel, Frédéric Couchet, Ronan Chardonneau, Alexandre Bulté, Laurent et Lorette Costy.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, bénévoles à l’April, ainsi qu’Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci également à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet de l’émission en podcasts individuels par sujet.

Vous retrouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site web de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu mais aussi des points d’amélioration. Vous pouvez également nous poser toute question et nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact@libreavous. Juste pour prendre un exemple, j’ai récemment reçu un commentaire sur l’une de nos publications, disant que j’avais tendance à parler trop vite, à ne pas laisser assez de temps aux réponses. J’entends bien cette remarque que je trouve très constructive et je remercie l’auditeur qui m’en a fait part. Donc nous vous invitons à faire ces retours qui nous sont toujours utiles.

Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et également à faire connaître la radio Cause Commune, la voix des possibles.

La prochaine émission aura lieu en direct mardi 22 février 2022 à 15 heures 30. Notre sujet principal sera un sujet inédit, réalisé en direct, portera sur Mobicoop, une société coopérative spécialisée dans les questions de mobilité. Elle édite notamment une plateforme de covoiturage basée sur un logiciel libre, donc une émission très intéressante à venir, je pense.

Nous vous souhaitons de passer une belle fin de journée. On se retrouve en direct mardi 22 février à 15 heures 30 et d’ici là, portez-vous bien.

Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.